députés qui allaient être nommés, comme le 1795. premier corps législatif constitutionnel qu'il fallait créer en entier, en se réservant d'appliquer l'article 53 du titre cinquième de la constitution, aux élections faites dans la suite. L'argument tiré de la nécessité que, dans chaque session du corps législatif, il y eût toujours un grand nombre de députés accoutumés aux fonctions législatives, était sans force. Dans l'hypothèse où les électeurs de l'an 4 n'auraient pas été gênés dans leurs choix, ne serait-il resté, dans les deux conseils, aucun des anciens députés pour guider l'imprudence possible des nouveaux élus? Ceux qui tenaient de bonne foi à la rigidité des principes, sans être entraînés dans leur opinion par aucune arrière - pensée, convenaient de cette vérité. Il était incontestable qu'un grand nombre de conventionnels méritaient la confiance publique, et que toutes les assemblées primaires méditaient leur réélection, en même tems que la France se réunissait pour écarter des deux conseils les féroces jacobins. On donnait l'exclusion non moins généralement aux membres de cette faction borgne et boîteuse, qui, dans toutes les crises révolutionnaires, s'étant traînés d'après les événemens, disparaissaient pendant les orages, revenaient avec le calme, se trouvaient par-tout lorsqu'il n'y avait rien à faire', et auraient voulu cueillir les fruits de la révolution, sans en avoir partagé les dangers. D'après ces principes, on aurait désiré que la convention dirigeât les choix à faire par des voies persuasives, sans violer la constitution dans le moment même qu'elle était acceptée par le souverain. AN 3. CHAPITRE XXII Causes secrètes de l'insurrection de vendémiaire. L'OPINION publique se prononçait sans mé nagement; cette disposition générale des es- nouveaux députés dans le sein de la conven1795. tion nationale. Puisque le but le plus utile de l'histoire est de présenter aux peuples et aux gouvernemens leurs fautes anciennes, pour les prémunir contre des fautes nouvelles, mon devoir est d'observer que les sections de Paris armées en vendémiaire pour forcer la convention à retirer des décrets qu'elles croyaient contraires à la souveraineté du peuple, et sur lesquels elles devaient se contenter d'émettre leur vou primaire, si leurs intentions furent pures, manquèrent au moins de prudence, dans un instant où une fausse démarche pouvait replonger la France dans l'abîme de maux dont elle avait eu le bonheur de sortir. Les sections de Paris ne réfléchirent pas que des inconvéniens passagers, relativement à la manière dont le corps législatif serait primitivement organisé, ne devaient pas attacher à une constitution portant en elle - même les moyens de perfectionnement indiqués par le tems ou les circonstances, des prétextes de discordes civiles; que les royalistes attentifs à tous les mouvemens populaires pour tenter de ramener l'ancien régime, ourdiraient des trames coupables à l'ombre de l'effervescence parisienne; que les montagnards arrangeraient eux-mêmes un mouvement contre-révolutionnaire, et arguëraient ensuite des hos tilités commises par eux-mêmes, pour transformer une erreur excusable dans ses vues, en un crime contre l'Etat. Après les plus fâcheuses angoisses, une constitution et une nouvelle législature laissaient entrevoir à la France un avenir moins orageux. Cette flatteuse espérance conduisait en foule les citoyens dans les sections. Le décret de réélection fut une pomme de discorde jetée dans les assemblées. Quand même l'intrigue n'aurait pas fait mouvoir des ressorts habiles; quand de longs ressentimens, le regret de l'ancien régime et la haine du gouvernement républicain, n'auraient pas mis en fermentation des levains d'aigreur dans un grand nombre de têtes, l'ambition devait entrer pour beaucoup de choses dans les délibérations d'hommes voulant parvenir à leur tour aux premières dignités nationales. Sans ce décret, le royalisme eût peut-être étouffé la république dans son berceau; mais cette conséquence était alors cachée sous un voile; on ne voyait que la souveraineté du peuple lezée. Les royalistes et les anarchistes tentaient de persuader qu'on ne devait accepter l'acte constitutionnel, qu'après avoir prononcé sur le décret du 5 fructidor: moyen infaillible d'ajourner indéfiniment la constitution. Cette tournure aurait mis les républicains en garde contre ceux qui la proposaient, si la chaleur AN 3. avec laquelle ils invoquaient les droits du 1795. peuple, n'avait caché leurs véritables sen timens. Six années d'incertitude et d'expérience étaient perdues pour un grand nombre d'hommes; ils étaient toujours faciles à séduire par des sophismes, dupes des mots, disposés à voir les amis du peuple dans ceux qui flattaient la multitude pour la pousser à des entreprises extrêmes. Portant le fer dans des blessures qui se cicatrisaient, on faisait lugubrement la peinture de la longue et avilissante oppression sous laquelle la convention fut abattue, et des maux accablans que sa faiblesse laissa tomber sur la France, pendant le règne de la terreur. Les sections de Paris, entraînées par la crainte de ne pas trouver dans la convention cinq cents députés qui n'eussent pas avili leur caractère éminent, disaient hautement au corps législatif : « Vous avez représenté le peuple français pendant trois ans. Durant cette longue session, vous avez excédé vos pouvoirs, en exerçant à la fois les fonctions législatives, exécutives et judiciaires sous cette complication de pouvoirs, l'anarchie la plus sanglante a dévoré la France. La majorité d'entre vous ne fut pas coupable de ces excès; vous étiez comprimés par la même terreur qui pesait sur nos têtes; nous vous plaignons, nous vous excusons; |