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Les mêmes conditions, l'usage alimentaire de plantes malades ou nourries d'eau, pour me servir d'une expression vulgaire, devaient nuire aussi aux animaux et plus encore à l'homme.

Une chose digne de remarque, c'est la ressemblance de la phénoménalité de beaucoup de nos maladies avec les effets de l'ergotisme convulsif. Dans ces maladies, on trouve même quelquefois aussi des accidents semblables à ceux de l'ergotisme gangréneux. L'analogie est quelquefois telle que l'on serait tenté de considérer les accidents comme résultant uniquement de l'intoxication végétale. Je ne nie pas que des aliments de mauvaise nature ne puissent, à eux seuls, produire des accidents plus ou moins graves. Dans mon mémoire intitulé: Quelques aperçus sur les fièvres pernicieuses, en parlant de nombreux cas de diarrhée et de dyssenterie que j'attribuais à l'usage d'un pain fait avec des farines avariées, etc., j'ai écrit ceci : « On ne m'accusera point d'erreur lorsque j'anrai dit qu'il a suffi dans tous ces cas, pour faire cesser et reproduire les accidents, de quitter et de reprendre pendant peu de temps l'usage de ce pain. Les moyens qui empêchaient les selles aggravaient la position des malades, auxquels, alors, il fallait donner un laxatif. »

Mais, ni la maladie des plantes, ni la mauvaise qualité d'une partie de la nourriture animale, ni les causes morales nées des commotions politiques, et d'une misère plus grande, considérées isolément ou même réunies, ne peuvent m'expliquer entièrement la production du règne morbide en question ; car, avant que ces changements fussent appréciables, il y avait déjà, et quelquefois chez des personnes vivant dans les meilleures conditions hygiéniques, des affeetions semblables à celles qui se sont offertes depuis, bien plus nombreuses, il est vrai.

Ces circonstances ont donc contribué puissamment à multiplier les affections dont il s'agit, à leur donner généralement plus d'intensité, et cela en affaiblissant, en perturbant à l'avance l'organisme.

Les diverses combinaisons de ces mêmes circonstances, ont sans nul doute contribué aussi à modifier la forme, la couleur du règne morbide, si je puis m'exprimer ainsi. L'influence saisonnaire y a eu moins de part que si les sai sons eussent été franches; chose qui se conçoit aisément, et qui, par exemple, explique comment la grippe s'est parfois prolongée jusqu'en été, comment les formes gastro-intestinales ont parfois aussi régné en hiver.

Par leurs types principalement, nos maladies ressemblent aux affections paJudéennes, et cependant, comme je l'ai dit au commencement de ce travail, les deux contrées voisines dans lesquelles je les ai observées, ne sont pas marécageuses. Il n'y a été fait aucun mouvement considérable de terrain, on n'y a établi jusqu'alors ni canaux, ni chemins de fer, dont les travaux dans certains lieux des contrées voisines, à Nancy, à Sarrebourg, par exemple, ont coïncidé avec la production de fièvres intermittentes, qui parfois ont pris le caractère perni

cieux.

On pourrait dire que les miasmes marécageux ont pu nous venir de ces lieux. Mais je répondrai à cela, que le commencement du règne de nos affections in

termittentes date de neuf ans au moins, tandis que le commencement, dans notre pays, des travaux du canal de la Marne au Rhin ne remonte guère au delà de six ans, et que le début des travaux du bout du chemin de fer de Paris à Strasbourg, qui traverse ce pays, ne date pas de plus de quatre ans.

On me dira peut-être aussi, que la décomposition du détritus des végétaux sur un sol et dans une atmosphère plus humides qu'auparavant, et que de plus fréquents débordements ont pu agir comme des effluves marécageux. Mais, je le dis de nouveau, les années pluvieuses ont été bien postérieures au début de ces affections à type intermittent, et que, comme je l'ai dit en commençant ce travail, j'ai observées d'abord à Baccarat, localité des plus sèches, des plus ventilées et tout à fait exempte de marais proprement dits.

Il faut donc reconnaître que l'influence paludéenne n'est pas absolument indispensable à la production des maladies intermittentes.

(La suite au prochain No.)

DES GRANULATIONS BLENNORRHAGIQUES; par M. SCHUERMANS, docteur en médecine à Bruxelles.

Nous nous sommes permis d'émettre les réflexions suivantes sur la thèse intitulée : Recherches sur les granulations, et défendue avec talent par M. Delvaux devant la Faculté de médecine de l'université de Bruxelles. Nous croyons faire chose agréable aux lecteurs de ce journal, dans lequel ce travail a paru, en venant soumettre ces réflexions à leur jugement. Voici donc ce que nous avons dit: Messieurs,

La plupart des blennorrhagies sont attribuées à l'existence d'un virus particulier, que l'on nomme par cela même blennorrhagique; leur bénignité, leur intensité sont proportionnées à la quantité plus ou moins grande de la matière morbifique déposée sur les muqueuses. Cette doctrine si simple a généralement cours dans le monde médical.

L'honorable récipiendaire admet un autre virus que l'on décore du nom de granuleux; celui-ci possède le triste privilége de produire des granulations, et rien que des granulations; c'est à lui qu'est dévolue la spécialité de créer des surfaces granulées. Disons de suite, Messieurs, que ce virus étrange n'existe pas, et voici pourquoi les granulations ne s'observent point sur toutes les muqueuses; elles ne se voient que sur la conjonctive, le col utérin, et dans le canal de l'urèthre. Quels sont les motifs de cette funeste prédilection? Là-dessus, profond silence de la part des partisans du virus granuleux. Peut-être répondront-ils que la cause en est à la nature, parfois si bizarre et si excentrique; mais ils ne prennent point garde que la blennorrhagie ordinaire, qui certes est moins active, moins virulente que la nouvelle blennorrhagie granulée, s'attaque cependant à toutes les muqueuses.

Aussi, à chaque pas, on rencontre des uréthrites, des vaginites, des vulvites, des balano-posthites, voire mème des rectites, des otites, des rhinites de cette

origine, et la soi-disant blennorrhagie granulée, elle si contagieuse, si désastreuse, si féroce en un mot, reste confinée sur la conjonctive, le col utérin et dans l'urèthre. Messieurs, avouons-le, il y a là quelque chose par trop illogique pour que ce soit naturel, et partant vraisemblable.

Nous admettons cependant les granulations, nous croyons que les blennorrhagies d'une certaine violence peuvent les produire, et en nous permettant une hypothèse que l'on nous pardonnera sans doute, et que d'ailleurs nous n'avons nulle envie de défendre, nous nous rendons compte de leur présence de cette manière: mais d'abord laissons parler M. Gluge. « Les granulations, dit-il, qui se développent par suite de l'ophthalmie contagieuse, sont composées de cellules; ces cellules se déposent sous forme de couches successives. Elles sont semblables aux granulations des ulcères sur la peau, et deviennent, comme elles, sécrétoires. D'après cela, besoin est-il d'invoquer, d'inventer un virus fantastique pour expliquer la formation des surfaces granulées? N'est-il pas plus physiologique, plus rationnel de professer que la blennorrhagie portée à un haut degré d'intensité détruit sur certaines muqueuses l'épithélium qui y est ténu et peu adhérent, comme sur la conjonctive, le col utérin et les parois urethrales, et que du même coup, elle y détermine un travail de suppuration, lequel peut se manifester sur ces tissus par des granulations pyogéniques. De là, Messieurs, la présence des granulations sur ces muqueuses, fait qui, comme vous le voyez, ne présente rien d'extraordinaire. Si le virus blennorrhagique ne produit pas des granulations sur le gland, la face interne du prépuce, le vagin, la vulve, etc., c'est que probablement la densité de l'épithélium de ces dernières membranes les laisse plus difficilement entamer et moins facilement mettre à nu la couche dermatique, et lors même que cela arrive, on ne trouve encore que des exulcérations ou des végétations, mais point de granulations.

N'est-ce point là, Messieurs, une preuve irrefragable que le virus granuleux n'existe pas. Le virus blennorrhagique seul est cause des altérations pathologiques diverses que l'on rencontre. Tantôt il occasionne une urethrite simple, mais toujours spécifique, tantôt il fait naître des granulations, tantôt des exulcérations, tantôt des végétations d'après sa quantité, et d'après la texture des niembranes muqueuses sur lesquelles il sévit.

Maintenant, prouvons mieux encore, par les observations propres de l'honorable récipiendiaire, l'inanité de la doctrine des granulations.

Dans la première observation, nous voyons un jeune homme atteint d'une uréthrite et d'une ophthalmie blennorrhagiques intenses. Le muco-pus de cette dernière fut portée dans le canal de l'urèthre d'un individu qui voulut bien se prêter à cette expérience. Inutile d'ajouter qu'une blennorrhagie urethrale s'en suivit.

Sans doute, on croit que ces uréthrites sont granuleuses, que les granulations sont visibles, palpables. Erreur, Messieurs, on explore avec le plus grand soin à l'œil nu, à la loupe, peut-être même au stylet, les organes malades; mais c'est en vain, nulle part de trace de granulations. Seulement la sécrétion pathologique est purulente, sanieuse, et elle tarit difficilement sous l'influence

d'un traitement méthodique. Et sur ces indices, l'on déclare que ces blennorrhagies sont granuleuses! Ce diagnostic est inadmissible, parce que tous les médecins sont d'accord pour proclamer bien haut le principe que l'on ne peut asseoir un diagnostic précis des maladies d'un organe quelconque sur les seules altérations de sécrétion que cet organe peut présenter (de là les nombreux instruments inventés pour explorer les cavités du corps humain) et que, génėralement, les blennorrhagies simples résistent assez longtemps au traitement le plus rationnel. Ainsi, nous sommes fondé à dire que les blennorrhagies du jeune homme ophthalmique et de l'autre individu ne sont pas granuleuses, car la preuve matérielle, la granulation, manque absolument.

Il est temps de demander à l'honorable récipiendaire la raison pour laquelle on a contaminé la muqueuse uréthrale au lieu de déposer le virus entre le prépuce et le gland; il y avait, ce nous semble, bénéfice, et pour le malheureux qui s'exposait à l'expérience, et pour l'observateur qui alors pouvait voir, sans grande peine, ce qui en advenait. Mais non, on a préféré les profondeurs de F'urèthre, c'est à elles que l'on s'est adressé pour dissiper les ténèbres de la question en litige. On a donc craint la clarté du jour. En effet, que serait-il arrivé, Messieurs, si l'on avait déposé la matière virulente sur l'organe susdit. Une balano-posthite, peut-être ulcéreuse, mais non point granuleuse, et alors la théorie des granulations si longtemps choyée tombait devant l'expérimentation, et ce n'est pas sans un certain scrrement de cœur que l'on renonce à ses plus chères illusions.

Dans la deuxième observation, un jeune homme est affecté, depuis un mois, d'une blennorrhagie considérable, de plus il y a phymosis, la muqueuse du gland et du prépuce se trouve donc ainsi nécessairement baignée dans le mucopus contagieux. Eh bien! malgré cette circonstance favorable de ce bain infect. prolongé, on ne trouve aucun vestige de granulation ni sur le gland, ni sur le prépuce, ni dans le canal.

Qu'importe, on diagnostique une blennorrhagie granuleuse parce qu'elle a donné lieu à une ophthalmie granuleuse. Certainement nous admettons, et cette observation en fait foi, que la blennorrhagie peut déterminer des granulations sur la muqueuse palpébrale sans que leur présence soit nullement nécessaire dans le canal de l'urèthre, et, ce qui le prouve incontestablement, c'est l'observation première, dans laquelle il est dit que le muco-pus d'une ophthalmie blennorrhagique, porté dans l'urèthre d'un individu sain, n'y a produit qu'une blennorrhagie ordinaire, puisqu'il a été impossible de découvrir sur la muqueuse altérée la moindre granulation.

Dans la troisième observation, mêmes justes critiques à reproduire.

Dans la quatrième et la cinquième observation, granulations du col et de l'urethre (dans la quatrième observation, nous ne voyons point de granulations dans le vagin, quoiqu'elle porte pour titre : Blennorrhagie granuleuse vaginouterine et urethrale). On peut donc dire que, dans ces deux cas, le vagin est intact de toute granulation. Cependant le muco-pus a séjourné pendant plusieurs jours dans ce conduit, done, s'il doit produire des granulations par son contact

avec les muqueuses, pourquoi n'en a-t-il pas déterminé dans ces circonstances. sur la muqueuse vaginale?

Dans la sixième observation, qui ne prouve rien, on voit des granulations. dans le canal de l'urèthre. Ici nous regrettons que l'on n'ait pas expérimenté le muco-pus qui en provenait et qu'on ne l'ait pas déposé sur la muqueuse du gland soit du malade, soit de tout autre individu, car, de cette manière, la question aurait été élucidée sur-le-champ; mais on ne l'a pas fait, probablement à cause des raisons que nous avons données plus haut.

Ainsi, Messieurs, des six observations types recueillies par l'honorable récipiendaire, pas une ne milite franchement en faveur de la doctrine des granulations; donc, en présence de ces faits, nous nous croyons autorisé à déclarer que l'existence du virus granuleux n'est point prouvée jusqu'à ce jour. »

D'abord, l'on nous a objecté que les blennorrhagies simples non granuleuses, ou plutôt, pour parler dans notre sens, non compliquées de granulations, sont produites par des causes qui, d'ordinaire, enflamment les autres muqueuses, et que partant elles ne contaminent point. Nous reconnaissons volontiers qu'un certain nombre de blennorrhagies (c'est pourquoi nous avons dit la plupart des blennorrhagies) peuvent être déterminées par des injections irritantes, par le séjour d'une sonde dans le canal, par le coït trop souvent répété, la masturbation, par le contact des lochies, du flux menstruel, des flueurs blanches. Ces cas, que nous nommerons exclusivement uréthrites, ont cela de particulier qu'ils n'ont jamais une durée bien longue. Par le repos de l'organe, l'usage des boissons rafraîchissantes, les uréthrites disparaissent au bout de quelques jours. Mais lorsqu'il y a blennorrhagie, c'est-à-dire uréthrite déterminée par le virus blennorrhagique, elle a une durée considérable et, quoi qu'on fasse, elle résiste quelquefois très-longtemps. C'est là, certes, un signe qui différencie nettement ces deux affections l'une de l'autre. Nous défions qui que ce soit de déterminer, par le dépôt d'une matière irritante quelconque, autre, bien entendu, que celle où se trouve le virus blennorrhagique, une uréthrite qui ait seulement une durée de deux septénaires et qui ne se guérisse, au bout de ce temps, par les seuls soins de propreté. Nous savons bien que M. Ricord soutient la proposition que, fréquemment, les femmes donnent la blennorrhagie sans l'avoir; mais des femmes peuvent également donner le chancre sans l'avoir, et, sans entrer dans des détails inutiles pour expliquer comment cela se fait, faisons remarquer que si elles sont parfois vases pour le virus chancreux, pourquoi ne pourraient-elles pas l'être pour le virus blennorrhagique? Outre la durée de l'affection, il y a encore un autre signe qui annonce qu'elle est de nature blennorrhagique : c'est l'écoulement d'un mucus jaunâtre que l'on observe. Quoi qu'il en soit, et qu'il soit parfois difficile de différencier l'uréthrite de la blennorrhagie, prouvons, par des faits, que celle-ci, en dépit de l'absence des granulations, est contagieuse.

Le nommé Victor Berthe est reçu, en 1846, dans les salles de chirurgie de l'hôpital Saint-Pierre. Il est atteint d'une prétendue ophthalmie catarrhale. Au bout de quinze jours, et malgré les moyens ordinaires employés, l'affection

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