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que les nouvelles vindrent de Sa Majesté à Rome, qu'il l'eslisoit pour son lieutenant general, et incontinent que les soldats entendirent ces nouvelles, ils le redemanderent et prierent de retourner avec eux, et qu'ils estoiont prests à faire ses commandemens, comme à la propre personne de Sa Majesté, en luy envoyant grosse escorte de gens de pied et de cheval jusques à Aquapendente, là où il y eust grosse mutinerie contre ceux de la ville, lesquels de nuit avoient coupé la gorge à un capitaine d'escoadre italien et à son compagnon, qui ne furent trouvez le matin, leurs compagnons en firent l'allarme, commençans à tuer les habitans par plus de cinquante: mais les seigneurs et capitaines y remedierent, et fut quasi la ville toute saccagée.

Le lendemain les tambourins sonnerent, marchant ⚫ ledit prince vers Rome, là où il arriva, et fut receu en grand triomphe.

CHAPITRE VIII.

Comme le roy de France depescha le sieur de Lautrect avec une puissante armée vers Italie.

Le roy de France estant adverty des desordres et mutinations qui estoient au camp de l'Empereur, lesquelles durerent longuement, fit marcher à grande diligence une armée en Italie, de laquelle il fit general le sieur de Lautrect', vaillant chevalier, accom

1 Odet de Foix, sire de Lautrec, lieutenant général de Louis XII en Guyenne, fut nommé gouverneur de cette province à l'avènement de François Ier. Il remplaça le connétable de Bourbon, dans le gouvernement du Milanais, en 1516. Brantôme.

paigné de monsieur de Saint-Pol', monsieur de Vaudemont', le conte Pietre de Navarre', et plusieurs grands seigneurs du royaume de France, marchants à grande fureur vers le duché de Milan, laquelle par eux fut gaignée, car la frayeur estoit grande.

Monsieur de Saint-Pol demeura gouverneur d'icelle. Le sieur de Lautrect augmentant son armée, à la coustume d'Italie, vive qui vive, marcha avec sadite armée du long de l'Italie.

Auparavant il avoit gaigné et prins par force la ville de Pavie, ce que le roy son maistre n'avoit peu faire; avoit aussi prins Alexandria, et toutes les villes qu'il assiegea; mesme le marquis de Saluze se vint rendre à luy, bref avant que partir du duché de Milan, son armée estoit de cinquante mil hommes ou environ.

Il print donc son chemin vers Plaisance, de là à

1 François de Bourbon, comte de Saint-Pol, alors gouverneur du Dauphiné, ne faisait pas partie de l'armée de Lautrec; il entra seulement au mois d'août 1528 dans le Milanais, à la tête de 10,000 hommes ; le 21 juin 1529, il fut surpris et fait prisonnier à Landriano, par Antonio de Leyva. Du Bellay, p. 432, 436.

2 Frère du duc de Lorraine, il commandait les landsknechts. Ibid. Gollut, 1604.

3 Petro Navarro avait commencé sa carrière sous Gonzalve de Cordoue, le grand capitaine. Il commandait l'infanterie espagnole à la bataille de Ravenne (1512), il y fut fait prisonnier et sur le refus de Ferdinand le Catholique de payer sa rançon, il passa au service de France. Il conduisait 6,000 gascons dans l'armée de Lautrec.

4 Les Français n'occupèrent qu'une partie du Milanais; Antonio de Leyva continua à rester maître de la ville de Milan et des environs. Du Bellay.

5 On a vu que M. de Saint-Pol n'était pas en Italie à cette époque.

Castel Saint-Jean, à Modena, à Boloigne ', à Faenza, à Imola, ayant vivres trop abondamment, et nous grand necessité quand par là passames.

De là il print son chemin au long de la Romaine', tirant vers la Marque d'Anconne', laissant Nostre Dame de Lorette et Recanata à la main gauche, et entra par l'Abruzze sans trouver resistence quelconque; ains toutes les provinces, villes et chasteaux se venoient rendre à luy.

Il faisoit courrir le bruit qu'il alloit combattre et dechasser le prince d'Orange, qui pour lors estoit dedans Rome avec peu de gens; car la plus grande partie de soldats s'estoient fait riches et retirez chez eux; le reste, pour la plus grande part estoient morts de peste et le temps durant qu'ils furent sans general, les plus forts avoient esté les maistres, et se tuoyent, bandez les uns contre les autres par escadrons. De maniere que quand monsieur le prince fut adverty que Lautrect prenoit le chemin du royaume de Naples, il fit un parlement avec les capitaines, et leur remonstra qu'il estoit necessaire pour le service de l'Empereur, d'aller secourir ledit royaume, comme son propre patrimoine, ce que luy fut accordé sans leur bailler un seul liard'; mais il leur fit entendre que l'armée ennemie estoit petite, laquelle

1 Lautrec partit de Bologne le 9 janvier 1528.

2 Romagne.

3 Marche ou frontière d'Ancône.

4 Cette allégation n'est pas exacte : le prince d'Orange eut une peine extrême à faire sortir l'armée impériale de Rome; pour la ramener à l'obéissance, les représentations et les promesses ne suffirent pas, il fallut de l'argent et le pape donna au prince 40,000 ducats.

il auroit bien tost vaincuë et que là serions encor une fois tous riches.

CHAPITRE IX.

Comme le prince d'Orange se mit en marche pour faire teste au François pretendant de sieger et prendre Naples.

Deux jours apres', ledit prince marcha avec quinze ou seize mil hommes tirant vers le royaume❜, afin de couper le chemin audit Lautrect: lequel toutesfois avoit fait telle diligence, que paravant l'avoir attaint, il estoit dans la Poüille. Avoit prins Barleta, et la plus part des villes et ports du long de la mer, à l'ayde et assistence des Venitiens (lesquels avoient une armée de mer) furent prinses et renduës. Nonobstant quoy ledit prince ne laissa, avec son petit camp, de tirer à grandes journées jusques au royaume de la Poüille, arriva à une petite villette nommée Troya, voisine de Barleta, là où bien prés estoit campé mondit sieur de Lautrect, lequel estant adverty qu'il avoit ses ennemis si prés de luy, fit

1 L'armée impériale se remit en campagne le 17 février 1528. 2 Le royaume de Naples.

3 Outre la flotte, commandée par Giovanni Moro, les Vénitiens avaient fourni une armée de terre; leurs chevau-légers, levés dans les montagnes de l'Épire, étaient supérieurs à tous ceux qui faisaient le même service en Europe; telle est l'origine de la cavalerie albanaise dans les Pays-Bas, sous Charles-Quint et Philippe II et des stradiots en France, ces soldats parcourant la campagne, allant à la découverte, pour reconnaitre la position et les mouvements de l'ennemi, furent ainsi appelés du mot italien strada, chemin; de là aussi battre l'estrade, batteur d'estrade. Daniel, hist. de la milice franç., 1, 167.

incontinent marcher son armée pour venir donner bataille, parce que nos chevaux legers luy faisoient tout plain d'allarmes, en leur destroussant les vivres : et fit ledit Lautrect tel devoir, que le deuxiesme jour de bon matin arriva avec tout son camp audit Troye, là où nous estions campez. Nous n'eusmes pas autre remede sinon de faire nos escadrons et monstrer bon visage, donnant à cognoistre que ne desirions autre chose que combattre, et de fait se vindrent presenter; mais voyant le bon ordre, et nostre maintient bien recognu par ledit Lautrect, il ne voulut consentir à donner bataille.

Toutesfois monsieur de Vaudemont qui menoit l'avantgarde avoit fait halte, et vouloit donner dedans, avec l'opinion de plusieurs sieurs princes et capitaines mais ledit Lautrect leur fit commandement et defense (comme lieutenant du roy) de ne le faire, remonstrant que c'estoient gens desesperez, et qu'en bref temps il les mettroit en telle necessité qu'ils se viendroient tous rendre à luy et à ses gens. Cependant ils firent des grosses escarmouches, et pour ne perdre temps ledit Lautrect fit marcher son camp, et loger pour cette nuit là à une lieuë prés de nous, sur une petite riviere, tirant le chemin de Malfe'.

Ladite ville de Troye est assise sur une montaigne, d'où bien à plaisir se vid passer tout le camp des François mesme en passant se comptoient les rangs des escadrons, tant de pied que de cheval.

Le prince d'Orange et autres sieurs et capitaines

1 Melfi.

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