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On se gardait bien d'ajouter que la loi insensée du maximum, et la manière barbare Ax 3. dont on l'avait exécutée dans les campagnes, n'avaient offert une abondance passagère, qu'en préparant une famine assurée. La multitude n'étant pas en état de combiner ce rapprochement, les factieux traitaient hautement de faction thermidorienne les membres de la convention qui avaient renversé les bastilles et les échafauds, ouvrages du jacobinisme; on assurait que le retour dans la convention, de tous les députés exclus après le deux juin, était le principe des malheurs publics.

Des émissaires secrets répandaient des assignats à pleines mains dans les faubourgs SaintAntoine et Saint-Marceau. Alors, dans les cabarets se trama l'insurrection qui devait sauver la vie à Billaut, à Collot, Vadier et Barrère.

CHAPITRE X.

Journée du douze germinal. Jugement de
Barrère, Collot, Billaut et Vadier.

Le douze germinal, lorsqu'on discutait les

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dénonciations contre les quatre détenus et que les montagnards, pour éviter qu'ils ne fussent décrétés d'accusation, rompaient la

1795.

délibération en témoignant leurs inquiétudes sur les subsistances de la capitale, les habitans des faubourgs, hommes et femmes, s'étaient portés en masse à la convention; aucune mesure répressive n'avait été prise contre ce rassemblement; la salle conventionnelle fut bientôt remplie d'individus armés de gros bâtons et de pistolets.

Leur orateur était Vanek, qui commandait le bataillon de la cité le 31 mai et le 2 juin ; parvenu à la barre, il dit :

« Vous voyez devant vous les hommes du 14 juillet, du 10 août et du 31 mai; ils ont juré de vivre libres ou de mourir ; ils maintiendront la constitution de 1793 et la déclaration des droits : il est tems que la classe indigente ne soit plus victime de l'égoïsme des riches et de la cupidité des marchands. Mettez un terme à vos divisions, elles déchirent la patrie, et la patrie ne doit pas souffrir de vos haines. Faites-nous justice de l'armée de Fréron, de ces muscadins à bâton court. Les hommes qui, au 14 juillet, ont détruit la bastille, ne pensaient pas que, par la suite, on en releverait cent autres pour renfermer les patriotes. Depuis le 9 thermidor, vous avez mis la justice à l'ordre du jour ; ce mot est vide de sens vous avez dit que cette journée ramenerait l'abondance, et nous mourons de faim. Où sont passés tous les grains

qu'a produits la récolte abondante de l'année dernière ? La capidité est à son comble. On AN 3. méprise les assignats, parce que vous avez rendu des décrets qui leur ont ôté la confiance. N'espérez pas ramener la tranquillité publique et l'abondance, sans punir les traîtres.

» Et toi, montagne sainte, qui as si vaillamment combattu pour la république ! les hommes du 14 juillet, du 10 août et du 3r mai te réclament dans ce moment de crise ; tu les trouveras toujours prêts à te soutenir, et à mourir, s'il le faut, pour la république.

>> Nous voulons la constitution de 1793; nous sommes las de passer les nuits à la porte des boulangers; il est tems que celui qui fait naître les subsistances, puisse subsister; que celui qui a opéré la révolution, ne soit pas écrasé par elle; nous vous demandons la liberté des pères de famille incarcérés depuis le 9 thermidor. Si l'ordre de choses qui existait avant cette époque est changé, ce n'est pas sur eux que doit tomber le blâme des faits précédens; il doit tomber sur vous-mêmes; la convention entière a eu tort. Si je vous parle énergiquement au nom de la section de la Cité, c'est qu'elle n'est pas accoutumée de vous faire perdre un tems précieux par des flagorneries dignes du cabinet de Ver

sailles. >>

Le tumulte augmentait; Tallien

André 1795. Dumont, Bourdon de l'Oise, voulaient parler; des huées vives, des menaces audacieuses, présageaient les événemens les plus sinistres. Il est probable que la salle du corps législatif aurait été ensanglantée, si l'embarras même causé par les insurgés dont elle était absolument encombrée, n'avait arrêté les assassins indécis sur le choix des victimes beaucoup plus qu'épouvantés de leur nombre.

Cependant la ville de Paris avait été déclarée en état de siége. Le général Pichegru s'y trouvait momentanément. Il fut investi par la convention du commandement général de la force armée, et s'occupa sur-le-champ, de concert avec plusieurs représentans des moyens de rétablir le bon ordre troublé par d'impuissantes émeutes. Les prétentions des révoltés, annoncées par Vanek dans le sein de la convention, étaient appuyées par un grand nombre de députés montagnards. On parut capituler avec les révoltés, en se laissant arracher un décret qui, sans examen de pièces et sans audition de témoins, condamnait simplement à la déportation Vadier, Collot-d'Herbois, Billaut-Varennes et BarrèreVieusac. Cependant, par une contradiction inconcevable, on ordonnait l'incarcération de Duhem, de Charles Ruamps, d'Amar, de Choudieu, de Foussedoire, de Montaut,

d'Huguet, de Léonard-Bourdon, de Granet, de Moyse Bayle, et de Levasseur, poursui- AN 3. vis particuliérement par l'opinion publique, soit que leur cause fût plus isolée, ou que ce procédé, envisagé comme un palliatif nécessaire pour calmer l'effervescence des provinces, ne dût avoir contre eux aucune suite fâcheuse.

Au surplus, la procédure commencée contre les membres des comités de salut public et de sureté générale ayant été anéantie par le décret de déportation prononcé contre Vadier Collot, Billaut et Barrère, le rassemblement se dissipa comme par magie, ce qui prouve assez que cette émeute n'avait point d'autre but. Les coriphées des jacobins qui se trouvaient étrangement compromis dans cette affaire, recouvrant leur tranquillité, firent peu d'attention au cri de fureur dont tous les départemens allaient retentir à la nouvelle d'un décret dont les dispositions, assurant l'existence des assassins les plus exécrables, ne laissait entrevoir aux opprimés par eux d'autre justice que celle qu'ils se feraient eux-mêmes par leurs mains.

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