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mande si l'on n'a pas pris pour une ascite des kystes de l'ovaire sans communication avec le péritoine?

M. CROCQ. Il est une condition à observer quand on injecte la teinture d'iode dans les cavités articulaires : c'est d'éviter avec soin l'entrée de l'air. C'est peutêtre à cela que je dois l'absence d'accidents dans les cas que j'ai opérés de cette façon.

M. JOLY. Les cas dont j'ai parlé ont été opérés par la méthode sous-cutanée; j'ai fait attention à ne pas laisser pénétrer l'air.

M. DIEUDONNÉ. M. Teissier, de Lyon, a modifié le procédé ; il laisse une partie du liquide primitif dans la cavité pour affaiblir l'action de la teinture d'iode, et éviter ainsi tous les accidents. Il paraît que, employées de cette façon, les injections ne sont pas moins efficaces, et qu'elles n'exposent à aucun accident.

Les conclusions du rapport de M. Bougard sont mises aux voix et adoptées.

M. LEROY lit le rapport suivant sur deux notes présentées par M. Gripekoven:

MESSIEURS,

Dans une des dernières séances, notre collègue M. Gripekoven vous a remis deux notes, l'une intituléc : Observations pratiques sur la préparation de l'iodure de potassium; l'autre, Moyen chimique de distinguer le vrai quinquina royal du quinquina jaune et de toutes les autres espèces de quinquina. Vous avez chargé M. Van den Corput et moi de les examiner, nous venons aujourd'hui vous faire connaître ce qu'elles renferment.

Dans la première note, notre collègue commence par nous avertir que l'iodure de plomb qu'il avait trouvé dans l'iode anglais dont il avait annoncé la présence deux mois auparavant à la Société, et qui lui avait donné à penser qu'il avait fait une découverte intéressante, se réduisait à la quantité de dix grammes sur 5,500 grammes, quantité évidemment trop minime pour croire que cet iodure avait été introduit dans la masse dans un but de fraude. Ce résultat est cause que notre collègue s'est trouvé obligé de modifier le titre du travail qu'il se proposait de remettre à la Société, et qui était intitulé: De l'existence de l'iodure de plombdans l'iode du commerce provenant d'Angleterre.

Du reste, dit M. Gripekoven, après les aveux de MM. Acar et Chevallier, qu'on a trouvé dans l'iode jusqu'à 10 > substances étrangères, entre lesquelles ⚫ figure même le sulfure de plomb, on > peut s'attendre à tout, et on ne doit

cesser de rester en garde contre la > fraude. »

Après ces considérations, l'auteur dit avoir rencontré dans la masse de 3,500 grammes,de l'iode rappelé plus haut, outre l'iodure de plomb, 210 grammes de chlorure de calcium, 110 grammes d'oxyde de fer, et une quantité non déterminée de chlorure d'iode, en tout 6 p. c. de matières étrangères.

Cependant, dit-il, je saisirai cette occasion pour vous présenter quelques réflexions que m'ont suggérées la préparation de l'iodure de potassium à laquelle je me suis souvent livré.

Personne, dit l'auteur, n'a sérieusement douté que l'iode, dit français, ne mérite la préférence sur l'iode dit anglais, qui est toujours souillé par des matières étrangères, et cependant c'est ce dernier qui est préféré pour la fabrication de l'iodure de potassium, à cause de son prix peu élevé.

S'il est vrai, ainsi que nous le rapporte M. Gripekoven, que les fabricants d'iodure de potassium donnent la préférence à l'iode anglais sur l'iode français, malgré son rendement plus fort, c'est que le prix de l'iode anglais permet encore de réaliser de plus grands bénéfices; car toute question, pour le fabricant, sera réduite à celle du prix de revient.

L'iode anglais qui a quelquefois contenu jusqu'à 25 p. c. d'eau, outre les matières étrangères, se rencontre maintenant, dit M. Gripekoven, moins impur dans le commerce, puisque la perte, dit-il, n'est plus que de 5 à 6 p. c. En revanche, l'iode français dont la pureté était proverbiale n'est pas exempt d'impureté, et notre collègue en possède, qu'il soumet à la Société, et qui est souillé par du chlorure de calcium.

Ce sont surtout les chlorures, dit notre collègue, qui sont les plus gênants dans la préparation de l'iodure de potassium; il devient, dit-il, presque impossible de s'en débarrasser plus tard. Aussi propose-til, pour les éviter, de laver l'iode au préalable par l'eau.

Nous ne voyons pas la grande difficulté qu'offre la présence des chlorures de calcium et de potassium lors de la préparation de l'iodure. La différence de solubilité dans l'eau d'abord, et dans l'alcool ensuite, permet d'isoler ces sels avec faeilité. Si de l'iodure de potassium contient, à l'état de mélange, du chlorure de potassium et de calcium, en traitant cet iodure par l'eau à 18o de température, une partie et demi d'iodure se dissolvant dans une partie d'eau, est déjà un moyen pour éli

miner une bonne partie du chlorure de potassium; quant au chlorure de calcium, il reste dans les eaux-mères. Ce moyen est mis tous les jours en pratique. A la rigueur, l'alcool peut être mis en usage, l'iodure de potassium y étant soluble, tandis que le chlorure y est presque insoluble.

Notre collègue entre ensuite dans quelques détails pratiques pour découvrir dans l'iode la présence des sels de plomb, de fer, etc., qui sont ordinairement employés en pareil cas.

Il est un moyen qu'il expose pour constater la quantité réelle d'une substance fixe, comme certains oxydes métalliques par exemple, lorsqu'il s'agit de doser l'iode en grand. C'est en faisant usage du charbon végétal avec lequel il calcine l'iodure de potassium obtenu par la potasse caustique; le résidu du charbon, par son excédent, lui donne, dit-il, la quantité de matière étrangère fixe,

Nous ne comprenons pas très-bien cette partie du mémoire, qui demande d'être mieux exposée. Et jusqu'à ce que la supériorité de ce moyen nous soit parfaitement démontrée, nous le considérons comme moins positif que ceux que l'on met d'habitude en usage, qui sont la sublimation, l'action de l'alcool ou la combinaison. Ces trois moyens suffisent dans tous les cas, pour reconnaître avec une précision rigoureuse la nature de l'iode que l'on examine.

Deux écueils, dit notre collègue, doivent être évités dans la préparation de l'iodure de potassium. Ce sont :

1° Un grand excès d'alcali.

2o La présence de l'acide iodique. L'iodure de potassium venant d'Allemagne et de France nous arrive ordinairement avec excès d'alcali, tandis que celui qui nous vient d'Angleterre contient de l'iodate.

M. Gripekoven donne les moyens connus pour éliminer l'un et l'autre, mais il en est un qui est mis en pratique pour détruire plus sûrement l'iodate de potasse contenu dans l'iodure que par la fusion : c'est l'emploi de l'acide sulfhydrique. De l'aveu de l'auteur, la fusion manque souvent son effet. Par l'acide sulfhydrique, on sait que tout l'iodate est décomposé quand le soufre cesse de se déposer,

Nous avons l'honneur de vous proposer l'insertion de ce travail dans le Journal de la Société.

Dans la séance du mois d'août dernier, notre collègue a communiqué à la Société son second travail, intitulé: Moyen chimique de distinguer le vrai quinquina royal

du quinquina jaune et de toutes les autres espèces de quinquina.

Dans ce travail, il propose d'appliquer un moyen journellement employé pour reconnaître la présence de la cinchonine dans le sulfate de quinine du commerce: c'est l'emploi de l'éther sulfurique.

Ce moyen serait mis en pratique, comme il l'est pour s'assurer de la pureté du sulfate de quinine, si effectivement le quinquina jaune royal, comme le croit notre collègue, était exempt de cinchonine.

MM. Pelletier et Caventou avaient pensé d'abord que les quinquinas gris ne contenaient que de la cinchonine et les quinquinas calisaya seulement de la quinine; mais on n'a pas tardé à reconnaître que les deux alcaloïdes existent également dans les différents quinquinas officinaux, avec cette seule différence que les quinquinas gris ne contiennent ordinairement que peu de cinchonine, et encore moins de quinine, tandis que le calisaya contient beaucoup de quinine et peu de cinchonine. (GUIBOURT, Histoire naturelle des drogues, édition de 1850).

D'après la déclaration que nous venons d'avoir l'honneur de vous reproduire, le moyen proposé par notre collègue, s'il était mis en pratique, aurait pour résultat de faire rejeter un quinquina de bonne qualité. Nous avons l'honneur de vous proposer de déposer ce deuxième travail aux Archives, et d'adresser des remerciments. à notre collègue pour sa communication.

M. GRIPEKOVEN. M. Leroy a raison pour le moment actuel relativement à l'iode, parce que la différence de prix entre l'iode anglais et l'iode français est de 50 francs, mais habituellement elle n'est que de 10 francs. Quoi qu'il en dise, je persiste à préférer le lavage pour écarter les chlorures..... On ne peut pas faire un essai au moyen de petites quantités, parce que le mélange peut n'être pas homogène dans toutes ses partics.

M. VAN DEN CORPUT. La cause d'erreurs que vous alléguez comme existant dans les essais sur de petites quantités ne subsiste pas moins pour vos très-longs et coùteux essais sur d'énormes masses, puisque, ainsi que vous le faites remarquer vousmême, les matières métalliques qui peuvent souiller l'iode se rassemblent, en vertu de leur pesanteur plus grande, vers la partie inférieure. Le défaut d'homogénéité peut donc également être invoqué. Chacun sait du reste que la première condition dans l'essai de toute substance est bien moins d'agir sur une masse que sur une portion qui, prise en différentes parties,

représente aussi exactement que possible la composition globale du mélange. Du reste, tous les charbons ne donnent pas la même quantité de cendres : leur proportion et leur qualité varient suivant l'essence de bois dont ils proviennent. On ne peut donc pas asseoir sur ce procédé un jugement rigoureux,

M. GRIPEKOVEN. La variation dans la quantité de cendres laissée par le charbon n'atteint jamais 2 pour 100: or, j'ai laissé une fluctuation de 2 pour 100. Si donc on trouve un résidu double ou triple, comme cela arrive dans ces essais, on peut en tirer une conclusion.

M. VAN DEN CORPUT. Dans tous les cas, il importait de déterminer au moins l'espèce végétale de laquelle provient le charbon employé, car tandis que les charbons de peuplier, d'érable et de fusain ne laissent qu'environ 1 p. 100 de cendres, le charbon de tremble en donne 3 p. 100.la méthode ordinaire me paraît d'ailleurs infiniment plus simple.

M. GRIPEKOVEN. Oui, mais elle n'est pas applicable en grand, elle n'est pas applicable à des essais comme ceux que je recommande. Quant à ce que j'ai dit des quinquinas, je ferai remarquer à M. Leroy que les 9210 des quinquinas jaunes débités à Bruxelles n'en sont pas.

M. LEROY. C'est vrai; mais tous les quinquinas du commerce renferment de la cinchonine; dans les meilleurs on en trouve des traces. Si donc on devait rejeter tous les quinquinas qui en contiennent, on les rejetterait tous. D'après les travaux de Pelletier et Caventou, ils ne renfermeraient que de la quinine; mais plus tard, d'autres chimistes ont trouvé dans tous de la cinchonine, quoique en quantité minime. On ne peut donc les rejeter pour cette raison.

M. GRIPEKOVEN. Mais je n'en ai pas rencontré des traces dans ceux que j'ai examinés.

M. LEROY. C'est pourtant ce que vous avez dit dans votre mémoire. Or, on ne niera pas que tout quinquina, même le quinquina royal, ne puisse renfermer de la cinchonine. Ceci dépend de l'âge de l'écorce et d'une foule d'autres circonstanees trop longues à énumérer. Du reste, le moyen proposé par notre collègue n'est pas nouveau, il a été employé il y a une vingtaine d'années, mais on ne l'a pas appliqué, parce que, je le répète, il aurait conduit à rejeter les meilleurs quinquinas.

M. GRIPEKOVEN. Pardon, M. Leroy, ce moyen n'est pas nouveau pour l'essai de Ja quinine et de la cinchonine; mais il est nouveau pour l'essai des quinquinas.

M VAN DEN CORPUT. Je crois que M. Gripekoven est dans l'erreur ce moyen est énoncé tout au long dans les commentaires de Mohr sur la pharmacopée de Prusse. D'ailleurs, ce procédé, que Mohr a présenté sans lui accorder une grande valeur, pourrait faire admettre parmi les bons quinquinas les faux quinquinas de Cusco et d'Arica, qui ne renferment que cette modification de la quinine à laquelle Pelletier et Corriol ont donné le nom d'aricine, celle-ci étant également soluble dans l'éther, et par conséquent vous les regarderiez comme de bonne qualité.

M. LEROY Du reste, M. Gripekoven doit trouver toute satisfaction dans mon rapport. J'ai donné l'esprit de son mémoire, et tout le monde, en le lisant, saura qu'il a proposé ce moyen, qu'il soit bon ou mauvais.

M. VAN DEN CORPUT. Je préfère au procédé que vient d'indiquer M. Gripekoven, celui tout aussi simple mais beaucoup plus exact du collège d'Édimbourg. Il consiste à précipiter le quinate de chaux par le sulfate sodique; la proportion de la chaux est, comme l'ont confirmé toutes les analyses, en rapport direct avec celle de la quinine, au moins pour les quinquinas jaunes; elle peut par conséquent, dans ces cas, permettre de conclure à des résultats quinométriques très-positifs.

Les conclusions du rapport de M. Leroy sont mises aux voix. Celles relatives à la note sur les falsifications de l'iode sont adoptées; quant à celles relatives aux moyens de constater la falsification du quinquina royal, la Société en autorise l'impression dans son Journal. Elle décide ensuite l'impression du rapport de M. Leroy.

M. JOLY, tant en son nom qu'en celui de M. Crocq, donne lecture du rapport suivant sur un travail de M. le docteur Philipeaux, membre correspondant à Lyon.

MESSIEURS,

M. le docteur Philipeaux, ex-chirurgien interne des hôpitaux civils de Lyon, vous a présenté un mémoire intitulé: De la rupture de l'ankylose et de sa combinaison avec les sections sous-cutanées.

L'auteur de ce travail, qui est sans doute un élève de M. le professeur Bonnet, de Lyon, débute par nous rappeler que son honorable maître vient de publier un Traité de thérapeutique des maladies articulaires; et supposant que cet ouvrage nous est encore inconnu, il croit utile de nous en présenter une analyse succincte afin de mieux nous faire apprécier

les travaux du savant professeur Bonnet et de nous initier à sa méthode de traitement des ankyloses.

La supposition de l'honorable auteur du travail que nous sommes chargés d'analyser, ferait croire qu'en Belgique le corps médical est encore bien en arrière, et ignore les travaux des médecins étrangers recommandables par leurs œuvres ou par le mérite de leur enseignement; nous saisirons cette occasion, Messieurs, pour rappeler au monde médical qu'en Belgique la grande majorité des médecins s'intéresse vivement aux progrès de la science qu'ils cultivent avec ardeur, et que rien de ce qui se produit d'utile et de savant chez nos voisins, ne leur est ignoré. C'est assez dire que l'intéressant ouvrage de M. Bonnet fut connu en Belgique dès son apparition, et qu'il se trouve aujourd'hui entre les mains d'un grand nombre de praticiens.

Cette parenthèse fermée, revenons au mémoire du docteur Philipeaux.

La méthode de traitement adoptée par le professeur Bonnet est nouvelle et efficace, elle n'a pas encore complétement cours dans la pratique, dit le docteur Philipeaux, et, c'est afin de la propager et de montrer sa supériorité sur toutes les autres qu'il se propose de nous donner un aperçu du livre de M. Bonnet et de publier un nouveau fait pratique qui en révèle une des plus heureuses applications. Dans son exposé sommaire du Traité de thérapeutique du professeur Bonnet, le docteur Philipeaux commence par rappeler que ce fut Louvrier, directeur d'un établissement orthopédique dans le Doubs, qui remit en pratique la rupture des ankyloses, à l'aide d'une puissante machine à extension, qui rompait instantanément les moyens d'attache et rendait ainsi à l'articulation son mouvement perdu depuis longtemps.

Nous nous rappelons encore très-bien le bruit que fit dans le monde médical le procédé hardi de M. Louvrier; pendant quelque temps l'écho ne rendit compte que de ses succès, mais bientôt des accidents graves, une série de revers firent abandonner le procédé qui avait un moment séduit les praticiens; et le professeur Bérard fit à l'Académie de médecine un rapport très-défavorable sur la machine de Louvrier qui retomba dans l'oubli.

M. Philipeaux rappelle ensuite les travaux de Dieffenbach, qui combina la section des tendons musculaires avec la rupture forcée des adhérences, en pliant la jambe sur la cuisse, et en ne redressant le

membre qu'après avoir obtenu la mobilité du tibia et de la rotule sur le fémur; - puis ceux de Palasciano, de Naples, qui pratiqua la section sous-cutanée des tendons des muscles fléchisseurs, celle des muscles biceps et triceps et de l'aponévrose fémorale externe, suivie de la flexion de la jambe, comme moyen de rompre l'ankylose.

C'est en 1847 que le professeur Bonnet vit pratiquer ces opérations par le docteur Palasciano, et bientôt le chirurgien de Lyon, utilisant l'expérience qu'il venait d'acquérir, mit en pratique la méthode du praticien de Naples, et chercha à la perfectionner par l'emploi des appareils mécaniques dont son génie inventif enrichit l'arsenal chirurgical; mais ici surgit une différence dans les procédés employés par ces deux opérateurs. Palasciano pique la peau du côté du jarret et coupe muscles et tendons d'arrière en avant; Bonnet agit contrairement à ce procédé, ct coupe les tendons et les muscles d'avant en arrière, c'est ce qu'il appelle le procédé antéro-postérieur. Ce procédé aurait, d'après M. Philipeaux, l'avantage de prévenir sûrement les abcès, ainsi que la lésion du nerf poplité externe, toujours à craindre lorsqu'on pique la peau du côté du jarret. Il décrit ensuite le mode opératoire adopté par M. le professeur Bonnet, que vous pourrez lire dans son travail. Outre la crainte de couper les nerfs poplités, ce qui paraît avoir particulièrement préoccupé le professeur Bonnet, c'est d'obtenir par ce procédé un long canal sous-cutané entre la piqûre de la peau et la section des muscles, pour mieux éviter l'entrée de l'air et les inflammations phlegmoneuses qui en sont si souvent la conséquence. Nous ne pouvons que louer le praticien éminent de Lyon, des idées rationnelles de sa thérapeutique, basée sur une sage expérience.

Je crois inutile, Messieurs, de suivre le docteur Philipeaux dans l'exposé de la méthode du professeur Bonnet, chacun de vous, s'il n'en a déjà pris connaissance par la lecture du Traité de thérapeutique des maladies articulaires de cet habile praticien, en retrouvera un extrait dans le mémoire que je suis chargé d'analyser. Toutefois, je ne puis passer sous silence un sage précepte du professeur Bonnet, et qui, à lui seul, établit une différence marquée entre les procédés primitifs employés pour la rupture des ankyloses, et ceux que l'observation a fait naître aujourd'hui. Lorsque Louvrier s'occupa de rompre les ankyloses par sa puissante mécanique, il ramenait violemment dans

l'extension le membre qui s'était soudé à angle plus ou moins aigu, et lorsque, par sa force extensive, la machine était parvenue à rompre tous les moyens d'attache, et à ramener le membre dans l'extension, on le maintenait immédiatement dans cette position en le couchant dans des gouttières droites. La violence des douleurs, les déchirures des muscles, des tendons, des aponévroses et des figaments articulaires, étaient suivies souvent d'une luxation du tibia en arrière, et toujours d'une violente inflammation, que l'extension forcée et immédiate du membre venait encore aggraver. Aujourd'hui Palasciano, Bonnet, Duval et tous les praticiens expérimentés qui ont opéré le redressement des membres ankylosés, en combinant les sections sous-cutanées avec les forces de flexion et d'extension alternatives du membre, par les seules forces musculaires de l'opérateur, bien plus intelligentes que la force brutale des mécaniques; tous, dis-je, ont remarqué et érigé en préceptes, qu'après l'opération il fallait replacer le membre dans un appareil quelconque, mais au degré de flexion qu'il avait avant la rupture de l'ankylose, jusqu'à ce que les douleurs et l'inflammation se soient calmées. Pour atteindre ce but, M. Bonnet a imaginé et fait confectionner un grand nombre d'appareils très-ingénieux, les uns fixes, les autres articulés et mobiles, ceux-ci permettant au malade de se livrer à quelques mouvements et d'imprimer graduellement à l'articulation une certaine étendue de jeu. Aussitôt que la rectitude du membre est à peu près obtenue, il cherche à lui rendre l'exercice de ses fonctions perdues; ainsi, s'il s'agit du membre inférieur, il permet au malade de marcher à l'aide de béquilles, le membre étant soutenu et entouré par un tuteur et un cuissard articulé, avec une sorte de jambe artificielle en cuir de vache. Ce tuteur, dit M. Philipeaux dans son mémoire, peut être remplacé par un appareil amidonné comme l'exécute si artistement son inventeur, M. le professeur Seutin, de Bruxelles.

Les appareils de M. Bonnet sont sans contredit très ingénieux; ils révèlent chez leur auteur une profonde connaissance du mécanisme des articulations et des indications à remplir après les opérations dont il vient d'être parlé. Mais ces appareils sont dispendieux, difficiles à construire et il en faut un grand nombre, variés de formes, de largeur et de hauteur, selon les divers malades auxquels il faudra les appliquer. Si ces appareils ont certaines qualités, ils ont aussi des défauts graves

dont M. Bonnet lui-même convient dans son ouvrage, quand il dit, qu'ils (ses appareils) ont l'inconvénient de ne pouvoir être construits par le chirurgien lui-même comme le bandage amidonné. Ces gouttières exigent, pour leur confection, un moule en bois de même forme et de même dimension que le membre malade, et sur lequel on fait sécher le cuir de vache qui sert à les construire, sans compter le concours du mécanicien intelligent, pour bien confectionner les ferrures de ces appareils. En présence de ces difficultés, insurmontables dans bien des localités, et souvent au-dessus des ressources pécuniaires du malade, on doit reconnaître que ces appareils ingénieux ne pourront se trouver que dans quelques hôpitaux de premier ordre, ou chez certains malades assez fortunés pour en faire les frais.

En regard de ces difficultés positives, que l'on compare la facilité de se procurer partout, presque sans frais, les éléments pour confectionner un appareil amidonné, qui remplira le même but, de l'aveu de M. Philipeaux et de M. Bonnet lui-même, et qui, au dire de ce professeur, n'aurait que l'inconvénient d'être pesant, d'une usure prompte, et de ne pouvoir être porté commodement avec les chaussures ordinaires. » Ces objections ne sont pas assez sérieuses pour nous y arrêter, et je suis convaincu que l'honorable professeur Bonnet, mieux instruit par l'expérience de l'appareil amidonné, que l'on peut façonner de manière à répondre à toutes les variétés et à toutes les exigences de la pratique, modifiera son opinion, car nous avons une trop haute idée de son impartialité médicale.

Les tuteurs articulés dans le sens de la flexion du membre, ou les appareils articulés à flexion et extension, dus au génie du professeur de Lyon, sont des appareils compliqués, d'une exécution difficile et coûteuse, et dont l'appareil amidonné, modifié selon les circonstances voulues, remplira parfaitement le but. Ainsi veuton, après quelques jours de repos accordé au membre malade dont on vient de rompre l'ankylose, lui rendre graduellement le mouvement comme l'indique justement M. Bonnet, on emprisonnera l'extrémité dans un appareil amidonné semblable à celui que nous employons pour la fracture du fémur, avec cette différence que l'attelle postérieure scra brisée dans le creux poplité et que les attelles latérales, faites en zinc solide, présenteront une articulation sur les côtés du genou à l'aide d'un clou rivé. Ces attelles, entourées d'une bande amidonnée (sauf au genou), donne

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