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jacobins employèrent cette journée à préparer 1795. les détails de l'événement qui devait avoir lieu le lendemain. Si les comités de gouverne

ment avaient eu quelque part à l'insurrection annoncée, ils dûrent frémir des suites que pouvait avoir leur ouvrage.

Sur le soir les places publiques étaient obstruées par des rassemblemens dont les femmes faisaient la plus grande partie. On y disait hautement que, depuis trop longtems, la convention nationale faisait mourir le peuple de faim; qu'elle avait livré à la mort Robespierre et ses partisans, pour se délivrer d'un censeur incommode qui s'opposait à sa tyrannie. On répandait avec profusion un plan d'insurrection, conçu en ces termes :

« Le peuple considérant qu'on le laisse impitoyablement mourir de faim ; que le gouvernement est atroce, usurpateur et tyrannique; qu'il fait arrêter arbitrairement et transférer de prisons en prisons les meilleurs patriotes: qu'on ne doit pas le tolérer plus longtems: considérant encore que la résistance à l'oppression est non-seulement pour le peuple entier, mais pour chaque portion du peuple le plus saint des devoirs, et que c'est à la commune la plus voisine du gouvernement qu'appartient l'initiative des moyens de le ramener à son devoir, arrête ce qui suit:

» 1.o Les citoyens et les citoyennes de Paris

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se rendront en masse à la convention pour lui demander du pain; l'abolition du gouvernement révolutionnaire, dont chaque faction abuse tour-à-tour pour affamer et asservir les Français la proclamation solemnelle de la constitution démocratique de 1793; la destitution et l'incarcération de tous les membres du gouvernement actuel, et leur renouvellement; la liberté de tous les détenus pour leurs opinions, ou pour avoir demandé du pain le douze germinal; la convocation des assemblées primaires au vingt-cinq prairial, pour le renouvellement de toutes les autorités constituées qui, jusqu'à cette époque, seront tenues de n'agir que constitutionnellement; et la convocation d'une assemblée nationale législative, pour remplacer la convention, le 25 messidor.

» 2.o Pour l'exécution du présent article et des suivans, il sera conservé, envers la représentation nationale, le respect dû à la majesté du peuple français ; mais, en même tems, pour empêcher les députés d'être conduits à de fausses démarches, les barrières seront fermées.

» 3.0 Ceux des représentans trouvés hors de leur poste, seront ramenés au sein de la convention. Les personnes et les propriétés sont mises sous la sauvegarde du peuple. Le comité d'insurrection s'emparera de la rivière, du télégraphe, des cloches propres

AN 3.

à sonner le tocsin, et du canon d'alarme. 11 1795. sera formé un comité central, composé d'un commissaire de chaque section, chargé de l'administration provisoire.

4. Les individus, chargés de l'approvisionnement de Paris, auront seuls la permission de sortir de cette commune, et d'y rentrer aussi long-tems que durera l'insurrection. Les passe-ports nécessaires leur seront délivrés par le comité central. Tout approvisionneur se fera reconnaître aux barrières, en entrant et en sortant. Les couriers entreront, pour se rendre à leur destination, mais il n'en sortira aucun, sans une autorisation expresse du comité central. Les canonniers la gendarmerie, les troupes à pied et à cheval, en garnison à Paris ou dans les environs sont invités à se réunir sur-le-champ sous les drapeaux du peuple.

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»5. Tout agent du gouvernement, tout fonctionnaire civil ou militaire, et tout particulier, qui s'opposeraient à la marche de l'insurrection seront arrêtés et punis comme ennemis du peuple. Tout pouvoir non émané du peuple est suspendu. Tout fonctionnaire public qui n'abdiquera pas sur-le-champ les fonctions qu'il tient du gouvernement, sera considéré comme fauteur de la tyrannie..

» 6.° Quiconque proposerait de marcher contre le peuple, est mis hors de la loi. Les

citoyens et les citoyennes partiront de leur section, pour se rendre à la convention, sans AN 3. attendre le mouvement des sections voisines. Chaque rassemblement se grossira des individus qui se rencontreront sur son passage. » 7.o Les insurgés ont pour mot de ralliement du pain, et la constitution de 1793. >> Les drapeaux porteront cette légende ; elle sera écrite à la craie sur tous les chapeaux ; ceux qui ne porteraient pas ce signe, seront comptés parmi les affameurs du peuple.

:

8. Il sera fait une adresse aux départemens et aux armées, pour les instruire des motifs et des succès de la révolution, et des moyens qu'on aura pris pour assurer le bonheur national. »>

Cette proclamation était connue depuis plusieurs jours dans quelques départemens, ct un assez grand nombre de fonctionnaires publics, nommés par les comités de gouvernement, avaient abdiqué leurs fonctions, pour se ranger du côté des insurgés. Il était difficile. que les comités de salut public et de sureté générale n'en fussent pas prévenus; cependant, ils ne firent part de l'acte d'insurrection au corps législatif, que dans le tems où le mouvement était prononcé.

1795.

CHAPITRE XIV.

Journée du premier prairial.

Le premier prairial, le tocsin sonnait dès

la pointe du jour dans les faubourgs SaintAntoine et Saint-Marceau. Les chefs de l'insurrection s'étaient distribués dans les différens quartiers de Paris; mais ce fut dans le faubourg Saint- Marceau que le rassemblement commença. Des hommes et des femmes, des sonnettes à la main, ou frappant sur des chaudrons des casseroles ou des poëles, invitaient les citoyens à se réunir. Dans le faubourg Saint-Antoine, la force armée était sous les armes ; et dans toutes les sections où le parti jacobin dominait, les insurgés s'étaient rendus maîtres du local où se tenait l'assemblée sectionale. Le comité central fut formé ; on le plaça, comme au 31 mai, dans la section de la Cité.

Sa première opération fut de se servir des insurgés pour forcer, par leurs vociférations, les comités civils à légaliser par leur assentiment, les délibérations que leurs chefs méditaient. Dans quelques sections, ils voulaient conformément à l'acte d'insurrection,

que

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