Images de page
PDF
ePub

dans du café, et demain matin, lorsque le lavement laxatif aura produit son effet, on en donnera un simple, mais très-petit, avec 60 centigrammes de sulfate de quinine.

Le 17, il n'y a point d'accès, du moins d'accident important, mais seulement des bâillements matin et soir. Même traitement.

Le 18, le lavement de quinine n'a point été pris; la malade a voulu rester quelque temps levée dans l'après-midi, et, un instant après s'être recouchée, elle est prise de légers accidents qui ne sont pour ainsi dire que les rudiments de l'accès. Même traitement et tisane de valériane.

Le 19, jusque vers sept heures de l'après-midi, la malade est beaucoup mieux que les jours précédents; elle a bien dormi, elle n'a point éprouvé de bâillements après son réveil, et, bien que n'ayant pris que du chocolat sans pain et de simples bouillons pour nourriture, elle me dit, vers une heure de l'aprèsmidi, qu'elle se sent plus forte que les jours précédents. Son pouls est moins fréquent, sa peau d'une bonne température, sa langue presque nette. Mais, vers sept heures, sans, me dit-on, qu'aucune imprudence ait été commise, la malade perd tout à coup l'usage de la parole, sa figure se refroidit, ainsi que les extrémités, et devient d'une pàleur mortelle; les traits se décomposent, on croit que la mort approche. Cet accès coïncide avec l'apparition des règles, venues plus tôt que de coutume.

Appelé en toute hâte, j'arrive promptement près de cette femme. Son visage. est encore fort pâle, grippé; mais elle commence à pouvoir parler : J'ai cru, me dit-elle, que j'allais mourir. Cet accès ne ressemblait point aux précédents; cette fois j'ai senti ma langue s'enchaîner, mes mâchoires se resserrer et mes idées se perdre. A peine s'est-elle exprimée ainsi, qu'elle est saisie d'un tremblement général; ses dents claquent.-Vous avez donc froid, lui dis-je ? Non, me répondit-elle.—Je remarque que, malgré ce tremblement qui persiste plus d'un quart d'heure, la peau redevient très-chaude, se colore bientôt au visage et s'y couvre, ainsi qu'aux extrémités supérieures, d'une sueur visqueuse. Le pouls, encore très-faible au moment de mon arrivée, se relève graduellement, mais en conservant une grande fréquence (100 pulsations). La malade, en manifestant de la soif, accuse de la dysphagie. Jugeant opportun de ne point encore donner les febrifuges dont je me propose de modifier l'administration, je promets de revenir avant de me coucher.

A neuf heures, je retourne en effet près de la malade, qui parle alors avec facilité, n'a plus de dysphagie, et n'éprouve autre chose qu'une sueur abondante, qu'un abattement bien naturel après un aussi violent assaut. Je prescris 1 gram. 50 centigr. de sulfate de quinine, et 4 gramm. de quinquina, à prendre dans une demi-tasse de café à l'eau, en deux prises, l'une ce soir, l'autre demain matin. Le 20, à 8 heures du matin, quand je fais ma première visite, le médicament n'a point encore été pris. Ce n'est pas que la prescription n'ait point été comprise; mais une personne officieuse a dit à la malade que le sulfate de quinine pourrait lui faire mal à l'estomac. Je parviens à vaincre son appréhension et je lui fais prendre moi-même, en deux prises rapprochées, le mélange fébrifuge.

Elle l'avale avec facilité, et elle ne manifeste soit alors, soit ensuite, aucune sensation pénible; elle dit seulement que ce mélange est un peu amer, d'où je conclus que le sentiment du goût est émoussé. Je constate au contraire l'exaltation des sens de la vue et de l'ouïe, ce dernier sens est d'une finesse extrême. Point de modification des autres sens.

A ma visite du soir (9 heures), la malade me dit qu'elle n'a éprouvé autre chose, depuis ma sortie, qu'une sorte de réminiscence de l'accès de la veille, un tremblement partiel, léger et passager, accompagné d'un peu de gêne de la parole. Son expression est bonne, la peau un peu chaude et moite, le visage assez vivement coloré, le pouls beaucoup moins fréquent, mais plus développé que la veille. Même prescription, moins la valériane dont la malade ne veut plus.

Le 21, je vois une première fois cette femme vers 10 heures du matin. Il y a apyrexie à peu près complète, absence de douleur; aucun phénomène nerveux grave n'a eu lieu depuis ma visite précédente, mais il s'est produit une salivation assez abondante, non continue et dont je suis témoin. Dans la matière muqueuse excrétée, je remarque des stries de sang qui vient de la bouche, des gencives principalement ; je remarque que celles-ci sont un peu gonflées, violacées et que les dents, dont un grand nombre manquent ou sont cassées déjà, sont en partie déchaussées. La malade m'apprend que, depuis longtemps, elle était sujette à saigner de la bouche, surtout le matin, et d'une manière plus manifeste qu'aujourd'hui. Comme depuis longtemps je sais par expérience qu'il faut donner des boissons toniques, du vin principalement, et quelque nourriture toutes les fois que cette salivation vient à se produire, je conseille à la malade de prendre de temps en temps et alternativement une couple de cuillerées de bon bouillon, et une cuillerée de vin généreux coupé d'un tiers d'eau. Tout en tenant compte de l'indication dont je viens de parler, et des demandes de la malade qui, n'ayant pris depuis avant-hier que de légers bouillons, accuse des tiraillements d'estomac, une sorte de faim, je pense qu'il faut, quant à présent, être fort prudent dans l'emploi des boissons toniques et des aliments, attendu que la langue, qui est couverte d'un enduit blanc jaunâtre, n'indique pas un bon état de l'estomac.

Seconde visite à 9 heures du soir. La salivation s'est suspendue vers midi. A 5 heures, il y a eu passagèrement une douleur rachialgique assez vive. A 7 heures, au lieu de l'accès grave de l'avant-veille, la malade n'éprouve qu'une gêne passagère de la parole; puis vient une moiteur douce, générale, que je constate. La physionomie exprime la satisfaction, le bien-être je n'ai plus de tiraillements d'estomae, dit cette femme, depuis que vous m'avez permis de prendre de temps en temps un peu de bon bouillon, de vin; aussi, voyez-vous, ai-je dans mon lit une fiole de vin coupé d'eau pour la nuit. Prescription: quinquina, 4 gramm. ; sulf. de quinine 80 centig. en deux prises, une ce soir, l'autre demain matin dans du café à l'eau ut suprà.

Le 22, à ma visite du matin, je trouve la malade irritée, parce que la seconde dose de son médicament, mal préparée, lui a inspiré un tel dégoût qu'elle n'a pu en avaler qu'une faible partie. Depuis, vers le milieu de la nuit, elle salive,

et tout à l'heure, elle a presque entièrement rougi un mouchoir avec le sang qui s'écoulait du voisinage d'une dent cariée. A part cela, elle n'a rien éprouvé depuis la veille. Elle me dit que la menstruation, qui a duré trois jours, c'est-àdire un jour de plus que les trois fois précédentes, a seulement cessé la nuit dernière. La moiteur a été continue, le pouls ne bat guère que 80 fois à la minute. La crainte que la quantité de fébrifuge prise ne soit point suffisante, fait que j'ordonne d'administrer devant moi 2 grammes de quinquina, et 40 centigrammes de sulfate de quinine dans du café. Bien que le goût soit entièrement revenu, la malade trouva ce mélange d'une amertume supportable.

A ma visite du soir, 9 heures, je trouve cette femme assise sur son lit. Son visage exprime la satisfaction; je n'ai absolument rien éprouvé, dit-elle, depuis ce matin; ma salivation a cessé depuis que j'ai changé mon vin, qui était devenu mauvais, j'ai eu une selle normale sans lavement. Moiteur moins prononcée, pouls à 80. Je prescris 2 grammes de quinquina, et 40 centigr. de sulfate de quinine, à prendre, comme précédemment, en 2 prises.

Le 23, à 10 heures du matin, je trouve la malade mieux encore que la veille. Depuis ma dernière visite, elle n'a éprouvé ni salivation, ni bâillement, ni aucun autre accident; elle a dormi une bonne partie de la nuit et a augmenté la quantité de vin et de consommé, qu'elle trouve excellents; sa langue est nette, son pouls presque normal, sa peau très-légèrement moite, sans excès de chaleur. Elle me demande de lui accorder quelque aliment plus substantiel que le bouillon; je lui permets une semoule au gras, mais légère. Elle me demande aussi de ne plus prendre de préparations de quinquina, mais je ne puis céder à ce désir et je lui fais comprendre qu'il y aurait imprudence à cesser brusquement la médication, attendu qu'il pourrait encore se produire des accès, légers sans doute, qui retarderaient sa guérison. En conséquence, la malade continuera pendant quelques jours encore l'usage des fébrifuges, mais à doses faibles et graduellement décroissantes. Pour ce soir, la dose sera de 25 centigrammes de sulfate de quinine et 1 gramme 50 centigrammes de quinquina, substance qui, à cette faible dose, agira du moins comme tonique.

Seconde visite (8 heures du soir). La malade n'a pu prendre sa semoule, qui était trop salée; pour la remplacer, elle a mangé une grenouille dans le milieu de la journée. Serait-ce à cette cause minime qu'il faudrait attribuer les coliques et les douleurs rachidiennes dorsales que cette femme a éprouvées de 4 à 6 heures, douleurs très-supportables, il est vrai? Après ces douleurs, il y a eu une moiteur générale très-prononcée, qui n'existe plus actuellement. Je recommande à la malade la plus grande prudence sous tous les rapports, parce qu'il faudrait bien peu de chose pour anéantir l'amélioration obtenue. Elle vient de prendre son médicament et elle me demande si elle ne pourrait, au lieu de semoule, manger une petite soupe; c'est une chose que nous déciderons demain.

Première visite du 24 (8 heures du matin). La malade a l'air triste; c'est qu'elle a passé une mauvaise nuit. Dans la première partie de la nuit, elle a éprouvé de l'agitation; elle n'avait point de bonne place, suivant son expression.

Vers minuit, elle a éprouvé de l'abattement, des battements de cœur assez forts, sa voix s'est affaiblie; ces derniers phénomènes, après avoir duré environ une heure, se sont terminés par une sueur abondante, qui depuis longtemps n'existe plus au moment de ma visite. La malade, encore abattue, à un moindre degré cependant, croit pouvoir attribuer l'aggravation au temps pluvieux qui, depuis hier, a remplacé une série de douze beaux jours, parce que dans les prodromes de cette maladie, elle était toujours plus souffrante quand un changement défavorable du temps avait lieu. J'ai trop souvent constaté l'influence de ce changement atmosphérique sur d'autres, malades pour la nier dans ce cas particulier. Toutefois, je pense que cette aggravation, si elle n'est pas le résultat d'une imprudence commise et dont il ne m'aurait point été parlé, pourrait être, en partie du moins, l'effet de la marche de la maladie. En effet, qu'y a-t-il d'étonnant à ce que des accès, qui d'abord, comme on l'a vu, se produisaient une fois par mois seulement, puis une fois tous les deux jours et enfin chaque jour, reparaissent au bout de trois ou quatre jours? Je serais étonné au contraire qu'il en fût autrement, car une observation que j'ai souvent faite, c'est que généralement, pour ne pas dire toujours, la marche décroissante de nos maladies ressemble jusqu'à un certain point à leur marche ascendante. C'est une chose dont je reparlerai plus tard. D'après l'opinion que je viens d'exprimer, je regarde comme utile d'élever un peu la dose des fébrifuges. La malade prendra en deux ou trois fois, 3 grammes de quinquina, et 60 centigrammes de calomel auxquels j'ajoute 50 centigrammes de sous-carbonate de fer. Je ne juge pas convenable de permettre d'autre nourriture que le consommé ; le vin sera continué à petites doses et coupé d'un peu d'eau ; la malade prendra, comme les jours précédents, le lavement simple, au moyen duquel elle a chaque fois obtenu une selle; mais, pour satisfaire ses besoins, elle s'abstiendra de se lever, comme elle l'a fait jusqu'alors à mon insu.

Seconde visite (8 heures du soir). La malade n'est plus abattue comme elle l'était ce matin; elle n'a depuis éprouvé autre chose que de légères palpitations peu durables, accompagnées d'un peu plus de chaleur qu'à l'état normal et de moiteur légère, qui a persisté. La moitié seulement de la dose prescrite ayant été prise, je recommande de prendre le reste ce soir.

A ma visite du 25, le matin (9 heures), cette faible dose n'a point encore été administrée, et cela, dit la malade, parce qu'elle s'est trouvée trop bien depuis ma dernière visite pour croire qu'il fût encore besoin de ces remèdes. Elle a dormi une partie de la nuit fort paisiblement, et, depuis son réveil, elle n'a eu qu'une expuition de matière glaireuse venant de la gorge et résultant de ce que, se trouvant avoir un peu soif, elle avait cru devoir laisser de côté le vin et reprendre du sirop de groseilles étendu d'eau. Témoin de cette expuition sans toux, sans aucune sensation douloureuse, sans aucune gêne de la respiration, et que je considère comme un effet analogue à la salivation, je dis à la malade qu'il faut reprendre l'usage du vin, même en augmenter la dose et le boire pur. Je lui en fais prendre devant moi deux cuillerées à soupe, et à l'instant l'hypersécrétion gutturale cesse, à peu près comme a cessé l'hypersécrétion salivaire,

comme cessent, également sous l'influence du vin, certaines bronchorrhées, certaines diarrhées du genre de celles que j'observe en ce moment.

C'est encore anticiper sur le chapitre du traitement de nos maladies, mais je crois devoir dire ici, au risque de le répéter et de le développer plus loin, que nombre de fois j'ai vu les boissons aqueuses, émollientes et même acidules, non-seulement augmenter la salivation ou certains autres flux, mais aussi déterminer ces flux; je crois devoir dire aussi que certains aliments, les aliments maigres et même certains aliments gras, des bouillons trop légers, par exemple, peuvent agir d'une manière analogue, tandis que les viandes, principalement les viandes faites, aidées surtout de l'usage du vin, produisent des effets contraires.

Ces flux, le flux salivaire en particulier, constituent assez souvent des crises; mais il ne faut pas que, trop abondants, ils se produisent chez des sujets trèsaffaiblis, depuis longtemps affaiblis, comme notre malade. Aussi comprend-on pourquoi je donne à cette malade, outre le vin, des consommés, et pourquoi, après les potages gras, je me propose, si rien de fâcheux ne survient, de lui donner de la viande, du poulet d'abord.

Visite du soir (8 heures). A partir du milieu de la journée, cette femme s'est trouvée moins bien que ce matin. Elle a éprouvé une chaleur assez vive, quelques élancements rachialgiques, puis une moiteur qu'elle conserve encore, ainsi qu'une fréquence du pouls plus grande que ce matin. La malade semble appréhender le retour de quelque accident grave. Je désirerais qu'elle prît les préparations de quinquina à doses moins faibles que les dernières, au risque d'en changer le mode d'administration; mais, non-seulement, elle ne veut absolument rien prendre pour le moment, mais aussi elle donne à entendre qu'elle est disposée à faire de même plus tard. Il n'y a point de trouble intellectuel chez cette malade; mais, par moments, une irritabilité morale, une sorte d'agacement, qui ne sont pas choses rares dans nos maladies.

Visite du matin. Le 26, la malade n'éprouve ni douleurs, ni étourdissements, ni bâillements et se trouve bien. Elle me dit qu'il en est ainsi depuis la pointe du jour, mais qu'elle s'est trouvée moins bien pendant la nuit, sans avoir été cependant, à beaucoup près, aussi souffrante que d'autres nuits, car elle a pu dormir à plusieurs reprises. Lorsqu'elle s'éveillait, elle se croyait sur le point d'être de nouveau en proie à des accidents sérieux; elle éprouvait des nuances de syncope, qui se dissipaient aussitôt qu'elle avait avalé un peu de vin pur, ou une goutte de kirch. Sous le rapport moral, elle est également bien mieux que la veille, puisqu'elle consent à continuer son traitement. Quinquina, valériane, 2 grammes de chaque; sous-carbonate de fer, 1 gramme, à prendre sous forme de bols. Potages gras pour nourriture.

Visite du soir. La journée s'est mieux passée qu'aucune des précédentes. Complétement exempte de douleurs et de fièvre, la malade ne s'est pas encore trouvée aussi forte; mais, dit-elle, c'est ma bonne journée, je serai probablement moins bien demain. »

Visite du 27 au matin. Les craintes ne se sont pas réalisées jusqu'alors.

« PrécédentContinuer »