Images de page
PDF
ePub

» gneur, c'eft un garçon, lui dit l'accoucheu»fe, en s'avançant hardiment vers le fultan.

Comment as-tu ofé, reprit Bajazeth avec » furprise, tranfgreffer mes ordres? Seigneur, » repartit-elle, avec une refpectueufe ferme»té, la crainte de dieu & l'envie de vous épargner un crime, m'ont fait fauver la vie » à cet innocent... C'en eft affez, dit le fultan, qu'il vive, puifque les hommes ne peu» vent rien contre ce que dieu a déterminé. « De pareils traits femés çà & là dans cette hiftoire, font bien fait pour réveiller l'attention des perfonnes même qui ne cherchent que l'amufement dans leurs lectures.

» La philofophie d'Ariftote, l'étude des lois, » l'explication de l'alcoran, la logique, quel"ques élémens de mathématiques, l'arithmé» tique, telles font les fciences qu'on enfei"gne dans quelques medreffès ou colleges turcs; » peu de Mufulmans étudient toutes ces fcien» ces à la fois, la plupart même ne les étu » dient point du tout. « Voici cependant un poëte qui fentoit toute l'utilité de l'étude des fciences, & qui exhortoit fon fils à s'y livrer. » O mon fils, lui difoit-il, tendre plante que >> mes mains ont cultivée dans le jardin de la » fageffe, objet de joie & de confolation pour "mon cœur! occupe-toi nuit & jour à l'étude "des fciences; fuis l'ignorance qui te rendroit "femblable à la brute, & remplis ton efprit "des plus belles connoiffances; mais garde» toi de ralentir l'application que tu leur dois; » on ne peut réuffir fans cette louable opiniâs

» treté qui ne doit avoir d'autres bornes que » celles des fciences mêmes. La fcience eft la

plus digne parure de l'homme. Elle femble » nous tirer du néant, & nous donner une nou» velle existence. C'est un banquet divin au» quel nous fommes admis; c'est un riche pré» fent que nous fait la divinité; c'eft la compagne des honneurs & de la grandeur; c'est » la fource de la tranquillité & du bonheur; » c'est le centre de la véritable gloire, & le lien qui enchaîne les coeurs bienfaifans. On la compare à une mer fans bornes & fans » fond. Les favans qui la parcourent ne méri» rent que le nom d'ignorans. Que fera-ce de » la vraie ignorance? C'eft la mort, dit dieu » même, comme la fcience eft la vie. Garde» toi donc, mon fils, de te mettre au rang » des morts; ne te prive pas des grandes & » utiles connoiffances qui te donneront une se» conde vie; elles t'apprendront fur-tout à » diftinguer le bien & le mal; enrichis toi de » leurs tréfors; qu'une mauvaife honte ne t'em» pêche pas de cultiver l'étude. Combien le » favoir n'eft il pas préférable à l'ignorance; » elle eft comme un cachot ténébreux qui prive » de toute lumiere ceux qui y croupiffent, » c'est le fymbole du néant, comme la fcience » eft celui de l'existence.

» Il eft cependant dans la recherche des » fciences un écueil à éviter; c'eft celui de » la philofophie (*); ne navige pas fur ce

(*) Il veut fans doute parler de la philofophie fcep tique. ❤ fleuve

>> fleuve dangereux. Cette précaution une fois » prife, rien de plus élevé & de plus bienfai»fant qu'elles; elles attirent aux ulemas (*) » la vénération des fouverains & des peuples » auxquels leurs lumieres font également né» ceffaires. Leur excellence eft comparable aux "perfections du tout-puiffant qui font fans fin » & fans bornes comme lui....«

Ces deux volumes nous paroiffent mériter d'être diftingués par ceux qui aiment à com parer l'efprit & les mœurs des peuples, qui recherchent les influences des lumieres fur les gouvernemens, & des gouvernemens fur les lumieres. C'est un ouvrage utile, & peut être néceffaire à ceux qui veulent bien connoître ces pays célebres, dont la gloire eft d'avoir été le berceau des arts & des fciences, & la honte d'avoir toujours laiffé les fciences & les

arts au berceau.

(Mercure de France; Année littéraire ; Journal de Paris.)

(*) Les gens de la loi.

Tome Vlll.

D

RECHERCHES chymiques fur l'étain, faites & publiées par ordre du gouvernement, ou réponse à cette queftion: Peut-on, fans aucun danger, employer les vaiffeaux d'étain dans l'ufage économique; par Mrs. BAYEN & CHAR LARD, &c. A Paris, de l'imprimerie de Ph. D. Pierres, imprimeur ordinaire du roi & de la police, 1781. In-8vo. de 285 pag.

LORS

ORS de la fuppreffion du plomb & du cuivre dans les ufages publics, intérieurs, on propofa de fubftituer aux tables de plomb dont étoient revêtus les comptoirs des Mds. de vin, des tables d'étain; mais la déclaration du roi rendue à cet effet ne prononça pas fur cette fubftitution, & on crut devoir préférer l'usage des tables de marbre, de pierre, &c. Margraaf avoit avancé que l'étain contenoit de l'arfenic. L'opinion d'un homme de cette célébrité étoit bien faite pour en impofer; cependant, toute respectable que fût l'autorité de ce chymifte, on fe permit de ne pas jurer d'après fa parole, fur-tout vu l'importance de l'objet; car enfin il n'étoit pas indifférent que l'étain fût ou non un métal innocent. M. le lieutenant-général de police crut donc qu'il étoit intéreffant de fixer l'opinion du gouvernement fur cet objet, & ce magiftrat chargea le college de pharmacie de déterminer le degré de confiance que

méritoit cette fubftance métallique, dans les ufages domeftiques auxquels on l'emploie. Mrs. Rouelle, Bayen & Charlard fe font empreffés d'entrer dans les vues du gouvernement. C'eft à cette époque que la mort a enlevé M. Rouelle, en forte qu'il n'a pas pu partager l'honneur du travail de fes deux confreres, nous difons l'honneur, parce qu'il en fait un infini à les auteurs, par la multiplicité & la précifion des expériences, répétées autant de fois qu'il l'a fallu pour être immuablement fixées. Du refte c'étoit peut-être trop de deux hommes du mérite de Mrs. Rouelle & Bayen pour remplir cette tâche. On fait qu'il n'existe pas de chymifte plus propre que ce dernier au genre de l'analyse. Nous ne parlons pas de celle des eaux minérales qu'il a faite de concert avec Venel, noms qu'on a appris à ne plus féparer; mais c'eft fur-tout l'analyse des pierres, par le moyen de la vitriolisation, qui affigne à M. Bayen une place des plus honorables dans la claffe des chymiftes analytiques. Ce n'eft que depuis cette époque qu'on peut réellement prononcer fur la nature des pierres compofées, dont le mêlange échappoit néceffairement à l'œil, ou fe confondoit par la fufion, en forte que M. Bayen a opéré une révolution intéreffante pour l'hiftoire-naturelle fcience qui, fans le fecours de la chymie, n'est qu'incertitude, fur-tout quand il s'agit de former les claffes du regne minéral. Une obfervation vraie, c'eft que ce font fur tout les chymiftes-pharmaciens, les Charas, les Leme

« PrécédentContinuer »