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ry, les Geoffroi, les Boulducs, les Rouelles, (nous ne citerons point ceux de nos jours dont le nombre eft confidérable); ce font les chymiftes pharmaciens, difons - nous, qui ont excellé dans ce qu'on appelle l'analyse. L'habitude de faire; & conféquemment de voir un laboratoire toujours en activité, leur donne l'avantage fur les chymiftes qui n'allument leur fourneau qu'accidentellement; mais il eft ici queftion des recherches fur l'étain.

Ces recherches font précédées d'un avantpropos dans lequel les auteurs nous font l'hiftoire de ce métal depuis les tems les plus reculés jufqu'à maintenant. Il eft parlé de l'étain dans le Pentateuque, dans Ifaïe, dans Ezechiel, dans Homere. Les anciens tiroient ce métal des Indes, & enfuite les Phéniciens le tirerent des ifles britanniques qui nous fourniffent encore aujourd'hui la plus grande partie de l'étain dont nous avons befoin. Après ce docte préambule, MM. Bayen & Charlard entrent en matiere. Le corps de leur ouvrage eft divifé en quatre fections. D'abord ils font connoître les différens étains qui nous viennent des pays étrangers, pour remplacer celui que l'ufage journalier détruit, & que certaines manufactures confomment fans retour. On met au premier rang l'étain de Banca & de Malaca, ou fimplement de Malac, qui nous eft apporté des Indes en affez grande quantité, foit par les Hollandois, foit par ceux de nos négocians qui commercent dans ces contrées. Cet étain eft le plus pur qu'on connoiffe. Vient enfuite

l'étain d'Angleterre. On peut le confidérer ou tel qu'il fort de la mine, ou tel qu'il nous eft envoyé. Dans le premier cas, il ne contient aucun alliage artificiel; dans le fecond, il a reçu l'alliage prefcrit par la loi du pays. Il faut mettre dans la troifieme claffe l'étain ouvragé ou celui que les potiers nous vendent façonné fous toutes fortes de formes.

MM. les commiffaires du college de phar macie ont examiné chymiquement tous ces étains, & en particulier, par la voie des dif folvans. L'eau régale leur a fait découvrir qu'il exiftoit réellement de l'arfenic, non pas dans l'étain des Indes, mais dans l'étain ordinaire de Cornouailles, qui eft celui dont l'usage eft le plus répandu en France. La préfence de ce minéral malfaifant étant une fois bien conftatée, il étoit important de favoir au jufte la quantité qui peut s'en trouver dans une maffe donnée d'étain, & de favoir fi cette quantité étoit capable de nuire à l'économie animale. Les auteurs ont réuffi à réfoudre ce double problême avec la derniere précision. (*) C'est l'acide marin qui leur a fourni le moyen de découvrir la quantité d'arfenic qu'un étain quelconque peut contenir. Cet acide ayant une très-grande affinité avec l'étain, n'exerce au

(*) M. Bayen eft parvenu à ce point de retrouver jufqu'à un deux mille trois cens quatrieme de grain d'arfenic allié avec l'étain. On peut jugor d'après cela, de la précision de fes expériences.

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cune action fur le régule d'arfenic, quand on fait bien opérer. C'eft un fait dont nos favans chymiftes fe font affurés par le procédé qui fuit : : Ayant uni du régule d'arfenic en différentes proportions avec de l'étain, & ayant enfuite fait diffoudre ces divers alliages dans l'acide marin, ils ont toujours retiré de chaque portion d'étain la quantité juste de régule d'arfenic, qu'ils y avoient introduite. D'après des expériences réitérées jufqu'à quatre fois avec l'acide marin fur quinze échantillons d'étain achetés fous différentes formes & fous diffé rentes dénominations, dans les boutiques de Paris, ils croient pouvoir affurer que la plus grande proportion où ils y ont trouvé le régule d'arfenic a été de la plus perite de 2 & la moyenne. Or, en fuppofant même la plus forte de ces proportions, cette quantité eft cependant fi peu confidérable, qu'elle feroit incapable de préjudicier en aucune maniere à la fanté. Enfin MM. Bayen & Charlard prétendent, qu'un homme qui n'emploieroit » fur fa table que de la vaiffelle d'étain, ne » pourroit avaler un grain de régule d'arsenic, » qu'autant qu'il prendroit avec fes alimens » trois onces d'étain, ce qu'il pourroit à peine » faire dans l'efpace de 48 années. « Nous devons donc nous tranquillifer fur les mauvais effets qu'on voudroit attribuer à l'étain, fous prétexte qu'il contient de l'arfenic, & cela pour trois raifons; la premiere eft que cette fubftance s'y trouve en trop petite quantité; la feconde, que cette petite quantité, ces atomes

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y font toujours fous forme réguline, & non pas dans l'état de chaux; ce qui en mitige beaucoup la propriété malfaifante : la troisieme, que ces atomes de régule d'arfenic font intimėment combinés avec l'etain; ce qui en rend abfolument nulle la qualité délétere ou vénéneufe. Auffi les auteurs ont ils fait prendre à des chiens une très grande quantité d'étain, dans lequel il y avoit même jufqu'à un feizieme de régule d'arfenic, fans que ces animaux en aient été incommodés.

Si l'étain ne peut être préjudiciable à raifon de l'arfenic qu'il contient naturellement, en est-il de même par rapport aux différens alliages qu'on y introduit pour le travailler ? On fait que ce métal ne pourroit pas être mis en œuvre, à caufe de fa trop grande molleffe, fi on n'y ajoutoit du cuivre, pour lui donner une certaine roideur, une certaine fermeté; on y joint auffi du zinc ou du bifmuth pour lui rendre la couleur argentine que lui enleveroit le cuivre, s'il étoit feul. Quant au zinc, il eft prouvé qu'il n'eft pas malfaifant par lui-même; le bifmuth peut être feulement fufpect; pour le cuivre, quoique dans ces der niers tems on ait un peu trop exagéré fes pernicieux effets, on ne difconviendra cependant pas qu'il ne foit dangereux. Mais il entre comme alliage en fi petite quantité dans l'étain qu'il ne peut produire aucun mauvais effet. Il n'eft pas poffible d'ailleurs que les potiers d'étain en abufent, parce que s'ils y en mettoient plus qu'il n'eft néceffaire, alors leur étain

deviendroit trop aigre, & ne pourroit s'ouvrager. Si les ouvriers font intéreffés à ne faire entrer dans leur étain qu'une quantité de cuivre trop petite pour qu'elle puiffe nuire à la fanté, ils ont au contraire un très-grand inté rêt à y introduire du plomb le plus qu'ils peuvent: auffi parbît-il qu'ils ne l'y épargnent pas. En effet, MM. Bayen & Charlard en ont trouvé jufqu'à vingt-cinq livres au quintal dans un grand nombre d'uftenfiles pris chez différens potiers. d'étain de Paris or on fait que l'ufage du plomb eft très-pernicieux, & il n'y a pas lieu de douter qu'un étain qui en contient une fi forte dofe, ne foit à craindre: auffi les auteurs infiftent-ils fur la néceffité de réprimer cet abus, & de rappeller les potiers d'étain à leurs anciens réglemens. Mais l'étain ne feroit-il pas lui-même un métal dont il faudroit fe défier? C'est une queftion à laquelle les auteurs fe font crus obligés de répondre, pour ne laisser fubfifter aucune espece de doute fur l'innocuité d'un métal dont l'ufage eft encore fi commun dans les cuifines & fur les tables, finon chez les gens opulens, au moins chez les pauvres, dans les campagnes & fur-tout dans les communautés religieufes.

(Journal de Paris; Gazette d'agriculture;

commerce, arts & finances.)

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