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pliqué le caustique, m'a dit avoir souffert toute la journée et toute la nuit. La douleur est intense, elle est longue, mais les malades la supportent avec courage et résignation, et généralement ils préfèrent le caustique à l'instrument tranchant. La profondeur de l'escharre est en raison de l'épaisseur de la couche de caustique; elle peut atteindre 2 centimètres, si cette couche a deux ou trois millimètres. Si, quand l'escharre est encore molle, on ap plique une nouvelle couche, on obtiendra le lendemain une escharre plus profonde du double, de sorte que l'on peut de cette façon détruire la glande mammaire en entier.

M. DELSTANCHE. M. Moens ne fait aucun mystère de son caustique, et il en aurait publié la formule, si on ne l'avait pas tant tracassé. Du reste, ce n'est pas la composition du caustique qui fait son suc cès; c'est l'habileté de l'opérateur. Tous les jours, comme l'a dit M. Joly, il réapplique une nouvelle couche, en raclant celle qui s'y trouvait. Il l'applique avec une hardiesse remarquable; et on voit même les ramifications que le cancer projette dans les tissus, être poursuivies par l'action du caustique.

M. KOEPL. Vous dites que l'on voit les ramifications cancéreuses se dessiner?

M. HENRIETTE. Oui, vous les voyez se dessiner sous la forme de lignes qui s'ir radient à travers les tissus sains. Le caustique attaque ces lignes, en respectant les tissus sains, et ainsi on peut les suivre à travers ceux-ci.

M. DELSTANCHE. On a poursuivi ce malheureux M. Moens de toutes les manières; on l'a persécuté; pourtant il ne mérite pas ces attaques, et en expérimentant selon son procédé, on arrivera, j'en suis sûr, à de bons résultats.

M. JOLY. Je puis certifier qu'on lui a offert les conditions les plus avantageuses; il ne les a pas acceptées, et il n'a pas voulu indiquer la composition de son remède.

M. HENRIETTE. Je dis qu'il n'a jamais été mis en position de faire l'application de son moyen. Il est vrai qu'une commission a été nommée dans ce but; mais dans cette commission figurait un chirurgien d'hôpital qui avait contre lui de fortes préventions, et qui s'était exprimé sur son compte en termes violents. M. Moens a demandé que cette personne ne fit pas partie de la commission. On n'a pas voulu souscrire à ces conditions; cependant la commission se réunit quelquefois, mais elle ne fit rien de définitif.

est un remède secret dans toute l'acception du terme. Or, je dis que l'homme qui a un secret pour l'humanité, est un homme sans cœur, sans sentiment, sans dignité. On vient de faire allusion à un chirurgien qu'on n'a pas nommé; quel est ce chirurgien? Déchirons le voile, Messieurs, et disons que celui dont on a voulu parler est notre honorable collègue M. Seutin. Il a dit à M. Moens: si vous possédez un remède qui peut être utile à l'humanité, et si vous êtes médecin et non charlatan, vous me le révélerez. Je vous promets que votre secret sera gardé autant qu'il le faudra pour que vos intérêts ne souffrent pas; et je ne vous demande qu'une chose, c'est d'empêcher qu'une foule de malheureux ne continuent à succomber à une mort terrible, inévitable. Sans répondre à la question qui lui était si catégoriquement posée par le chirurgien en chef de l'hôpital Saint-Pierre, M. Moens se rendit auprès de la malade qui se trouvait en traitement, et lui appliqua son caustique. Quelques instants après, il rentra avec M. Seutin à la salle de garde, et ce dernier lui demanda de nouveau s'il était enfin décidé à lui faire connaître son secret, en s'entourant de toutes les garanties voulues pour que ses intérêts ne soient pas lésés. M. Moens refusa positivement. C'est alors que notre honorable collègue, dominé par un sentiment d'indignation que tous vous comprendrez, prononça ces paroles: Allez, Monsieur, sortez d'ici! Car je ne tolérerai jamais que le charlatanisme envahisse nos hôpitaux, les fasse servir à satisfaire ses vues mercenaires, et y cherche un appui pour exploiter l'humanité.

M. Seutin, je me le rappelle parfaitement, a fait partie d'une commission chargée de constater les résultats obtenus par M. Moens. Il a fait des recherches, et il a trouvé, non pas trois ou quatre insuccès, mais une foule de personnes qui, proclamées guéries dans les journaux, avaient succombé à la récidive deux ou trois ans après l'opération. Voilà pourquoi il a conçu de ce moyen une opinion peu favorable. Il n'y a pas longtemps encore, la femme d'un général est morte à la suite de la récidive, après s'être laissé appliquer le caustique.

M. DELSTANCHE. Elle est morte cinq ans après l'opération.

M. THIRY. Pour répondre à cette observation, je vais vous citer un fait. M. Dieudonné connaît comme moi une dame qui porte un cancer depuis plus de cinq ans; elle n'a jamais été opérée; elle est encore en ce moment-ci dans une position

M. THIRY. Le caustique de M. Mocns très-satisfaisante. Dans les derniers mois

de l'année 1853, j'ai enlevé, pour des affections réputées cancéreuses, trois seins; les opérations ont complétement réussi; mais qui oserait répondre que d'ici à un an, à 18 mois, à deux ans, le mal n'aura pas reparu? En 1846, les idées de Tanchou avaient fait de nombreux prosélytes, elles étaient en vogue; et je traitais avec M. Scutin une dame de Mons atteinte d'un cancer au sein; nous employâmes les moyens indiqués par Tanchou, et pendant six à sept mois j'obtins des résultats en apparence assez satisfaisants. Un an après, cette femme était

morte.

Je vous cite ces faits, messieurs, pour vous prouver qu'avec toutes les méthodes on peut proclamer des succès obtenus dans le traitement du cancer, mais qu'avec toutes aussi le temps vient les démentir. Ce qui arrive à tout le monde arrive également à M. Mocns.

Dans tous les cas, je proteste contre les remèdes secrets; je ne crois pas que nous devions nous occuper ici de ceux qui les mettent en usage, ni discuter leurs prétentions car ils pourraient profiter de ce qui se dit dans cette enceinte pour se faire valoir dans le public, pour servir d'aliment à leurs réclames. M. Moens a toujours placé sur le même rang toutes les maladies du sein, cancéreuses ou non, et c'est à cette absence de diagnostic qu'il doit plusieurs de ses prétendus succès. Il les fait valoir bien haut, mais il ne parle jamais de ses revers, il ne dit jamais dans combien de cas est survenue la récidive. Du reste, à quel moment vient-on nous entretenir de tout cela? Au moment où le charlatanisme dresse toutes ses batteries, où il se montre plus effréné et plus ardent que jamais, où les journaux politiques sont pleins d'annonces et de réclames médicales, au moment où des membres de la noblesse écrivent qu'un Napolitain voyageant en Allemagne a guéri 1,200 cancéreux par des moyens à lui seul connus. Oui, messieurs, c'est un pareil moment qu'on choisit pour remuer ici toutes ces turpitudes, pour s'occuper du charlatanisme et lui délivrer en quelque sorte un bill d'indemnité !

Je pourrais encore vous citer une dame opérée naguère par M. Moens, et comptée sans doute parmi ses succès. Elle était atteinte d'un cancer dur, non encéphaloïde; elle se trouve encore maintenant en apparence dans des conditions assez favorables, mais aux yeux d'un praticien exercé, elle porte déjà tous les signes avant-coureurs d'une récidive imminente.

M. HENRIETTE proteste qu'il n'a aucu

nement eu l'intention d'attaquer M. Seutin.

M. DIEUDONNÉ. Puisqu'il a été ici question de M. Moens, je dois déclarer qu'il est vrai que ce médecin fait un secret de son remède; et cela est tellement vrai que dans le temps (en 1847) il avait proposé de présenter à une commission à nommer par la Société les malades opérés par lui; à cette époque il se faisait fort de guérir la moitié des cancéreux qu'on lui présenterait. La Société, avant d'accepter cette proposition, fit demander à M. Moens de communiquer à la Commission, sous le sceau du secret, le moyen dont il se servait; mais il n'a pas voulu donner la composition de son caustique, dont il prétendait faire un remède secret. Dans cet état de choses, on n'a pas cru devoir s'en occuper pour ne pas fournir matière à réclames. Je crois aussi devoir appeler l'attention de M. Delstanche sur un mémoire publié dans notre journal, en 1847, par M. le docteur Serré, d'Arras, sur les caustiques arsénicaux (1). Il trouvera là des documents sur leur emploi et sur l'existence de l'arsenic dans la sécrétion urinaire.

M. CROCQ lit son rapport sur le mémoire de M. Horst Bretschneider, de Gotha, sur les fractures de la rotule. Les conclusions, tendant à remercier l'auteur, sont adoptées. (Voir le rapport de M. Crocq à la page 329).

M. KOEPL lit le rapport suivant sur les travaux de M. Wenzel Gruber, prosecteur à l'Académie impériale médico-chirurgicale de Saint-Pétersbourg.

Messieurs,

Dans la séance du mois de décembre vous avez bien voulu me charger d'un rapport sur deux ouvrages de M. le docteur Wenzel Gruber, premier prosecteur de l'Institut anatomique de l'Académie médico-chirurgicale de Saint-Pétersbourg, conseiller aulique, chevalier de l'ordre de Sainte-Anne de 3 classe, membre de plusieurs sociétés savantes, etc.

Le premier ouvrage, de 160 pages, petit in-folio avec 11 planches, portant pour titre: Abhandlungen aus der menschlichen und vergleichenden Anatomie, c'est-à-dire, « Traités sur différents sujets de l'anatomie humaine et comparée.

Le deuxième, est une brochure de 14 pages avec une gravure, extraite du Bullettin de la classe physico-mathématique de l'Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg, et portant pour titre : Beschreibung zweier neuen Bånder am Schadel des Mensches: Description de deux

(1) Journal de la Société, tome IV, année 1847, pages 411 et 484.

nouveaux ligaments du crâne de l'homme. Le principal de ces deux envois de l'honorable auteur contient un recueil de 8 traités ou mémoires, dont je tâcherai de vous donner une esquisse succincte:

Le premier traite: a. De quelques particularités ostéologiques du crâne humain, qui imitent le type animal. L'auteur a découvert, sur le crâne d'un homme de 30 à 40 ans, un rudiment de la tente osseuse antérieure du cervelet, dont l'existence au pourtour de la selle turcique n'a été reconnue par Cuvier et constatée par Brandt que sur le crâne du Rhinoceros tichorhinus.

b. Des apophyses extraordinaires de l'os du palais, du frontal et du maxillaire supérieur, qui sont destinées à remplacer la face orbitaire de l'ethmoïde, comme cela se voit sur les carnivores.

c. De l'union insolite de la portion écailleuse du temporal avec le frontal, moyennant une apophyse particulière, comme sur les singes.

Le deuxième mémoire du recueil a pour sujet l'os interpariétal des mammifères en général, et en particulier celui découvert sur les Quadrumana, Carnivora, Marsupialia et Glires, et le Tapirus indicus. Pour se livrer à ces recherches, dont le but était de confirmer les découvertes déjà faites par d'autres et d'en faire des nouvelles sur les espèces non encore étudiées dans ce sens, l'auteur a passé en revue ad hoc 6 à 700 crânes de mammifères. Il a constaté le premier la présence de cet os sur Aleles paniscus ? Enhydris lutris, Viverra Rasse; Rhyzaina tetradactyla; Galidia concolor; Petrogale lateralis; Myrmecobius fusciatus; Petromys typicus; Sminthus vagus; Myodes socialis, lagurus et species, Psammomys obesus, etc., et enfin sur le Tapirus indicus.

Le troisième mémoire prouve la présence des ossicules de Worms sur les mammifères, ce qui a été nié jusqu'à présent. L'auteur les a vus sur toutes les espèces de mammifères et même sur les cétacés dans toutes les sutures du crâne. Il opine que leur présence est indépendante de l'état sauvage ou apprivoisé de l'animal, comme on a voulu l'établir, car on les observe sur le chien domestique autant que sur le che val, sur l'ours sauvage et apprivoisé, sur le bœuf comme sur le buffle, etc.

L'auteur nous livre le quatrième mémoire pour discuter le véritable rudiment de l'os lacrymal, nouvellement découvert sur le Trichechus rosmarus (cheval marin), et le cinquième mémoire, pour indiquer la véritable signification des nouveaux ossicules faciaux de l'ure (Bos urus).

M. E. Eichwald a décrit, en 1841, un

fragment osseux, faisant partie de l'intermaxillaire du Bos urus, qu'il considère comme un nouvel os facial surnuméraire, plus quelques particularités de la cloison nasale cartilagineuse propres à cet animal. M. Gruber prouve, appuyé sur ses nombreuses recherches, que ce fragment osseux n'est qu'une ossification partielle d'un cartilage nasal, lequel se trouve constamment, et que les susdites particularités de la cloison ne sont que des anomalies accidentelles et communes au gros bétail.

Les trois mémoires qui suivent traitent différents sujets de l'anatomie humaine et présentent un grand intérêt.

Le sixième mémoire confirme certaines anomalies déjà connues du système dentaire de l'homme, et en signale des nouvelles. Ainsi l'auteur a vu quinze cas de dents proliféres, et des dents surnuméraires de forme conique, implantées dans la partie incisive de l'apophyse alvéolaire du maxillaire supérieur, ainsi qu'au palais, au facies, entre les incisives internes et dans la fosse nasale. Quant à la position et à la direction vicieuse des dents surnuméraires, coniques, nommées dents emboliformes par Carabelli, l'auteur en a vu qui étaient horizontalement placées, et même des dents normales du maxillaire supérieur, dont la couronne faisait saillie au plancher nasal. L'auteur a pu observer trois cas dans lesquels les canines permanentes n'ont pu exercer aucune action expulsive sur les dents de lait correspondantes; on a vu qu'elles ont été entièrement déviées et même séparées des dents de lait par de petites cloisons osseuses. Ces observations prouvent la justesse de l'avis émis par Hunter, qui admettait la chute des dents de lait par résorption, même lorsqu'elles n'ont pas de remplaçants, ainsi que l'erreur de ceux qui expliquent le phénomène du rechange dentaire par l'action pressive et fondante de la vésicule dentaire sur la racine de la dent de lait. L'auteur achève ce mémoire par la description de deux cas de fracture de dent suivie de guérison.

La septième partie de ce recueil contient quelques nouvelles découvertes ostéologiques. Ainsi l'auteur a réussi à trouver un nouvel os sésamoïde sur la face dorsale du pied humain, au-dessus de l'extrémité postérieure du premier espace inter-métatarsien, devant l'articulation qui réunit le premier cunéiforme au deuxième métatarsien. La connaissance de cet os, que l'auteur a rencontré sept fois sur quelques cadavres, peut être de quelque valeur, lorsqu'on pratique l'exarticulation tarso

métatarsienne, et expliquer l'obstacle osseux qui s'oppose à l'opération à cet endroit.

M. Gruber décrit une suture surnuméraire et extraordinaire du pariétal gauche et du temporal, qui détache, pour ainsi dire, la partie postérieure et inférieure du premier, et partage en deux la portion écailleuse du second. Il prouve ensuite, que, strictement parlant, les grandes ailes du sphénoïde contribuent, ainsi que le frontal, l'ethmoïde et le corps du sphénoïde, à la formation de la fosse crânienne antérieure par des ossicules qu'on observe sur les crânes de la plupart des individus jeunes, derrière l'apophyse orbitaire externe du frontal, là où elle se réunit à la grande aile de l'os sphénoïde.

Le huitième et dernier travail est consacré à la myologie, à l'angéiologie et à la splanchnologie. L'auteur établit la terminaison constante du muscle extenseur long du grand orteil, par deux tendons; contre l'avis des principaux anatomistes, il a vu un faisceau détaché du muscle sous-scapulaire droit, ainsi qu'un muscle long palmaire double, etc. Il cite un cas où l'artère temporale profonde postérieure prenait son origine de l'artère méningée moyenne, après son entrée dans la cavité crânienne.

Aux anomalies des artères du tronc brachial, constatées sur 380 cadavres, ou 760 extrémités supérieures, et publiées en 1849, l'auteur ajoute encore une série d'observations faites sur 220 nouveaux cadavres examinés ad hoc. Ce nombre considérable le mit en état de dresser une espèce de statistique sur la fréquence de ces exceptions à la règle généralement admise par les anatomistes. Il en résulte que, sur 600 cadavres, les anomalies des artères des extrémités supérieures, dont l'énumération et la description consciencieuse dépasseraient les limites de ce rap port, ont été rencontrées 84 fois, 64 fois d'un côté, et 20 fois bilatérales. L'anomalie s'est rencontrée sur onze ou douze bras. Parmi les 64 anomalies unilatérales, 45 se trouvèrent à droite. Sur 1200 extrémités supérieures, l'auteur rapporte 48 anomalies de l'artère radiale, 26 de l'artère cubitale, 47 de l'artère intcrosseuse, cas de vasa aberrantia et 1 de l'artère médiane superficielle de l'avantbras.

A la fin de l'ouvrage, nous trouvons encore le récit de 2 cas de fracture de la corne supérieure du cartilage thyroïde, qui fournissent une nouvelle preuve du défaut de reproduction de la substance cartilagineuse. La réunion plus ou moins complète s'opéra par le dépôt de matière

osseuse dans le périchondre. Il me reste encore quelques mots à dire sur la seconde brochure. L'auteur y révèle sa découverte de nouveaux ligaments du crâne humain. Le premier est le ligament salpingo-ptérygoïdien. Il prend origine à la pointe ou au crochet qui se trouve à la feuille interne de l'apophyse ptérygoïde du sphénoïde, et se rend en dedans du muscle circonflexus palati mollis à la trompe d'Eustache, pour s'y insérer à sa surface externe au bord arrondi de la partie cartilagineuse. L'utilité de ce nouveau ligament serait, d'après l'auteur, de tendre la paroi externe du tube et d'éviter son déplacement par l'action des muscles pétro-salpingo et splénosalpingo-staphylinus, de retenir l'extrémité de la trompe dans une attitude fixe et constante, et de trainer plus en dehors. son bord supérieur, ce qui assure à son ouverture pharyngienne l'obliquité nécessaire.

L'autre ligament, appelé pterygo-petrorum, se trouve à la base du crane, se détache de la surface inférieure du rocher, près de la partie antérieure de la circonférence externe de l'ouverture inférieure du canal carotidien, et se rend à la fosse ptérygoïde pour se fixer à la feuille interne de l'apophyse ptérygoïde du sphénoïde. Ce ligament modifie l'action et la direction du muscle ptérygoïdien interne, sert de ligament accessoire à l'articulation temporomaxillaire, protége les nerfs et les vaisseaux et empêche l'artère carotide interne de comprimer l'artère méningéc moyenne ainsi que les ramifications de la troisième branche de la cinquième paire.

Messieurs, pardonnez-moi la longueur de cette analyse, qui donne à peine une idée des richesses contenues dans les ouvrages de M. Gruber.

Ma tâche de juge et de critique est singulièrement abrégée et simplifiée par la nature des découvertes, par la valeur presque mathématique des faits constatés et par l'étendue des connaissances d'anatomie humaine et comparée que révèle chaque ligne des travaux de M. Gruber soumis à notre appréciation. Il ne s'agit pas, dans ce cas, de contrôler la réalité et la justesse des observations et des conclusions que l'auteur en tire. Il a consigné ce qu'il a vu, et tous ceux qui veulent voir ce qu'il a vu, n'ont qu'à répéter ses recherches avec le même courage et la même ardeur. Cet ouvrage ne contient ni hypothèses, ni élucubrations subtiles. Passez, Messieurs, dans le musée ou dans le laboratoire de M. Gruber, comme j'ai pu le faire lorsque la Russie n'avait pas encore enlevé ce savant distingué à sa patrie, et

l'auteur vous prouvera, pièces en main, par ses collections et par ses préparations admirables, tout ce qu'il avance dans ses écrits. L'adresse manuelle artistique de l'auteur est à la hauteur de son esprit observateur et investigateur.

L'auteur se place par ses travaux, qui portent le cachet d'un zèle infatigable et d'une persévérance intarissable, sur le véritable point de vue des sciences naturelles. Il cherche et il trouve, non sans peine et labeur, les phénomènes de la nature animale et les compare entre eux; il en signale l'analogie et les différences morphologiques, C'est ainsi qu'il entasse fait sur fait, observation sur observation, et il parvient, sans se préoccuper d'abord de la portée pratique de ses découvertes, à enrichir nos connaissances positives, à relever un coin du voile dont la nature aime à cacher ses bizarreries, tout en restant dans les limites d'une production normale.

On pourrait se demander à quoi aboutissent toutes ces recherches laborieuses? quelle est l'utilité de la découverte de l'os interpariétal du tapir ou de quelque déviation artérielle ou musculaire? Je répondrai à cela poursuivre et trouver le vrai est toujours utile; établir un fait ignoré jusqu'à présent, c'est poser la première pierre d'un édifice dont l'architecte n'aura pas à rougir. Lorsque Galvani vit tressaillir la cuisse d'une grenouille par le contact métallique, il ne songca certainement pas que ce phénomène, inexplicable

alors et apparemment insignifiant, enfan terait un jour le télégraphe électrique et autres inventions merveilleuses de l'esprit humain. Pour le moment, on pourrait contester aux découvertes de notre auteur l'intérêt pratique et leur influence sur nos connaissances thérapeutiques, mais cette objection ne saurait pas être sérieuse, attendu que M. Gruber cultive spécialement et exclusivement l'anatomie et la physiologie comparées, et n'émet nulle part la prétention de vouloir éclairer les praticiens dans l'exercice de l'art de guérir.

Le rapporteur a l'honneur, Messieurs, de vous soumettre les conclusions suivantes :

4o D'adresser des remerciments à M. Gruber pour l'envoi de ses remarquables travaux;

2o De l'engager à continuer ses envois; 3o De le nommer membre correspondant de la Société.

Les conclusions de ce rapport sont mises aux voix et adoptées à l'unanimité. En conséquence, M. Gruber est proclamé membre correspondant de la Société.

M. CROCQ, en son nom et au nom de MM. Rieken et Perkins, lit un rapport sur le mémoire de M. Heyfelder, fils, sur la structure des ganglions lymphatiques (1). Les conclusions de ce rapport sont adoptées à l'unanimité, et M. Heyfelder est inscrit sur la liste des aspirants au titre de membre correspondant.

La séance est levée à 8 heures.

IV. VARIÉTÉS.

DE QUELQUES PRÉJUGÉS EN PROSE ET EN VERS CONTRE LA MÉDECINE; par M. PIERRE BER

NARD

1.

Un jour, Molière parut dévier de son bon sens invariable et de son équité profonde. Le divin Homère sommeillait bien quelquefois ! C'est le jour où il composa cette chose si triste et si joyeuse qui s'appelle: Le Malade imaginaire. Là, Béralde s'exprime au sujet des médecins avec non moins d'emportement et d'indignation que Cléante ne le fait, dans Tartufe, contre ce cuistre et ses hypocrisies. Ecoutez c'est Molière lui-même qui parle sous le masque, et que dit-il?

Je la trouve (la médecine) une des plus grandes folies qui soient parmi les hommes; et à regarder les choses en phi

losophe, je ne vois pas de plus plaisante momerie, JE NE VOIS RIEN de plus ridicule QU'UN HOMME QUI VEUT SE MÊLER D'EN GUÉRIR

UN AUTRE. >

Est-ce clair? Oui, et si clair qu'il n'est presque plus digne d'un homme loyal, sincère et franc comme Béralde prétend à l'être, d'ajouter : « Je ne prends point à tâche de combattre la médecine; CE QUE J'EN DIS N'EST QU'ENTRE NOUS... (Le bon secret de la comédie!) Ce ne sont point les médecins qu'il joue (Molière), mais le ridicule de la médecine. » O Molière! vous trouvez tout simple un homme qui veut corriger les mœurs d'un autre ridendo (en riant),et vous proclamez ridicule celui qui veut soulager son semblable. Je ne reconnais là ni votre esprit philosophique, ni votre charité. (1) Voir ce rapport dans notre cahier de mars, page 266.

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