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CHAPITRE XXXII.

Robespierre et ses complices sont décrétés d'accusation.

AN 2.

de

LA convention, après avoir décrété la permanence et publié une proclamation pour instruire les habitans de Paris de l'état des choses, ordonna d'arrêter Henriot, comman dant de la garde parisienne, Dumas, président du tribunal révolutionnaire, et quelques autres individus, dont les noms ne méritent pas passer à la postérité; Aimard, commandant de la cavalerie, est nommé provisoirement chef de la force armée. La séance se prolonge durant la nuit; la discussion s'anime de plus en plus. Tous les traits sont décochés contre Robespierre; tous les regards sont tournés sur lui.

Vadier s'exprime en ces termes : Robespierre est un tyran qui a pris tous les masques, qui s'est attaché à tous les conspirateurs, et qui les a dans la suite abandonnés, pour éloigner de lui les soupçons. Il a composé le tribunal révolutionnaire, sans en référer au comité de gouvernement. Vous avez rendu un décret pour mettre en jugement les auteurs

d'une conspiration, Robespierre a défendu à 1794. l'accusateur public de suivre cette affaire. Ce magistrat m'a répondu, ce n'est pas ils, mais il qui s'y oppose, et je ne peux faire autrement. Robespierre entretient une armée d'espions qui s'introduisent par-tout. Si l'on témoigne quelque inquiétude sur la marche de Robespierre, il raisonne modestement ainsi : Je suis le meilleur ami du peuple, et le plus grand défenseur de la liberté. On m'attaque, donc on conspire, donc il faut se défaire de ces censeurs. Néron raisonnait-il autrement ?

Jusqu'alors Robespierre avait opposé, à l'orage qui le menaçait, un calme apparent ; mais lorsque la tempête gronde sur sa tête coupable, que les charges alléguées contre lui se succèdent, se multiplient, agité par les furies vengeresses des forfaits, il réclame, avec des cris forcénés, la parole ou la mort. Plusieurs fois il répète cette alternative. Tu mérites mille fois la mort, lui est-il répondu de toutes parts. Alors il insulte la convention entière; il ménace le président. Bientôt l'amour de la vie l'emportant sur la fureur qui le transporte, ou plutôt égaré par son désespoir, oubliant la montagne qui l'abandonnait, il s'adresse aux députés que si souvent il avait désignés sous le nom de crapauds du marais c'est de vous, hommes purs, que je réclame la jus- · tice due à tout accusé, et non à ces brigands,

en montrant de la main les montagnards. Chacun refuse de l'écouter. Il monte à la tri- AN 2. bune; il en descend; il retombe assis sur son siège, comme affaissé sous le poids de ses crimes. La rage est dans ses yeux; sa bouche écumante vomit des blasphêmes; sa voix s'épaissit ; il balbutie, au lieu de parler. Un de ses collègues, assis à ses côtés, lui dit tu ne vois donc pas que le sang de Danton coule dans ta bouche, pour étouffer ta voix ?

Cette lutte se termine. Le décret d'accusation est lancé contre le chef des anarchistes. Je dois partager le sort de mon frère, s'écrie Robespierre le jeune : c'était le sujet de la discussion qui se suivait alors avec une grande vivacité. Elle finit, en rendant le décret contre Robespierre commun à Robespierre le jeune, à Couthon, à Saint-Just et à Lebas. Ils descendirent à la barre, et furent conduits au comité de sûreté générale.

1794.

CHAPITRE XXXIII.

Les habitans de Paris se rassemblent pour combiner les mesures qu'ils doivent prendre. Séance de la municipalité de Paris. Les députés, décrétés d'accusation, s'y réndent.

COMME on voit, au milieu d'une nuit profonde, des voyageurs incertains chercher leur route à travers des rochers et des précipices; s'il se présente à leurs yeux un conducteur instruit et fidèle, ils se livrent à ses conseils et continuent avec sécurité leur voyage; ainsi les habitans de Paris, livrés à la plus déchirante incertitude, attendaient les guides qui devaient les conduire dans leur marche.

Des convulsions intestines dans les assemblées sectionales et dans les sociétés populaires le langage audacieux du crime et le silence de la vertu consternée; les échafauds chaque jour abreuvés du sang innocent; la proscription générale des individus composant la classe de la société chez laquelle les lumières étaient le plus généralement répandues; le peuple démoralisé ; la propriété, la sûreté, et tous les avantages que les hommes doivent

retirer de leur association civile, ouvertement violés; tous ces symptômes de l'anarchie AN 2. répandaient la teinte la plus lugubre sur la surface de Paris.

Dans ces circonstances, le bruit circulait sourdement qu'un nouveau 2 juin allait mutiler la convention, et que les poignards se dirigeaient contre les soixante-treize députés détenus à Port-Libre (1). On entrevoyait la fatale réaction que cet événement pouvait avoir sur les restes de la fortune publique. L'expérience du passé aggrave les maux qu'on lit dans l'avenir. Les marchands, après avoir fermé leurs boutiques, s'étaient rendus les uns à leurs sections, les autres à la place où se rassemblait leur bataillon, Tous voyaient le péril, et voulaient l'éviter On se rappelait les propos tenus par les jacobins; on les combinait avec le mouvement qui se préparait. Quelques-uns paraissaient vouloir attendre l'événement pour se décider ; d'autres, moins timides, concertaient les mesures qu'il convenait de prendre. Les premières communications se faisaient avec une extrême réserve. La crainte, inspirée par les jacobins, était tellement enracinée dans les ames, que chacun tremblait de rencontrer un espion dans celui auquel il expliquait ses pensées. Bientôt la confiance s'établit entre des citoyens qu'ani

(1) Port-Royal.

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