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CHAPITRE XIV.

De la prinse de la Goulette par l'Empereur, de la deffaite de Barberousse, et prinse de Thunis en Barbarie.

L'Empereur en ce temps alla à Genua', là où il s'embarqua pour Espaigne, fit assembler les courts, où fut ordonné de faire le voyage et emprinse de Thunes, et de la Goulette. Les ordonnances faites Sa Majesté vint à Barcelona, ville capitalle du royaume de Cataloigne. De là il manda faire son armée tant en Espaigne, Portugal, qu'en Italie, ensemble ès Pays-Bas et Allemaigne. Le roy de Portugal y envoya l'infante son frere avec une armée de mer fort belle, et bien esquippée de gallions et caravelles, avec force artillerie. Bref Sa Majesté partist dudit Barcelona avec toutes les navires, galeres et brigantins qui se purent armer par tous les royaumes d'Espaigne et de Portugal'.

L'armée d'Italie s'assembla à Naples et à CastelMare, là où les vivres principales furent embarqués.

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ausquelles don Alvaro de Bazan adjoignit 12 autres hespagnoles, sur lesquelles il tirat Mendoze et ses gens et mist en « leur place le capitaine Rodrigue Machico, avec nouvelles forces « et grandes provisions, puis se retirat en Sicile. » Gollut, 1623.

1 Arrivé le 28 mars 1533 à Gênes, Charles-Quint en partit au mois d'avril suivant, à bord de la flotte d'André Doria. Mirœus, p. 398.

2 Cortez.

3 Tunis.

4 L'infant don Louis.

5 Voyez, sur la composition et la force de cette armée, les détails donnés par Gollut, p. 1628 et suiv.

6 Castella-Mare.

Les galeres de Rhodes y survindrent', celles dudit Naples, Genua, Sicille, celles du pape Sygales2 et autres cinquante ou soixante grosses navires, vingtcinq ou trente grosses ourques' d'Hollande.

Le nombre des soldats estoit d'environ dix mil lansquenets, dix mil espaignols ou environ, dix mil italiens; des gens de chevaux il n'y en avoit pas, sinon de la maison de l'Empereur, et cinquante chevaux legers que menoit un gentil-homme grec de la ville de Coron nommé Lassaro“.

Les armées doncques se partirent dudit Naples pour aller trouver Sa Majesté en Sardaine, en la ville principalle nommée Calari, où nous arrivames un jour devant l'Empereur, à la venuë duquel fut faite une grande salve d'artillerie, trompettes, et tambourins, c'estoit environ la fin de juin l'an 1533°. Le lendemain toute l'armée se mit en chemin tirant

1 L'île de Rhodes avait été enlevée à l'ordre des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à la fin de 1522, après un siége mémorable; Charles-Quint donna à l'ordre l'île de Malte, où celui-ci s'établit le 26 octobre 1530; il avait pour grand maître Pierre del Ponte, à l'époque de l'expédition contre Tunis.

2 Le texte présente ici une lacune, ces mots, celles du pape Sygales signifient que les galères du pape étaient commandées par le vicomte de Cigalla, l'un des bons officiers d'André Doria. Brantôme, t. I, p. 107 et 111.

Ce mot est aussi le nom d'un poisson de mer.

4 Les chiffres de l'auteur ne sont d'accord ni avec ceux de Gollut, ni avec ceux de la relation de l'expédition de Tunis, publiée dans les Papiers d'État du cardinal de Granvelle (t. 11, p. 380); on lit dans ce document: « Hispanorum tredecim millia, Ger« manorum septem, Italorum item septem millia; equitum hispa«norum levis armaturæ, qui eorum linguâ genetes nuncupantur, « mille et quingenti.

5 Cagliari était le rendez-vous général de l'armée impériale 6 La flotte mit à la voile le 14 juin 1535.

vers la Goulette, et si j'ay bonne memoire, en deux jours et deux nuits y arriva ladite armée. Le troisiesme jour', en arrivant en la plage de Cartage, fut fait tel devoir que la terre fut gaignée, et les Turcs repoussez, avec les Mores et Arabes jusques aux environs de Cartage', ayans esté bien estonnez de voir et ouyr tant d'arquebuserie tirer allentour de leurs oreilles.

Ledit Barberousse avoit bien lors en son armée deux cens mil hommes, dont en demeurerent tuez sur la place bonne quantité. Cependant l'armée s'approchoit de terre, et desembarquoit le reste des chrestiens; la nuit survenante, Sa Majesté fit retirer son armée vers une tour nommée la tour de Leave3, à cause qu'il y a des fontaines, et aussi parce que c'estoit le chemin pour aller assieger la Goulette. Un jour ou deux apres se commencerent à faire les approches mais il survint quelque dissention entre les nations, à qui auroit l'avantgarde et pour ne favoriser les uns plus que les autres, l'on jetta le dez et le sort tomba sur la nation d'Italie, de laquelle estoit colonel le prince de Salerne*, si que furent faites les premieres approches et bastions par le conte de Sorne' son frere, lesquels avoient nombre d'Italiens sous eux. Le premier fort fut de cent pas en quar

1 L'armée impériale débarqua le 16 à Porto-Farina, et dès le lendemain elle commença le siége de la Goulette.

2 L'auteur semble confondre Tunis avec Carthage, dont les ruines se voyent à quelque distance de cette ville.

3 << De l'Euwe ou des Eaues. » Relation de la prise de Tunis et Traité de paix. Papiers d'État, t. II, p. 372, 377.

4 De la maison de San Severino.

5 Le comte de Sarno avait commandé la gendarmerie enfermée dans Pavie, avant la bataille. V. plus haut, p. 10.

rure, là où ils se mirent avec leurs gens, jusques à mil hommes de pieds. Les ramparts estoient hauts de cinq à six pieds, et autant d'espesseur, et s'advançant par une nuit environ de mil pas de la Goulette, où il y avoit cinq ou six mil hommes de pieds, lesquels furent bien esbahis de voir et avoir par une nuit un tel fort et si proche d'eux : ce qui les fit deliberer de les venir assaillir le mesme jour dans ledit fort, à quel effet sortirent de la Goulette quatre à cinq mil hommes, qui comme gens enragez vindrent les testes baissées droit au fort, fermé de tous costez. Lesdits contes et leurs gens ne firent semblance de se deffendre, jusques à ce que lesdits turcs et arabes fussent tous proches, et quand ils virent qu'ils estoient assez près, ils commencerent à grands coups d'arquebuses les charger, tirans au travers, tuans et les deschassans jusques à l'entrée de leur fort, qui fut une chose mal ordonnée; car ils sortirent encor au secours desdits turcs deux mil hommes de renfort, qui repousserent et dechasserent lesdits Italiens jusques à leur fort. L'allarme estoit grosse en nostre camp, et les Espaignols n'y sçeurent jamais venir1, que le conte et son frere, et la plus part de ses gens ne fussent tuez et leur fort gaigné par les Turcs, qui en avoient prins possession; neantmoins fut rendu tel devoir par les Espaignols, qu'à grande perte des infidelles, ledit fort fut regaigné, pour lequel garder fut denommé mon capitaine avec autres trois enseignes, jusques à ce que les tranchées fussent faites jusques à l'endroit d'iceluy, si que petit à petit, toutes les

Les Espagnols ne purent secourir les Italiens qu'après des pertes considérables éprouvées par ceux-ci. Brantôme, t. 1, p. 98.

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nuits, se faisoient les approches et tranchées par les gens de pieds espaignols, sans les esclaves qui alloient couper les fachines ès montaignes voisines, et amenées par les galeres.

Le devoir fut tel que l'on fit preparation de hautes montaignes pour faire deux batteries, l'une pour les Espaignols, et l'autre pour les Italiens. Cet ouvrage achevé, l'artillerie fut assise de nuit, et à mesme temps fut ordonné que toutes les galeres s'approcheroient du costé de la mer', et feroient devoir de tirer, afin de rompre toutes leurs deffenses, ce que fut fait, et durerent lesdites batteries jusques environ les trois heures apres midy.

Les bresches bien recognuës, et le rapport en fait à Sa Majesté, il fit mettre tout le reste de son camp en bataille, tant gens de pieds que de chevaux, ordonnant que les assauts se donnassent, tant par mer que par terre. La derniere vollée de canon donnée, le P. Cordelier avec sa croix sortit le premier des tranchées, et courut droit aux bresches de la ville, en criant et donnant courage aux soldats qui illec estoient ordonnez et preparez pour donner l'assaut, lesquels sortirent incontinent, sauterent sur les bresches, combatans de tel courage et si vaillamment main à main, que nous entrames pesle mesle avec les Turcs dedans ladite Goulette, tuans et deschassans mil pas plus avant que ledit fort*.

1 Le fort de la Goulette domine la rade de Tunis.

2 Tandisque les princes chrétiens, entraînés par de mesquines querelles d'ambition, consumaient inutilement leurs forces les uns contre les autres, le sultan Soliman envahissait la Hongrie et prenait Belgrade, puis, tournant ses armes contre l'île de

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