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qui commandoit d'imiter en beau, et prononçoit une peine contre ceux qui enlaidissoient en imitant. Ce n'étoit point une loi contre les barbouilleurs, selon l'opinion commune, qui est même aussi celle de Junius'; c'étoit une condamnation des Ghezzi de la Grèce, un arrêt contre cet indigne artifice, qui atteint la ressemblance en exagérant les parties laides de l'original, en un mot contre la caricature.

Ce même sentiment du beau avoit dicté la loi des Hellanodiques. Tout vainqueur aux jeux Olympiques étoit honoré d'une statue, mais il falloit y être trois fois vainqueur pour que cette statue fût Iconique; c'est-à-dire pour qu'elle représentât l'athlète qui la recevoit. On ne vouloit pas multiplier les portraits, de peur de multiplier les ouvrages médiocres; car quoique ce genre admette un certain idéal, la ressemblance doit être son principal caractère. Le portrait est l'idéal d'un certain homme, et non de l'homme en général.

Nous rions quand on nous dit que chez les anciens les arts mêmes étoient soumis à des

1 De pictura Vet. lib. 11, cap. IV. §. 1.

loix civiles; mais nous n'avons pas toujours raison lorsque nous rions. Les loix ne doivent, sans doute, s'attribuer aucune autorité sur les sciences, dont le but est la vérité. L'ame a besoin de la vérité, et c'est une tyrannie de lui imposer la moindre contrainte dans les efforts qu'elle tente pour satisfaire à ce besoin essentiel; mais le but des arts est le plaisir, et le plaisir n'est pas un besoin indispensable. Le législateur a donc le droit de déterminer et les divers genres de plaisir et le degré de chaque genre qu'il veut tolérer.

Les arts du dessin en particulier, outre leur influence infaillible sur le caractère de la nation, peuvent avoir des effets qui exigent de la loi une surveillance particulière. Si d'abord on dut les belles statues à la beauté même des hommes, il y eut bientôt réaction de la part des premières; et de beaux hommes furent à leur tour donnés à l'état par l'effet des belles statues. Chez nous, au contraire, si l'imagination des mères est aussi facile à ébranler, des produits monstrueux semblent en être le résultat unique.

En considérant sous ce point de vue certains récits des anciens qu'on traite de fables,

je crois y appercevoir quelque vérité. La mère d'Aristomène, celles d'Aristodamas, d'Alexandre-le-Grand, de Scipion, d'Auguste, de Galère rêvèrent toutes, dans leurs grossesses, qu'elles avoient affaire à un serpent. Le serpent b étoit un symbole de la Divinité, lequel manquoit rarement aux belles statues, aux beaux tableaux de Bacchus, d'Apollon, de Mercure et d'Hercule. Les bonnes femmes dont nous parlons n'avoient cessé, pendant le jour, de repaître leurs yeux de la figure du dieu : dans la confusion du rêve, ce fut celle de l'animal qui se présenta. Voilà comment on peut sauver l'authenticité du songe des mères, en abandonnant l'ex. plication qu'en donnèrent. l'orgueil des fils et l'effronterie des flatteurs; car enfin ce n'étoit pas sans cause que ces rêves adultères avoient toujours un serpent pour objet.

Mais je m'écarte de mon but. Je voulois seulement établir que chez les anciens la loi suprême des arts du dessin étoit la beauté.

Cela posé, il s'ensuit nécessairement que tous les autres objets qui pouvoient d'ailleurs entrer dans la sphère de ces arts, devoient en sortir quand ils devenoient incompatibles avec cette loi suprême, et que lorsqu'ils ne

l'étoient pas, ils devoient au moins lui rester subordonnés.

Arrêtons-nous à l'expression. Il est des passions et des degrés de passion qui se manifestent sur le visage par les contractions les plus hideuses, et dans le corps par des attitudes si violentes, qu'elles détruisent toutes les lignes de beauté qui le circonscrivent dans un état de repos. L'artiste de l'antiquité s'abstenoit entièrement de rendre ces passions extrêmes, ou bien il les prenoit à un degré moindre, qui souffroit encore une certaine mesure de beauté.

Aucun de leurs ouvrages ne fut déshonoré par l'expression de la rage ou du désespoir. J'ose affirmer que jamais ils ne représentérent les furies c.

Ils réduisoient la colère à la sévérité. Chez le poète, Jupiter est en courroux quand il lance la foudre; chez l'artiste, il n'est que sévère.

La désolation s'adoucissoit en simple affliction; si cet adoucissement étoit impraticable, si la désolation ne pouvoit être exprimée sans dégrader le personnage, en même temps qu'elle le défiguroit... que faisoit Timanthe? on connoît assez son tableau du sacrifice

d'Iphigénie, où il peignit sur le visage des assistans les divers degrés de douleur qui convenoient à chacun d'eux, et voila le visage du père qui auroit dû en montrer le dernier degré. On a dit là-dessus de fort belles choses'; l'un veut que le peintre ayant épuisé tous les traits qui marquent la douleur dans les autres figures, ait désespéré de les surpasser dans celle d'Agamemnon : il a confessé par-là* dit un autre, que la désolation d'un père est inexprimable dans une pareille occasion. Pour moi, je ne vois ici ni l'impuissance de l'artiste ni celle de l'art. L'expression des traits du visage qui manifestent une affection se renforce avec l'affection même. Le dernier degré de celle-ci se montre au-dehors par les traits les plus énergiques, et rien n'est si facile à l'art que de les imiter. Mais les graces ont mis à cet art des bornes que Timanthe connut parfaitement. Il savoit que

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1 (Plin. lib. xxxv. sect. 36.) Cum mæstos pinxisset omnes, præcipue patruum, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere.

2 Summi mæroris acerbitatem arte exprimi nou posse confessus est. (Valer. Max. lib. v111. cap. 6.

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