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Ce fait me semble done, sous ce dernier rapport, d'un puissant intérêt pour la médecine légale. En effet, les ouvrages anciens, comme les plus modernes, des médecins légistes laissent à désirer sous ce point de vue, puisqu'il n'y est fait mention que des contusions en général, des plaies par instruments tranchants et déchirants, et nullement de la flagellation, de son mode d'action sur l'organisme, lorsqu'elle est assez intense et assez fréquemment renouvelée pour occasionner la mort, et enfin des lésions qu'elle laisse après cette dernière.

C'est parce que j'avais reconnu qu'il y avait lacune à cet égard dans les livres, que j'ai eu l'idée de recueillir avec détail l'observation dont il va être question. J'exposerai d'abord les faits tels qu'ils se sont passés; ensuite je chercherai à expliquer comment la flagellation prolongée finit par faire succomber les sujets qui y sont soumis, pour peu qu'ils soient faibles; enfin, je ferai connaître combien les archives de la science manquent de documents satisfaisants à cet égard.

OBSERVATION II. Monomanie singulière ayant porté un homme d'une certaine instruction à exercer la flagellation sur une petite fille âgée de quatre ans, d'une manière assez continue et assez intense pour qu'elle ait fini par occasionner la mort de cetle enfant.

Jeanne L..., d'une constitution faible, âgée de quatre ans et demi, orpheline, demeurait chez le sieur M..., homme riche et sans enfants, qui, avec l'agrément du tuteur et des parents de cette filie, s'était chargé de l'élever. Il lui apprenait à lire et à compter, mais il la frappait sans cesse, soit avec la main, soit avec une discipline formée de dix-huit cordelettes armées de plusieurs nœuds, soit enfin avec deux cordes plus grosses, dont la largeur permettait de multiplier les bouts, et cela lorsque l'intelligence de cette enfant lui refusait de comprendre ou de retenir ce qu'il voulait lui enseigner.

Parfois c'était avec des orties qu'il la fustigeait. Le 25 novembre 1859, il la battit de la sorte, depuis deux heures de l'après-midi jusqu'à la nuit; ensuite, avec une discipline, pendant les trois jours qui suivirent.

Jeanne L... ne pouvait presque plus plier les jarrets, ni se tenir assise, tant ses fesses et ses jambes étaient meurtries et déchirées.

Le 27, voulant la forcer encore à compter, il la frappa de nouveau après avoir relevé sa chemise, et il répétait à chaque

coup un, deux, trois, quatre, cing. Bientôt les draps furent tachés de sang. La pauvre victime poussa longtemps des cris aigus qui s'affaiblirent ensuite, et alors les forces lui manquant, elle demeura sans mouvement et ne tarda pas à expirer.

L'autorité, avertie par la rumeur publique, fit exhumer le lendemain le cadavre et procéder à son examen et à son autopsic.

Le médecin requis constata sur la partie antérieure et latérale gauche de la poitrine des ecchymoses légères de 6 à 10 millimètres de diamètre, irrégulièrement arrondies, et six plus profondes et plus étendues, dont une située vis-à-vis la septième côte; les autres le long du bord des fausses côtes, et sur la partie antérieure et latérale droite une foule d'ecchymoses, dont cinq allongées en travers et d'environ 5 centimètres de longueur sur 5 millimètres de largeur. Les dernières présentaient l'empreinte d'un corps inégal, tel qu'une corde composée de plusieurs cordons avec nœuds; plus, trois autres meurtrissures plus profondes.

Sur le côté gauche de l'abdomen, entre l'ombilic et l'épine antérieure et supérieure de l'os des îles, on découvrait sept à huit stries ecchymotiques légères, indubitablement produites par la percussion d'une corde qui aurait porté dans une longueur de 6 à 7 centimètres. Le reste de la paroi antérieure du ventre offrait encore plusieurs petites ecchymoses irrégulièrement disséminées.

Sur le dos, au milieu des sigillations cadavériques, on distinguait de quarante à cinquante ecchymoses allongées, offrant les impressions de l'inégalité d'une corde dirigées obliquement de haut en bas, les unes de droite à gauche, les autres de gauche à droite.

Sur le bras gauche, particulièrement à sa partie antérieure et externe, existait une large ecchymose en nappe et une vingtaine d'autres plus profondes, ainsi que sur l'avant-bras; sur le bras droit, on en voyait un aussi grand nombre d'autres isolées.

Sur la face antérieure de la cuisse ganche, on comptait sept meurtrissures verlicales, d'environ 10 centimètres de longueur, et sur la droite une vingtaine d'autres, dont quatre transversales, plus profondes; enfin, autour des partics génitales, six autres peu étendues, provenant probablement de coups portés sur les cuisses et l'abdomen. En outre, on notait sur chacune des jambes une dizaine d'ecchymoses situées particulièrement en dedans et en dehors.

Toutes ces meurtrissures, de formes irrégulières, avaient une profondeur variable; ainsi, les unes ne s'étendaient qu'aux lames superficielles du derme, tandis que les autres avaient envahi le tissu cellulaire sous-cutané; les profondes avaient laissé couler un peu de sang, et paraissaient dues à l'action d'un corps dur, tel qu'une baguette de bois ou les nœuds d'une corde.

Procédant à l'autopsie du cadavre, le même homme de l'art constata: 1° Que le cerveau, examiné avec soin, présentait une forte injection sanguine de ses vaisseaux, une adhérence des deux feuillets de l'arachnoïde de 4 à 5 millimètres d'étendue à la partie supérieure de l'hémisphère droit, et dans les ventricules latéraux une quantité de sérosité qu'on pouvait évaluer à 50 grammes; 2' que les organes de la poitrine étaient sains; 3o qu'enfin ceux de l'abdomen étaient dans le même cas, puisqu'il ne fat rencontré que quelques vers lombrics dans les intestins, sans qu'il fût résulté de leur présence la moindre inflammation.

De tous ces faits, il conclut : Que les ecchymoses nombreuses, mais n'attaquant aucun organe essentiel à la vie, observées sur le corps, n'avaient pu produire la mort que par la violence et la continuité des douleurs qu'elles avaient occasionnées, et il crat plus rationnel de l'attribuer à la congestion cérébrale et à l'épanchement de sérosité dans les ventricules, que les cris et les efforts de l'enfant avaient dû déterminer d'autant plus facilement, qu'il y avait déjà eu antérieurement une inflammation des méninges, et que les coups avaient dû, en outre, faciliter l'une et l'autre.

Je pensai que plusieurs omissions avaient eu lieu dans le procès-verbal, et qu'il était à regretter 1 Que le médecin expert n'eût pas décrit l'aspect de l'adhérence de l'arachnoïde, afin de pouvoir déterminer si elle était le résultat d'une phlegmasie ancienne ou récente : plus tard, dans sa déposition orale, il déclara affirmativement qu'elle devait remonter à une époque antérieure à celle actuelle; 2o qu'il n'eût pas noté avec précision l'état des organes de la respiration et celui du cœur, par rapport à la quantité de sang qu'ils pouvaient contenir; 5o qu'il n'eût point examiné les parties génitales.

Quant à ses conclusions, elles me semblèrent peu logiquement déduites, et les causes réelles de la mort autres que celles assignées par lui. En effet, elles lui avaient paru avoir été une congestion cérébrale et un épanchement dans les ventricules

déterminés par les cris, les efforts de l'enfant, et par des coups, tandis que ces derniers n'auraient pu les produire que dans les cas où ils auraient été portés sur la tête: or, cela n'avait pas eu lieu ici. Quant aux cris et aux efforts comme causes productrices de la congestion, on peut affirmer, d'après l'expérience, que tant fréquents qu'ils soient chez les enfants, ils n'occasionnent que bien rarement cet effet. Restait donc l'adhérence de l'arachnoïde; mais résultant d'un état morbide de cette membrane très-limité, déjà ancien et guéri, elle ne pouvait avoir été cause prédisposante. Je fus porté à croire : 1° Que l'exhalation séreuse dans les ventricules avait été occasionnée par la stasc du sang dans tout le système veineux, par suite du ralentissement qui devait être survenu le jour de la mort ou même avant dans la circulation, à cause de l'affaiblissement de l'innervation chez cette enfant, sous l'influence d'émotions terribles, de la douleur et de la frayeur continuelles, 2o que les coups multipliés sur une surface aussi étendue que celle de la peau de presque tout le corps, surface si sensible dans le jeune âge, avaient dû, en outre, entretenir dans le cerveau une excitation morbide continue, et la peur qui succédait aux corrections, une dépression profonde de la sensibilité. Alors rien d'étonnant qu'un état congestionnaire du cerveau et une exhalation consécutive de sérosité dans les ventricules en eussent été les conséquences.

Mais encore, dans ce cas, la mort dut survenir par syncope, ou sous l'influence de coups achevant d'épuiser le principe animateur de la vie ; c'est-à-dire la sensibilité ou l'excitabilité qu'il est destiné à répartir aux divers organes, et surtout au cœur et aux poumons, de même que dans les brûlures étendues en surface intéressant la peau, quelque peu profondes qu'elles soient,fce n'est pas tant aux lésions qu'elles occasionnent qu'à la continuité des douleurs et à leur énergique réaction sur l'encéphale, principal dispensateur de la sensibilité, qu'elles doivent de déterminer la mort.

Enfin, j'ajouterai que dans l'ancien supplice de passer sous les verges, encore usité au vir siècle, tout porte à croire, malgré le peu de documents médicaux qui nous soient parvenus sur le mode d'action de cette cause de mort, que c'était par suite de l'étendue des surfaces lésées, de l'intensité et de la continuité des douleurs capables de provoquer des syncopes mortelles, que la vie s'éteignait; ou que si elle se prolongeait au delà, elle cessait,

un peu plus tard, sous l'influence des lésions cérébrales consécutives qui survenaient. Cependant ce ne sont que des présomptions, puisqu'à cet égard il y a lacune dans la science.

Quant aux sévices si multipliés rencontrés sur le corps de la victime, les fastes judiciaires et ceux de la médecine légale n'en offrent aucun exemple dans lequel ils aient été identiques, sous le rapport de l'étendue et comme cause de mort; le plus souvent, lorsqu'ils ont été signalés par les médecins légistes, ils l'ont été comme résultat de simples moyens de punition, et n'ayant entraîné que des condamnations à des peines correctionnelles.

Feu Bertin, médecin appelé par la défense, décrivit les caractères anatomiques de la congestion cérébrale, et ne les retrouva point dans l'état du cerveau de la petite Jeanne L..., tels qu'ils avaient été notés dans le procès-verbal d'autopsie cadavérique. Il contesta au rédacteur de ce dernier que les cris de l'enfant, même aidés des douleurs, eussent été la cause 'occasionnelle de celle-ci, se fondant sur ce que la congestion sanguine est très-rare 'chez les jeunes sujets, tandis qu'elle devrait être très-commune si les cris prolongés la produisaient, et sur ce que l'observation pratique indique, au contraire, la rareté de cet état morbide par une semblable cause. Il établit également que l'épanchement de sérosité dans les ventricules du cerveau, que le même officier de santé attribuait encore à cette cause, avait pu se former tout au plus dans les derniers instants de la vie, et l'exhalation se continuer après la mort, et qu'il n'y avait pas de raisons suffisantes pour l'envisager comme le résultat des coups; qu'enfin, relativement aux douleurs comme cause de mort, il était permis de la mettre en doute, puisque rarement on avait vu, à l'époque où les tortures les plus atroces étaient employées par le despotisme et l'ignorance, les malheureux qu'on y soumettait succomber pendant leur durée, quelque prolongées qu'elles fussent; mais que cependant il n'était pas impossible qu'elles eussent pu chez la petite Jeanne L..., déjà débilitée, concourir à hâter

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notes, s'étendait longuement et minutieusement sur les mensonges de l'enfant, demandait fréquemment la parole pour interpeller les témoins sur ses bons procédés envers elle. Il s'exprimait sans aucune vivacité; il ne manifesta de l'émotion, qui se décela par des larmes, que lorsque l'avocat parla de la vive affection de son client pour la petite Jeanne L......., de la boucle de ses cheveux que ce dernier portait toujours dans un portefeuille sur son cœur; et encore cet attendrissement fut-il de courte durée, car immédiatement après, le prévenu reprit son air d'indifférence il semblait qu'il ne fût pas en cause. Il en fut de même lors du prononcé de sa condamnation. Son défenseur, après avoir cherché à établir, par les dépositions d'un certain nombre de témoins appelés à décharge, l'infériorité intellectuelle du sieur M..., traita la question de monomanie, envisageant les actes barbares commis par lui comme en ayant été le résultat. Le ministère public, au contraire, après avoir apprécié les faits de la cause, indiqué les caractères de cette variété d'aliénation mentale, fit ressortir leur absence dans l'espèce, les ruses multipliées du coupable pour donner le change sur les causes de la mort de l'enfant, n'admit que l'hypochondrie chez l'accusé, maladie dont on ne put nier la réalité, et conclut à la culpabilité. En conséquence, le sieur M... fut condamné à huit années de reclusion.

Dans les sciences qui, semblables à la médecine légale, ne peuvent se former qu'en s'appuyant sur des faits, on ne saurait trop attacher d'importance à ceux-ci, surtout lersqu'ils manquent dans les ouvrages ou qu'ils ne s'y rencontrent que dépourvus de détails. C'est ce motif qui m'a engagé à faire connaître les deux précédents, dont le second est un exemple bien remarquable d'une flagellation ayant été assez forte et assez prolongée pour entrainer la mort.

Les divers Trailes de médecine légale n'en offrent aucun analogue; du moins je n'ai pas pu en découvrir dans tous ceux que ma position de médecin dans une ville de province m'a permis de me procurer. En effet, parmi les anciens je n'ai rencontré que le seul livre de Zacchias dans lequel il soit question de l'action des coups de cordes ou de fouet, ce qui constituait le supplice des verges; et encore n'ai-je rien trouvé qui m'ait satisfait sous le rapport de la description des effets ou des lésions rencontrées à l'ouverture des cadavres de ceux qui y avaient succombé.

Voici les passages (livre V, titre II, question 10, Zacchias) qui y ont rapport,

et que j'ai été obligé de traduire pour rendre l'interprétation plus facile : « La flagellation, dit cet auteur, si elle est › multipliée et énergique, exécutée avec » des verges fortes, ou que les coups > soient donnés avee des baguettes par ‣ une main robuste, peut occasionner la mort; et quoique ni la flagellation ni > les coups avec des baguettes ou des bâtons ne semblent avoir été appliqués ⚫ avec la volonté de tuer, les jurisconsul

tes n'en décident pas moins, que dans › ces cas l'événement doit être attribué au > délinquant.

à l'extérieur, provenant de fièvres malignes, tandis que par la dissection, dit-il, on trouve, pour les premières, que si les veines ont été rompues par une violence externe, et qu'elles ont laissé échapper du sang, on rencontre facile»ment sous la peau ce dernier épaissi et concrété, par suite de la dilacération des » veines et des autres vaisseaux; si, au contraire, elles dépendent d'une fièvre > maligne, cela n'aura pas lieu; scule»ment la couleur de la peau et de la chair subjacente paraîtra changée en une. » teinte livide. »

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Zacchias explique ensuite comment il n'y aura alors que transsudation du sang, à cause de sa turgescence à travers les parois veineuses, mais sans dilacération de celles-ci: «Tandis que, dit-il, si les ecchy» moses et les vibices dépendent de cause » externe, la couleur du sang est presque > noire, et passe, à l'aide du temps, au » pâle; et au contraire, dans celles de » cause interne, la teinte noircit, ne » change pas par la succession du temps, » diminue, s'efface, par suite de la ténuité > plus grande du sang, qui rend plus facile »sa dissolution, sa résorption, et enfin sa > disparition, tandis que celui provenant » de blessures est plus épais, passe au. » vert en se putréfiant, et ne peut se ré>> soudre. » Enfin, il ajoute, d'après Félix

› Mais, au contraire, les sugillations › rencontrées après qu'un homme a succombé, et par suite de la mort devenues › non manifestes, ne laissent pas dans les > parties externes de vestiges de ce genre › de sugillations, parce qu'elles meurtrissent également tous les muscles extérieurs, les imprègnent d'une seule couleur qui ne diffère pas beaucoup de ⚫ celle naturelle. ne laissent point de ta⚫ches, mais déchirent et ulcèrent les veines internes et les artères, d'où arrive ▸ que les sugillés meurent facilement. La difficulté est de reconnaître si ceux qui » ont été frappés par le fouet, les bâtons * ou les petits sacs remplis de sable, ont toujours péri: car quelquefois cela est ⚫ douteux, et il est d'un grand intérêt. En effet, deux signes trompeurs et incer-Plater, ⚫tains sont le rejet du sang par la bouche ou quelque autre partie, non-seulement ⚫ pendant que le flagellé vit, mais aussi après la mort, et les vibices, les sugillations, les ecchymoses, les stigmates, les taches sur le corps et surtout sur les › parties musculeuses; car le rejet du sang, qui, dans ces cas, a coutume de se faire par la bouche ou les narines, ou les oreilles, ou l'anus, ou enfin par la voie des urines, n'arrive pas toujours et › ne succède pas constamment.

Il advient que dans la partie du corps ⚫ qui aura souffert d'un coup ou d'une › percussion de cette sorte, qu'elle soit › remarquable par les grosses veines, ou * qu'au contraire il n'y ait existé aucun › de ces vaisseaux, on n'y remarque pas toujours de signes ou effets de flagella>tion, parce qu'il est ordinaire d'en rencontrer par suite d'autres causes, comme on peut le voir chez ceux qui succombent à l'apoplexie, à l'épilepsie et à la > fièvre maligne. »

Le même auteur, dans un alinéa sui vant, établit les différences remarquées à l'ouverture des cadavres entre les ecchymoses, les vibices produites par des coups de cordes, la flagellation, et celles nulles

« que les ecchymoses et vibices > par cause externe ne sont observées que » dans les endroits frappés, tandis que » lorsqu'elles dépendent d'une cause in»terne, on les rencontre partout, même » dans des parties qui n'ont été soumises » à aucune percussion. »

On voit d'abord, par le troisième alinéa de la citation précédente, lequel indique indubitablement le supplice de la flagellation par les verges ou bâtons, infligé sur une surface étendue du corps, et à coups multipliés et énergiques, que l'auteur ignorait si ceux qui le subissaient périssaient toujours, et qu'il incline à croire que quelquefois cela n'avait pas lieu. Mais il n'est pas difficile de deviner qu'il n'en avait connaissance que par ouï-dire, et nullement par aucuns faits qui lui fussent connus personnellement, puisqu'il indique de quel intérêt il serait pour la science de pouvoir lever tout doute à cet égard, aliquando hoc vertitur in dubium et magni interest scire.

Ensuite on se convaincra combien les explications données par Zacchias se ressentent du temps dans lequel il écrivait et dénotent l'enfance de la science, et quelle insuffisance descriptive se fait remarquer dans les caractères anatomiques qu'il as

signe aux lésions occasionnées par des instruments aussi différents que des verges, des cordes, des bâtons, des baguettes, des sacs allongés remplis de sable. En effet, il les a toutes englobées et confondues dans les désignations de sugillations, d'ecchynoses, de vibices: lésions dont il ne fait point ressortir les différences, quoiqu'elles soient si distinctes les unes des autres et qu'elles proviennent de causes tout à fait opposées. La description des blessures et ecchymoses si multipliées trouvées sur le corps de l'enfant Jeanne L..., résultant de l'action de coups de martinet et de cordes, comblera du moins cette lacune en partie, car l'absence de tout fait de ce genre existe bien réellement dans les ouvrages de médecine légale, Ainsi : 1° Postérieurement à Zacchias, je n'ai rencontré que dans le Dictionnaire universel de médecine de James (tome III, page 1527), quelque chose qui eût rapport à la flagellation, et encore non comme cause de mort, mais comme remède. Voici la traduction de ce singulier passage: « Quel » ques-uns étaient dans l'usage de battre » avec de petites férules légères, médio> crement graissées, les parties amaigries, > jusqu'à ce qu'elles s'élevassent tant soit » peu. Ainsi, on fit grossir en peu de > temps les fesses d'un enfant qui étaient › entièrement desséchées, en les frappant » tous les jours, ou de deux jours l'un, et en y ajoutant une légère onction de » poix. »

2o Dans le Traité de médecine légale, de Fodéré, il n'y a rien qui soit relatif à la flagellation.

5o Dans celui de M. Orfila, même dans l'édition de 1848, il en est encore ainsi, puisqu'il se borne à décrire les contusions, les divers degrés des ecchymoses, la succession des couleurs par lesquelles elles passent, en quoi elles diffèrent des sugillations, celles superficielles des lividités cadavériques et des pétéchies, et qu'il ne décrit nullement celles produites par la flagellation, qu'il n'a peut-être pas eu occasion d'observer.

4o Enfin, dans l'ouvrage de médecine légale publié par M. Devergie en 1837, cet auteur a bien noté, à l'article CONTUSION, deux variétés d'ecchymoses, celles par infiltration et celles par épanchement, les caractères qui les différencient des vergetures, des sugillations et des lividités, les ecchymoses de la peau, celles du tissu cellulaire avec ou sans tumeur, les contusions avec ou sans ecchymoses, celles des muscles et des organes parenchymateux, leurs effets consécutifs; mais il ne traite nullement de celles occasionnées par la

flagellation ou l'action des verges, et n'en cite aucun exemple.

Dans la deuxième édition (1840) du même Traité de médecine légale, en parlant des armes perforantes et tranchantes, il n'a pas produit davantage d'exemples des effets de l'action multipliée de pointes de ciseaux ou de tout autre instrument coupant sur la peau; de même qu'en décrivant celle des agents contondants, il n'a pas plus fait connaître les résultats de la flagellation. Enfin, dans une dernière et toute récente édition de 1852, je n'y ai trouvé aucun fait qui eût de l'analogie avec ceux que je viens de relater.

J'ai eu, une autre fois, l'occasion d'étudier les effets d'une forte flagellation qui avait été exercée sur les fesses d'un enfant âgé de trois ans; c'était au mois de mars de l'année 1858. Voici ce que j'observai; 4o Une large contusion occupant toute la fesse gauche, présentant une teinte violacée, remontant jusqu'au niveau des dernières vertèbres lombaires, parsemée d'un grand nombre de petites écorchures ponctuées, dont quelques-unes seulement étaient linéaires, plus étendues, et telles qu'en pourrait faire un petit ballet de houx; 2o une seconde, beaucoup plus légère, sur la partie saillante de la fesse droite, avec une multitude de petites écorchures analogues aux précédentes; 3° une troisième vis-à-vis le grand trochanter de la cuisse droite, avec tuméfaction, mais sans traces d'éraillures ; 4o enfin, une dernière plus légère en dehors et en arrière de la crête de l'os des iles.

Mes conclusions furent: 4° Que les meurtrissures des fesses avaient été le résultat de la percussion assez forte d'un corps dur; 2o que les stigmates ou écorchures, si multipliées, dénotaient que ce dernier avait dù être armé de petites pointes, telles qu'en présenteraient un ballet court de houx, ou des verges faites avec des tiges chargées d'épines; 3o qu'enfin, elles ne pouvaient avoir été faites par les ongles, leur forme ronde, excessivement petite, comme ponctuée, et leur multiplicité, les différenciaient trop de celles qui auraient pu résulter de l'action de celles-ci. J'ajoutai que les meurtrissures avaient pu être faites d'abord soit avec la main, soit avec tout autre corps contondant, et être suivies de flagellation avec une verge épineuse.

Les deux observations précédentes peuvent appeler l'attention des médecins sur l'existence d'une véritable lacune dans les ouvrages de médecine légale, par rapport, d'une part, à l'action des incisions superficielles multipliées sur la surface du

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