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clamés, par cet illustre capitaine, les plus braves des Gaulois; devenus les alliés des Romains, admis dans les légions, ils maintiennent leur réputation de bravoure. Mêlés, plus tard, à la race franque, ils conservent leur énergie belliqueuse et secondent, dans ses conquêtes, la dynastie carlovingienne, née sur leur sol. Ils prennent la plus glorieuse part aux croisades, sous leurs chefs nationaux, les Godefroid de Bouillon, les Robert et les Baudouin de Flandre, les Baudouin de Hainaut, les Jacques d'Avesnes et tant d'autres illustres chevaliers, Au XIIIe siècle, les milices communales, fortement organisées, et les confréries militaires, formées dans nos villes, sous les noms de serments, ou gildes, rivalisent de valeur avec la chevalerie, pour la défense de la patrie. Réunies sous la domination des dues de Bourgogne, nos provinces leur fournissent ces compagnies d'ordonnances, qui, pour le nombre, la discipline et la bravoure, ne le cèdent à celles d'aucun autre pays. On retrouve cette puissante cavalerie aussi brave au temps de Charles-Quint, appuyée de la forte infanterie wallonne, souche de ces vieilles bandes, si formidables sous Alexandre Farnèze, et de ces intrépides régiments wallons, illustrés pendant les longues guerres du xvir et du XVIIIe siècle' et dont

1 « L'armée ennemie est plus nombreuse; elle est composée << de ces vieilles bandes wallonnes, italiennes et espagnoles, qu'on << n'avoit pu rompre jusqu'alors. »—. - Bossuet, Oraison funèbre du grand Condé.

le souvenir vit encore en Espagne et en Autriche. A une époque plus rapprochée de nous, nos pères, rangés sous les drapeaux de l'Autriche ou de la France, ont prouvé, pendant les luttes gigantesques de la république et de l'Empire, qu'ils n'avaient pas~ dégénéré de leurs ancêtres.

Et cependant, que de lacunes, que d'erreurs dans notre histoire! Combien de hauts faits, de noms illustres tombés dans l'oubli et ignorés non-seulement des étrangers, mais de nous-mêmes? Effet de l'influence fatale de la domination étrangère, sur la vie morale d'un peuple! Dès qu'il est déchu du rang de nation, il perd sa place dans l'histoire et lui-même, oublieux de son passé, ne se préoccupe pas de son avenir et laisse à des étrangers, à des rivaux ou à des ennemis, le soin de rédiger ses annales. Tel a été notre sort pendant trop longtemps! Tandis que l'on voit en France, en Italie, en Espagne publier de nombreux mémoires militaires, écrits par les contemporains des événements, en Belgique, guerriers et hommes d'État gardent le silence, ou du moins leurs œuvres ne parviennent pas jusqu'à nous. A quelles causes faut-il attribuer ce mutisme? est-ce à la différence d'origine et de caractère des peuples, comme le dit un historien'? Est-ce aux défiances de gouvernements jaloux et ombrageux, ou bien à l'intolérance

1 Amédée Thierry, lo. co.

religieuse? Toutes ces causes peuvent avoir exercé leur part d'influence, mais à nos yeux, la plus puissante est certainement la perte de la nationalité et de l'indépendance. Or qu'est-il résulté de là? Jetés, comme appoint, dans les armées bourguignonnes, impériales, espagnoles ou françaises, les Belges ont perdu même leur nom; ils sont devenus bourguignons, impériaux, espagnols ou français, et l'histoire ne s'est pas donné la peine de distinguer le contingent qu'ils ont fourni à ces armées, ni de leur attribuer une juste part de gloire et d'honneur. Eux-mêmes n'ont pas le courage de raconter des exploits achetés au prix de leur sang, mais stériles pour la patrie, et ainsi restent en oubli des faits et des hommes dont elle aurait le droit de s'enorgueillir. Trop souvent nous sommes obligés d'aller puiser. aux sources étrangères, les éléments de notre propre histoire, et comment, en l'absence de récits dûs à des écrivains nationaux, vérifier les allégations d'ennemis ou d'émules jaloux? A côté des erreurs involontaires de l'historien peu attentif ou mal informé, viennent se ranger les rapports mensongers de l'auteur intéressé à présenter les faits sous un jour favorable à sa nation, à dissimuler des fautes ou des échecs, à amoindrir le succès des adversaires. Tous les documents propres à exercer ce contrôle et à aider à la manifestation de la vérité historique, sont donc dignes d'attention. Sans avoir une grande im

portance, soit par leurs développements, soit par la position de leur auteur, les mémoires, à peu près ignorés, dont nous donnons une nouvelle édition, peuvent servir à combler des lacunes, à rectifier des erreurs et à restituer leur véritable caractère à certains événements. Ils donneront, en tous cas, une juste idée de la valeur des officiers et des soldats belges et du rang distingué qu'ils occupaient dans les armées du xvIe siècle. Nous osons donc espérer que cette publication ne sera pas sans utilité pour les études historiques, qui ont reçu une si vive impulsion depuis que la Belgique, rentrée en possession d'elle-même, réveille ses souvenirs, reconstitue son passé et recherche, avec soin, ses divers titres de gloire.

Ces mémoires qui n'étaient pas destinés à la publicité, n'ont vu le jour qu'un siècle après la mort de leur auteur; imprimés, pour la première fois, en 1664, à Tournay, chez la veuve Adrien Quinqué, à l'enseigne de saint Pierre et saint Paul (in-12 de 150 pages), ils ont reçu le titre suivant :

« Les mémoires non encor veues du sieur Fery de « Guyon, escuyer, bailly général d'Anchin, Pes« quencour, contenantes les batailles, siéges de ville, rencontres, escarmouces, où il s'est trouvé, tant en « Affrique, qu'en l'Europe, pour l'Empereur Char« les V, et Philippe II, roy d'Espaigne, son fils de glorieuse mémoire; par P. de Cambry, prestre

a

« licencié ès droicts, chanoine de Renay, son petit

»-

<< fils. Avec cette épigraphe : « Laudamus viros

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gloriosos et parentes nostros, in generatione sud. » Ecclesiast. 44. L'exemplaire qui a servi à notre réimpression appartient à la bibliothèque royale'.

Fery de Guyon n'a pas la prétention de donner à son récit simple et naïf, les proportions de l'histoire; placé dans un rang très-secondaire, il ne s'ingénie pas à rechercher les causes des grands événements du règne de Charles-Quint, ni à connaître les plans de campagne de ses chefs, il se borne à narrer ce qu'il a vu, ce qui lui est arrivé, et s'abstient de toute réflexion; « moins exercé au maniement de la « plume que des armes, esquelles, après un long « apprentissage, il avoit passé maitrise, il a escrit «< ces mémoires et notices, pour son plaisir particu<< lier et se donner quelques fois, dans le loisir, le « contentement de se les remémorer, sans penser qu'après son décès, elles dussent passer à d'autres << mains, que de ses descendans 2. »

Ces récits d'un soldat reflètent l'esprit militaire de son temps et les usages de la guerre, tout empreints encore des idées à la fois chevaleresques et barbares du moyen-âge; ses souvenirs personnels peignent avec une extrême vérité les hommes d'armes de cette époque si agitée; ils nous font connaître leurs

1 Fonds Van Hulthem, no 26,150. 2 Préface du premier éditeur.

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