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pour gouverneur à cet enfant un ancien Vendéen (*), partisan obstiné du vieux principe de la puissance absolue des rois, homme doué sans doute de vertus privées, mais peu scrupuleux dans la manière de servir sa cause, qui avait conspiré jadis avec Pichegru, qui, sauvé de l'échafaud par l'intercession généreuse de l'impératrice Joséphine et de Murat, avait ensuite, à l'époque de la restauration, activement contribué à faire découvrir dans sa fuite et à mettre à mort ce même Murat auquel il devait la vie. Il s'adjoignit quelques hommes de la faction jesuitique qui n'étaient connus que par l'ardeur d'un zèle irréfléchi. La France murmura de ces choix. Une telle éducation ne lui présageait rien d'heureux. Elle se défia dès lors de l'avenir qui lui était réservé avec un prince formé par de tels instituteurs. Cette crainte contribua beaucoup à empêcher tout rapprochement entre les Bourbons de la branche aînée et le peuple de Paris après les événements de juillet. Si l'offre de Charles X de placer le duc de Bordeaux sous la tutelle du duc d'Orléans devenu régent du royaume, fut rejetée alors sans hésitation, ce fut en grande partie parce qu'on s'était persuadé qu'un prince élevé sous d'aussi fâcheuses influences ne pouvait pas faire un bon roi.

Le fondateur de la nouvelle dynastie avait fait suivre à ses fils les cours des colléges, où ils s'étaient trouvés confondus avec les enfants du peuple. Cette marque d'assentiment aux idées d'égalité n'avait pas peu contribué à le rendre populaire. Rien, en effet, ne convient mieux à l'esprit de notre siècle que cette éducation d'un nouveau genre, où un prince n'est plus soumis exclusivement à l'influence de quelques instituteurs, mais va puiser l'instruction et les lumières à la même source que les citoyens, et se pénétrer des idées communes dans les écoles mêmes du pays; où il a pour compagnons de ses travaux et de ses jeux, les jeunes Français avec lesquels il doit un jour servir le pays. Il est de l'intérêt de la maison d'Orléans de persévérer dans ce système d'éducation pour ses enfants. Mais, de puis quelque temps, elle semble y tenir

(*) Le marquis de Rivière.

moins : un retour aux habitudes monarchiques s'est fait sentir dans la nouvelle cour. Les princes ont franchi avec une promptitude contraire à la loi commune les degrés imposés aux citoyens pour arriver aux premières dignités de l'armée. Les hommes dévoués à cette famille lui rendront un service important en lui conseillant de ne pas retourner à l'ancienne institution des gouverneurs de princes, et de rester fidèle à ses habitudes patriotiques d'autrefois, en continuant à envoyer ses héritiers au collége. C'est la meilleure éducation qu'elle puisse donner aux deux enfants sur lesquels repose aujourd'hui l'avenir de la monarchie constitutionnelle. Telle est d'ailleurs la volonté formelle exprimée par leur père dans son testament.

GOUVION (Jean-Baptiste), général, né à Toul, entra dans le corps du génie, fit la guerre d'Amérique en qualité de capitaine, accepta la place de major général de la garde nationale de Paris, et fut ensuite appelé, en septembre 1791, à l'Assemblée législative. Il s'opposa de toutes ses forces à ce qu'on accordât les honneurs de la séance aux soldats du régiment de Château-Vieux, condamnés aux fers à la suite de l'insurrection de Nancy, et qui n'étaient à ses yeux que les assassins de son frère Louis GOUVION, Commandant de la garde nationale de Toul. Il donna sa démission, se rendit à l'armée du Nord, et fut tué le 11 juin 1792, dans une retraite qu'il effectuait avec autant d'habileté que de bravoure, près du village de Glisuelle, en avant de Maubeuge.

GOUVION SAINT-CYR (Louis, marquis de), pair et maréchal de France, né à Toul, en 1764, d'une famille peu aisée. En 1789, il entra au service dans un bataillon de volontaires, et il franchit rapidement les premiers grades. En 1793, il passa avec celui d'adjudant général à l'armée de la Moselle. Nommé général de brigade peu de temps après, il fut envoyé à l'armée des Alpes, où il mérita (16 juin 1794) le grade de géné ral de division.

A l'armée de Rhin-et-Moselle, il se fit remarquer pendant le siége de Mayence, où il commandait l'attaque du centre. Il fit, sous les ordres de Masséna, la campagne de 1798, et fut destitué par le Directoire pour avoir signalé

des déprédations de la part de quelques représentants du peuple. Ayant bientôt repris de l'activité, le général Gouvion Saint-Cyr fut envoyé en Italie. Il y commandait la droite de l'armée à la bataille de Novi. Pendant la retraite qui suivit cette funeste journée, il contint l'ennemi par d'habiles manœuvres, et le battit complétement à Pasturana, le 24 octobre 1799. Attaqué le 6 novembre devant Coni par des forces supérieures, il repoussa vigoureusement les assaillants. Chargé du commandement de l'aile droite de Championnet, il retarda l'investissement de Gênes, et opéra une admirable retraite sur le Var. Le premier consul lui adressa à cette occasion un sabre d'honneur.

En 1800, il prit provisoirement le commandement de l'armée de Moreau sur le Rhin, s'empara de Fribourg, et contribua au gain de la bataille de Hohenlinden. L'année suivante, le gouvernement lui confia le commandement en chef de l'armée de Portugal. Il devint ambassadeur extraordinaire en Espagne après le traité de Badajoz, et fut chargé de diriger les opérations militaires de l'armée du général Leclerc. L'empereur le nomma en 1804 colonel général des cuirassiers, et, en 1805, commandant d'un corps chargé de couvrir le royaume de Naples et de protéger les côtes de l'Adriatique. Rappelé avec ses troupes pour le siége de Venise, il surprit à Castel-Franco une colonne de 7,000 Autrichiens, commandée par le prince de Rohan, et lui fit mettre bas les armes. Pendant l'expédition de Naples de 1806, il fut chargé d'occuper, sous les ordres de Masséna, les trois provinces de la Pouille.

Gouvion Saint-Cyr fit la campagne de Prusse et de Pologne de 1807, et fut nommé gouverneur de Varsovie. Il revint en Espagne après la paix de Tilsitt, prit la ville de Roses, s'empara de Barcelone, et dirigea avec habileté les opérations de l'armée de Catalogne. Plus tard, il battit le général Castro, et força la place de Valls à se rendre. En 1812, l'empereur lui confia le commandement du 6 corps de la grande armée, composé de Bavarois. Le maréchal Oudinot ayant été blessé à Polotzk, le 17 août, Gouvion Saint-Cyr dirigea en

nême temps les opérations des 6o et 10 corps; et le 27 du même mois, Napoléon, qui l'avait précédemment nommé comte de l'empire, lui conféra la dignité de maréchal. Sa brillante conduite pendant la retraite de Moscou justifia pleinement ce choix; mais grièvement blessé à la deuxième bataille de Polotzk, le 18 octobre, il dut se retirer sur les derrières de l'armée, et fut remplacé dans son commandement.

Après la rupture de l'armistice de 1813, l'empereur confia au maréchal le commandement du 14° corps, à la tête duquel il se signala pendant toute la campagne de Saxe. Renfermé dans Dresde, il signa, le 11 novembre, une capitulation dont les clauses furent violées au mépris du droit des gens: 16,000 Français furent faits prisonniers, malgré les vives protestations de leur chef.

Après la restauration, Gouvion SaintCyr s'attacha au parti du roi. En 1815, il accompagna Monsieur jusqu'à Lyon, et se rendit ensuite à Orléans pour y organiser les corps qui devaient défendre la cause des Bourbons. Il suivit aussi le roi à Gand. Au retour, Louis XVIII lui confia le portefeuille de la guerre, qu'il ne conserva que fort peu de temps. Le traité du 20 novembre 1815 lui paraissant blesser l'honneur et les intérêts de la France, il refusa avec ses collègues d'y apposer sa signature, et donna sa démission. Cependant le roi le nomma membre de son conseil privé, gouverneur de la 5o division militaire, et pair de France avec le titre de marquis. Il devint ministre de la marine en 1817, et ministre de la guerre le 12 septembre 1818, fonctions qui cessèrent le

19 novembre 1819. C'est sous son ministère que fut rendue la loi sur le recrutement.

Le maréchal Gouvion Saint-Cyr est mort à Hyères (Var), le 17 mars 1830. Il a laissé 1° Journal des opérations de l'armée de Catalogne de 1808 et 1809, 1 vol. in-8° avec atlas, Paris, 1821; 2° Mémoires sur les campagnes des armées du Rhin et de Rhin-et-Moselle

4 vol. in-8° et atlas, Paris, 1829; 3° Mémoires pour servir à l'histoire militaire sous le Directoire, le Consulat et l'Empire, 4 vol. gr. in-8° avec atlas, Paris, 1831.

T. IX. 4° Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

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Goy (la), terre située en Provence, et érigée en marquisat, par lettres du mois de novembre 1702, en faveur de Jean de Meyran, seigneur de la Goy et de Nans, gouverneur de Saint-Remy. GOZLIN, 49 évêque de Paris, était assez proche parent de Charles le Chauve. Vers 848, il était abbé de Saint-Germain des Prés. A cette dignité, il joignit bientôt plusieurs charges importantes, qui lui donnèrent une grande autorité. Du reste, comme beaucoup d'abbés et d'évêques de son temps, il porta aussi bien l'épée que la crosse, et se rendit fameux par ses intrigues et son audace. En 858, les Normands ayant, pour la seconde fois, remonté la Seine jusqu'à Paris, porté le ravage dans tout le pays, brûlé et pillé les monastères et les églises, emmenèrent parmi leurs prisonniers, Gozlin et son frère Louis, abbé de Saint-Denis, qui ne furent relâchés qu'au prix d'une forte rançon. Gozlin conserva ses hautes fonctions auprès de Louis le Bègue et de Charles le Gros. Nous le retrouvons encore en 880, combattant contre les Normands, qui ravageaient les bords de l'Escaut. Mais cette entreprise n'eut point de succès. Vers l'an 883, il fut nommé évêque de Paris. Deux ans après, on apprit que les pirates étrangers, plus terribles que jamais, remontaient de nouveau la Seine. Gozlin se hâta d'ajouter de nouvelles constructions aux fortifications déjà ordonnées par Charles le Chauve, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre Paris en état de défense. Bientôt les hommes du Nord, montés sur leurs barques, arrivent devant Paris au nombre d'environ 30,000 hommes commandés par le viking Sigefried. Arrêtés par les tours qui défendaient les abords des ponts, ils demandent le passage libre de la Seine, et promettent de ne causer aucun dommage à la ville, si on leur laisse remonter la rivière. Le comte Odon ou Eudes et Goszlin re

forts furent inutiles. Gozlin, le comte Eudes, et Eble, neveu de l'évêque et abbé de Saint-Germain, défendirent la ville avee courage. L'évêque guerrier était sur la brèche, le casque en tête, la hache à la main, et combattait bravement à la vue d'une croix qu'il avait fait planter sur la muraille. Če siége, sur lequel le moine Abbon a composé un poême fort détaillé, dura près d'une année, pendant laquelle la ville eut à soutenir huit assauts (*). Mais Gozlin, qui se distingua constamment par son ardeur, n'eut pas la satisfaction de voir Paris délivré. Il mourut pendant le siége, le 16 avril 886.

GRAAL (saint). Le saint Graal était un vase dans lequel on supposait que Jésus-Christ avait mangé l'agneau pascal, lorsqu'il fit la cène avec ses disciples. Joseph d'Arimathie, dit-on, l'emporta chez lui, et lorsqu'il eut enseveli le corps du Sauveur, il mit dans le Graal le sang et l'eau qui découlaient de ses plaies et de son côté. Il alla ensuite avec ce vase en Angleterre, et en confia la garde à l'un de ses neveux, après avoir chrétienné toute la contrée. Ce précieux vase ayant été perdu, plusieurs chevaliers entreprirent de le recouvrer. De là le récit de leurs aventures racontées en un grand nombre de romans. (Voyez CYCLES et TABLE RONDE.)

Le Roman du saint Graal a été publié dernierement par M. le Roux de Lincy, dans son Histoire de l'abbaye de Fécamp.

GRAÇAY, petite ville ancienne du cidevant bas Berry, aujourd'hui du département du Cher (arrondissement de Bourges). Les seigneurs de Graçay, qui se qualifiaient barons, sires ou princes,

(*) En faisant les fouilles de la culée du pont d'Iéna, dans l'ile des Cygnes, au mois d'août 1806, on trouva un bateau en bois, formé d'un seul tronc de chène, creusé et pouvant porter huit hommes avec vivres et

fusant d'accéder à leurs demandes, les bagages. M. Mongez a cru pouvoir établir que

Normands investissent Paris. Le 25 novembre 885, ils livrent le premier assaut, et attaquent particulièrement une tour en bois que Gozlin avait fait construire, et qui dépendait vraisemblablement des bâtiments remplacés par le Palais-de-Justice. Mais tous leurs ef

cette barque avait appartenu aux Normands, forcés par Gozlin et Eudes à renoncer précipitamment à leur entreprise contre Paris, et à trainer leurs barques sur terre pour remonter le fleuve au-dessus de la ville. Le mémoire de M. Mongez est analysé dans la collection de l'Académie des inscriptions, t. V, p. 91.

gardèrent ce domaine jusqu'en 1371, qu'ils le vendirent à Jean de France, due de Berry. Celui-ci, à son tour, en fit don au chapitre de la sainte chapelle de Bourges, fondée par lui-même en 1405. Graçay était autrefois entourée de hautes murailles flanquées de tours, dont il reste encore des vestiges. Aux environs, sur la route de Paris à Toulouse, on remarque un amas de 21 pierres énormes, les pierres folles, qui paraissent être les ruines d'un grand monument celtique.

Graçay possédait, dit-on, autrefois un atelier monétaire. Nous ne l'avancons ici, du reste, que sous l'autorité d'un savant, Berruyer Catherinot; car les deniers de Gracay sont maintenant inconnus.

La population de Graçay est de 2,787 habitants.

GRACE (droit de). -Le droit de grâce, considéré dans son principe, est un attribut essentiel de la souveraineté, puisqu'il implique nécessairement le droit de juger et de légiférer.

A ce point de vue, son histoire est intimement liée à celle de la souveraineté; car toutes les fois que le pouvoir souverain change de mains, se dissémine ou se concentre, le droit de grâce subit un déplacement et des vicissitudes analogues.

Sous les deux premières races, les crimes et délits n'étant considérés que comme de simples offenses privées rachetables, le droit de grâce n'eût pu s'exercer qu'au préjudice de l'offensé. Il appartint donc à quiconque payait pour le coupable la composition et le fredum, ou à l'offensé lui-même s'il jugeait à propos de renoncer à sa vengeance; mais il est plus vrai de dire qu'il n'appartenait à personne, car la grâce ne s'entend que de la remise d'une peine publique.

Quand le pouvoir public commença à se constituer, et que des notions plus saines prévalurent dans le droit criminel, le droit de grâce vint naturelle ment aux seigneurs; mais ils ne le gardèrent pas longtemps. Les rois, jaloux d'accaparer tous les droits de souverai neté que s'étaient attribués les possesseurs de fiefs, commencèrent par celuilà, qui était le moins important pour

les seigneurs, mais le plus capable d'étendre l'influence et la popularité de la royauté, cette longue série de revendications qui aboutit en définitive à la ruine complète de l'indépendance féodale.

Depuis lors ce fut un adage consacré en France, que le droit de grâce est la plus belle prérogative de la couronne ; c'est celle au moins à laquelle les rois se montrèrent le plus attachés. En fait, cependant, il paraît qu'à l'origine l'exercice de cette prérogative passa seulement des mains des seigneurs dans celles des gouverneurs des provinces, du connétable, des maréchaux, des grands officiers de la couronne; de sorte que le monarque était étranger aux grâces qu'on accordait en son nom. Charles V, le premier, essaya de réprimer ces usurpations par ses édits de 1358 et 1359; mais il ne s'interdit pas de conférer le droit de grâce par délégation. Lui-même l'accorda, en 1366, au grand bouteiller.

Ses successeurs l'imitèrent. Charles VI le conféra au duc de Berry, gouverneur du Languedoc; Louis XI, en 1475, le céda au prince d'Orange; et, deux ans après, ce roi autorisa d'une manière générale le comte d'Angoulême à délivrer tous les prisonniers, la première fois qu'il ferait son entrée dans une ville de son domaine.

En 1507, Louis XII, dans une ordonnance pour la réformation du royaume, rendue sur les doléances d'une assemblée de notables tenue à Blois, posa de nouveau en principe le droit exclusif du roi de donner grâces, pardons et rémissions, et révoqua tous les pouvoirs délégués à cet effet par ses prédécesseurs. Depuis lors, nous ne trouvons plus dans l'histoire d'autres exemples de délégations spéciales du droit de grâce, que celle qui fut donnée, en 1515, par François Ier, à Louise de Savoie sa mère.

Par un usage fort ancien, le chapitre de la cathédrale de Rouen jouissait du privilége de délivrer un prisonnier et ses complices le jour de l'Ascension. Henri IV, ne pouvant pas retirer tout à fait ce privilége, voulut le faire relever, du moins en apparence, de la souveraineté royale. Il ordonna donc que le gracié ne serait mis en liberté qu'a

près avoir obtenu préalablement des lettres d'abolition de la grande chancellerie. (Voyez FIERTE.)

La ville de Vendôme jouissait également, depuis 1428, du droit de délivrer un prisonnier, en conséquence d'un vœu solennel fait par Louis de Bourbon, l'un de ses comtes.

Pendant longtemps, les cardinauxlégats furent en possession, dans toute la chrétienté, de délivrer des lettres de grâce de leur propre autorité. Sous Innocent III, ce droit ne leur était pas contesté en France; mais quand la royauté secoua la tutelle de Rome, les parlements résistèrent presque toujours

entériner ces lettres. En 1547, le cardinal de Plaisance s'étant avisé de faire revivre cette vieille prétention en faveur d'un clerc qui avait tué un soldat, le parlement de Paris refusa l'enregistrement, et le procès fut fait à l'accusé, nonobstant toutes réclamations (*).

Mais le privilége le plus exorbitant en ce genre, est celui qu'avait l'évêque d'Orléans de donner des lettres de grâce à tous les prisonniers qui se trouvaient dans les prisons de la ville quand il y faisait son entrée solennelle. Toutes les fois que cette solennité avait lieu, les malfaiteurs de tout le royaume affluaient vers Orléans pour recevoir leur brevet d'impunité; les prisons ne pouvaient les contenir. En 1707, 900 furent délivrés par ce moyen; en 1733 il y en eut jusqu'à 1,200. L'énormité de l'abus fit ouvrir les yeux à l'autorité, et, en 1753, parut un édit de Louis XV ayant pour but de restreindre le droit de l'évêque dans de justes limites. Nous allons mettre le préambule de cet édit sous les yeux du lecteur, parce qu'en même temps qu'il explique l'origine probable de ce singulier privilége, il pose clairement les principes du droit de grâce, et confirme tout ce que nous avancé de la corrélation de ce droit avec la souveraineté.

«Louis, etc. Le pouvoir du glaive et la punition des crimes par la sévérité des peines étant un des attributs les plus inséparables

(*) On sait que les cardinaux jouissent encore à Rome du droit de grâce dans cer

tains cas.

de la puissance souveraine, il n'appartient aussi qu'à elle seule d'en faire grâce et d'user de clémence envers les coupables. Mais dans l'exercice d'un droit dont les souverains sont avec raison si jaloux, les premiers empereurs chrétiens, par un respect filial pour l'Eglise, donnoient un accès favorable à ses ministres pour les criminels; et à leur exemple les anciens rois nos prédécesseurs déféroient souvent à l'intercession charitable des évêques, surtout en des occasions solennelles où l'Église usoit aussi quelquefois d'indulgence envers les pécheurs en se relâchant de l'austérité des pénitences canoniques : c'est à quoi l'on doit sans doute attribuer ce qui paroît s'ètre pratiqué depuis plusieurs siècles à l'avènement des évêques d'Orléans pour la délivrance des prisonniers pour crime, qui au jour de leur entrée solennelle dans leur siége épiscopal se trouvoient dans les prisons de la ville. Mais cet usage n'étant pas soutenu par des titres d'une autorité inébranlable, et ses effets, trop susceptibles d'abus, n'ayant jamais reçu ni les bornes légitimes ni la forme régulière qui auroient pu leur convenir, il a éprouvé la contradiction de nos principaux officiers chargés de la dispensation de la justice et du maintien de notre autorité; et nonseulement il a donné lieu à des incertitudes dangereuses sur l'état des hommes et sur le sort des familles, mais il s'est même quelquefois trouvé fatal à ceux de qui la confiance aveugle s'étoit reposée de leur sûreté sur sa foi. Un objet si digne de notre attention demande qu'il y soit pourvu par nous; et après l'avoir mis en considération dans notre conseil, nous voulons nous en expliquer de la manière que nous avons jugé le plus propre à concilier les priviléges avec les droits inviolables de notre souveraine puissance à exclure les abus qu'on en voudroit faire. Animés du même esprit que les rois nos prédécesseurs, nous n'avons pas cru pouvoir refuser quelque égard favorable à un usage que son antiquité rend vénérable par sa singularité même et pour lequel sollicite en quelque sorte la sainteté des évêques qui, dès les premiers siècles de l'Église, ont illustré le siége d'Orléans; nous avons jugé plus digne de nous de le régler en lui donnant des bornes convenables, et de l'affermir sur des fondements solides qu'il ne sauroit tenir de que notre autorité. A ces causes, etc.....»

En 1791, quand on discuta le Code pénal à la Constituante, les logiciens de cette assemblée, qui avaient fait de la souveraineté du peuple la base même de la constitution, durent ôter au roi le droit de grâce. « Le pouvoir de faire

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