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détail toute cette passion insensée; nous n'en citerons qu'un seul trait qui prouve, comme tous les autres, la noblesse d'âme de madame d'Houdetot. Emue un jour jusqu'aux larmes de l'éloquence avec laquelle le grand écrivain lui peignait son amour, elle s'écria : «Non, jamais homme ne fut si aimable, et jamais amant n'aima comme vous; mais votre ami Saint-Lambert nous écoute, et mon cœur ne saurait aimer deux fois. » Le nous écoute était d'une admirable délicatesse de sentiment Saint-Lambert se trouvait alors a l'armée de Flandre.

Le chantre des Saisons fut effective ment l'unique amour de madame d'Houdetot, et cette union, qui était fondée sur les plus intimes rapports de goûts, ne fut rompue que par la mort de SaintLambert. Marmontel, dans ses Mémoires, nous la montre en quelques lignes sous son véritable jour: «Jamais, dit-il, deux esprits et deux âmes n'ont formé un plus parfait accord de sentiments et de pensées. »

Dans sa vieillesse, madame d'Houdetot prodigua les soins les plus tendres et les plus assidus à son ancien amant qui, tombé dans une sorte d'enfance, se plaignait sans cesse d'une amie dont il ne comprenait même plus le dévouement. Quoique depuis longtemps l'âme de Saint-Lambert fut absente lorsqu'il mourut, madame d'Houdetot, qui lui survécut dix ans, pleura amèrement celui qu'elle avait si chèrement aimé. Mais jusqu'à sa mort, qui fut douce et n'eut lieu qu'en 1813, à l'âge de 83 ans, elle conserva sa bonté, sa tendresse, son imagination, et jusqu'à son aimable talent pour la poésie. Quelques-unes des pièces fugitives qu'elle composa, et qui sont parvenues jusqu'à nous, font regretter que la modestie de cette femme charmante l'ait empêchée de s'abandonner complétement à son talent aussi gracieux que facile.

On a publié en 1782 un joli volume de poésies, aujourd'hui très-rare, d'une belle-fille de madame d'Houdetot. C'est de cette jeune femme, morte très-jeune d'une affection de poitrine, qu'est cette piquante et touchante réponse faite peu de temps avant sa mort à un de ses amis qui lui demandait : « A quoi rêvez

vous ? » » — « Je me regrette, » répondit la jeune poitrinaire.

HOUDON (Jean-Antoine), sculpteur, né à Versailles en 1741, mort à Paris en 1828. A une époque où l'imitation de l'art antique était de mode, Houdon sut, ainsi que Greuze, son ami, résister à cet entraînement; il n'eut d'autre but que de rendre la nature telle qu'elle est, sans la voir à travers le prisme des conventions et des théories. Il est vrai, et c'est un reproche qu'on est en droit de lui faire, qu'il manquait d'élévation, que ses œuvres n'offrent rien d'idéal; mais elles sont si franchement vraies, si naturelles, qu'en leur présence l'éloge est seul possible. Houdon étudia de bonne heure à l'Académie, et reçut les conseils de Pigal. Il obtint le grand prix en 1761, et habita dix ans l'Italie. Pendant ce temps, il fit pour une église de Rome une statue de saint Bruno, et le caractère distinctif de son talent était déjà si remarquable, que quand le pape Clément XIV vit cette statue. il s'écria: « Si la règle de son ordre ne lui prescrivait pas le silence, je suis sûr qu'elle parlerait.

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Houdon exposa au salon, en 1771, le dieu Morphée, ouvrage qui lui valut le titre d'académicien; il fit ensuite son célèbre modèle de l'Écorché, alla en Amérique exécuter la statue de Washington (salle des états de Virginie); puis, à son retour, en 1781, exposa ses statues de Tourville (à Versailles) et de Voltaire (vestibule du Théâtre-Français). La première est d'un mouvement et d'une vérité admirables; la tête est expressive, et les draperies agitées par le vent sont très belles. La statue de Voltaire est plus célèbre encore, c'est la nature prise sur le fait; de Maistre ne pouvait en supporter la vue.

La même année, Houdon fit pour l'impératrice de Russie une Diane à laquelle on a reproché d'être trop nue. Après ces œuvres principales, nous devons mentionner encore sa Frileuse son Oiseau mort, et, si nous voulions citer tous les bustes que l'on doit au ciseau de ce célèbre statuaire, nous aurions une liste trop longue; nous devons cependant mentionner ceux de Molière (foyer du Théâtre-Français) et de Joséphine.

HOUEL (J. P.), né à Rouen en 1735, étudia d'abord l'architecture et la peinture sous Descamps, puis la gravure sous Lemire, à Paris. Mais comme la peinture avait surtout pour lui des attraits, il quitta ensuite les leçons de Lemire pour suivre celles de Casanova. Il se rendit ensuite en Italie et visita Naples, la Sicile, Malte et les îles de Lipari. De retour à Paris, il s'occupa de publier la relation de son voyage, et de graver les vues pittoresques et les monuments qu'il avait dessinés; en effet, secondé par Leprince, il donna, six ans après, son Voyage pittoresque de Sicile, de Malte et de Lipari. Cet ouvrage comprend 4 vol. in-fol. de texte et 264 planches gravées. C'est un riche trésor sous le rapport des observations sur les mœurs, les coutumes et les objets d'histoire naturelle. Les principaux monuments, tels que les théâtres, les amphithéâtres, les aqueducs, les vases, les statues, les monnaies, les bas-reliefs, etc., sont représentés avec la plus grande exactitude. Outre cet ouvrage, Houel a gravé un grand nombre de vues et de paysages. Il est mort à Paris en 1813.

HOULME (le), petit pays de la basse Normandie, borné au midi par le haut Maine, au levant par le pays des Marches, au nord par le Bocage, et au couchant par l'Avranchin. Ce pays fait actuellement partie du département de Forne.

HOULSAI, seigneurie de l'Orléanais, érigée en marquisat, en 1678, en faveur de Claude Maillet.

HOZIER. Voyez D'HOZIER.

HUCHIERS, fabricants de huches, coftretiers. On comptait à Paris, en 1092, vingt-neuf huchiers, et l'on voit, par le Livre des métiers d'Étienne Boileau, que, sous Louis IX, ces artisans étaient compris dans la corporation des charpentiers. Le statut de 1258 fait une distinction entre eux et les huissiers fabricants de portes ou fenêtres. Mais, comme l'observe M. Depping, ces deux métiers, si jamais ils ont existé séparément, ont dû bientôt se confondre à cause de l'analogie de leurs travaux.

L'ordonnance de 1290 défend aux huchiers « que nus loue ne ne puisse loner coffres à gens morz;» ce qui nous mon tre que l'usage s'était introduit dans

les familles, de prendre chez eux des coffres de louage pour s'épargner les frais d'un cercueil (*).

Les huchiers, huissiers, etc., étaient alors compris sous la dénomination générale de charpentiers de la petite cognée.

HUDSON (expédition dans la baie d'). Le gouvernement français résolut, en 1782, de ruiner les établissements des Anglais dans la baie d'Hudson. Il fallait pour commander cette expédition un marin aussi habile qu'intrépide : la Peyrouse fut choisi. If partit du cap Français le 31 mai, sur le Sceptre, vaisseau de 74, accompagné des frégates l'Astrée et l'Engageante, de 36 canons. Le 17 juillet, l'escadre eut connaissance de l'île de la Résolution, située à l'entrée du détroit. A peine eut-elle fait vingt lieues dans la baie, qu'elle se vit engagée dans les glaces, qui l'arrêtèrent plusieurs jours. Une brume épaisse vint à diverses reprises augmenter le péril. Enfin, apres une navigation pleine de difficultés et de périls, dans laquelle l'escadre éprouva des dommages considérables, on découvrit, le 8 août, le fort du prince de Galles, situé à l'embouchure de la rivière Churchill. Les troupes débarquèrent sans obstacle, et sur la première sommation, le fort se rendit. La Peyrouse le détruisit, puis il se porta avec son escadre sur le fort d'York, autrefois fort Bourbon, situé à 40 lieues de là, vers le sud. Le débarquement fut des plus pénibles, et lorsqu'il fut effectué, il fallut avec la boussole se frayer une route jusqu'au fort, à travers une épaisse forêt. Du reste, le fort se rendit également sans résistance, et il fut rasé. L'expédition fut ainsi terminée à la fin d'août.

HUESCAR (combat d'). L'armée espagnole aux ordres du général Blacke avait été, au mois de septembre 1811, chassée du royaume de Grenade par le quatrième corps de l'armée française, dont le maréchal Soult avait le commandement. Elle se reforma bientôt après aux environs de Murcie, et tenta quelques entreprises partielles sur les

(*) Documents inédits sur l'hist. de France. Règlements sur les arts et métiers de Paris, publiés par M. Depping, p. 373 et suiv.

cantonnements occupés par les troupes du maréchal. Le 1er octobre, une colonne composée de 2,000 hommes d'infanterie et de 300 chevaux vint assaillir à l'improviste le poste d'Huescar, que défendaient une compagnie du 43° régiment de ligne et 50 dragons du 12o régiment. Les Espagnols avaient manœuvré de façon à envelopper notre faible détachement, et à lui couper la retraite sur Velez-el-Rubio, celui de nos autres postes qui était le moins éloigné; mais le chef d'escadron Lenourrit exécuta une charge si habile et si brillante que les assaillants furent contraints de se replier en désordre sur Lorca, après avoir perdu au moins 300 des leurs, tués ou blessés.

HUET (Paul), paysagiste, est né à Paris le 3 octobre 1806. Elève de Guérin et de Gros, il n'a cependant pas adopté le genre de peinture auquel semblaient l'appeler les leçons de ces maîtres. Porté par son goût et son caractère à la contemplation des grands spectacles de la nature, il chercha à les reproduire sur la toile. Toutefois maître de son pinceau, il ne voulut pas faire de nouvelles études sous un professeur spécial, et pensa que la nature etait le meilleur guide qui lui convînt; il crut même pouvoir ouvrir pour le paysage une voie nouvelle, dans laquelle l'ont suivi beaucoup de jeunes peintres de nos jours.

Il avait vingt et un ans lorsqu'il exposa pour la première fois au salon de 1827 quelques tableaux qui ne passèrent pas inaperçus. Quatre ans après, car à cette époque les expositions n'étaient pas annuelles, au salon de 1831, M. Huet donna, avec plusieurs autres tableaux, une vue de Rouen qui lui valut une grande médaille. Il avait aussi exécute avec M. Colin

les tableaux du Diorama Montesquieu. Ses ouvrages sont presque tous des paysages composés, et l'on y trouve, avec une heureuse imitation de la nature, une teinte remarquable de mélancolie. Nous citerons entre autres, ou. tre la vue de Rouen dont nous avons déjà parlé, une Soirée d'automne et une Matinée de printemps; les Environs d'Honfleur, paysage où la marine tient une place importante; un Torrent en Italie; Souvenirs d'Auvergne; plusieurs intérieurs de forêts.

On doit aussi à cet artiste quelques collections de lithographies et plusieurs gravures à l'eau-forte, d'une grande dimension et d'un travail très-remarquable.

HUET (Pierre Daniel), évêque d'Avranches, naquit à Caen en 1630. Mathématicien habile, philosophe et théologien, savant philologue, élégant poète latin, peu d'hommes ont joui au dixseptième siècle d'une réputation plus haute et plus étendue. A vingt-deux ans il fit avec Bochart, son compatriote et son guide en érudition, le voyage de Suède, et il en rapporta une copie des commentaires inédits d'Origène sur l'Écriture sainte. A son retour il s'occupa de la traduction de ces commentaires, qui parut en 1668. Deux ans plus tard, la place de précepteur de Charles-Gustave, successeur de Christine, lui fut offerte en Suède, mais il refusa. En 1670, Bossuet ayant été chargé de l'éducation du Dauphin, Huet fut choisi pour l'assister dans cette tâche, avec le titre de sous-précepteur. Il conçut alors, d'après une idée du duc de Montausier, le plan de ces belles éditions des classiques latins, dont le titre (ad usum Delphini) indique la destination, et ce fut lui qui en dirigea l'exécution. Il fut reçu à l'Académie française en 1674. Quoique âgé de quarante-six ans, il n'était encore que tonsuré en 1676; il prit alors les ordres sacrés, et deux ans plus tard, en recompense de ses services, Louis XIV lui donna l'abbaye d'Aulnay, près de Caen. En 1685 il fut nommé évêque de Soissons; mais avant que les bulles fussent expédiées, une permutation lui donna, au lieu de ce siége, celui d'Avranches, qu'il préférait. Après environ sept ans d'exercice, déjà atteint par quelques infirmités, et sentant qu'il ne pouvait concilier son goût pour l'étude avec les devoirs de l'épiscopat, il se démit de cet évêché et obtint en échange l'abbaye de Fontenay, où il se retira; puis, fatigué des procès qui l'y assaillirent, il vint se fixer à Paris dans la maison professe des Jésuites. C'est là qu'il passa les vingt dernières années de sa vie, tout entier à l'étude, pour laquelle il conserva jusqu'à sa mort la même passion. Il mourut, âgé de 91 ans, le 26 janvier 1721.

Esprit plus étendu que profond, Huet fut surtout un érudit aimable et un élégant écrivain. Il se recommanda à la reconnaissance des théologiens et des savants par ses beaux travaux sur Origène. Les littérateurs citent surtout de lui sa Lettre sur l'origine des romans, destinée à être mise en tête de Zaide. En philosophie, après avoir embrassé avec ardeur les principes de Descartes, il s'en montra plus tard l'adversaire déclaré. Ce fut pourtant le doute méthodique de Descartes qui devint la base de son propre système; il érigea ce doute en scepticisme radical, définitif, et prétendit asseoir sur ce fondement le dogme de l'infaillibilité de la foi. Cette doctrine, qu'il développa surtout dans son Traité sur la faiblesse de l'esprit humain, l'un de ses derniers ouvrages, fut vivement combattue par Arnaud, et, prise sans doute à contre-sens, elle fit, au dix-huitième siècle, suspecter la sincérité de sa foi. Parmi ses nombreux ouvrages, dont plusieurs ont encore aujourd'hui une haute valeur, nous citerons : de Interpretatione libri duo, etc., Paris, 1661; Lettre sur l'origine des romans, Paris, 1670 et 1772, etc.; Demonstratio evangelica, 1679; Censura philosophiæ cartesianæ, ib., 1689; Quæstiones alue tanæ, Caen, 1690; de la Situation du Paradis terrestre, Paris, 1691, et en latin, Amsterdam, 1698; Nouveau mémoire pour servir à l'histoire du cartésiasnisme, 1692, Amsterdam, 1698; Carmina, Utrecht, 1700; Histoire du commerce et de la navigation des anciens, Lyon, 1763; Traite philosophique de la faiblesse de l'esprit humain, Amsterdam, 1723; Origines de Caen, 2° édit., Rouen, 1706; un roman de Diane de Castro, ou le Faux Incas (sans nom d'auteur), 1728. L'abbé d'Olivet, ami de Huet, a publié le Huetiana, 1722. On trouve à la bibliothèque du roi 2 vol. in-4° mss. contenant 300 Lettres latines de Huet (écrites de 1660 à 1714). Ce précieux recueil fut découvert en 1696 par M. A.-A. Barbier. On a aussi découvert à Caen, en 1825, quelques mss. de Huet.

HUGO (Joseph-Léopold - Sigisbert, comte), lieutenant général, né en 1774

à Nancy, s'engagea à 14 ans comme simple soldat, et fut nommé officier en 1790. Il parcourut la série entière des guerres de la révolution, et se signala d'une manière brillante sur le Rhin, en Vendée, et sur le Danube. Simple chef de bataillon au combat de Caldiéro en Italie, il sauva l'armée française, un moment repoussée, de la nécessité de repasser l'Adige, et contribua ainsi puissamment au succès de cette journée. Il passa ensuite au service de Joseph Bonaparte, alors roi de Naples, et ce fut lui qui détruisit les bandes redoutables du fameux brigand Fra Diavolo. En récompense de ses services, il fut nommé colonel, maréchal du palais et chef militaire de la province d'Aveline.

Joseph ayant été ensuite transféré en Espagne, le colonel Hugo l'y suivit et y rendit encore des services signalés. Nommé général et gouverneur des provinces centrales d'Avila, de Ségovie, de Soria, puis de Guadalaxara, etc.. il guerroya trois ans contre le célèbre Empécinado, le battit en trente-deux rencontres, et parvint ainsi à délivrer tout le cours du Tage des guérillas qui l'infestaient et à rétablir les communications entre les divers corps de l'armée française. En 1812 il fut nommé au commandement de la place de Madrid, et il commanda l'arrière-garde lorsque, peu de temps après, les Français durent évacuer cette ville. Dans cette retraite désastreuse il sauva plusieurs milliers de Français, et peut-être le roi lui-même, en arrêtant les Anglais à la hauteur d'Alagria.

En 1813 l'empereur le nomma au commandement de Thionville, où, avec une faible garnison et des munitions insuffisantes, il soutint pendant quatrevingt-huit jours un blocus très-serré, auquel mit fin la déchéance de Napoléon. Durant les cent jours, il défendit de nouveau cette place que les alliés prétendaient démanteler. Mis à la retraite (par l'ordonnance de 1824), il se retira à Blois, où il s'occupa de plusieurs ouvrages. On a de lui: 1o (sous le pseudonyme de Genti) Mémoires sur les moyens de suppléer à la traite des negres par des individus libres, etc., Blois, 1818; 2o Journal historique du

rent se préparer aux examens de l'école polytechnique.

Le jeune Victor avait une singulière facilité pour les mathématiques et réussissait fort bien dans ce genre d'étude. Mais il préférait en secret la poésie, et réservait à la muse toutes ses heures de loisir. Animé d'une sympathie chevaleresque pour les Bourbons, que sa mère, fille de la Vendée, lui avait appris à aimer, il composa dans sa chambre d'écolier une tragédie classique intitulée Irtamène, où il célébrait symboliquement le retour de Louis XVIII. Cet essai resta enfoui dans ses papiers : mais une pièce de vers sur les avan tages de l'étude, sujet mis au concours par l'Académie française, fut envoyee aux Quarante, et attira sur lui une vive attention. La pièce parut spirituelle et brillante, et elle eut même remporté le prix si elle ne s'était terminée par

blocus de Thionville, en 1814, et des siéges de cette ville, de Sierck et Rodemack, en 1815, Blois, 1819; 3° Mémoires du général Hugo, Paris, 1825. Victor-Marie HUGO, fils du précédent, est né à Besançon en 1802. Ses premières années se passèrent tantôt en France, tantôt en Italie, son père se faisant suivre de sa famille dans ses changements de garnison. Ramené à Paris en 1809, à l'âge de huit ans, il commença ses études sous les yeux de sa mère et sous la direction du général Lahorie, qui, poursuivi par la police impériale comme suspect d'avoir trempé dans l'affaire de Moreau, était venu demander un asile à madame Hugo, et vivait ignoré dans une petite chambre du logement qu'elle occupait au fond de l'impasse solitaire des Feuillantines. L'enfant recevait avec plaisir et ardeur les leçons du proscrit, et courait chaque jour expliquer avec lui les annales de Tacite ou l'entendre lire une traduction de Polybe. Mais on découvrit la retraite de Lahorie, et la famille qui l'avait couvert d'une si généreuse protection le vit avec douleur arrêté, et jeté dans le cachot d'où il ne devait sortir que pour aller tomber aux côtés de Mallet dans la plaine de Grenelle. Quelques mois après, le jeune Victor Hugo alla rejoindre son père en Espagne. Il passa un an à Madrid dans le séminaire des nobles, et dut à ce séjour une connaissance prompte et familière de la langue espagnole.

De retour à Paris en 1812, de nouveau retiré avec sa mère dans la solitude de l'impasse des Feuillantines, il acheva ses études classiques avec un vieux prêtre, ami de la famille. Déjà, dans ses moments de loisir, il cherchait à réaliser les rêves de sa jeune imagination et s'essayait à faire des vers. Il avait treize ans quand revinrent les Bourbons. A cette époque, de fâcheux dissentiments s'élevèrent entre le général Hugo et sa femme: ces troubles domestiques, encore aigris par une vive dissidence d'opinions politiques, finirent par amener entre eux une séparation presque complète. Le général, usant de ses droits de père, fit placer ses fils dans une institution où ils du

ces vers:

Moi, qui toujours fuyant les cités et les cours De trois lustres à peine ai vu finir le cours. On ne voulut pas croire qu'un talent déjà si distingué appartint à un poete de quinze ans ; les juges s'irriterent de ce qu'ils prirent pour une mystification, et la piece n'obtint qu'une simple mention. Après la distribution, le jeune poëte, instruit de ce qui avait empêché son succès, alla porter son extrait de naissance aux académiciens; la méprise ne put être réparée, mais cette aventure se répandit partout, et tout le monde admira cette rare et singulière précocité.

En 1818, le jeune poëte obtint de son père la grâce de ne pas se présenter à l'école polytechnique; il put dès lors se livrer tout entier à son penchant, et il usa de nouveau du moyen que les concours académiques offrent aux poëtes débutants pour se faire connaitre. Une ode sur la statue de Henri IV, une autre sur les vierges de Verdun, une troisième intitulée Moïse sur le Nil, furent couronnées par l'Académie des jeux floraux de Toulouse: la troisième lui valut le grade de maître ès jeux floraux.

En 1822, il fit paraître un volume d'odes et de ballades qui le plaça de cidément parmi les célébrités litteraires de notre temps. Il avait vingt et

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