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tion, le cri des familles opprimées a suscité contre les égorgeurs, une répression vengeresse; si des cœurs ulcérés se sont abandonnés au désespoir; si plusieurs jacobins ont expié leur crimes, comment invoquer en leur faveur les lois protectrices qu'ils foulèrent aux pieds, l'humanité qu'ils ne cessèrent d'outrager, la pitié qui n'approcha jamais de leur cœur de fer? Existe-t-il une compensation entre l'agresseur et celui qui venge son offense ? La loi ne saurait avouer des vengeances particulières, mais elle doit les prévenir, les suppléer. Le meurtrier de ma mère levera devant moi sa tête exécrable, la loi sera muette, et je ne me vengerai point, je ne préviendrai pas de nouveaux crimes , par la mort d'une bête féroce, à laquelle on laisse le pouvoir de nuire !

L'excès du désordre força le gouvernement d'établir des tribunaux, pour en arrêter les sinistres effets. La lenteur des procédures n'eut peut-être pour cause que l'embarras de prononcer sur d'anciens forfaits, couverts par des attentats nouveaux, et presque expiés les uns par les autres.

AN 3.

1795.

CHAPITRE XXVI.

Assassinats dans Lyon.

Le parti anarchique, terrassé par les suites

du 9 thermidor, et par la dissolution de la société des jacobins, commençait à se reconnaître ; il se vit encore nombreux et puissant. Les principaux égorgeurs, détenus dans le lieu de leur naissance, y trouvaient des partisans, et la multitude de ceux que leur obscurité avait soustraits à la vindicte publique, croyaient voir leur sureté individuelle dans l'élargissement et l'acquittement juridique de ceux qu'ils regardaient comme leurs chefs. Dès-lors, un intérêt de famille partagea chaque commune en deux partis, pour ou contre les détenus. Les haines politiques se renforçaient en animosité personnelles; et les spéculateurs sur la guerre civile montraient une joie farouche; il se peut que les émigrés rentrés poussassent les hommes opprimés par les terroristes à la plus complète vengeance, et les terroristes eux-mêmes à quelque coup d'éclat qui pût rétablir leur empire. Cependant, les opinions étaient trop disséminées pour qu'il pût en résulter un choc capable d'ébranler la France.

Au sein de cette fluctuation, la nouvelle se répandit dans les provinces, que Billaut

Varennes, Collot-d'Herbois, Vadier et Barrére, dont les forfaits pouvaient à peine être AN 3. expiés par les supplices les plus rigoureux, n'étaient condamnés qu'à la déportation ; dèslors, les victimes du terrorisme furent convaincues que les dévorateurs de tous les germes de la prospérité publique, avaient, dans la convention, les plus puissans défenseurs, et que les hommes avides de pillage et de sang, ne seraient efficacement réprimés, que lorsque la vertu elle-même, abjurant sa longue patience, et lasse de souffrir, mettrait un terme au triomphe des scélérats. Alors furent établies les compagnies de Jésus et du Soleil; mais, à qui doit-on leur fatale existence, si ce n'est aux féroces montagnards, qui protégeaient, indirectement les nombreux complices de Robespierre? Un assassin est toujours un être éxécrable, mais les montagnards sont coupables de ces assassinats; en refusant justice aux opprimés, ils les réduisirent à l'affreuse nécessité de se la faire eux-mêmes.

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Lyon forma les premiers anneaux de la longue chaîne de meurtres que, pendant plus d'une année จ on vit se développer et s'étendre depuis le Jura jusqu'aux Bouches-du-Rhône. On crut d'abord que ces nouvelles horreurs étaient l'irrésistible effet du bouillonnement des passions. Mais lorsqu'on vit les listes des proscrits se grossir chaque jour; des signes de reconpaissance, des mots de ralliement, des chants

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de massacre, convenus entre les assassins; 1795. quand on vit les prisons forcées, et les déte

nus qu'elles renfermaient, égorgés sans distinction, les lois sans force, le bandeau de la justice trempé dans le sang, le Rhône couvert de cadavres qu'il charriait lentement jusqu'à la mer; Lyon devenant une vaste boucherie, dans laquelle étaient étalés des membres humains palpitans, on crut reconnaître le plan d'une Saint Barthélemy générale, dirigée contre les amis de la révolution, tous indistinctement voués à la mort, sous le nom de jacobins, de terroristes, par les cours de Londres et de Vienne, qui voulaient noyer la république dans le sang de ses enfans, afin de ne plus trouver d'obstacle au rétablissement de l'ancien gouvernement.

la

On oubliait que les édifices de Lyon, ensevelis sous l'herbe, ses rues ensanglantées et désertes, ses propriétés confisquées et vendues, son commerce anéanti, enracinaient la haine et vengeance sur ce sol portant de toute part l'empreinte de la mort. En vain des hommes sages et habiles avaient essayé d'arrêter l'incendie; aucune loi répressive et bienfaisante n'adoucissait les cœurs exaspérés, ne versait le baume sur ces horribles plaies. Bonaparte ne s'était pas encore montré dans ces murs frappés de la foudre, pour éteindre dans tous les yeux les larmes de fureur, produites par le sentiment de l'injustice et le désespoir d'un

avenir épouvantable. La voix faible de la patrie pouvait-elle se faire entendre au sein de AN 3. ces passions corrosives? C'était un bitume immense qui s'embrâsait.

Je crois devoir rapporter un fait qui présente la filiation des vengeances exercées dans Lyon; ce fait, parfaitement connu, ne saurait être révoqué en doute. Un jeune volontaire, dont un coup de canon avait emporté le bras gauche, revenait dans Lyon, sa patrie, au sein d'une famille dont il était en même tems l'honneur et le soutien; il espérait de retrouver, dans les embrassemens de ses proches, la force et la santé.

Il entre dans la rue Mercière, il frappe, en palpitant, à la porte de la maison qui l'avait vu naître; son cœur suffoquait de tendresse. Un inconnu se présente mon père ! où est mon père? - Votre père, citoyen, il ne vit plus. Mon père !.... il est mort sur l'échafaud! Mon père! ô juste Dieu !.... Ah! ma pauvre mère ma pauvre sœur, qu'allonsnous devenir? Votre mère, citoyen, vous n'en avez plus et votre sœur est expirante.

Le malheureux, immobile, ressemblait à la statue de Niobé; il revient un moment à lui eh bien entrons, que j'embrasse ma sœur et que je meure avec elle ! - Votre sœur, citoyen, on l'a chassée d'ici; elle est à l'hospice de charité. — Comment, ma sœur ! et ma sœur expirante.

Oui, citoyen, cette maison

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