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que cette liberté les autorisait à continuer le massacre et la dévastation; bientôt les commissaires ne furent plus les maîtres d'arrêter ces désordres; on prétendait même que Sonthonax les autorisait secrètement et que, bercé du fol espoir de se former une souveraineté à Saint-Domingue, après avoir employé les hommes libres de couleur et les nègres pour détruire les blancs, il voulait procurer aux noirs, devenus libres, la domination exclusive dans l'ile; le petit nombre de blancs qui se cachaient dans les habitations, ne pouvaient mettre aucun obstacle à ce dessein; mais les hommes de couleur, riches et nombreux, ne paraissaient pas disposés à souffrir cette innovation; dès-lors, il prépara leur anéantissement. Il fit rédiger un journal dans lequel on disait aux noirs : ce sont les hommes de couleur qui s'opposent à votre liberté, qu'attendez-vous pour les exterminer?

Dans les premiers jours d'août les deux commissaires se séparèrent. Polverel se mit en route pour les départemens de l'Ouest et du Sud; la plus grande fermentation s'y manifestait; plusieurs paroisses se coalisaient pour résister au torrent dévastateur. Polverel fit arrêter dans les paroisses de Saint-Marc, .de l'Artibonite, des Gonaïves, du Mirebalais des Verretes et de l'Arcahaye, plus de deux cents personnes de toutes couleurs, entr'au

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AN 3.

tres le nègre Guiambois, qui avait une grande 1795. influence sur les nègres de son quartier, et qui entretenait des correspondances assez actives avec les nègres Jean François et Biassou, chefs royalistes des insurgés du Nord; ils furent conduits dans les prisons du Portau-Prince, où Polverel institua une cour martial pour les juger.

Polverel n'avait pas promulgué dans son département l'arrêté qui donnait la liberté à tous les noirs; mais faisant envisager aux habitans du Sud et de l'Ouest les malheurs qui les menaçaient, il les engageait à les prévenir en adoptant cette mesure spontanément. Les habitans y consentirent, et la liberté des nègres fut proclamée aux cris de vive la république.

A cette époque, Desfourneaux, lieutenantcolonel du bataillon du Pas-de-Calais, eut ordre d'attaquer le bourg St-Michel dans la partie Espagnole; il fut complétement battu ; sa déroute entraîna la perte de Plaisance et d'Ennerg, qui se donnèrent aux Espagnols et aux Anglais. Polverel le fit arrêter et traduire devant la cour martiale du Port-au-Prince.

Sonthonax, redoutant les nègres auxquels il avait donné la liberté, ne se croyait plus en sureté dans les ruines du Cap. L'armée européenne, commandée par le général Lavaux, accablée de persécutions, s'était pres

qu'entiérement dissipée. De nombreuses compagnies franches de noirs s'étaient organisées, AN 3. et, sous prétexte de faire honneur au commissaire civil, des gardes surveillaient toutes ses démarches. Craignant d'être assassiné, il s'embarque furtivement pour le port de la Paix, et ayant appelé auprès de lui quelques corps armés sur lesquels il comptait le plus, il se rend par terre à Saint- Marc; sa route était marquée par le désordre et le pillage. Les habitans, effrayés de sa présence et des sicaires qui l'entouraient, se réunissaient dans toutes les paroisses, et, ayant souscrit un acte portant pour titre : résistance à l'oppression, se préparaient à défendre leurs propriétés et leurs familles. La peur saisit Sonthonax; il appela à son secours un homme de couleur nommé Lapointe. Semblable à ces Condottieri qui ravageaient l'Italie pendantle moyen âge, il commandait un corps nombreux de cavalerie, prêt à se vendre au plus offrant, et il se livra bientôt entiérement aux Anglais.

Sonthonax, accompagné de cette troupe, entre au Port-au-Prince, annulle les actes d'administration faits par son collègue Polverel, destitue les fonctionnaires publics et les remplace; la garde nationale, composée de blancs et d'anciens libres, est désarmée ; il en organise une nouvelle composée de nouveaux libres. Il ordonne la suspension de

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toutes les procédures faites par la cour mar1795. tiale du Port-au-Prince; il rend la liberté au lieutenant-colonel Desfourneaux, au nègre Guiambois, et à tous les individus traduits devant ce tribunal. Desfourneaux fut créé commandant de la place du Port-au-Prince, et colonel du quarante - huitième régiment. Guiambois fut fait officier municipal.

Montbrun et Pinchinat, chefs des autorités militaire et civile de la province de l'Ouest, blâmaient hautement ces innovations. Sonthonax rompit avec eux, et résolut de se venger de ces deux téméraires qui censuraient ses actions.

Pour y parvenir, il ordonna à Desfourneaux de recruter le quarante-huitième régiment dans les prisons où se trouvaient environ sept cents détenus; il en prit environ quatre cents Malthais, Génois ou déserteurs de divers corps; les autres prisonniers sortirent, moyennant des consignations d'argent; ils se réunirent aux Espagnols et aux Anglais.

Tandis que Desfourneaux levait son régiment, Guiambois catéchisait les nègres de la ville et des paroisses voisines; ils se présentaient en foule pour être armés ; on leur confia la garde du fort Lislet. Sonthonax se croyait alors en mesure de faire arrêter Montbrun et Pinchinat. Desfourneaux eut cette commission, mais Sonthonax refusa de la donner par

écrit ; au surplus, Desfourneaux, assuré d'obtenir le commandement du département AN 3. de l'Ouest, s'il parvenait à se défaire de Montbrun, se contentait d'une autorisation verbale; c'était la nuit du 27 au 28 ventose an 2. Desfourneaux, à la tête d'un détachement de cent hommes, entoure la maison de Montbrun, à dix heures du soir. Ce général avait été prévenu; il marche à la rencontre de son ennemi, à la tête de quelques troupes qu'il avait réunies à la hâte. Le feu s'engage dans les rues; Desfourneaux battu, est contraint de faire sa retraite au fort Sainte-Claire, emmenant avec lui Sonthonax confus et dispensé de donner un ordre par écrit.

Montbrun pouvait aisément s'emparer du fort S.te-Claire; mais en apprenant que le commissaire civil s'y était réfugié, il fit cesser l'attaque, et invita Sonthonax à venir reprendre son logement et ses fonctions; il exigeait seulement l'embarquement de Desfourneaux et de son régiment: Sonthonax accepta tout. On sigua une espèce de capitulation. Sonthonax revint à l'hôtel du gouvernement, dans la voiture de Montbrun. Desfourneaux, mis à bord avec deux cents hommes de son régiment, fut trouver les Anglais qui croisaient devant le Port-au-Prince, et qui l'envoyèrent à Léogane, dont ils venaient de prendre pos session.

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