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veux, rudes, descendaient très-bas près des sourcils; le nez était large, écrasé; les lèvres épaisses; les dents, irrégulieres, n'étaient qu'au nombre de neuf au maxillaire supérieur, et de sept sculement à l'inférieur. A la seconde dentition, il ne lui était venu que quatre dents. Son goître était bilobé, assez volumineux. Il n'articulait que quelques mots, et encore ne le faisait-il qu'imparfaitement. Son intelligence, peu développée, ne lui avait permis d'apprendre ni à lire ni à écrire. Il avait toujours été dans l'impossibilité de comprendre le catéchisme; aussi n'avait il pas pu faire sa première communion. Ses qualités affectives étaient peu développées; cependant il témoignait quelquefois un peu d'amitié à sa mère, mais il n'aimait pas son frère. Il n'avait jamais eu les maladies de l'enfance, telles que la rougeole, la scarlatine, etc. Il était lent, paresseux, et mangeait avec avidité toute espèce d'aliments.

Telle a été l'existence de ce crétin jusqu'au 10 mai dernier, jour où il fut mordu par un chien enragé. Une heure après cet accident, sa mère, ayant été avertie par une voisine que son enfant avait été mordu par un chien atteint de la rage et qui avait également mordu plusieurs chiens, le conduisit chez un pharmacien, qui se contenta de cautériser légèrement les morsures avec quelques gouttes d'ammoniaque.

Depuis ce moment jusqu'au 27 juillet suivant, on n'observa rien de particulier dans l'état d'Antoine Chauvet; mais ce jour-là, à onze heures du matin, il refusa de manger et de boire; il alla se coucher au soleil, et au bout de deux heures tous les symptômes de la rage se déclarèrent.

Dès les premiers symptômes de l'hydrophobie, Chauvet, au grand étonnement de sa mère et des personnes qui l'entouraient, au nombre desquelles étaient le médecin et le pharmacien, parla avec une bien plus grande facilité qu'il ne l'avait jamais fait. Ce crétin, qui ne répondait ordinairement qu'avec difficulté, en n'articulant difficilement que quelques mots, adressait alors fréquemment la parole à tous ceux qui l'entouraient, et racontait les souffrances qu'il éprouvait. Dans les intervalles des crises, il appelait sa mère et son frère, leur témoignait par de vives caresses combien il les aimait, et les priait de ne pas le laisser seul.

Le 28, à six heures du matin, après avoir passé une nuit très-agitée, pendant laquelle il fut de toute impossibilité de lui faire avaler la moindre quantité de liquide, Chauvet demanda à diverses re

prises qu'on allât chercher le curé de sa paroisse. Le prêtre arriva vers les huit heures du matin. Aussitôt qu'il eut été introduit près du malade, celui-ci se plaignit amèrement et en pleurant de ce qu'il n'avait pu apprendre le catéchisme.

Vers les trois heures du soir, la violence des crises parut se calmer. Pendant tout le temps que dura ce calme, ou, mieux, cette dépression des forces, l'intelligence ne fut plus aussi développée.

Le 29, vers minuit, les crises revinrent, et avec elles l'intelligence redevint plus lucide. Il adressait de fréquentes questions aux hommes chargés de le veiller, les priant d'éteindre la lumière, qui lui faisait éprouver de violentes douleurs dans la tête, leur déclarant qu'ils ne devaient rien craindre, qu'il ne les mordrait pas. En effet, depuis les premiers symptômes de sa maladie jusqu'à sa mort, il ne manifesta jamais l'intention de mordre.

Les journées des 50 et 31 juillet se passèrent de même, ses crises revenant par intervalles, accompagnées de vives douleurs, telles que les éprouvent les bydrophobes, et son intelligence fut toujours lucide.

Le 1er août, vers les sept heures du matin, il survint un délire aigu pendant lequel le malade parla fréquemment et avec volubilité, citant parfois, mais sans suite, des faits passés depuis plusieurs années, et auxquels il n'avait jamais paru prendre la moindre part. Ce délire dura jusqu'au soir, et fit place à un coma profond qui dura jusqu'à cinq heures du matin du 2 août, jour où il mourut.

Séance du 24 octobre.

RÉUNION DES TENDONS. M. SEDILLOT lit un mémoire sur la réunion des tendons anciennement divisés et isolément cicatrisés comme moyen de rétablissement des mouvements.

M. Roux, à l'occasion de cette communication, a fait observer que la chirurgie, si prodigue autrefois de la suture des tendons dans les plaies récentes, n'est pas restée dans les temps modernes aussi inactive que le pense M. Sédillot à l'endroit des difformités provenant de la section ancienne d'un tendon dont les bouts ne se sont pas réunis. Le fait communiqué par M. Sédillot et qui a servi de base à son travail est fort intéressant; mais déjà a été faite à la main, sur la région dorsale, la suture d'un des tendons extenseurs des doigts anciennement divisé. Marc-Antoine Petit (de Lyon), dans l'un de ses ouvrages intitulé Médecine du cœur, p. 520, raconte

un cas dans lequel il l'a pratiquée avec succès.

M. Roux ajoute qu'il a lui-même suivi la voie ouverte par Marc-Antoine Petit. C'était, il y a vingt-cinq ans, sur un jeune musicien compositeur, qui avait nom Ruffo, l'auteur de quelques opéras-comiques, chez lequel l'usage du doigt médius de la main droite était complétement aboli depuis deux ans, après une section complète du tendon extenseur de ce doigt faite par un fragment de verre quelque peu au-dessus de l'articulation métacarpophalangienne. La suture, une suture simple, a été faite après l'avivement des deux bouts du tendon : une consolidation parfaite a eu lieu, et M. Ruffo a recouvré toute la liberté des mouvements du doigt et a pu reprendre une carrière qu'il avait commencée et qu'il a poursuivie avec distinction.

Société des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles.

Séance du 7 novembre 1855.

Président: M. DIEUDONNÉ.
Secrétaire: M. CROCQ.

La séance est ouverte à 6 heures.

Présents: MM. Dieudonné, Leroy, Van den Corput, Joly, Gripekoven, Perkins, Crocq, Delstanche, Henriette, Bougard, Rieken, Daumerie, Thiry et Martin.

M. Michaux remercie la Société de sa nomination comme membre correspondant.

M. Norbert Gille, pharmacien à l'École vétérinaire, adresse à la Société une note manuscrite sur la falsification des aloès. Renvoyé à une commission, composée de MM. Leroy, rapporteur, Gripekoven et Van den Corput.

Ouvrages présentés :

1. Deux jours à Hasselt. Essai sur l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative des bêtes bovines, d'après la méthode du docteur Willems, de Hasselt; par le docteur A. Didot. Bruxelles, 1855. In-8°.

2. Falsifications des substances alimentaires; suivies d'un tableau indiquant les empoisonnements et les secours à donner aux personnes empoisonnées; par Norbert Gille. Bruxelles, 1855. In-8°.

3. Kreuznach, seine Jod-und Bromhaltige Elisabeth-Quelle und Mutterlauge, deren Wirksamkeit, Gebrauch und Versendung, von Dr J. E. P. Prieger.

4. Vollständiges etymologisch-chemisches Handwörterbuch, mit Berücksichtigung der Geschichte und Literatur der Chemie. Zugleich als synoptische Encyclopädie der gesammten Chemie, von Dr G. C. Wittslein. Munchen, 1853. Vol in-8°.

5. Notizie intorno alla vita scientifica e privata del professore Cavaliere Giovanni Rossi scritte dal Dottore Zaccaria Biagi. Guastalla, 1855. In-8°.

6. Geregtelyk-geneeskundig onderzoek van eene vergiftiging door middel van arsenicum nigrum of zoogenaamd muggenvergift, door A. Fryda en M.-B. Vos, benevens het rapport van het geregtelyke scheikundig onderzoek, door J.-J. Bruinsma en E. Bloembergen. Leeuwarden. 1853. In-8°.

7. Nouvelles observations relatives au délire fébrile, par le docteur Liégey. Br. In-8°.

8. Sesion publica, aniversario décimotertio del Instituto médico Valenciano. Valencia. 1853. In-4".

9. Table alphabétique des publications de la Société de médecine de Gand. Br. In-8°.

10 à 44. Divers journaux de médecine et recueils scientifiques périodiques.

La Société passe à l'élection de trois membres du comité de rédaction pour l'année 1854: sont réélus les trois membres sortants, MM. Rieken, Joly et Leroy.

M. BOUGARD, en son nom et au nom de MM. Martin et Delstanche, lit le rapport suivant sur un travail de M. Leriche, intitulé: Traité des hydropisies des grandes cavités closes.

Messieurs,

Un travail manuscrit intitulé: Traité pratique des hydropisies des grandes cavités closes, adressé à la Société par M. le docteur Leriche, de Lyon, a été renvoyé à l'examen d'une commission, composée de MM. Martin, Delstanche et Bougard. Nous venons vous en rendre compte.

L'auteur rappelle d'abord qu'il a publié en 1850 des observations qui tendaient à prouver que les injections d'iode dans le péritoine ne présentent aucun danger pour le malade et que ce moyen peut remédier à certaines hydropisies ascites. Il a vu avec peine, dit-il, MM. Vidal et Robert s'élever contre cette pratique, attendu que ce n'est qu'après que tous les autres moyens avaient échoué qu'il a eu recours à celui qu'il préconise.

Après quelques autres considérations il passe à l'historique.

C'est en 1841, dit l'auteur, que la première injection d'iode fut faite dans la sé

reuse abdominale. M. Pagani, chirurgien en chef de l'hôpital de Novarre, injecta de la teinture d'iode dans un kyste séreux de l'abdomen. En 1843, MM.Velpeau et Bonnet ont prétendu avoir des droits à la priorité des injections dans les cavités séreuses. Il conclut en disant que trois médecins s'occupaient à la fois de la même question. M. Dieulafoy, de Toulouse, et l'auteur lui-même, ont entrepris ces sortes d'injections sans savoir qu'il y eût des expérimentateurs qui s'en occupaient en même temps. Et quand ce dernier a injecté de la teinture d'iode dans le péritoine, il ne savait pas que M. Dieulafoy l'eût fait avant lui.

Des

Dans le chapitre suivant intitulé cavités séreuses et de leur identité, l'auteur pose cette question: Le traitement des hydropisies des grandes cavités closes par les injections iodées est-il rationnel? II cherche à établir, par quelques citations empruntées aux auteurs classiques, l'analogie qui existe entre toutes les séreuses, entre le péritoine, la plèvre, etc., et la tunique vaginale où les injections iodées réussissent si bien. Ce point étant établi, l'auteur se demande pourquoi une injection iodée dans la poitrine ou dans l'abdomen serait-elle plus à redouter que celle qui est faite dans la tunique vaginale ou dans les membranes synoviales? Le péritoine est pcu disposé aux inflammations aiguës par cause traumatique; au milieu d'une masse de faits qu'il a été à même d'observer, de plaies du péritoine n'ayant entraîné aucun accident dangereux, il rapporte celui du nommé Sautetez, soldat, qui reçut un coup de couteau dans la région iliaque. Le chirurgien qui le pansa fit rentrer une anse intestinale non lésée et pratiqua deux points de suture. Le lendemain et les jours suivants : douleur, réaction, on lui fit plusieurs saignées; il n'y eut plus d'inflammation intestinale, le blessé guérit.

L'auteur fait suivre cette observation de quelques réflexions qui tendent à faire croire que les plaies pénétrantes des gran des cavités n'ont pas la gravité qu'on leur attribue généralement.

Il rapporte ensuite l'opinion de quel ques auteurs, de M. Grisolle, entre autres, qui combat de la manière la plus violente les injections dans le péritoine au point de dire que ce serait un crime que de répéter encore ces tentatives après les accidents funestes qui en ont été le résultat.

Après cela, dit-il, il fallait avoir une conviction bien profonde pour se déterminer à recourir encore à ce moyen.

L'auteur esquisse ensuite l'historique

des injections irritantes dans les grandes cavités closes; il signale les tentatives qui ont été faites à ce sujet et les accidents qui en ont été la conséquence. Il fallait, ditil, d'après M. Velpeau, faire naître dans les cavités closes affectées d'épanchement, une irritation qui soit toujours adhésive et qui ne devienne jamais purulente. La teinture d'iode étendue d'eau lui paraît remplir toutes ces conditions. Il détermine dans quelles proportions ce mélange doit être fait et il conseille d'y ajouter de l'iodure de potassium.

Il examine ensuite les effets des injections iodées dans les grandes cavités closes. Il prétend que ni la crainte d'une inflammation redoutable, ni celle de la gêne que les adhérences pourraient apporter au libre exercice des fonctions organiques ne doivent arrêter l'opérateur; ces adhérences s'effacent, et les cavités peuvent même se rétablir.

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L'auteur parle ensuite des épanchements dans les grandes séreuses.

Ces épanchements se dissipent rarement spontanément, et l'art est souvent impuissant pour en débarrasser radicalement le malade, c'est pourquoi, dit-il, il a songé à recourir aux injections d'iode.

L'auteur examine ensuite la nature des liquides épanchés. Il donne quelques-uns de leurs caractères physiques et chimiques.

Puis il passe au traitement de l'hydrothorax.

Après quelques considérations sur les dénominations appliquées à la maladie qui nous occupe et à l'opération destinée à y remédier; l'auteur expose que malgré la recommandation des plus grandes autorités médicales des temps anciens, cette opération n'est, de nos jours, employée qu'exceptionnellement.

L'auteur conseille d'opérer le plus hâtivement possible, c'est-à-dire avant que le mal n'ait désorganisé les tissus et rendu en quelque sorte le succès impossible.

Il combat ensuite la crainte que l'on a de l'entrée de l'air dans la poitrine. Il cherche aussi à démontrer que l'opération de l'empyème n'est pas aussi grave que ses adversaires le prétendent.

Suivent des observations à l'appui de ce que l'auteur avance.

La Are est empruntée an citoyen Miot et date de l'an VIII de la république francaise.

La 2o est empruntée au chirurgien Mireau et date de 4808.

La 5e appartient à MM. Garreau et Legonest, médecin et chirurgien de l'hôpital de Milianha.

La 4 observation appartient à l'auteur. Les injections iodées ont été employées avec succès.

L'auteur finit ce chapitre en proposant les injections d'iode dans le traitement de l'hydrothorax, après que les autres moyens ont échoué.

Le chapitre suivant est intitulé: Du traitement de l'ascite par les injections iodées.

L'auteur revendique de nouveau l'honneur d'avoir le premier fait usage de ce moyen. Puis il définit l'ascite essentielle; parle des boissons, des diurétiques, des purgatifs, de diverses médications destinées à produire l'évacuation du liquide épanché. Il arrive aux injections irritantes dont il dit quelques mots.

L'auteur rapporte qu'il a pratiqué 17 fois des injections dans le péritoine pour remédier à l'ascite. Sur 16, il a obtenu 9 guérisons et 7 insuccès. Il relate quelques observations d'insuccès, mais elles tendent à démontrer le peu de danger des injections iodées.

Il fait suivre ces faits de quelques réflexions pour affirmer l'innocuité des injections iodées dans le péritoine.

Enfin, l'auteur termine son travail par deux observations de guérison de l'ascite par l'injection iodée. Telle est l'analyse du travail renvoyé à notre examen.

Comme vous le voyez, Messieurs, le sujet que M. Leriche a entrepris de traiter est d'une bien grande importance et présente un intérêt pratique réel. Malheureusement l'auteur s'est contenté d'ébaucher les différents points sur lesquels porte son argumentation; il se renferme presque toujours dans des généralités qui ne sont même pas exposées dans un ordre logique convenable; il y a aussi beaucoup de superfluité dans ce travail. Nous n'entreprendrons donc pas de soumettre à un examen critique ou contradictoire les opinions de l'auteur, ce serait une œuvre laborieuse et sans profit pour la science, attendu que notre savant correspondant, M. le docteur Payan, d'Aix, a exposé, dans un travail aussi lucide qu'intéressant, inséré dans notre Recueil, l'état de la science sur ce sujet.

A cause de cette dernière circonstance, nous ne croyons pas que le travail que nous venons d'examiner puisse être inséré dans notre journal tel qu'il est rédigé.

En conséquence, nous vous proposons de le renvoyer au comité de publication et d'adresser des remerciments à l'au

teur.

Et considérant que c'est un ancien praticien dont le nom est attaché à l'introduc

tion dans la pratique des injections iodées pour la cure radicale de l'ascite essentielle, nous vous proposons d'inscrire son nom sur la liste des candidats au titre de membre correspondant.

M. HENRIETTE. D'après le rapport de M. Bougard, il semble que pour M. Leriche les lésions du péritoine soient sans importance. Je crois, au contraire, que ce sont des lésions excessivement graves, et que, dans tous les cas, on doit tâcher d'éviter de les produire.

M. BOUGARD. M. Leriche appuie principalement son opinion sur deux ordres de cas. Ce sont d'abord les lésions traumatiques, qui occasionnent bien moins souvent qu'on ne le pense des accidents mortels. Ce sont ensuite les opérations de hernie étranglée, dans lesquelles le péritoine est lésé elles sont loin d'être rares, et pourtant les accidents inflammatoires graves ne sont pas fréquents.

M. JOLY. Si j'ai bien compris, M. Leriche injecte de l'iode dans la cavité abdominale pour guérir l'ascite. Cette méthode a déjà été employée en Belgique par M. Rul-Ogez. Je vous dirai que je ne l'ai jamais employée dans ce cas; mais j'y ai eu recours dans les hydarthroses, surtout dans celles du genou, et j'ai été loin de m'en féliciter. Un jour même j'ai vu des accidents formidables se déclarer à la suite de l'injection de teinture d'iode dans un hygroma. Une autre fois, ayant opéré dans un cas d'hydarthrose, j'ai vu survenir un érysipèle phlegmoneux qui a nécessité de nombreux débridements; la vie du malade a été gravement compromise; et, s'il a échappé, c'est en quelque sorte par miracle. Toute la cuisse avait été envahie par une inflammation qui avait fait tomber le tissu cellulaire en sphacèle. Une autre fois, chez un sujet lymphatique, je fis encore une injection de teinture d'iode dans l'articulation, et cette fois sans accidents: l'iode se résorba, et, la compression et l'immobilité aidant, le malade guérit. Ce cas m'enhardit à répéter l'essai de cette méthode dans l'hydarthrose; mais employé dans l'abdomen, je ne comprends pas qu'elle ne détermine pas une péritonite formidable. Sans doute les praticiens qui la préconisent rappor tent des faits, et contre les faits il n'y a rien à dire. Mais il m'en faudrait beaucoup pour oser suivre ces praticiens dans cette voie.

M. PERKINS. La plupart du temps l'ascite est un état symptomatique, et non une maladie. Si l'on cherche à se débarrasser du liquide qui se trouve dans la cavité, c'est plutôt pour remédier à la pression,

à la distension produite par le liquide, et pour laisser aux médicaments le temps d'agir. Mais par la ponction on ne fait qu'enlever un symptôme, et non le mal lui-même, et par l'injection iodée, si elle réussit, on ne fera pas davantage, on ne guérira pas. On a parlé d'ascite idiopathique; mais qu'est-ce? Où cela existe-til? Il m'est arrivé plusieurs fois de voir l'ascite ne plus se reproduire à la suite de la ponction, et pourtant même dans ce cas je ne regarde pas celle-ci comme remède de la maladie je sais fort bien que l'ascite n'est qu'un symptôme d'une ma. ladie d'un organe important, du foie, du cœur, etc.

:

M. BOUGARD. Sans doute l'ascite est la plupart du temps symptomatique. Cependant il existe aussi une ascite idiopathique, comme il y a dans les séreuses autres que le péritoine des hydropisies idiopathiques, dans la plèvre, dans les synoviales articulaires. Le raisonnement, comme l'expérience, nous oblige à l'admettre. Eh bien! quand dans ces cas on a tout essayé en vain, quand on a usé inutilement tout l'arsenal de la thérapeutique, on peut employer ce moyen. Du reste, déjà plusieurs praticiens l'ont employé avec succès tels sont, indépendamment de M. Leriche, MM. Diculafoy, de Toulouse et Rul-Ogez, d'Anvers.

M. PERKINS. Cette ascite idiopathique peut-elle entrainer la mort, et légitimer ainsi l'emploi d'un moyen extrême ?

M. BOUGARD. Les malades s'épuisent à la longue; cette affection résiste à tous les agents thérapeutiques, et ils tombent dans le marasme. Dans ces cas, il faut y remédier à tout prix, et je pense qu'on peut, qu'on doit même essayer les injections iodées.

M. CROCQ. Comme M. Bougard l'a fort bien dit, nous ne pouvons pas nous refuser à admettre l'existence de l'ascite idiopathique. C'est sans doute une maladie rare; mais elle existe, et on en rencontre par-ci par-là un cas. Je ne puis mieux comparer cette maladie qu'à l'hygroma ou à l'hydarthrose. Comme ces dernières, elle reconnait pour cause une congestion de la séreuse, avec exsudation surabondante du sérum du sang qui s'amasse en formant collection. Cette comparaison est d'autant plus utile qu'elle me servira à fixer l'état anatomique du péritoine dans l'ascite idiopathique. En effet, il est très-difficile de constater celui-ci directement, et pour ma part je n'en ai jamais eu l'occasion. Il n'est pas bien rare, au contraire, de trouver à constater l'état des séreuses dans l'hydarthrose et l'hygroma. Ceci est très-important, car

nous devons toujours tâcher de fixer l'état anatomique des organes malades; dy rattacher l'action des agents thérapeutiques, et d'en déduire leurs indications.

Dans ces affections, lorsqu'elles ont duré un certain temps, on trouve la séreuse épaissie, devenue opaque, souvent tapissée par des productions pseudo-membraneuses organisées, offrant des formes diverses. La séreuse ainsi modifiée a perdu de sa sensibilité, et l'on peut y injecter de la teinture d'iode même pure, sans redouter d'accidents. J'ai injecté bien souvent de la teinture d'iode pure dans les articulations les plus importantes, même dans celle de la hanche, sans avoir à m'en repentir. C'était dans des cas de tumeurs blanches, dans lesquels la séreuse est toujours épaissie et tapissée de fausses membranes. Dans les simples hydropisies, la même pratique peut être suivie, dès que la séreuse offre les mêmes conditions anatomiques. Encore en ce moment, je traite un hygroma sus-rotulien dans lequel le toucher et l'exploration, au moyen de la canule du trocart, m'ont permis de constater un épaississement de la séreuse et l'existence de fausses membranes inégales et rugueuses. Appuyé de ce fait, j'y injectai d'emblée de la teinture d'iode pure; elle ne me procura pas même une inflammation suffisante pour amener la guérison.

Dans l'ascite, l'état anatomique du péritoine est le même: il est épaissi et tapissé de fausses membranes organisées, dès que l'affection a duré un certain temps. Lorsque cet état anatomique existe, on pourra, sans crainte d'accidents graves, injecter de la teinture d'iode; et c'est à lui que j'attribue l'innocuité de cette médication dans les cas cités par M. Leriche. Il résulte de là, qu'il faut la tenter seulement lorsque l'affection a duré assez longtemps pour permettre à ces conditions de s'établir, et que pendant ce temps il faut essayer les autres moyens proposés.

M. JOLY. Les observations que vient de présenter M. Crocq sont basées sur la physiologie; incontestablement il y a des modifications subies par les tissus, qui changent leur susceptibilité. Mais les malades qui viennent à l'hôpital atteints d'affections articulaires, les portent toujours depuis longtemps, et par conséquent ces modifications devraient exister. Or, c'est dans des cas pareils que j'ai expérimenté, et deux fois j'ai réussi, deux fois j'ai échoué, j'ai même eu, je le répète, des accidents graves à déplorer. Quant aux injections dans l'abdomen, je me de

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