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développer. Il faut un contre-poids aux premières influences de l'habitude fâcheuse qui tend à se contracter. Ce contre-poids, c'est la punition. Destinée à faire réfléchir le coupable, à lui faire comprendre mieux, par la souffrance, la souffrance qu'il a causée, « elle le dégoûte de ses difformités par l'expérimen<< tation de leurs suites1, » le purifie par l'expiation, l'améliore par la contrition du repentir 2. Pourquoi, en dernier résultat? Pour rendre à tous les intérêts compromis leur niveau, qu'il avait déplacé.

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Grotius a dit avec raison : « Dans toute punition, << on a en vue ou le bien du coupable même, ou l'utilité « de celui qui avait intérêt que le crime ne fût pas <«< commis, ou enfin l'avantage de tout le monde gé<< néralement. » -Bossuet a résumé ces vérités dans cette proposition : « La peine est dans l'ordre, parce qu'elle ramène à l'ordre ceux qui s'en étaient dé« voyés. »

1 Jean Reynaud, Terre et ciel, liv. VI.

2 Leibnitz (Théodicée) distingue nettement l'intimidation, moyen à employer contre les êtres irrationnels, et la correction, moyen à employer contre les êtres rationnels. - Il veut bien (si cela peut être utile, comme le prétend Rorarius dans son livre De la raison des bêtes) qu'on crucifie les lions en Afrique, qu'on pende les loups dans le pays de Juliers, qu'on cloue les oiseaux de proie sur les portes des maisons, pour écarter des lieux habités, par la peur d'un même sort, les lions, les loups et les vautours.—Mais pour les êtres intelligents, il rattache la justice pénale à l'idée d'expiation et de correction.

3 De jure belli et pacis, lib. II, cap. xx, § 6.

Premier sermon pour le 2e dimanche de l'Avent.

De ces prémisses sortirait logiquement cette conclusion tirée par Lamennais (Discussions critiques) : « Quand la loi punit un homme qui se repent <de son crime, elle punit un innocent. -Mais comment savoir si ce repentir existe aussitôt après le crime?.....

Une autre conclusion, c'est l'illégitimité de la peine de mort, qui ne laisse pas voie à l'amélioration.

223. Aussi, disons-le sans hésiter, la punition devient pour le coupable non seulement un devoir passif, mais un droit ou devoir actif. Nous trouvons une exactitude mathématique dans ces observations de M. Cousin: « Le démérite est, si l'on peut parler <«< ainsi, le droit que nous avons d'être punis..... Un <<coupable qui, ouvrant les yeux à la lumière du bien, <«< comprendrait la nécessité de l'expiation, non seule. <«<ment par le repentir intérieur sans lequel tout le << reste est vain, mais encore par une souffrance réelle «<et effective, un tel coupable aurait le droit de ré<«< clamer la peine qui seule peut le réconcilier avec « l'ordre. Et de telles réclamations ne sont pas si << rares. Ne voit-on pas tous les jours des criminels se «<< dénoncer eux-mêmes? » - Suivant Platon, le premier malheur d'un coupable est d'avoir violé la loi, le second d'avoir échappé au châtiment 2.

224. Si nous avons bien suivi cette démonstration, si la sanction extérieure imposée par la société nous apparaît comme la réclamation de l'ordre troublé demandant réparation, ne voyons-nous pas que, dans cette dernière application comme dans les précédentes, le principe de sanction est uniquement la répétition pure et simple du principe de détermination du devoir? Le principe de détermination demandait

1 Cousin, Le Vrai, le beau, le bien, 14o leçon.

Voir Le Gorgias.—Comparez les expressions latines repetere pœnas, solvere pœnas.

Une conséquence de ces principes, c'est que : « Quiconque punit, par a donne en même temps. >>

(Principes du droit naturel, de Wolff, analysé par Formet, liv. I, ch. 111.)

le respect d'un certain équilibre. Si par malheur cet équilibre est troublé, n'est-ce pas le principe de détermination qui, sous le nom de principe de sanction, demande à plus forte raison le rétablissement de l'équilibre?-Ce qui devait être maintenu ne doit-il pas plus évidemment encore être reconstitué 1?

TITRE III.

ACCORD DE LA CONSCIENCE ET DE LA FOI RÉVÉLÉE SUR LE PREMIER PRINCIPE DU DEVOIR.

« Nous sommes assurés que Dien ne peut jamais rien révéler de contraire aux véritables maximes de notre raison... Le saint livre éclaircit, confirme et met partout dans un plus grand jour les lois naturelles. »

(CUMBERLAND, de legibus naturæ, proleg., § 27.) 11. Mandatum hoc, quod ego præcipio tibi hodie, nec supra te est, neque procul positum:

12. Nec in cœlo situm, ut possis dicere: Quis nostrum valet ad cœlum ascendere, ut deferat illud ad nos et audiamus, atque opere compleamus?

13. Neque trans mare positum, ut causeris et dicas: Quis ex nobis poterit transfretare mare et illud ad nos usque deferre, ut possimus audire et facere quod præceptum est?

14. Sed juxta te est sermo, valde in ore tuo, ET IN

CORDE TUO. »

225. Nécessité d'une révélation naturelle du premier principe du devoir.

226. Confirmation de la révélation

(Deuteron., cap. xxx, § 2, vers. 11 à 14.)

naturelle par la révélation positive.

227. Explication du principe formulé par la révélation posi tive.

225. Tout chrétien attentif reconnaît qu'une révélation naturelle du premier principe du devoir doit

1 Dans un moment de colère, vous me jetez à l'eau ; puis, saisi de regret, vous vous y précipitez à votre tour pour me sauver... Vous dois-je une récompense? Non. Vous avez réparé votre faute : vous avez rétabli le niveau du bien moral.

exister à côté de la révélation positive. Il lui suffit pour cela d'apercevoir deux faits incontestables.

Le premier, c'est la nécessité d'une lumière morale autre que la révélation positive, pour les hommes qui ont vécu avant cette révélation. Veut-on faire remonter la perfection de celle-ci, en ce qui touche le devoir, plus haut que l'ère chrétienne? jusqu'au décalogue gravé sur les tables du Sinaï?..... Plus haut encore? jusqu'aux sept préceptes donnés aux enfants de Noé, dont les traditions hébraïques font mention 1, et sur lesquels Selden a voulu fonder tout le droit de la nature et des gens?..... Qu'importe? Une loi naturelle préalable apparaît toujours comme indispensable, au moins pour les temps qui ont précédé Noé 2. (A moins, comme cela a été soutenu, qu'on ne voie une première révélation chrétienne positive dans toutes ciennes mythologies.)

Le second fait à reconnaître, c'est la nécessité d'une lumière morale autre que la révélation positive, dans les lieux où celle-ci n'est point parvenue. L'Ancien Testament n'a été connu que dans une portion limitée du globe. Il en a été de même du Nouveau pendant

1 Plusieurs Pères de l'Église, quelques autres écrivains de l'Orient et les rabbins appellent ces préceptes : Lois des Noachides ou de la postérité de Noé.

V. Barbeyrac sur Grotius (liv. II, chap. 1, § 15); Hubner, Essai sur l'histoire du droit naturel (partie II, § 3).

2 Dans tout ce que contient la désolante philosophie d'Helvétius, il y a au moins deux lignes à emprunter. Ce sont celles où, plus attentif que bien des spiritualistes à glorifier la Divinité, il signale comme impiété la pensée que Dieu « ait pu laisser manquer le genre humain, pendant longtemps, « des connaissances nécessaires. »

3 • Traditiones Judæorum... non toti pariter generi humano innotue (CUMBERLAND, De legibus naturæ.)

. runt. .

quinze siècles. De nos jours, il n'a point pénétré dans les régions qu'il reste aux voyageurs à découvrir, et chez les peuplades dont le dévouement des missionnaires a encore à affronter la cruauté 1.

En conséquence, Tertullien affirme l'existence d'une révélation naturelle: Ante legem Moysis receptam, legem fuisse contendo non receptam, quæ naturaliter intelligebatur 2.

226. C'est cette révélation naturelle, si la conscience pouvait l'oublier, que la révélation positive est venue reproduire et populariser : « Ainsi que le << dit l'Évangile, quand le christianisme paraît, il ne <<< vient pas détruire la loi, mais l'accomplir. De même << il ne vient pas détruire le fruit humain de la pensée << philosophique, mais le mûrir3.»-La saine philosophie avait écrit de toute éternité, au fond des cœurs, ces grandes vérités : « Omnia quæcumque vultis ut « faciant vobis homines, et vos facite illis. Hæc

1 « Cum..... qui legem non habent, naturaliter ea quæ legis sunt faciunt..... sibi sunt lex. »

2 Adv. Judæos, cap. 11.

(SAINT PAUL, Epître aux Romains, II, 14.)

3 M. l'abbé Gratry, De la connaissance de Dieu, part. I, chap. iv.

Les premiers Pères de l'Église étaient si persuadés de cette identité des deux révélations, qu'ils admettaient l'obéissance à l'une comme équivalent de l'obéissance à l'autre.

Tous les hommes qui ont vécu ou qui vivent selon la raison sont véri<tablement chrétiens et à l'abri de toute crainte. » (SAINT JUST., APOL. II.) Gloire, honneur et paix à tous ceux qui ont fait le bien, soit juifs, soit « chrétiens. >> (SAINT CHRYS., homél. 36, 37.)

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« Le juste ne diffère point du juste, qu'il ait ou qu'il n'ait pas vécu sous << la loi. >> (SAINT CLÉMENT d'Alexandrie, Stromat. vI.) Nous empruntons ces citations à Benjamin Constant (De la religion, t. I, pag. 62).

Comparez Tennemann (Manuel de l'histoire de la philosophie, § 231).

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