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peut voir la détermination absolue des objets du devoir :

Dans la conscience individuelle seule ;

Dans la conscience individuelle contrôlée par la conscience d'autrui ;

Dans la conscience du législateur;

Dans la conscience universelle, ou autorité générale;

Dans la conscience universelle primitive, attestée par la tradition.

Présentons successivement dans cinq chapitres : 1° l'exposition, 2o la réfutation de chacune de ces cinq subdivisions de ce premier système.

CHAPITRE PREMIER.

PREMIÈRE SUBDIVISION DU PREMIER SYSTÈME.

DÉTERMINATION

ABSOLUE DES OBJETS DU DEVOIR DANS LA CONSCIENCE INDI-
VIDUELLE SEULE.

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jets du devoir dans la con-
science inspirée spontané-
ment. Opinion commune en

ce sens.

285. Même opinion adoptée par certains philosophes.

286. Moyens de preuve invoqués à

l'appui de cette opinion:
autorité générale, sens in-
time, raisonnement.

287. Grave conséquence de cette
opinion: Impossibilité de

l'existence de l'erreur morale et de l'ignorance morale. 288. 20 Modification de l'opinion commune. Connaissance absolue de tous les objets du devoir dans la conscience inspirée après réflexion. 289. 3o Autre modification de l'opinion commune. Connaissance absolue de tous les objets du devoir dans la conscience éclairée par la charité.

283. La première subdivision du premier système place la détermination absolue des objets du devoir dans la conscience individuelle seule. Du reste, cette subdivision se présente elle-même avec plusieurs nuances. La conscience individuelle peut apparaître dans trois états différents, qu'on peut désigner par ces expressions conscience inspirée spontanément; conscience inspirée après réflexion; conscience inspirée par la charité.

284. Conscience inspirée spontanément. Telle action est-elle juste ou injuste? Pour résoudre, chaque fois qu'elle est posée, c'est-à-dire à toutes les minutes de la vie, cette question, l'opinion vulgaire dédaigne tout travail comme inutile, ou l'écarte comme dangereux. A entendre la grande majorité des hommes, nous avons, pour nous éclairer entièrement sur les détails les plus minutieux du devoir, les leçons privilégiées d'un enseignement soudain, immuable et uniforme: c'est l'enseignement infaillible d'une inspiration spontanée.

Veut-on poétiser cet enseignement? On le représente comme donné par une espèce de demi-dieu incarné en nous. Veut-on parler un langage plus positif?

On dit qu'à côté des sens de la vue, de l'ouïe, du goût, de l'odorat et du toucher, un sixième sens a pour fonction psychologique de dicter uniformément à tous les hommes tous les jugements moraux, comme la poitrine a pour fonction physiologique de produire uniformément tous les mouvements de la respiration. Sur ce sens intérieur, toutes les lois du devoir se réfléchissent comme sur un miroir.

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Législateurs, avez-vous à proposer un code? Magistrats, professeurs, avez-vous à en interpréter, dans un sens désirable, les obscurités? Votre âme illuminée trouvera sans effort, en elle-même, la définition de la vraie liberté, la liste des restrictions de l'individualité, la direction dans la voie de la conservation, du perfectionnement, du bonheur. Et l'homme privé? Comme vous il pourra s'écrier: Et moi aussi, je suis législateur!... Il promulguera, à sa dévotion, une morale et un droit naturel: il les opposera, s'il lui plaît, par une dédaigneuse antithèse, au droit positif, en accusant au besoin le législateur de s'être plu à contredire sa conscience en inventant ce droit positif pour en faire un droit contraire à la nature!

J'ai vu ainsi la plus grande partie de mes semblables passer tant bien que mal leur vie, persuadés que l'inspiration spontanée suffit pour leur donner, dans toutes les applications, la distinction absolue du juste et de l'injuste 2.

1 En prenant ces mots dans un des dix ou douze sens chimériques que nous aurons à repousser plus loin, dans le sens de l'æquitas cerebrina, suivant l'expression plaisante de Dumoulin.

Et, je le dis avec une triste conviction, c'est pour cela que j'ai réservé

1

285. Il faut même le reconnaître des hommes de science ont formulé cette croyance en système philosophique, sans s'apercevoir qu'ils descendaient, par une pente douce, vers le fatalisme 2, et qu'en voulant trop glorifier dans l'homme une des facultés de la raison, ils mutilaient à tort les autres ".

286. On cite, à l'appui de cette opinion, une prétendue autorité générale (dont on n'a point suffisamment analysé les éléments trompeurs). On présente, à tort ou à raison, le mot conscience comme devenu vulgaire dans cette signification. On soutient que les

pour un petit nombre d'élus le certificat de droiture d'intelligence, et celui de bonté de cœur, réunis sous le titre considérable d'honnête homme. Dieu me garde cependant de dire comme Michée (chap. vii, vers. 2): « Rectus in hominibus non est! »

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Voyez Rousseau, Jacobi, etc. Il faut citer avant tous autres comme ayant soutenu cette opinion avec l'élévation d'une âme généreuse, Hutcheson, professeur à Glascow (né en 1694, mort en 1747). Voir les ou vrages intitulés: Abrégé de la philosophie morale; Recherche sur l'origine des idées que nous avons de la beauté et de la vertu; Essai sur la nature et la conduite des passions et des affections, avec des éclaircissements sur le sens moral. Comparez Aslhey Cooper, comte de Shaftesbury, qui fait consister la vertu dans l'harmonie des penchants sociaux et personnels, et dans une satisfaction intérieure qui accompagne l'exercice des actes désintéressés. Aj. Wollaston. Manuel de l'histoire de la philosophie, par Tennemann, S 348.

Hutcheson, a trouvé de véhéments adversaires dans Price, Clarcke, Balqui, etc.

Dugald Stewart (Esquisse de philosophie morale, part. II, chap. 1) reconnaît que la définition du sens moral par Hutcheson est trop générale. Voir Hubner, Essai sur l'histoire du droit naturel, part. II, S 13. Manuel de Tennemann, no 350, 372, 374.

2 Dugald Stewart (loco citato) nous atteste qu'on a tiré du système d'Hutcheson des conséquences sceptiques; conséquences dont il cherche toutefois à le justifier.

3 Aussi, M. Tillard (Analyse, classement et nomenclature des divers ordres de lois et de phénomènes moraux et politiques) signale la contradiction qui consiste à repousser le mysticisme proprement dit, la contemplation de Dieu, pour tomber dans la contemplation de la conscience, autre mysticisme.

hommes, parlant à tout instant des avertissements de leur conscience, les considèrent comme des inspi-. rations identiques pour tous.

On appelle surtout en témoignage le sens intime individuel. On prétend qu'en s'observant bien, on se surprend, en toute occasion, invité à telle ou telle action par une attraction spontanée qu'on sent infaillible, ou détourné de telle ou telle action par une répugnance spontanée qu'on sent infaillible. Le secours de cet enseignement, dit-on, ne manque jamais. L'incorruptible conseiller est toujours là. Si sa voix n'est pas écoutée, c'est que la liberté humaine a voulu la mépriser. «< Tous les hommes voient la justice, parce « que la raison leur est commune; mais ils l'aiment « d'un amour inégal'. »

Enfin on a recours au raisonnement lui-même, pour démontrer que l'étude est insuffisante à fournir la science des applications du devoir. On reproche à l'étude, instrument contournable à fantaisie2, pliable en tous sens3, de procéder avec lenteur, d'être exposée à tous les piéges de l'erreur, de varier suivant les temps, les lieux et les divers degrés d'instruction des individus. Bien plus, « on a observé que, dans <«< certains cas, nous avons de la répugnance pour «< certaines actions jugées mauvaises, et que l'esprit «<<nous fournit des raisons ou des sophismes pour <«<< nous livrer à ces actions *. » — On en conclut qu'on

1 Simon, Le Devoir, partie III, pag. 296.

• Montaigne.

3 Pascal.

4 Comte, Traité de législation, liv. I, chap. tv.

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