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nous copiait servilement, vint se former à notre école; l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie même, envoyaient leurs graveurs chez nous pour y apprendre à manier le burin. C'est chez les artistes que nous venons de nommer que se formèrent Wagner, Preisler, Schmidt, Wille, nés en Allemagne; Strange, Ingram, Ryland, envoyés par l'Angleterre; ce dernier pays nous emprunta aussi, à la même époque, des artistes habiles, entre autres Aliamet, l'Empereur, et Vivarais le paysagiste.

Sous ce règne, cependant, quelques graveurs, pour faire du joli et de l'effet, comme en faisait Boucher en peinture, se relâchèrent des principes sévères de l'école tels furent madame de Pompadour, Gaspard Duchange, Laurent Cars; mais Balechou, Wille, Ant. Trouvain, les deux Chéreau, Daullé, Nic. Larmessin, conservèrent, malgré leurs défauts, les bonnes traditions.

A la fin du dix-huitième siècle, SaintAubin, Avril, Duplessis Bertaux et de Boissieu nous amènent jusqu'à la grande école du dix-neuvième siècle ou de l'empire, formée d'après les inspirations de David; alors nous trouvons Bervic et Desnoyers, et, après eux, Massart, Richomme, H. Dupont, Lemaître, Sixdéniers, et mille autres qui maintiennent notre école au niveau de son ancienne gloire.

Nous ne pouvons terminer cet article sans dire quelques mots de divers genres de gravure en taille-douce, tels que la gravure à la manière noire, au pointillé, en couleur, au crayon, et au lavis.

La gravure à la manière noire, due aux Allemands, et surtout en usage en Angleterre, est monotone et lourde; Vaillant, mort en 1677, est à peu près le seul artiste français qui l'ait employée pendant le règne de Louis XIV; sous Louis XV, nous trouvons Leblond, et de notre temps, nous pouvons mention

ner M. Jazet.

La gravure au pointillé, d'origine hollandaise, est encore pratiquée particulièrement par les Anglais, bien qu'un assez grand nombre de Français l'aient aussi cultivée avec succès. On s'en sert surtout pour les portraits; ceux qui ont été exécutés par Hopwood, au pointillé

au burin, sont d'un joli effet et d'un beau fini.

La gravure en couleur, d'origine chinoise, fut employée pour la première fois en Allemagne vers 1730, et apportée en France par l'inventeur, Leblond, en 1737. Cette gravure, qui demande l'emploi de plusieurs planches, est très-utile pour les ouvrages d'histoire naturelle; nous devons citer les œuvres d'Audebert, mort en 1800, et les planches du Dictionnaire d'histoire naturelle de d'Orbigny, qui se publie actuellement, comme ce qui a paru de plus remarquable en ce genre.

La gravure au crayon, modification du pointillé, a été inventée par François, graveur de Paris, en 1756. On l'emploie avantageusement pour les études du dessin.

La gravure au lavis, inventée par Leprince, graveur de Paris, vers 1756, est favorable pour rendre les paysages et l'architecture; l'inventeur à produit en ce genre des œuvres remarquables.

GRAY, Gradicum, ville ancienne de la ci-devant Franche-Comté, aujourd'hui chef-lieu d'arrondissement du département de la Haute-Saône. Son origine paraît remonter à une haute antiquité. Toutefois, le premier titre connu qui en fasse mention, n'est pas antérieur à la seconde moitié du septième siècle. Dotée d'une université en 1287, par Otton IV, comte de Bourgogne (*), d'un corps municipal dans le siècle suivant, elle vit parfois son château servir de résidence aux ducs Philippe le Hardi, Jean sans Peur et Philippe le Bon. Plus anciennement, la reine Jeanne, comtesse de Bourgogne, femme de Philippe I le Long, y avait souvent habité. C'était elle qui avait fondé au château une chapelle avec huit chanoines.

Avant la conquête française, il y avait à Gray un gouverneur qui partageait, avec le maire et les échevins, le soin de veiller aux différents postes de la ville. En temps de guerre, tous les habitants, sans exception, étaient soldats et passaient une revue hebdomadaire faite par les magistrats. Plus d'une fois, ils signalèrent leur courage et leur attachement aux souverains du pays. On cite

(*) Transférée à Dôle vers 1420.

même une circonstance où les dames et les demoiselles vendirent leurs bijoux et leurs vêtements les plus riches pour la défense de la cité.

Cependant Gray fut éprouvée par d'assez fréquents désastres. Incendiée en 1360 par les compagnies d'aventuriers, reduite encore en cendres en 1384, puis par les Français, elle fut de nouveau brûlée en partie par l'armée qui la reprit à Louis XI pour la rendre à la princesse Marie. Henri IV l'enleva en 1595. En 1668, elle se rendit à Louis XIV, malgré le gouverneur et le maire (voyez plus bas). Celui-ci eut le courage de dire au grand roi, en lui présentant les clefs: Sire, votre conquête serait plus glorieuse, si elle eût eté dispu« tée. » Six mois après, elle rentra sous la domination espagnole; mais le duc de Navailles la reprit le 28 février 1674. (Voy. l'art. suivant.)

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Avant la révolution, Gray était le siége d'un bailliage établi par CharlesQuint, en 1544, d'un présidial, d'une recette, etc. Aujourd'hui elle a, outre sa sous-préfecture, des tribunaux de premiere instance et de commerce, un collége communal, etc. Sa population est de 6,000 hab.

GRAY (prise de).—Louis XIV, en se rendant à Maestricht, dans la campagne de 1673, avait laissé en Bourgogne le duc de Navailles, lieutenant général, pour y surveiller les mouvements des Espagnols du côté de la Franche-Comté. Aussitôt après la déclaration du cabinet de Madrid, au commencement de l'année 1674, ce général s'était empressé de réunir toutes les troupes dont il pouvait disposer. Il s'empara d'abord de quelques châteaux. Ayant reçu un renfort considérable, il marcha sur Gray, en chassant l'ennemi devant lui. Les troupes espagnoles se retirèrent dans la place.

«En s'approchant, il trouva la cavalerie des ennemis qui venoit brûler les villages où il avoit dessein de s'établir pour faire ce siége; il y eut une grande escarmouche, et les ennemis furent repoussés jusqu'à leurs postes. Le lendemain, qui étoit le 28 de février, il fit ouvrir la tranchée, et malgré l'inondation qui étoit grande, les soldats ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, il fit atta

quer le chemin couvert par le régiment de Lionnois. Il s'en rendit maître apres un combat de cinq heures. Les ennemis demandèrent à capituler. On prit dans cette place 1,600 hommes d'infanterie. 400 chevaux et 600 dragons, etc. (*). »

GREBAN (Simon), religieux du monastère de Saint-Riquier, en Ponthieu. secrétaire de Charles d'Anjou, comte du Maine, né vers la fin du quatorzieme siècle, à Compiègne, est auteur du Triumphant mystère des Actes des Apôtres, ce roi des mystères, mis en vers et joué par personnages à la cour d'Angers, dès le temps du roi René, au Mans en 1510, à Bourges en 1536, à Tours en 1541, et probablement à Paris en 1542. Cet ouvrage a eu quatre éditions; la dernière, imprimée par les rères Angeliers, in-fol., de 778 pages, est la plus complète. On a encore de Simon Gréban des Élégies, Complaintes et autres poésies.-Arnoul GREBAN, son frère, chanoine de l'église du Mans, travailla aussi à la composition du Triumphant mystère. Il a publié diverses autres poésies. (Voyez MYSTÈRES.)

Arnoul et Simon Greban furent si estimés des premiers connaisseurs de leur temps, que Boileau, si judicieux d'ailleurs, n'aurait pas dû l'envelopper dans ses mépris. Jean Bouchet écrivant au poëte Thibaut, avocat de Poitiers, lui dit :

« En priant Dieu qu'il te donne le style

« Des deux Grébans dont grant douceur distille, » Clément Marot, dans son épigramme 223, sur les poëtes français, s'exprime ainsi :

« Les deux Grébans ont le Mans honoré. »

Estienne Pasquier rappelle avec complaisance que Jean le Maire, auteur du poëme de l'Illustration des Gaules, en sa préface du Temple de Vénus, et Geoffroy Toré, en son Champ flori (or ces personnages étaient des poetes distingués eux-mêmes), regardaient les freres Gréban, surtout Arnoul, le principal collaborateur des Actes des Apótres, comme des écrivains supérieurs(**).

(*) Histoire militaire de Louis XIV, par Quincy, t. I, p 374.

(**) Gabriel Naudé, dans son Mascurat, dit qu'on s'étouffait à l'hôtel de Flandre, en 1541, , pour voir jouer les Actes des Apôtres.

Nous ajouterons que ces enfants des muses françaises, auxquels on peut joindre Molinet et Guillaume Alexis, reconnaissaient pour leur maître Alain Chartier comme Ronsard, un siècle après, fut celui des du Bellay, des Mellin, des Belleau, des Baif, etc. Du reste, c'est à tort que les paroles de Clément Marot ont fait penser que les frères Gréban étaient originaires du Mans: ils naquirent à Compiègne, ainsi que l'a prouvé Bernard de la Monnoye sur la Croix du Maine et du Verdier, et fleurissaient sous Charles VII, dont Simon, le plus jeune des deux, fit l'épitaphe. Mais Arnoul fut chanoine du Mans; c'est au Mans, de 1440 à 1450, qu'il commença son poëme, continué par Simon, retouché, vers 1510, par Pierre Curet, aussi chanoine du Mans, et publié, pour la première fois, vers 1513, par Galliot du Pré; enfin, c'est au Mans qu'il fut enseveli, dans l'église de SaintJulien; sa pierre sépulcrale disparut lors des dévastations des huguenots. Au mois GREBBE (combat sur le). de janvier 1795, l'armée du Nord, commandée par Pichegru, marchait d'un pas rapide à la conquête de la Hollande (*), et menaçait Amsterdam. Déjà le prince d'Orange était allé se réfugier en Angleterre. Le 18, tandis que la brigade Dewinther prenait tranquillement possession d'Amersfoort, la division Macdonald attaqua quelques troupes anglaises, qui occupaient encore la ligne du Grebbe, un des affluents de la rive droite du Rhin. Elles voulurent faire résistance; mais Macdonald les culbuta promptement, s'empara de toutes leurs redoutes, où il trouva 80 canons et 20 caissons, et se porta lui-même derrière le Grebbe. Les Anglais avaient battu en retraite si précipitamment, qu'ils abandonnèrent leurs malades, et durent les

(*) Pichegru avait plusieurs fois écrit aux représentants Bellegarde, Lacoste et Joubert, pour les inviter à faire plus de diligence.

Citoyens, leur mandait-il, notamment le « 16 janvier de Thiel, ne perdez pas un instant - à vous rendre ic pour passer de suite à - Utrecht que nos troupes occuperont demain.»> Les représentants y arrivèrent en effet le 17, et le jour même y reçurent les députés de la province, qui venaient traiter de la capitutation.

recommander à la clémence française.

GRÈCE (influence de la). La civilisation hellénique, douée d'une facilité merveilleuse à se répandre, ne tarda pas à exercer en Gaule une grande influence. Il fallut que les nations helléniques apprissent à connaître les monnaies et les signes numériques, c'est-àdire, l'alphabet d'un peuple avec lequel chaque jour les relations devenaient de plus en plus fréquentes. Ainsi, les Romains trouverent les chiffres et l'alphabet des Grecs employés même parmi les tribus barbares du Nord. César raconte avoir trouvé chez les Helvétiens des tablettes contenant, en caractères grecs, le dénombrement de leur armée. Strabon affirme qu'en Gaule certains contrats étaient rédigés en langue grecque. Les Gaulois n'ayant point de caractères à eux, avaient dû nécessairement emprunter ceux de leurs voisins.

La plupart des médailles gauloises frappées avant la conquête, sont des imitations plus ou moins barbares, soit des monnaies phocéennes, soit des monnaies macédoniennes, rapportées par les aventuriers qui allaient guerrover en Grèce et en Asie.

Après la conquête romaine, cette influence ne fit que s'accroître par l'ardeur que les Gaulois mettaient à s'initier dans les arts et la civilisation de la Grèce, et ils y réussirent si bien, que Strabon les appelle plusieurs fois philhellenes. «Un si grand lustre, dit Justin, fut répandu sur les hommes et les choses, qu'il semblait, non pas que la Grèce eût émigré en Gaule, mais que la Gaule eût été transportée en Grèce. » Lucien raconte que dans son voyage dans nos contrées il rencontra un philosophe gaulois, très-probablement un druide, qui parlait très bien le grec, et lui récita des tirades entières de poëtes classiques. La langue grecque, parlée dans toutes les colonies fondées par les Phocéens, persista dans le midi de la Gaule, bien longtemps après que cette contrée fût devenue romaine par la conquête. Constantin le Jeune ayant été tué en 340, un orateur composa et récita devant le peuple d'Arles un discours funèbre en langue grecque.

Au commencement du cinquième siècle, l'hérésiarque Nestorius ayant

adressé une lettre en grec au pape Célestin, ce fut de Marseille que celui-ci fit venir un interprète pour la traduire. Environ cent ans plus tard, saint Césaire, évêque d'Arles, voulant établir dans son église la psalmodie usitée dans l'église d'Orient, prescrivit que le chant du peuple alternerait avec le chant des officiants; ce qui se faisait, dit le biographe du saint évêque, soit en latin, soit en grec. Or, cette ville n'était point grecque d'origine; seulement elle avait été longtemps soumise à l'influence des Marseillais, et avait vécu quelque temps sous leur domination; et si le grec persistait comme idiome encore au cinquième siècle, dans une ville gauloise, gouvernée et colonisée par des descendants des Phocéens, à plus forte raison devait-il s'être maintenu dans des villes d'origine phocéenne, où il avait des racines bien plus étendues et bien plus profondes (*).

La langue grecque possédant une littérature si belle, si riche, a dû avoir une grande influence sur la littérature d'un pays où elle est restée si longtemps comme langue parlée. M. Fauriel, dans un cours professé en 1830-1831, à la faculté des lettres, et malheureusement encore inédit, prétend avec raison retrouver l'origine de certains genres de la poésie provençale dans des compositions analogues, usitées dans la poésie populaire des Grecs. Suivant lui, la tradition a conservé le motif de ces chants auxquels les troubadours n'ont guère fait que donner un tour et un but nou. veaux; les aubades, gracieux dialogues entre les amants, et la guette vigilante, qui avertit que l'aurore approche, seraient une réminiscence populaire des anciens chants grecs, appelés chants du matin, une imitation rajeunie par la forme et les idées modernes. Il en serait de même des pastourelles, qui se retrouvent dans les chants des pâtres grecs.

(*) Les auteurs de la France littéraire rapportent, au tome III, que Gontran, lors de sa réception à Orléans eu 585, y fut harangué en hébreu, en arabe, en grec et en latin. Grégoire de Tours, d'où ce fait est tiré, raconte seulement que le peuple faisait retentir de longues acclamations en diverses langues, sans nommer le grec.

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M. Fauriel est allé plus loin; il a reconnu dans le Pèlerinage et les aventures de Raymond Dubousquet, seigneur provençal du onzième siècle, une réminiscence bien plus extraordinaire, une réminiscence de l'histoire d'Ulysse. Le lieu de la scène, la condition et les sentiments des personnages sont changés. Les traits fondamentaux du récit subsistent; Minerve est remplacée par Sainte-Foy, qui guide le héros, et lui prédit son retour dans sa patrie. Ainsi qu'Ulysse, le seigneur Dubousquet est durant trois jours à la merci des flots; il revient inconnu dans son castel, qui est son Ithaque, se cache dans la demeure d'un paysan des environs, qui lui est resté aussi fidèle qu'Eumée au fils de Laërte. Là, il attend le moment de rentrer dans son domaine, usurpé, ainsi que sa femme, par un prétendant félon. Enfin, il est reconnu dans un bain à une blessure, comme Ulysse par la fidèle Euryclée. Ce dernier trait appartient évidemment aux mœurs grecques, et ne saurait avoir été imaginé au onzième siècle. Ce n'est pas par la transmission savante des écoles que l'histoire d'Ulysse a pu se perpétuer en s'altérant ainsi, et se mêlant à des légendes chevaleresques. On est donc obligé d'admettre que les contes grecs qui ont fourni la matière de l'Odyssée ont été se transmettant jusqu'au moyen âge, de siècle en siècle et de nourrice en nourrice, après que les Phocéens les eurent apportés de leur ancienne patrie, voisine de la patrie d'Homère. M. Fauriel a également signalé l'origine grecque de plusieurs coutumes qui ont longtemps subsisté dans la Gaule méridionale. Tels étaient les danses de nymphes et de satyres qui avaient lieu le jour de Saint-Lazare, dans les églises qu'on ravageait; les myriologues, chantés aux funérailles par des chœurs de jeunes filles; les courses des femmes nues; enfin l'usage ionien, et peu conforme à la pureté chrétienne, de l'onobasie (promenade sur un âne), châtiment populaire infligé à l'adultère, et duquel est né le charivari (*). »

Nous avons déjà eu occasion de si

(*) Ampère, Hist. littéraire de la France, t. I, p. 116 et suiv.

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gnaler les vestiges des usages grecs conservés dans plusieurs fêtes et divertissements des Méridionaux. (Voy. Danse, FARANDOLE, FÊTES LOCALES.) Nous croyons cependant devoir encore mentionner ici une sorte de danse rappelant la pyrrhique dorienne, qui est encore exécutée aujourd'hui à Cervières, près de Briançon. Notre description est empruntée aux Nouvelles annales des voyages (juin 1837). La pyrrhique était, comme on sait, consacrée à Bacchus. Le 16 août, jour de la fête patronale, on danse au pont de Cervières, hameau de Briançon, la bacchuber, espèce de pyrrhique. Cette danse s'effectue au chant des femmes, qui placent au milieu d'elles la plus âgée. Les danseurs, au nombre de onze ou de treize, sont en vert; ils ont des chemises blanches amples, et nouées autour du coude avec des rubans. Ils sont armés d'épées larges, courtes et sans pointe, et décrivent douze figures différentes. Tantôt ils tournent en cercle; tantôt ils posent leurs épées par terre, de manière à ce que la pointe soit au centre du cercle dont elle forme un rayon; puis chacun, après avoir salué à droite, en commençant par le chorége, reprend de la main droite son épée, et tient la pointe de celle de son voisin à gauche. Ensuite, après avoir tourné, on passe à la file sous l'épée du chorége, et après diverses évolutions, on fait autour de lui plusieurs sauts en cadence, on pirouette sur les talons, et la danse, pendant laquelle une gravité imperturbable a été conservée, se termine par un salut. »

Ce n'est pas seulement dans nos mœurs, dans nos usages, mais bien encore dans notre langue, que le génie grec a laissé une empreinte profonde. Ainsi, sans parler des mots scientifiques et tirés artificiellement du grec, le français renferme un très-grand nombre d'expressions dérivant directement du grec. Bien plus, d'après une statistique faite avec grand soin, le dialecte marseillais possède environ un millier de mots dont l'origine grecque ne paraît pas douteuse. Le provençal du comtat Venaissin en renferme aussi un grand nombre, et le dialecte picard luimême en contient quelques-uns que nous donnerons à la fin de cet article.

M. Ampère veut encore attribuer à l'influence des colonies grecques le nombre fort considérable de locutions proverbiales grecques qui se retrouvent dans le français; mais nous croyons que c'est à tort: il faut plutôt y reconnaître une marque de la conformité du genie des deux nations, conformité qui se retrouve dans maintes qualités et dans maints défauts de leur caractère. Quelle est la langue de l'Europe qui, par sa construction, par sa facilité à créer des mots, se rapproche plus du grec ancien que l'allemand? quel est le pays qui a produit le plus d'hellénistes, si ce n'est l'Allemagne? et pourtant un abîme sépare le génie des deux peuples. Le traducteur anglais d'un roman chinois a fait remarquer la similitude frappante de certaines locutions chinoises avec des idiotismes anglais, et certes ces idiotismes n'ont pas été importés de Chine en Angleterre. Par suite de cette conformité, jamais la littérature grecque n'a été aussi vivement sentie, aussi bien rendue qu'en France; et ici nous n'entendons aucunement parler des laborieux et infructueux essais tentés au seizième siècle pour mouler notre langue et notre poésie sur la langue et la poésie grecque, mais des immortelles productions du dix-septième siècle. « Ronsard et Baïf, dit M. Ampère, voulaient se faire Grecs et demeuraient Tourangeaux. Racine aussi avait étudié les Grecs, et a voulu les imiter; mais l'alliance de son génie avec le génie grec s'est faite par l'âme et par une sympathie naturelle autant que par l'étude. S'il n'en eût pas été ainsi, par quel charme eût-il donné à notre langue un peu de la mélodie et de la langue de Sophocle et d'Euripide? Dans toute l'Europe, en Allemagne, en Hollande même, on a imité les tragiques grecs; on en a fait d'excellentes traductions; mais qui, hormis Racine, a retrouvé quelques accents de leur voix? Qui a été aussi Grec que la Fontaine dans Philemon et Baucis, dans certains passages de la Mort d'Adonis ou de Psyché? lui, le Champenois, qui savait peu de grec, je pense. C'est surtout chez nos ecrivains d'extraction méridionale qu'on peut retrouver comme une tradition héréditaire du nombre, de la suavité, de l'élégance

T. IX. 7 Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

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