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de récompenfer le mérite, & s'eft oublié lui. même, car il n'a point de ftatue.

(Journal de littérature, des fciences & des arts. )

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VIII

Ce font prefque toujours les grands événemens, les malheurs publics, qui développent les vertus & le courage; mais ces actions foot pour la plupart du tems, ignorées; de ce nom. bre feroit celle du nommé Lemaire, fi nous ve nous empreffions pas d'y donner la publicité qu'clle merite. Cet honnête homme eft attaché depuis quatorze ans à M. le marquis de Pierrevert, capitaine de grenadiers au régiment des gardes, qui a un logement au palaiş royal. Craignant lors de l'incendie de l'opéra, la communication du feu, il vole à l'appartement de fon maître, alors en campagne, emporte les effets les plus précieux; & va les dépofer en lieu de fûreté. Dans cet intervalle, le fergent & les grenadiers de la compagnie de M. de Pierrevert accourent. Ils apperçoivent de la lumiere, craignent que l'incendie n'ait gagné; ils enfoncent la porte, ne trouvent point le fecrétaire à fa place; une armoire eft ouverte & vuidée; ils croient M. le marquis de Pierrevert volé, vont à la chambre du domestique, enfoncent la porte & apperçoivent tous fes effets & un fac de 600 liv. en argent. Le fergent s'en empare. Ce n'eft pas fans étonnement qu'on voit le domeftique revenir fatis

fait d'avoir mis à l'abri du danger les effets de M. le marquis de P***, & ne s'occupant pas des fiens. Il étoit en pareil cas fi naturel de fauver fa chose propre, pour s'occuper enfuite de fauver celle de fon maître, qu'on ne peut trop admirer ce trait de fidélité, d'attachement & de défintéreffement extrême. Charité bien ordonnée eft de commencer par foi-même. Ce principe admis paroît être pour le fidele Lemaire, une morale relâchée, à en juger par fa conduite qui prouve que l'égoïfme n'a point encore infecté toutes les claffes d'hommes.

L'incendie de la rue des Tournelles nous fournit un autre trait qui mérite d'être cité. Un religieux Minime, de la place royale, apprend qu'il y a dans la maifon incendiée un vieillard qui avoit reçu l'avant veille fes facremens; il traveríe les flammes, vole au lit du moribond, le charge fur fes épaules & le fauve.

Vingt traits de cette nature, mais malheureufement ignorés; le courage audacieux dont les pompiers ont donné des preuves dans l'incendie de l'opéra; celui des ordres religieux, des gardes Françoiles & Suiffes, le zele, l'intelligence & fur tout la fidélité de la garde de Paris, à qui la fortune des citoyens fe trouve confiée dans ces fortes de circonftances, tout cela prouve que fi la corruption regne dans les grandes villes, il y exifte auffi plus de vertus qu'ailleurs.

(Journal de Paris. )

I X.

» Un eccléfiaftique de Poitou, titulaire d'une abbaye confidérable, fituée dans une >> province éloignée & où il ne réfide pas, a » pensé que fes revenus ne devoient pas fe » confommer en entier dans le lieu où il fait » fa demeure. Indépendamment de l'esprit de » l'églife, & de ce que prefcrivent les canons "fur l'emploi des revenus eccléfiaftiques, il » s'eft impofé une loi.... que voici... Il est » collateur d'un nombre confidérable de Cu» res, dont il eft en même tems feigneur & » décimateur; elles font par conféquent toutes » à portions congrues. Il a penfé que la der» niere augmentation portée à 500 livres ne » fuffifoit pas il a fait un arrangement avec » les religieux de fon abbaye, pour porter à » 800 liv. celles que les novales ou d'au» tres revenus n'élevoient pas jufqu'à cette » fomme il a fait plus, s'imaginant encore » qu'un curé qui n'a que 800 liv., ne peut » fubvenir aux befoins de tous les pauvres » de fa paroiffe, il a déclaré à tous les curés, » qu'il n'entendoit pas que le foin de ces pau» vres fût à leur charge, & leur a expreffé»ment recommandé de s'adreffer directement à » lui pour tous les befoins de leurs paroiffes... << (Affiches de Poitou.)

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Il feroit à defirer que de pareils exemples fuffent fréquens: combien y a-t-il de bénéfices dont le revenu eft trop confidérable pour la

perfonne du titulaire, & qui, loin de tourner à l'avantage de la religion & au foulagement des pauvres, ne fert qu'à entretenir & à augmenter un luxe infultant, fi contraire, fans doute, à l'efprit de l'églife, & aux intentions pures & charitables du prince qui nous gouverne !

(Gazette des tribunaux.)

ANECDOTES.

SINGULARITÉS.

I.

EN 1624, Gonfalve, lieutenant-colonel, de

Spinola, & gouverneur de Milan, voulant se rendre maître d'un village du Palatinat, appellé Ogersheim, & qui étoit entouré des murailles, envoya pour cette expédition un officier à la tête de quelques troupes. A l'approche de l'ennemi, les habitans fe retirerent à Manheim, & laifferent dans le village environ vingt payfans. Parmi eux fe trouvoit un berger qui ne manquant ni de courage ni d'efprit, fe hâta de fermer les portes & de baiffer le pont-levis, comme s'il eût eu deffein de faire une vigoureuse résistance. Cependant un trompette de l'armée ennemie s'avança, & avec toutes les formalités ordinaires fomma les habitans de fe rendre. Le peu de gens qui étoient demeurés dans la place s'enfuit auffi tôt par une poterne, & le berger refta feul avec fa femme qui étoit groffe. Alors cet homme, feignant de représenter la garnifon, parut fur les murailles, donna audience au héraut militaire, & fit un traité de capitulation

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