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<< vent, ils en écachent la pointe, et appuient tout au<< tour, plus sur le faux que sur le vrai. »

En voyant ainsi la lumière de l'inspiration, qu'on veut vainement isoler des autres lumières de l'entendement, naître, grandir, défaillir, s'éteindre avec elles, on arrive à défier de trouver l'utilité ou la possibilité de la distinguer de ces autres lumières, dont elle suit parallèlement les destinées. L'utilité! car si elle n'est pas plus efficace que les autres à détourner du mal, à quoi bon cette lumière de plus?-La possibilité! car si elle est inutile, pourquoi la supposer dans la Création, où rien n'est inutile1?

301. Réfutation de l'opinion qui place la connaissance absolue des objets du devoir dans la conscience inspirée par la charité. Ne faisons pas dire à la phrase de Cicéron : « Natura propensi sumus ad dili«< gendos homines, quod fundamentum juris est, » plus qu'elle n'a voulu dire! Surtout ne mutilons pas le précepte de l'Evangile : « Aimons-nous les uns les « autres, » pour lui prêter une erreur !

Distinguons bien la charité générale éclairée qui veut le bien de tous, et la bienveillance individuelle instinctive qui nous rend miséricordieux envers chaque être considéré isolément.

302. C'est à la première que l'Evangile et Cicéron font allusion. Cette charité générale éclairée par tous les moyens d'étude, c'est la science même du devoir, comme nous le verrons dans notre second volume. 303. Quant à la bienveillance instinctive indivi

1 « Nihil in terra, nisi causa sit. »

(JOB, chap. v, § 1, vers. 6.)

duelle, nous en avons limité l'emploi dans notre livre III. Cet emploi est la préparation du cœur au devoir. Le conseil de la charité individuelle « dérobe « à la source de toute lumière un de ses rayons « les plus chauds et les plus doux1: » mais l'étude donnera seule la lumière entière.

304. Essayez de vivre en suivant cette formule : Agir conformément au devoir, c'est agir de manière à satisfaire le plaisir d'aimer! et votre direction sera semblable à la marche d'un homme dans l'ivresse.

Le sentiment, considéré en lui-même, est aveugle. C'est l'aspiration; donc ce n'est pas la mesure ou la lumière de l'aspiration.

Le sentiment est inintelligent. Il ne sait pas, ou il ne sait pas bien ce qu'il faut faire pour produire le bonheur d'autrui. Qu'on me montre, si on le peut, comment celui qui voudra satisfaire le plaisir d'aimer, aura la force de punir? Pourra-t-il voir les larmes de l'enfant réprimandé? l'abattement du prisonnier privé d'air et de soleil? le désespoir de l'exilé songeant à la patrie? La charité individuelle supprimerait le principe de sanction: principe dont nous avons reconnu la légitimité, et établi l'identité avec le principe de détermination du devoir.

Ce n'est pas tout. Le sentiment est variable. Son étendue dépend de causes qui échappent à l'analyse. Tantôt il rayonne dans toute son effervescence; tantôt « l'inspiration du poète, la passion de l'amant, l'en<< thousiasme du martyr ont leur langueur et leur

1 Louis Reybaud.

« défaillance1. » Comment, de ces variations continuelles, peut-on espérer de voir sortir l'unité d'une direction?

305. Enfin le sentiment est multiple. Il peut s'attacher à beaucoup d'objets. Or, pour être juste, qui devons-nous aimer? notre femme? notre fils? notre mère? la patrie? l'humanité? Dieu? Voilà un premier embarras.

:

Tout cela à la fois?... Rien de mieux, si c'est possible. Est-ce possible? Oui, mais avec des degrés différents. Les élans du cœur sont plus ou moins forts suivant les objets. - Ecoutons Fénelon : Il faut préférer l'humanité à la patrie, la patrie à la famille. Platon est du même avis. - Consultons la pratique universelle c'est dans un ordre tout inverse que les affections se rangeront. Souvent l'amour de la famille a entraîné l'individu à sacrifier l'amour du pays parfois l'amour du pays a rendu tel premier ministre coupable du crime de lèse-humanité. Et cependant Aristote est de l'avis de la pratique universelle : « Vous vous trompez! disait-il à Platon, <«<< sur la nature de l'amour, et sur les lois de son « développement. L'amour n'est pas assez vaste pour << embrasser d'abord un si grand objet. Vous n'avez <<< qu'un peu de miel, et vous le jetez dans la mer. >> Qu'on propose l'ordre indiqué par Fénelon ou l'ordre adopté par le vulgaire, on sent du moins la nécessité d'un ordre. En d'autres termes, pour bien aimer, il faut concilier les divers amours.

1 Cousin, Le vrai, le beau, le bien, 13o leçon.

306. Concilier! c'est une œuvre d'intelligence. Nous voilà rejetés hors des impressions de la pure sensibilité.

C'est qu'en effet la sensibilité est le sujet qui obéit; donc elle ne peut pas être l'autorité qui commande. Même quand cette sensibilité devient spécialement la charité, c'est à un autre guide qu'il faut demander la direction à lui donner 2. La justice, suivant Leibnitz, est << la CHARITÉ DU SAGE: » du sage qui, dit le même auteur, «<amat omnes quantum ratio permittit. Cherchons donc ce que c'est que le sage, avant de chercher ce que c'est que la charité du sage.

CHAPITRE II.

DEUXIÈME SUBDIVISION DU PREMIER SYSTÈME.

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DÉTERMINATION

ABSOLUE DES OBJETS DU DEVOIR DANS LA CONSCIENCE INDIVIDUELLE, CONTROLÉE PAR LA CONSCIENCE D'AUTRUI.

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1 C'est ce que fait Fénelon, en subordonnant les sympathies les plus vives et les plus prochaines, aux sympathies plus éloignées, productives d'effets plus généraux.

• Definitiones ethica.

<< Promptitudo alios perficiendi dicitur bonitas; lex justitiæ est : bonitatem secundum legem sapientiæ administra ! »

(DARIES, Institut. jurisp. universalis, cap. v, S 229.)

tion, mais de l'inspiration réfléchie ne s'en rapportent pas, nous l'avons vu, au premier mouvement. Pourquoi? Parce qu'ils se défient des passions, toujours prêtes à élever la voix pour couvrir celle de la raison. Eh bien! un moyen se présente à eux : c'est de chercher dans la conscience désintéressée d'autrui un contrôle de leur conscience. Tel nous paraît le système connu sous le nom de système de la sympathie, proposé par Adam Smith'. Il s'analyse dans cette formule : « Agir conformément au devoir, c'est agir << de manière à ce qu'un spectateur impartial de tes << actions sympathise avec toi, c'est-à-dire se plaise <<< à t'approuver. >>

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308. Entendons-nous. Il ne s'agit pas de proposer, comme pierre de touche de la moralité, le plaisir que notre conduite fait éprouver à autrui, l'affection instinctive qu'elle excite, en notre faveur, dans le cœur du premier venu. Ce serait transporter la question dans le domaine de la sensibilité, où elle n'a rien à faire 2. Mais si l'on nous propose pour pierre de touche de l'appréciation de nos actes l'estime d'autrui, devra-t-on être écouté?

Et d'abord, c'est nous convier à la jouissance de la bonne renommée, «< jouissance divine», comme disait Platon, comme l'ont répété après lui Pascal, Reid,

Adam Smith, Théorie des sentiments moraux.

de la philosophie, par Tennemann, § 374.

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2 C'est dans ce sens que le système de la sympathie paraît inexactement entendu par M. Simon. Aussi n'y voit-il que le conseil de sacrifier au plaisir des autres, donc une morale fondée sur la passion.

(Le Devoir, pag. 279.)

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