Images de page
PDF
ePub

aux recherches de M. Palasciano, avec des chances de succès toutes nouvelles. La nécessité de vaincre les difficultés très-variées que l'on trouve dans la rupture des ankyloses du genou, et dans les sections sous-cutanées qui les précèdent, conduisirent M. Bonnet à diverses recherches. Il perfectionna les appareils. mécaniques qui servent au redressement, après que l'ankylose a été rompue, et ceux qui facilitent la marche au moment où le malade se lève. Il pratiqua la section simultanée du biceps et de l'aponévrose fémorale externe, suivant un procédé différent de celui de M. Palasciano, procédé qu'il appelle antéro-postérieur, et qui prévient sûrement les abcès, ainsi que la lésion du nerf poplité externe, toujours à craindre lorsqu'on pique la peau du côté du jarret; enfin cherchant à généraliser davantage la méthode proposée pour le genou par M. Palasciano, il étendit à la hanche, au pied, au coude, aux articulations du poignet et de l'épaule, la combinaison des sections sous-cutanées et de la rupture de l'ankylose.

N'ayant en vue aujourd'hui que de publier un fait de rupture d'ankylose du genou, je ne ferai connaître de ce travail de M. Bonnet que ce qui se rapporte à ce sujet.

D'après ce que je viens de dire, la méthode qui va nous occuper consiste donc : 1o dans la section des muscles du jarret, de l'aponévrose fémorale externe et du tendon commun au faisceau moyen du triceps et au crural antérieur; 2o dans la flexion forcée de la jambe; 3° dans un traitement consécutif.

1° Section des tendons et des muscles. Pour faire la section simultanée du biceps et du faisceau externe de l'aponévrose fémorale, M. Bonnet conseille, contrairement au procédé de M. Palasciano, qui coupe d'arrière en avant, celui qui lui est propre et qu'il appelle antéro-postérieur. Le voici tel que M. Bonnet l'a décrit dans son Mémoire :

Le malade étant couché sur le dos et éthérisé, le chirurgien cherche à sen› tir, avec l'indicateur gauche, le tendon du biceps du côté du jarret; il s'ap›plique à discerner le relief formé par ce tendon de celui que produit assez > fréquemment le nerf poplité externe; il pousse entre eux le doigt indicateur › gauche, de manière à soutenir le biceps et à laisser le nerf en dedans. Bien › fixé de la sorte sur le lieu où doit aboutir l'extrémité de son ténotome, il se > sert du pouce de la main gauche, dont l'indicateur reste placé en dedans du biceps, pour tirer la peau en dehors, au-dessus du condyle externe du fémur. › Avec la main droite, il fait une piqûre à la face antérieure externe de la > cuisse, au-dessous de l'angle externe de la rotule et vis-à-vis le doigt indica>teur gauche placé dans le jarret. Il enfonce ensuite le ténotome mousse › d'avant en arrière, jusqu'à ce que l'extrémité ne soit plus séparée que par la > peau du doigt indicateur gauche qui sert de point de repère. Il tourne alors > le tranchant en dehors, et en faisant mouvoir son instrument aussi bien qu'en poussant les parties contre lui, il coupe le biceps, le faisceau externe du > biceps et le fascia lata; il s'arrête lorsqu'il est à 2 ou 3 centimètres de la pi› qûre de la peau. >

Ce procédé permet d'agir avec plus de précision que celui dans lequel on

commence du côté du jarret. En exécutant ce dernier, c'est-à-dire celui de M. Palasciano, on est obligé, au moment d'opérer, d'enlever le doigt qui a permis de reconnaître la position du biceps et du nerf poplité externe. En suivant celui que propose M. Bonnet, le doigt sert de guide pendant tout le cours de l'opération. Mais la différence essentielle est celle-ci : lorsque l'on pique la peau du côté du jarret, malgré l'effort que l'on fait pour la tirer en dehors, la piqûre est presque vis-à-vis la plaie qui résulte de la section du biceps. La présence du nerf poplité externe empêche de se ménager ces longs canaux sous-cutanés qui mettent à l'abri de toute introduction de l'air, et sans lesquels on ne réalise qu'imparfaitement les principes de la méthode sous-cutanée.

Lorsqu'il y a lieu de couper ensuite les muscles internes du jarret, M. Bonnet adopte alors le procédé de M. Dieffenbach; il sectionne ces muscles de leur face profonde à leur face superficielle.

La section du triceps doit être faite aussi bas que possible. Le lieu où elle a toujours été pratiquée répond à la partie du fémur qui est située immédiatement au-dessus de sa surface articulaire; quand la jambe est fléchie à angle droit, cette place est éloignée de 4 ou 5 centimètres du bord supérieur de la rotule.

M. Palasciano pique la peau au côté externe du membre, glisse sous celle-ci un long tenotome, et divise le muscle triceps et le tendon du droit antérieur de la face superficielle à la face profonde; il ne s'arrête qu'après avoir atteint le fémur.

M. Bonnet a pratiqué plusieurs fois la section du triceps à travers une seule piqûre; mais il a reconnu qu'en agissant ainsi on ne pouvait diviser le muscle que dans une partie de sa surface, et que l'on était exposé à faire pénétrer l'air dans la solution de continuité, soit lorsqu'on piquait la peau vis-à-vis de la section musculaire, soit lorsque, faisant cette piqûre plus loin, on relevait beaucoup le manche de l'instrument pour permettre à la lame d'atteindre le côté interne du membre.

Pour éviter ces inconvénients et pour couper aussi complétement que possible les tissus fibreux qui vont se rendre sur les côtés de la rotule, il fait deux piqûres, l'une en dedans et l'autre en dehors. De longs ténotomes introduits successivement par l'une et par l'autre ouverture, et faisant des sections qui se croisent sur la ligne moyenne, permettent tout à la fois de produire une division complète et de la faire en laissant un intervalle de 2 centimètres au moins entre les piqûres de la peau et les sections des muscles.

Ce procédé, que l'on ne saurait trop recommander, est aussi supérieur au procédé ordinaire que la section des tendons fléchisseurs par la méthode antéropostérieure, et préférable à celle où l'on agit sur eux directement par le jarret.

Lorsque le triceps est coupé, on peut procéder immédiatement à la rupture de l'ankylose, et même il vaut mieux agir ainsi et ne pas faire immédiatement la section des fléchisseurs et des abducteurs, si ceux-ci ne sont pas tendus et si un certain degré de redressement est nécessaire pour les faire saillir et les rendre évidents.

2o Rupture de l'ankylose. Lorsque toutes les sections sous-cutanées sont terminées, l'opérateur fait avancer la cuisse sur le bord du lit; il place l'avantbras gauche derrière la partie supérieure de la jambe, et, avec la main droite placée en avant et en bas de celle-ci, il lui imprime des secousses successives, tendant à produire la flexion. Sous leur influence, on entend un craquement dans la jointure, et après une hésitation plus ou moins longue, on voit la jambe se fléchir, entraînant avec elle la rotule par l'intermédiaire du ligament rotulien, dont la traction n'est plus contre-balancée par celle du triceps. Cette flexion doit être portée jusqu'à l'angle aigu. Lorsque l'on ramène ensuite la jambe dans l'extension, on reconnaît, en saisissant la rotule entre les doigts, qu'elle est devenue complétement mobile sur le fémur. Ces résultats ont été obtenus dans tous les cas qui seront cités plus loin.

Un seul mouvement de flexion est insuffisant pour rompre toutes les adhérences le résultat n'est complet qu'autant que l'on fait éprouver à la jambe un certain nombre de mouvements alternatifs de flexion et d'extension, et que l'on tire énergiquement sur elle avec les mains, pendant que des aides pressent sur la partie antérieure et interne du genou. M. Bonnet a coutume de consacrer quatre ou cinq minutes à ces manœuvres, et de ne les suspendre que lorsque le redressement est achevé.

3o Traitement consécutif. Dans les cas où la jambe ankylosée est fléchie sur la cuisse seulement de 20 à 40 degrés, on peut, immédiatement après la rupture de l'ankylose, placer le membre dans une gouttière droite; il s'y trouve suffisamment soutenu, et les tractions peuvent s'y exercer d'une manière favorable. Mais, lorsque la flexion se rapproche de l'angle droit, il est impossible de réussir à son aide : le malade y éprouve des douleurs vives, et à mesure que le redressement s'accomplit, on voit se manifester une luxation en arrière.

Dans ces cas difficiles, on doit faire précéder l'emploi de la gouttière droite de celui d'un appareil articulé aussi fléchi que l'était le genou ankylosé; on y fait reposer le membre pendant quelques jours, jusqu'à ce que les douleurs et l'inflammation se soient calmées. Ce résultat obtenu, on s'occupe du redressement graduel, qui exige de trois à quatre semaines quand l'opération a été bien faite et que les appareils sont convenables. On achève le rétablissement de la rectitude en plaçant le membre dans une gouttière droite, pourvue de moyens d'extension et de contre-extension.

Le travaux de M. Palasciano s'arrêtent au redressement de la jambe; M. Bonnet ne s'en est pas tenu là; tout en restituant la forme, il a voulu aussi rétablir la fonction du genou. Grâce à ses appareils, il fait exécuter à l'articulation, lorsque le cas est favorable, des mouvements artificiels, et il n'a jusqu'ici qu'à se louer de cette conduite. Aussitôt que la rectitude de la jambe est à peu près obtenue, il cherche à lui rendre l'exercice de ses fonctions perdues, et fait soutenir le membre, dans les intervalles de repos, au moyen d'un tuteur qui lui donne de la solidité, et qui permet au malade de marcher avec des béquilles. Ce tuteur peut être un appareil amidonné comme l'exécute si artistement son inventeur, M. le professeur Seutin, de Bruxelles.

Comme il est indispensable, pour rendre au genou la solidité qu'exige la marche, d'avoir un bon tuteur, on ne saurait trop recommander celui qui est décrit et figuré page 548 de l'ouvrage de M. Bonnet. J'ai eu récemment l'occasion d'en constater les avantages, car il a pu à son aide faire marcher deux malades opérés seulement depuis cinq à six semaines, sans qu'ils eussent besoin d'autre appui que celui d'une canne.

Cependant il est des cas graves dans lesquels les moyens mécaniques que je viens de signaler sont insuffisants. Ce sont ceux dans lesquels le tibia fait un angle aigu avec le fémur, et où sa tête est luxée en arrière et en dehors. Un appareil spécial a été imaginé pour remédier à ce genre d'accident; comme il n'a pas été employé dans le cas que je vais rapporter, je le passerai sous silence.

Telle est, en peu de mots, la méthode que propose M. le professeur Bonnet, de Lyon; c'est, on le voit, la méthode de M. Palasciano singulièrement perfectionnée et amplifiée. Jusqu'ici les faits que ce chirurgien a cités démontrent, mieux que toutes les dissertations, les résultats que l'on peut en attendre. En effet, sur cinq cas de rupture d'ankylose du genou que nous lui avons vus pratiquer, dans quatre le redressement a été obtenu d'une manière plus ou moins complète, et certes ces résultats n'ont pas été dus à la simplicité des conditions dans lesquelles la rupture a été pratiquée.

Sous le rapport du rétablissement de la mobilité, les résultats ont été bien légers; il y a bien eu, dans certains cas, conservation de quelques légers mouvements, mais ils ont été sans importance; toutefois, M. Bonnet a eu raison de se servir chez eux d'un appareil de mouvement, car, à mesure qu'ils en faisaient usage, l'engorgement de la jointure diminuait, et surtout celle-ci devenait moins sensible aux pressions et à la marche.

Maintenant que vous êtes, Messieurs, à peu près au courant de cette manière d'opérer la rupture de l'ankylose, il ne me reste plus qu'à vous citer le fait sui

vant :

Ankylose angulaire du genou droit, résultat d'une arthrite aiguë de cause rhumatismale. Section sous-cutanée du triceps crural; rupture de l'ankylose. Traitement consécutif : redressement complet de la jambe. Emploi de l'appareil de sustentation pour faciliter la marche. Guérison.

Madame X...., de Jemmapes, près de Mons, en Belgique, âgée de 51 ans, douée d'une fort bonne constitution, fut atteinte, il y a environ douze ans, d'un rhumatisme qui, après s'être porté sur toutes les principales articulations, se fixa sur le genou droit. Malgré les soins empressés et de tous les instants apportés à la guérison de cette maladie, cette affection ne put être enrayée d'une manière complète. Le genou resta sensible, tuméfié, et devenait même douloureux à la suite d'une marche un peu longue.

Quatre années après le début de son rhumatisme, cette dame fit une chute sur le genou affecté, qui lui occasionna une arthrite très-intense et la retint au lit pendant plusieurs semaines. Depuis cette époque, une inflammation pseudo

membraneuse s'étant emparée de l'article, le genou se tuméfia, la jambe se fléchit de plus en plus, et la marche devint impossible sans béquilles.

Pour arrêter le mal on plaça, en 1848, quatre cautères sur les parties latérales du genou et, une année après, on pratiqua sur le même lieu une cautérisation transcurrente avec le fer rouge.

Ces traitements, le dernier surtout, firent cesser en grande partie la douleur, mais la difformité ne put être enrayée; elle n'en subit même aucune amélioration notable.

Madame X.... ayant constaté l'inutilité de tous les traitements employés pour combattre la difformité dont elle était atteinte, résolut de quitter son pays pour venir se mettre entre les mains d'un chirurgien dont les travaux scientifiques la portaient à penser qu'il pourrait la débarrasser de la lésion qui mettait une si grande entrave au bonheur de son existence. Elle se rendit, à cet effet, au commencement du mois d'avril 1855, à Lyon, pour y consulter M. le professeur Bonnet.

Attaché à la pratique de ce chirurgien, je pus constater avec lui la lésion sui

vante :

Le genou droit était tuméfié, et la peau qui le recouvrait portait des traces indélébiles des cautérisations qui y avaient été pratiquées. La jambe était tellement fléchie sur la cuisse, qu'il y avait environ 18 centimètres de raccourcissement d'un talon à l'autre; elle était, en outre, dans l'abduction et la rotation en dehors. En cherchant à faire exécuter à l'article quelques mouvements, la jambe et la rotule pouvaient se mouvoir de quelques degrés, signe non équivoque d'une ankylose fibreuse de l'articulation tibio-fémorale. Les tendons du jarret étaient très-peu rétractés, ainsi que le faisceau aponevrotique du fascia lata. M. Bonnet jugeant ce cas favorable pour faire la rupture de l'ankylose, résolut de tenter cette opération sans plus de retard. Mme X.... fut fortement encouragée à se soumettre aux propositions que lui faisait M. Bonnet par M. le docteur Pommies, médecin de l'Hôtel-Dieu de Lyon, qui avait eu plus d'une fois l'occasion d'assister ce chirurgien dans de semblables opérations, et qui avait pu apprécier bien souvent les résultats avantageux qu'offrait un pareil traitement chirurgical.

Le 9 avril 1853, M. Bonnet procéda à l'opération suivante :

Après avoir fait éthériser la malade, il fit la section sus-rotulienne du muscle triceps crural, en suivant le procédé indiqué plus haut, et ne voulut pas couper ensuite les tendons du jarret, qui ne lui paraissaient pas suffisamment rétractés.

Cette section accomplie, il procéda à la rupture de l'ankylose. A cet effet, il fléchit fortement la jambe sur la cuisse, détacha, par suite, les adhérences de la rotule du tibia, et par des mouvements alternatifs de flexion et d'extension combinés avec des tractions énergiques sur la jambe portée dans l'adduction et des pressions qu'un aide exécutait sur les parties interne et antérieure du genou, il obtint, au bout de quelques minutes (dix environ), un redressement presque complet, et la cessation de l'abduction et de la rotation de la jambe en dehors.

« PrécédentContinuer »