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1795.

trouvée dans les papiers de Babeuf, jette quel que jour sur l'intrigue de vendémiaire; elle

Robespierre. Je sais, moi, comme vous, qu'il faut opérer un changement; que ce changement n'est pas aussi éloigné qu'on pourrait le croire ; et lorsqu'on va le plus avoir besoin des patriotes, pour opérer ce changement, ils méditent notre ruine! Ils se font, sans y songer peut-être, les instrumens des émigrés, des royalistes, des fanatiques. Tout allait si bien! Les Isnard, les Rovere, les Jourdan allaient tomber dans leurs propres filets. Les égorgemens, qui s'étaient renouvelés à leurs voix sacrilèges, à leurs provocations meurtrières, retombaient sur leurs têtes coupables. Ils allaient être frappés! voilà que des êtres imprudens, instigués par des contre-révolutionnaires, désorganisent tous nos plans, démolissent toutes nos batteries. C'est Pitt, c'est Cobourg qui ont organisé tout cela. Mais voyons, que penses-tu de ces choses, mon camarade? »

Je t'avoue franchement que je ne m'attendais pas que, par cet ex abrupto, un homme qui ne peut ignorer que je suis son ennemi, me fît une semblable question. Cependant, me composant autant que possible, je lui dis : « Je n'ai aucune connaissance des intrigues de Pitt, de Cobourg, d'Isnard ni de Rovere. Je sens, comme toi, que l'ordre actuel des choses est cruel, pénible; et j'attribue au même sentiment de la part du peuple l'espèce de mouvement dont tu viens de me parler. Il peut s'être glissé dans les groupes quelques ennemis du peuple, mais sa doctrine a été conspuée ; car le cri de tous les groupes était unanimement celui de la plus vive indignation contre ses oppresseurs, ses ennemis; et je ne sache pas qu'on serve les tyrans en les faisant exécrer. Et puis vous parlez de mouvement, il

semblerait prouver que Barras pensait que les suites de cette journée entraîneraient le AN 4.

n'y en a pas même eu l'ombre, à moins que vous ne gratifiiez ainsi quelques groupes qui ne paraissaient pas animés d'une manière inquiétante. Tu crains un prairial... Il m'a interrompu pour me faire observer qu'en prairial il était à Saint-Omer, et que chaque jour il versait des larmes amères sur les désastres de cette époque.

J'ai continué : « Tu crains un prairial, et tu desires un vendémiaire; et moi, dans mon opinion privée, je redoute l'un et l'autre; et, si j'étais auprès des patriotes, des démocrates, aussi tranchant que tu l'as préjugé en me mandant, je te confesse que je les dissuaderais de se livrer à l'un plus qu'à l'autre.

» Prairial et vendémiaire sont également funestes à la chose publique. L'un a brisé les lois du peuple, l'autre a établi celles des aristocrates. >>

» Je le sais, m'a-t-il dit. Si, au treize vendémiaire, je n'eusse craint non-seulement un déchirement affreux, mais de donner un exemple bien funeste, à la tête des républicains victorieux, j'eusse, pendant trois jours seulement, travaillé la marchandise, de manière à satisfaire les patriotes. Je ne l'ai pas fait : que l'occasion s'offre de nouvéau, et l'on verra si je suis indigne de l'animadversion des royalistes. »

Là il m'a semblé lancé ; j'ai cru devoir me taire, et le laisser divaguer. « Oui, que le mouvement soit général, continua-t-il, et dirigé contre les royalistes ; j'ai du courage, j'ai des moyens; et l'on me jugera. Derniérement encore, lorsqu'on m'apprit que les murmures éclataient dans les groupes, que les fractions du peuple s'agitaient; je me transportai au faubourg,

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pillage des maisons de Paris,et mettraient lesceptre du pouvoir dans les mains des orléanistes; on ne saurait donner confiance à des hommes qui, pour égarer l'opinion publique, prêtaient souvent aux autres leurs propres sentimens.

Les troupes parisiennes soutinrent le premier choc avec intrépidité; mais que pouvaient des citoyens, presque désarmés, contre

j'y vis tout calme et paisible. Si je l'eusse vu remuer, c'en était fait, je marchais avec lui: c'est par lui que je pense que se manifeste la volonté nationale. Point du tout, ce n'étaient que quelques agitateurs ou quelques mal-adroits. Ce n'est point ainsi qu'on peut espérer un plein succès. Et puis vous criez contre nous crucifige! Et à qui donc se rallierait-on ? A la cour de Véroune. Oui, mes amis; c'est-là qu'on veut nous conduire, tandis que c'est-là qu'il faut tuer et anéantir.

>> Vous devez maintenant, mon camarade, connaître mon esprit, mon sentiment, mes principes. Plus d'un patriote le sait aussi. Mon existence est liée à celle du peuple, à celle de la république. Croyez, ainsi que tous les vrais patriotes, que je ne négligerai rien pour leurs succès; et ce n'est que pour les servir que je résiste au desir qui me presse, de me démissionner, et de me retirer paisiblement dans une obscurité qui m'est bien chère. Venez me voir de tems en tems.» Il m'a donné une carte, et sans mot dire, sinon bonjour, citoyen, je me suis retiré. Il y a dans son discours quelques épisodes assez curieuses, entre autres sur la faction d'Orléans, dont il serait trop long de t'entrete air par écrit, et que je te communiquerai de vive voix, si c'est possible, ou par écrit dans un autre moment.

les dispositions guerrières les mieux concertées ?

L'artillerie balayait les rues; d'un autre. côté, les sections qui n'avaient pris aucune part au mouvement insurrectionnel, étaient sous les armes à leur poste, et pouvaient, d'une minute à l'autre, se battre contre leurs concitoyens, et augmenter le désordre. La surprise d'un événement inattendu, le découragement qui se mit par-tout, et la nuit qui s'avançait, firent retirer tous les bataillons.

et

Ceux qui dirigeaient l'artillerie conventionnelle, firent tirer toute la nuit le canon à poudre pour effrayer les sectionnaires empêcher une nouvelle réunion. Cette tactique arrêta de nouveaux malheurs; les insurgés demandaient des secours dans toutes les sections pendant la nuit ; et s'ils les avaient obtenus, on devait s'attendre à la plus affreuse boucherie.

Du succès de cette journée résulta en faveur de la convention, l'acceptation de l'acte constitutionnel, même de ceux qui tenaient fortement pour la constitution de 1793.

AN 4.

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CHAPITRE XXVII.

Suites de la journée du 13 vendémiaire.

Le lendemain du 13 vendémiaire

Paris

offrait le spectacle le plus déplorable. Une affiche, collée sur les murs, proclamait la grande victoire remportée par les patriotes sur les chouans de Paris, et annonçait des vengeances prochaines.

Le guerrier intrépide ne verse le sang des hommes que dans la chaleur du combat; la victoire le rappèle à la clémence et à la générosité. Charles VII et Henri IV entrèrent triomphans dans Paris révolté, et leurs lauriers ne furent pas souillés par le sang des vaincus. Il en est autrement des vainqueurs révolutionnaires; le succès augmente leur audace, et les pousse à de nouvelles fureurs. Les deux factions conventionnelles, dont les démarches ténébreuses avaient amené l'insurrection vendémiariste, qui leur était nécessaire pour parvenir à leur but, se flattèrent un instant qu'en augmentant le désordre, le succès surpasserait leurs espérances; et que, sous prétexte de comprimer les royalistes, ils pourraient traiter la nouvelle constitution

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