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qui furent l'origine d'une race d'hommes prefque fauvages, qui fe nourriffoient de gland & faifoient leur demeure dans des cavernes ou dans des creux d'arbres; ils étoient encore dans cet état de groffièreté & de barbarie, lorfqu'une colonie égyptienne vint adoucir leurs mœurs; Inachus, chef de la colonie, fonda le royaume d'Argos.

L'auteur trace enfuite rapidement l'hiftoire des divers états qui fe forment fucceffivement dans la Grece il nous montre Epidaure, féjour fameux du dieu de la médecine; Trézène, célebre par la naiffance de Théfée; la Crete, fi connue par le labyrinthe de Dédale, par la paffion monftrueule de Pafiphaë, & fur-tout par les loix de Minos, qui fervirent de modele à Licurgue; Thebes, pays des fables fouillé par les malheurs & les crimes de la race de Laïus, théatre fanglant des scenes les plus tragiques; mais ce qui fixe fur tout l'attention, c'est l'hiftoire d'Athenes. M. Coufin expofe la fuite de fes rois, depuis Cecrops jufqu'à Théfée.

Lacédémone, la plus remarquable des villes grecques, après Athenes, paroît dans le second volume. De tous les peuples dont l'hiftoire nous a tranfmis les coutumes, voici peutêtre le plus fingulier & le plus original. On a tant écrit fur la difcipline des Spartiates & fur les loix de Lycurgue, que la matière paroît épuisée; les uns fe livrant à un enthoufiafme aveugle, ne voient rien au - deffus du gouvernement de Lacédémone, & regardent fes habitans comme des modeles de la plus fubli

me vertu ; les autres, plus judicieux, foutien nent que les loix de Lycurgue choquoient prefquè en tout la nature & l'humanité, qu'elles n'étoient propres qu'à rendre les hommes féraces & à les former au carnage.

Il eft fans doute étonnant que dans le même pays, fous le même climat, deux nations auffi voifines que celles des Athéniens & des Lacédémoniens, aient eu cependant un caractere & des ufages abfolument oppofés. Vif, léger, capricieux, l'Athénien fe portoit avec ardeur à toutes fes entreprises, & fe rebutoit aifément; grave, conftant & réfléchi, le Lacédémonien fe déterminoit lentement, mais fuivoit fes projets avec une fermeté opiniâtre : le premier, grand parleur, amoureux de l'éloquence, exceffivement fenfible à l'harmonie & aux graces du ftyle, fe laiffoit ordinairement féduire par les orateurs; le fecond, concis & ferré dans fes difcours, prodiguoir le fens, & comptoit les paroles; il préféroit l'avis fage & prudent des vieillards, aux vaines figures des rhéteurs : les fciences & les arts étoient en honneur dans Athenes; les entretiens philofophiques, & les difpures fubtiles fur des matieres abftraites, faifoient les délices du peuple; à Lacédémone, on ne connoiffoit d'autre fcience que l'art militaire, d'autre philofophie que celle qui apprend à aimer la patrie & à vaincre l'ennemi de fuperbes monumens, : chef-d'œuvres des plus fameux artistes, décoroient Athenes; Lacédémone n'étoit qu'un village couvert de cabanes, & n'avoit point d'autres murs que les

corps de fes habitans. On connoît l'extrême paffion des Athéniens pour les jeux de la scene, la pompe & la magnificence de leurs repréfentations théatrales. Des fêtes guerrieres, des exercices militaires, & les danfes des jeunes filles aux pieds du Taygete, étoient les feuls fpectacles des Lacédémoniens Athenes étoit le féjour de la politeffe, de la volupté, de la gaieté folâtre, & même de la débauche; à Lacédémone régnoit une groffièreté barbare, une triste austérité ; la gêne & la contrainte accompagnoient les plaifirs les plus légitimes naturellement doux, affable & compâriflant, l'Athénien devenoit quelquefois cruel par emportement; naturellement fombre, dur & impitoyable, le Lacédémonien étoit quelquefois humain par raison. Le peuple d'Athenes étoit vain, arrogant, préfomptueux; le peuple de Lacédémone avoit une fierté mâle & une hauteur inflexible.

Les Lacédémoniens, meilleurs guerriers, politiques plus profonds & plus fages dans leur conduite, ont enfin fubjugué Athenes leur rivale, avec fon luxe & fes arts; eux-mêmes n'ont cédé qu'à l'ascendant invincible des armes d'Alexandre.

De Lacédémone, l'auteur paffe à Corinthe A l'occafion du féjour que Médée fit dans cette ville, il décrit l'expédition des Argonautes & la conquête de la toifon d'or; événement fameux chez les Grecs, & qui eft l'époque de leurs progrès dans l'art de la navigation. On trouve enfuite l'histoire de Mycene & des tra

vaux d'Hercule. Le volume eft terminé par le récit de la guerre de Troye & des difgraces qu'éprouverent les généraux Grecs à leur retour dans leur patrie.

Les fiecles qui fe font écoulés depuis Inachus jufqu'à la guerre de Troye, fournissent un très-petit nombre de faits vraiment hiftoriques & bien conftatés. M. Coufin n'ayant pas de fources plus pures, s'eft vu obligé de puifer dans les poëtes, & d'inférer dans fa narration les fables connues de l'ancienne mythologie; mais il les difcute avec beaucoup de jugement & de fagacité, & il porte le flambeau de la critique au milieu de ces fictions ténébreufes. Malgré tous fes efforts, de pareils événemens n'ont pas beaucoup d'agrémens par eux-mêmes, lorfqu'ils font dépouillés des ornemens de la poéfie. C'est fans doute pour égayer la matiere, & pour attacher le lecteur par des objets plus importans, qu'il mêle à l'histoire des tems héroïques des détails curieux fur les oracles de la Grece; qui auroient été placés plus naturellement au quatrieme volume, à l'article de la religion. Ces monumens de la crédulité & de la fuperftition des peuples font toujours intéreffans, quand on les envifage d'un œil philofophique.

Tous les peuples ont un penchant à fe donner une origine illuftre. Les Athéniens fe difoient auffi anciens que le foleil. Les Arcadiens pretendoient exifter avant la lune. Les Lacédémoniens étoient enfans de la terre. M. Coufin ne cherche point à ennoblir par des titres chi

mériques le peuple qui l'intéreffe, moins enthousiaste de l'antiquité que le poëte qui attribue la fondation de Salerne à un fils de Noé, & a configné fon opinion dans une profe qui s'y chante à l'églife, le jour de St. Fortunat.

O! Salernum, civitas nobilis

Quam fundavit Sem Noe fertilis !

Les Grecs ne furent d'abord qu'un affem blage de barbares, fans liaison, fans loix; ils n'avoient d'autres demeures que le creux des arbres, les antres & les cavernes. Le gland fut long tems la nourriture de ces fauvages, & même un régal pour eux. Lorsque les Lacédémoniens vinrent confulter la pythie fur la guerre qu'ils vouloient faire aux Arcadiens, elle leur répondit qu'un peuple qui ne vivoit que de gland, étoit terrible dans les combats.

Qui croiroit qu'au milieu des horreurs de la barbarie, ces hordes aient eu une idée de la divinité? L'oracle de Dodone étoit révéré déja dans toute la Grece. Dans ce lieu tour étoit prophétique; l'agitation des feuilles, le murmure des eaux, le bruit de certains chaudrons de cuivre, des forts jettés au hafard, des colombes perchées fur des arbres, &c. &c.

» Nous n'avons que des conjectures fur la » maniere dont le dieu fe faifoit entendre par » la voie du fort. Il paroît par un paffage de » Cicéron, qu'on difpofoit fur une table les

fignes que le hafard faifoit fortir. On les najuftoit pour le mieux fans doute, & les

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