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nir de la postérité n'était pas imprimé; c'était la classification des plantes du jardin de Trianon.

Joseph de JUSSIEU, frère des deux précédents, fut appelé par eux à Paris, pour y étudier, sous leur direction, la médecine et la botanique. Mais, épris d'un goût très-vif pour les mathématiques, il se livra presque tout entier à l'étude de ces sciences, et devint un habile ingénieur. L'Académie faisait partir alors pour l'Amérique du Sud l'expédition scientifique dirigée par la Condamine et Bouguer. Le jeune Joseph de Jussieu en fit partie; et, lorsque ces savants eurent rempli l'objet de leur mission, il les laissa partir, et continua les études importantes qu'il avait entreprises dans le Perou. Il resta trente-six ans dans ce pays, retenu par l'enthousiaste attachement des habitants auxquels il s'était rendu utile comme ingénieur, et surtout comme médecin. Chaque fois qu'un naVire mettait à la voile, il annonçait l'intention de partir; et chaque fois des travaux non terminés et de pressantes sollicitations d'amitié le retenaient. Il parcourut le Pérou dans toutes les directions, levant des cartes et des plans, recueillant une foule d'observations, et ne trouvant jamais le temps de coordonner et de rédiger ses notes. Cependant l'âge venait; et, soit qu'il sentît ses facultés faiblir, soit que l'immensité des matériaux qu'il avait amassés lui imposât la loi d'en faire usage, il se décida enfin à revenir en France en 1771. Mais sa mémoire, qui diminuait déjà, se perdit bientôt tout à fait, et avec elle fut perdu tout le fruit d'une vie si laborieuse. Il mourut, le 11 avril 1779, dans une extrême caducité.

Antoine-Laurent de JUSSIEU, neveu des précédents, naquit à Lyon en 1748, et vint à Paris en 1765. Sa thèse pour le doctorat fut si remarquable, qu'elle lui valut, à vingt-deux ans, la suppléance de Lemonnier, qui professait alors la botanique au Jardin du Roi. Trois ans après, il fit paraître son Mémoire sur les renoncules; et cet ouvrage, où les principes de Bernard de Jussieu étaient pour la première fois appliqués, décida on admission à l'Académie des sciences. usqu'en 1785, époque où Desfontaines uccéda à Lemonnier, en qualité de ti

tulaire de la chaire de botanique, Laurent de Jussieu ne cessa, dans son cours, de répandre la connaissance de la méthode de son oncle, et de la perfectionner en l'appliquant; enfin, il définit les véritables caractères des classes, des familles et des genres pour toutes les plantes connues. C'est de ce travail que sortit son Genera Plantarum; et cet ouvrage, qui parut en 1789, eut une immense influence non seulement sur les progrès de la botanique, mais aussi sur ceux de toutes les sciences où il est nécessaire de disposer, d'après un certain ordre, une multitude d'objets qui ont entre eux des analogies plus ou moins marquées.

La révolution suspendit pour quelque temps les travaux de Laurent de Jussieu; nommé par sa section membre de la municipalité de Paris, il fut chargé, jusqu'en 1792, de l'administration des hospices et hôpitaux de la capitale, et c'est à lui que l'on doit, en grande partie, les améliorations qui commencèrent à être introduites, à cette époque, dans le service de ces établissements.

En 1793, lorsque le Jardin des Plantes fut réorganisé sous le nom de Muséum d'histoire naturelle, il fut nommé professeur de botanique rurale; et ses collègues lui confièrent successivement les fonctions de directeur et de trésorier de cet établissement. Il devint, en 1804, professeur a la faculté de médecine de Paris, et, quatre ans après, conseiller titulaire de l'Université. Il est mort le 25 septembre 1836, à l'âge de quatre-vingt-huit ans. On a de lui, outre un grand nombre de mémoires et articles publiés dans différents recueils scientifiques,les ouvrages suivants : Rapport de l'un des commissaires chargés par le roi de l'examen du magnétisme animal, 1784; Genera plantarum secundum ordines naturales disposita, 1789, in-8°; Tableau synoptique de la méthode botanique de B. et A. L. de Jussieu, 1796; Tableau de l'école de botanique du Jardin des Plantes de Paris, ou Catalogue général des plantes qui y sont cultivées, 1800, in-8°.

Adrien de JUSSIEU, fils du précé. dent, né à Paris le 23 décembre 1797, a succédé à son père, en 1826, comme professeur de botanique au Museum

d'histoire naturelle, et a été élu, en 1831, membre de l'Académie des sciences; on a aussi de lui plusieurs ouvrages estimés.

JUSSION (lettres de). On appelait ainsi, dans l'ancienne monarchie, les lettres que le roi adressait aux parle ments pour leur enjoindre de procéder à l'enregistrement des édits qu'ils refusaient d'entériner. La première lettre de jussion que nous connaissions remonte à l'an 1392; c'est un ordre adressé par Charles VI aux conseillers composant le parlement des pairs, d'enregistrer une ordonnance créant une juridiction privilégiée pour le chapitre de Notre-Dame de Paris. Cette pièce est importante, en ce qu'elle est la premiere trace officielle de cet usage du droit de remontrance que s'arrogea le parlement. Depuis lors, les rois usèrent fréquemment de ce moyen pour vain cre la résistance des cours souveraines. Nous n'en finirions pas si nous voulions donner ici la nomenclature de tous les édits et ordonnances qui furent enre. gistrés ainsi. Quand des premières lettres de jussion n'avaient pas eu leur effet, on en adressait des secondes qui prenaient le nom de lettres d'itérative jussion. Quand celles-ci ne suffisaient pas, le roi, s'il voulait passer outre, était obligé d'avoir recours à un lit de justice. (Voyez ce mot.)

JUSTICE (administration de la).
Les Romains, vainqueurs des Gaulois,
les contraignirent d'abandonner leurs
lois nationales, et la Gaule tout entière
fut bientôt régie par le droit romain.
Mais lors de l'invasion du pays par les
peuples du Nord, il s'opéra dans la lé-
gislation des Gaules un singulier phé-

nomène. Une fusion s'établit entre
la nation indigène et les peuples enva-
hissants; on croirait que cette fusion
s'étendit aussi aux lois, ou du moins
que
les barbares, en présence des lois
de Justinien, si supérieures aux usages
traditionnels qui leur tenaient lieu de
codes, se hâtèrent d'abandonner ces

romain; tandis que le contraire arriv dans les provinces méridionales, où droit des Institutes et des Pandecte conserva toute sa vigueur, et fut à peine modifié par les usages des barbares Ainsi la Gaule se trouva divisee, soos le rapport de sa législation, en delt grandes parties distinctes, connues sous les noms de pays du droit écrit et à pays coutumiers.

Suivant Montesquieu (*), la ca de ce fait était que la loi des Gotis qui dominèrent dans la France mer dionale, n'ayant donné à ces peuple aucun avantage sur les Romains etab dans ces contrées, ceux-ci n'avaient a cune raison de cesser de vivre sous leu propre loi; tandis que dans le pays des Francs, c'est-à-dire dans les provinces septentrionales, la loi salique accordant de grands avantages a qu'elle régissait, devait prévaloir sur le droit romain, et acquérir une autorite presque générale.

Cette distinction, sous le rapport des lois, entre la France septentrionale la France méridionale, n'en produis cependant aucune dans l'organisation judiciaire et dans l'administration de la justice. Nous avons indiqué avec developpement, à l'article JURIDICTION sur quelles bases était établi le pouvoir judiciaire en France sous l'ancienne e narchie, et quelles modifications ce potivoir éprouva successivement: il serail superflu de revenir ici sur cette na

tière.

Ce fut de la Germanie que sortirent la plupart des peuples qui envahirent is Gaule au cinquième siècle : ils durent conséquemment y apporter avec e les usages de ce pays. On lit dans les Commentaires de César (**), que durat la paix, les Germains n'avaient pe de magistrats publics, mais seuleme des chefs particuliers qui rendaient justice dans les bourgs et dans les c tons. Nous avons dit, à l'article Ju DICTION, Comment cet usage fut mod dans la Gaule par la législation romane. usages, et de se ranger sous l'empire et comment il s'y établit, sur le mode de la législation romaine, dans toute de cette législation, des magistra l'étendue de la Gaule; il n'en fut point chargés d'appliquer les lois. ainsi dans les provinces septentrionales, les lois des conquérants, malgré leur barbarie, prévalurent sur le droit

(*) Esprit des lois, liv. 28, ch. 4
(**) De Bello Gallico, liv. 6.

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Chez ces peuples, peu de crimes étaient punis de mort; Tacite dit qu'ils pendaient les traîtres et les transfuges, et qu'ils jetaient dans un bourbier, sous une claie, les poltrons et les lâches qui prostituaient leur corps. Quant aux autres délits, on les punissait par des amendes qui se soldaient en bestiaux, et dont une partie était dévolue au roi, et l'autre partie à la personne offensée. Voyez AMENDES.

Les vengeances de famille étaient un devoir sacré; l'offense faite à un parent était poursuivie avec un acharnement incessant par tous les autres parents. Pour mettre un terme à cette inimitié, une satisfaction publique était nécessaire les lois germaines appellent compositions les satisfactions ou les peines infligées dans ces circonstances; c'est qu'en effet, dans l'origine, elles se réglaient conventionnellement entre les parties; mais, plus tard, afin de prévenir les abus fréquents qui résultaient nécessairement de cet arbitraire, les lois prirent soin de régler elles-mêmes ces peines, et de fixer le montant de l'amende pour chaque cas particulier. Voyez COMPOSITION.

parjure. Ces témoins subsidiaires furent appelés compurgateurs ou conjurateurs. (Voyez ce mot.) Ce nouvel expédient, qui semblait présenter plus de garanties que le précédent, ne réussit pas mieux; enfin, malgré l'opposition du clergé, le serment fut aboli et on lui substitua le duel judiciaire. (Voyez ce mot.)

L'usage de ce moyen de preuve si peu rationnel finit par acquérir un tel degré d'extension dans presque toutes les contrées de l'Europe, qu'il y eut des lieux et des circonstances où il fut presque impossible de réunir des pairs et de composer un tribunal. Cependant l'assistance des pairs étant indispensable au seigneur pour pouvoir juger, on fut forcé de négliger de rendre la justice. Alors commença à s'introduire dans la procédure l'appel de défaut de droit. « On appelait de défaut de droit, dit Montesquieu, Esprit des lois, liv. XXVIII, chap. xxvIII, quand dans la cour d'un seigneur on différait, évitait ou refusait de rendre la justice aux parties. >>

Suivant Beaumanoir, jamais il n'y avait de duel dans ces sortes d'appels, parce que le seigneur lui-même ne pouvait pas être appelé en combat à cause du respect dû à sa personne. Les pairs ne pouvaient non plus être provoqués comme ayant rendu le jugement faussement et méchamment. En cas de provocation, ils n'auraient pas pu soutenir qu'ils avaient bien jugé ; il n'y avait pas de jugement, et l'on ne faussait que sur un jugement. D'ailleurs la chose était claire et ne pouvait être contestée : il suffisait de compter les jours des ajournements ou des autres délais pour convaincre les juges d'avoir différé le jugement ou l'instruction du procès. Il y avait donc nécessité de porter l'affaire devant le tribunal du suzerain, et comme devant ce tribunal les défauts se prouvaient par témoins, on pouvait les appeler au combat; de cette manière on n'offensait pas le seigneur, et on n'offensait pas non plus les juges composant son tribunal.

Une des parties les plus intéressantes de l'histoire de l'administration de la justice, c'est celle qui concerne la preuve des délits et des faits. Pour acquérir cette preuve et rendre notoire le délit imputé ou le fait affirmé, on eut, selon les temps, recours à divers moyens; le premier qu'on employa fut le serment de l'accusé ou du défendeur. Mais il était facile au coupable d'échapper à la peine en se parjurant. Afin d'empêcher le parjure et de rendre plus scrupuleux ceux à qui le serment était déféré, on essaya de l'environner du prestige de la religion; une ordonnance exigea que la orestation du serment eût lieu avec la plus grande solennité. Cette mesure mposa quelque temps; mais bientôt on e familiarisa avec la pompe dont on ccompagnait le serment. On eut alors recours à un nouveau moyen; on oblicea l'accusé à comparaître escorté d'un ertain nombre d'hommes libres, ses oisins ou ses parents, qui devaient, ar leur propre serment, affirmer la éracité de ce qui avait été dit par lui, le prémunir ainsi contre son propre T. 1x. 50¢ Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

Tant que les combats judiciaires subsistèrent comme moyen de preuves juridiques, l'appel devant un juge supérieur fut inconnu dans la pratique du

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droit. En effet, provoquer au combat ceux qui avaient rendu le jugement, c'était en appeler au ciel même, c'était confier à la Providence divine le soin de réformer la sentence. « L'appel, dit Montesquieu, était un défi à un combat par armes qui devait se terminer par le sang, et non pas cette invitation à une querelle de plume qu'on ne connut qu'après (*). »

L'appel de défaut de droit dont nous venons de parler, fut le premier pas vers cette invitation à une querelle de plume dont parle Montesquieu. Nous avons vu en effet que, dans ce cas particulier, le procès était porté du tribunal du seigneur devant le tribunal du suzerain. Il en était de même lorsqu'on faussait la cour de son seigneur ; celui-ci venait alors en personne devant le suzerain pour défendre le jugement de sa cour. Dans la suite, ces deux cas particuliers introduisirent un usage général; tous les jugements devinrent susceptibles d'appel, et il s'établit plusieurs degrés de juridiction.

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à modifier la législation et les pratiques judiciaires, ce fut la découverte des Pandectes de Justinien, retrouvées en 1137; saint Louis, cherchant à accré diter le droit romain en France, en ft faire des traductions qui existent en core; des jurisconsultes italiens virrent les enseigner aux Français; efin, on vit tout à coup l'administra tion de la justice prendre une nouvel? face. Les principes du droit romas fructifièrent les usages suivis aupara vant étaient si simples et se réduisaient à des pratiques si peu nombreuses, qu'ils ne demandaient aucun talent. cune capacité. Bientôt, grâce à l' fluence des Pandectes, le droit deviat une science à laquelle on ne put sin tier que par une étude longue et difcile. Alors on vit naître en France des jurisconsultes; et comme la noblesse qui jusqu'alors avait rendu elle-même la justice, se faisait un point d'homest de mépriser les lettres et de croupi dans l'ignorance, elle crut indigne d'e de se livrer à l'étude du droit, et e tarda pas

a

à se reconnaître hors d'etat de juger les procès. « Les pairs, d Montesquieu, commencèrent alors as retirer des tribunaux des seigneurs, et ceux-ci furent peu portés à les assem bler. »>

A mesure que l'usage de l'appel s'établissait, on eut soin, par mesure fiscale et aussi pour empêcher les plaideurs d'avoir trop souvent recours à la juridiction supérieure, d'établir une amende au profit du seigneur saisi de l'appel contre la partie qui en serait Qu'arriva-t-il? Il y`avait, du temps de déboutée. On alla même, dans l'origine, Beaumanoir, deux différentes manières jusqu'à faire payer une amende au seigneur dont la sentence était réformée; mais ce dernier usage ne tarda pas à être réformé.

de rendre la justice : dans certaines lo calités on jugeait par pairs, dans d'autres on jugeait par baillis. Quand on suivat la première forme, les pairs suivalent L'usage de l'appel était incompatible les errements de leur juridiction; quand

avec les combats judiciaires; aussi contribua-t-il à leur abolition plus puis

était indi

on suivait la seconde, l'usage envi gueur applicable aux procès samment encore que les Etablissements qué au bailli par des prud'hommes e

de saint Louis. Toutefois, ce ne fut pas

vieillards. Les baillis n'étaient po

sans une vive opposition de la part des juges; ils faisaient l'instruction et pr

seigneurs puissants; et on les vit tantôt faire mourir ou mutiler, tantôt condamner à perdre leurs biens ceux qui avaient osé appeler aux plaids généraux du roi, qui plus tard prirent le nom de parlement.

L'appel devant le seigneur suzerain fut un premier pas de fait dans la voie des améliorations de la justice. Mais un événement qui contribua singulièrement

(*) Esprit des lois, liv. 28, chap. 29.

rendu par les prud'hommes.

nonçaient le jugement qui avait ete

nobles t

Les baillis n'étaient point ne tenaient point, comme les seigneurs à rester ignorants. Lorsque les prin pes du droit se multiplièrent, les prul mêmes hommes se trouvèrent eux. comme les pairs, hors d'état de juger.Le

baillis, appartenant généralement a une classe supérieure et plus éclairée jugèrent seuls. Ce fut ainsi que la fene

même des choses enleva aux seigneurs

que

l'administration de la justice, et les contraignit à se choisir des lieutenants dans un ordre de personnes étranger et inférieur à la noblesse.

Ces charges furent d'abord conférées gratuitement aux baillis et autres officiers judiciaires. Mais, comme elles produisaient au bénéfice de ces officiers des profits plus ou moins considérables, les seigneurs résolurent d'en tirer avan tage: ils les conférèrent à prix d'argent, et en firent une sorte de patrimoine propre aux officiers qui les avaient acquises, une propriété transmissible par voie d'hérédité, et même cessible. Les rois imitèrent les seigneurs, et dès le temps de saint Louis, les prévôtés, les vigueries, les vicomtés furent non pas vendues, mais affermées, comme si ces juridictions eussent été des biens domaniaux. Philippe le Bel pratiqua ouvertement cette manière de tirer de l'argent des offices; et, si l'on en croit la Chronique de Flandre, ce fut un des griefs que lui opposa Boniface VIII, lorsqu'il sollicita la canonisation de son aïeul.

Ainsi s'établit la vénalité des offices, qui se propagea sous tous les successeurs de Philippe le Bel, et ne fut abrogée que par l'Assemblée constituante.

Ce fut de la manière dont nous parlions tout à l'heure qu'on vit se multiplier les principes, et, par conséquent, les pratiques du droit et de la jurisprudence. Dans les pays de droit écrit, les Pandectes furent le guide des jurisconsultes et des magistrats. Mais, dans les pays de coutume, il en fut autrement. Ces coutumes-là, dit Montesquieu, s'étaient conservées dans la mémoire des vieillards. » C'est ainsi, en effet, qu'elles se perpétuèrent par la tradition. Mais l'influence du droit romain s'étendit aux pays coutumiers, ce qui rendit les coutumes plus compliquées et moins simples dans leurs principes qu'elles n'avaient été jusqu'alors. Il est à croire que c'est à l'impossibilité d'en retenir de mémoire les usages devenus plus nombreux, qu'on doit attribuer leur rédaction. Sous le règne de saint Louis et les suivants, des praticiens habiles, tels que Desfontaines, Beaumanoir et autres, mirent par écrit les coutumes le leurs bailliages. Mais, plus tard,

Charles VII et les rois qui lui succédèrent rendirent des ordonnances pour faire rédiger par écrit, dans tout le royaume, les diverses coutumes locales; et ils eurent soin de prescrire les formalités qui devaient être observées pour cette opération. « Or, dit Montesquieu, comme cette rédaction se fit par provinces, et que, de chaque seigneurie, on venait déposer, dans l'assemblée générale de la province, les usages écrits ou non écrits de chaque lieu, on chercha à rendre les coutumes plus générales, autant que cela put se faire, sans blesser les intérêts des particuliers, qui furent réservés. Ainsi nos coutumes prirent trois caractères: elles furent écrites, elles furent plus générales, elles reçurent le sceau de l'autorité royale. »

Mais, malgré cette généralité qu'on s'efforça de donner aux coutumes dans la rédaction qui en fut faite, elles demeurèrent encore excessivement nom

breuses. On comptait dans le royaume, en 1789, environ soixante coutumes générales, c'est-à-dire, observées dans une province entière, et trois cents coutumes locales, c'est-à-dire, observées dans l'enceinte d'une ville, d'un bourg ou d'un village; ce qui justifiait ce mot de Pascal : « Plaisante justice, qu'une rivière et une montagne dérangent: vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà. »

La divergence qui existait dans les principes de ces diverses coutumes avait frappé Louis XI. Il avait conçu le projet d'établir, pour tout le royaume, une coutume unique, formée de la fusion des différentes coutumes qui existaient de son temps. Mais la mort l'empêcha de mettre ce projet à exécution. Il fallut attendre pour accomplir cette grande œuvre, qu'une révolution vînt saper les fondements de l'ancienne monarchie, faire sortir la France des vieilles routines, et la jeter dans la voie des grandes innovations. La législation actuelle a réalisé le vœu formé par Louis XI.

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JUSTICE (ministère de la). Avant la révolution, l'administration générale de la justice relevait du chancelier de France. La charge de chancelier fut abolie par une loi du 27 novembre 1790,

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