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doit se défier de l'étude; qu'il faut croire à l'existence d'un autre critérium du bien et du mal, à une aperception plus rapide, accessible à l'ignorant comme au savant. Cette aperception est, dit-on, l'inspiration spontanée. Par elle, une voix parle en toute occasion un même langage. Sans son autorité irréfragable, qui seule peut donner à l'intelligence la sécurité, l'œuvre de Dieu serait imparfaite, et la liberté de l'homme serait abandonnée aux passions, comme la barque aux flots.

287. Arrière done, ajoute-t-on encore, l'indulgence coupable qui voudrait consacrer, dans la langue du juste et de l'injuste, les mots erreur morale, ignorance morale! On peut se tromper sur la question de fait, mais non sur le sens de la loi. Otons le masque à ce qu'on appelle erreur morale, ignorance morale! Nous trouverons sous ce masque le dol. Peuples qui déshonorez votre histoire! hommes qui déshonorez votre vie! vous faites toujours le mal par une volonté directe, ou au moins par un étourdissement complaisamment cherché.

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288. Conscience inspirée après réflexion. Il y a des personnes qui se défient du premier mouvement. Des éléments mauvais, apportés par la passion, pourraient se trouver mélangés dans l'inspiration de ce premier mouvement. Il faut écarter ces nuages qui voilent l'entrée du sanctuaire. Que la conscience se recueille avant de prononcer ses oracles! Ils apparaîtront alors dans toute leur pureté1. - C'est le con

1. Actio deliberate producta magis libera est quam actio indeliberata. » (DARIES, Instit. jurisprud. universalis, cap. IV, $ 177.)

seil que donne Barbeyrac : «< Avant que de se déter<< miner à suivre les mouvements de la conscience, il <<<< faut bien examiner si on a les lumières et les secours « nécessaires pour juger de la chose dont il s'agit. — << Supposé qu'en général on ne soit pas destitué de «< ces lumières et de ces secours, il faut voir si l'on <«<< en a fait usage actuellement dans le cas dont il << s'agit1. >>

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289. Conscience éclairée par la charité. Pour rendre plus sûre l'inspiration spontanée ou réfléchie, on propose de l'appuyer sur l'adjonction d'une certaine satisfaction de la sensibilité.

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Chercher le juste dans un prétendu équilibre de toutes les sensibilités respectives, dans le contre-poids des fantaisies opposées aux fantaisies, ce serait (nous l'avons constaté ci-dessus, (nos 45 et 46), mettre les passions elles-mêmes à la place de leurs règles, l'égoïsme tout entier à la place du frein qni doit le réprimer. Mais si, à côté des impressions de cet égoïsme, il se présente une impression toute contraire, l'impression d'un bonheur qui consiste à préférer autrui à nous-mêmes, ne sera-t-elle pas l'antagoniste naturel de l'ennemi qu'il s'agit de combattre? Ne suffira-t-il pas de la volupté pure apportée par elle, pour signaler à l'intelligence la conciliation cherchée entre l'amour de soi et l'amour du prochain?

On le prétend. Et l'on propose à l'intelligence, au nom de la sensibilité, pour direction de la conscience

1 Voir Puffendorff, Droit de la nature et des gens, liv. I, chap. III, § 5. Voir, dans le même sens, M. Bénard, Précis de philosophie (Morale, chap, III, art. 2).

dans les détails de la vie, l'impression bienveillante appelée charité ou plaisir d'aimer.

Tout d'abord, la charité proposée pour guide à la conscience plaît et rassure. Eh quoi! Il y aurait identité du mouvement du cœur, et de la lumière de l'esprit! Heureuse simplification de l'épreuve imposée à l'homme! La règle de la vie serait dans cette douce proposition « Agir conformément au devoir, c'est « agir de manière à satisfaire le plaisir d'aimer? »— Cette formule paraît contenue dans des propositions adoptées déjà par l'antiquité. Cicéron avait deviné l'Evangile en écrivant cette phrase trop peu remarquée « Natura propensi sumus ad diligendos homines; quod fundamentum juris est1. » — Une voix bien autrement puissante que celle de l'orateur romain n'a-t-elle pas dit: Aimez-vous les uns les autres 2! Exercer un acte de bienfaisance, s'exprime ainsi en hébreu: faire justice. Saint Grégoire appelle l'œuvre de miséricorde devoir de justice. Domat arrive à dire que « les premiers principes du << droit parlent à la fois et à l'esprit et au cœur. »

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du devoir dans la conscience
inspirée spontanément, ou
dans la conscience inspirée
après réflexion. - Première
objection, toute de senti-
ment, contre ces deux opi-
nions leur base est dans un
désolant pessimisme.

293. Pessimisme complet de l'opi-
nion qui admet la connais-
sance absolue de tous les
objets du devoir par la con-
science inspirée spontané-
ment. Attribution de tout
mal commis à la mauvaise
volonté de l'agent. - Néga-
tion de la possibilité de l'er-
reur morale.

294. Pessimisme moins complet de
l'opinion qui admet la con-
naissance absolue de tous les
objets du devoir par la con-
science inspirée après ré-
flexion.-Attribution de tout
mal commis à la mauvaise
volonté ou à l'étourderie de
l'agent. Négation de la
possibilité de l'erreur morale.
295. Réclamation de la charité con-'
tre ces deux pessimismes.
296. Épreuve proposée au lecteur
pour apprécier la négation de
la possibilité de l'erreur mo-
rale.

297. Rejet des opinions qui placent
la connaissance absolue de
tous les objets du devoir dans
la conscience inspirée spon-

-

tanément, ou dans la conscience inspirée après réflexion. Réfutation de ces deux opinions par l'autorité générale, le sens intime et le raisonnement.

298. Réfutation par l'autorité géné.

rale, qui admet, chez tous les

peuples,un pouvoir législatif. 299. Réfutation par le sens intime. 300. Réfutation par le raisonnement. 301. Examen 3o de l'opinion qui place

la connaissance absolue de tous les objets du devoir dans la conscience inspirée par la charité. · Réfutation de ce système par la distinction de la charité générale éclairée, et de la charité individuelle instinctive.

302. Charité générale éclairée: s'iIdentifie avec la science.

Renvoi à notre second volume.

303. Charité instinctive individuelle: préparation seulement à la science.

304. Danger de confondre la science avec un sentiment aveugle, inintelligent, variable.

-

305. Nécessité de concilier des sentiments multiples. Cette conciliation ne peut être du domaine du sentiment lui

même.

306. Conciliation de sentiments multiples travail de l'intelligence.

290. Plût au ciel que l'existence d'un organe fournissant à tous les instants, soit immédiatement, soit après un peu de réflexion, ou avec le concours de la charité, la distinction absolue des applications du bien et du mal, fùt un phénomène bien constaté! Pourrions-nous souhaiter une condition plus désirable

que celle d'auditeurs attentifs, abrités sous la chaire d'un ange gardien qui dicterait, à point nommé, ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter?... Mais hélas ! un si beau privilége est-il le nôtre?-Une minorité de penseurs sérieux élève tristement ses objections contre cette prétention. Profond est leur respect pour tout ce que contient et enseigne la conscience : Foi à l'intelligence, à Dieu, au moi, au monde extérieur, à la liberté, à l'existence du devoir, à ses caractères, à son premier principe, à la justice qui en prépare l'application, au contentement ou au remords qui en sanctionne l'observation ou la violation. Mais plus ils sont convaincus de la magnificence de ces prérogatives de la conscience, moins ils veulent en compromettre la certitude, en ajoutant maladroitement le rêve ambitieux d'une révélation absolue, identique pour tous, des plus minimes détails du devoir. L'observation de tous les jours dément, hélas! trop énergiquement cette croyance!.....

291. Montrons l'impossibilité de trouver cette révélation absolue, 1 et 2° dans la conscience inspirée spontanément, ou inspirée après réflexion; 3° dans la conscience inspirée par la charité.

292. Réfutation des opinions qui admettent la connaissance absolue de tous les objets du devoir par la conscience inspirée spontanément, ou par la conscience inspirée après réflexion. - Ce qui fait d'abord soupçonner une exagération dans la supposition d'une infaillibilité absolue de la conscience inspirée spontanément ou inspirée après réflexion, c'est le désolant pessimisme sur lequel cette supposition est fondée.

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