Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

a

qu'elle a inspirée, a trouvé des historiens nombreux et fidèles. JOINVILLE. est au premier rang. Guillaume de Nangis, dans les Faits et gestes de Louis IX, se préoccupe à peu près exclusivement de retracer les vertus religieuses du monarque. Le confesseur de la reine Marguerite, qui se proposait de tracer la très digne vie du très-excellent roi, au lieu de la vie d'un roi n'a donné, pour ainsi dire, que la vie d'un saint. Mais Joinville, qui s'élève, comme historien, bien au-dessus de ses contemporains, laissé un monument durable dans son Histoire de saint Louis, non pas seulement au point de vue de cet intérêt toujours vivant qui s'attache au récit des grands événements, à la mémoire des hommes supérieurs, quand on retrouve dans leurs biographes l'émotion des passions contemporaines: Joinville est avant tout un historien naïf, qui rapporte les faits comme ils se présentent à sa mémoire, comme ils se sont accomplis sous ses yeux. Ses paroles sont empreintes d'une bonne foi qui ne laisse dans l'esprit du lecteur aucune place au doute. Il avait vécu dans l'intimité de saint Louis; il avait surpris, dans ses moindres détails, tous les secrets de cette vie héroïque et pieuse, et c'est là, avec l'animation et la naïveté du style, ce qui fait le prix de son livre.

Le règne de Charles V, qui tient dans notre histoire une si grande place par la lutte avec les Anglais, et, ce qui a été trop peu remarqué jusqu'ici, par la création d'une administration régulière et de notables réformes, n'a laissé qu'un petit nombre de monuments à peu près contemporains. Nous citerons la Chronique de Bertrand du Guesclin, par CUVELIER, récemment publiée dans la collection des Documents inédits, et le livre des Faits et bonnes meurs (sic) du sage roi Charles V, CHRISTINE par DE PISAN. Christine, Italienne d'origine, et qui a marqué, on le sait, d'une manière distincte et notable dans le mouvement littéraire du quinzième siècle, voulut payer l'hospitalité que Charles V avait donnée à son père, en écrivant la vie de ce roi; mais par malheur elle s'est beaucoup moins occupée de recueillir les faits que de donner des

conseils au prince qui devait par la suite monter sur le trône de France.

Heureusement FROISSART, qui passait sa vie à courir les villes « pour entendre et ouir des nouvelles,» s'est chargé de ramasser en détail le récit des exploits, des désastres, des crimes, des incendies et des massacres qui forment, par malheur, le fond constant de l'histoire du moyen âge. Souvent incorrect, et surtout incomplet, Froissart se laisse aller à tous les hasards de ses souvenirs; mais, en racontant simplement et sans recherche ce qu'il a vu et entendu, en se promenant par tous les sentiers, si petits qu'ils soient, il fait faire à ses lecteurs une longue route, où les horizons changent sans cesse; et son récit a tout le charme de la conversation, tout l'intérêt d'un roman de chevalerie, semé d'expressions vives et heureuses, et toute la vérité de l'histoire. Ce récit commence en 1325, et finit en 1400. Par malheur, Froissart ne s'est pas toujours montré fidèle au même parti, et il paraîtrait qu'il aurait lui-même, selon les occurrences, rédigé des variantes. C'est là, du reste, un procédé qui est également familier à quelques écrivains modernes.

L'histoire de Charles VI, de 1380 à 1422, a éte écrite par JEAN JUVÉNAL DES URSINS, archevêque de Reims. Juvénal est encore crédule, comme on l'était aux époques les plus naives du moyen âge; mais il est impartial, et son opinion peut servir de contre-poids aux exagerations de Froissart et de Monstrelet, toujours disposés à pencher pour le parti bourguignon. Sa chronique abonde en faits curieux, qu'on chercherait vainement dans d'autres documents contemporains, et son récit est empreint d'une certaine tristesse qui laisse deviner, beaucoup mieux que ne le pourraient faire des phrases ambitieuses, toutes les misères qui pesaient sur le pays.

PIERRE DE FENIN et le.RELIGIEUX anonyme DE SAINT-DENIS doivent aussi être consultés pour l'histoire de cette époque. Le Religieux de SaintDenis était initié aux affaires de son temps, et il représente l'opinion des hommes graves de l'université, de la magistrature et de la riche bourgeoi

sie. C'est là un de ses principaux mérites. Pierre de Fenin, écuyer et panetier de Charles VI, était, par sa position auprès de ce roi, en mesure de bien voir les choses. Ses Mémoires s'étendent de 1407 à 1427; mais, au milieu des partis qui divisaient le royaume, il se trouve comme égaré, et ne sait sous quelle bannière se ranger. Il est timide et circonspect à l'excès, et s'arrête plus volontiers sur le récit de petits combats que sur les secrets de la politique.

MONSTRELET forme, pour les premières années du quinzième siècle, le synchronisme de Pierre de Fenin; mais sa chronique se prolonge jusqu'en 1453. Il se distingue des écrivains de son temps par le soin qu'il apporte à produire des pièces justificatives à l'appui de sa narration. Il semble s'être proposé pour but principal de conserver avec détail la mémoire des guerres qui désolaient alors la France. La multitude des faits qu'il enregistre lui donne une grande valeur; mais il est pesant, diffus, monotone, et Rabelais, qui se connaissait en style, lui reproche d'être baveux comme un pot à moutarde.

Olivier de la MARCHE, JACQUES DUCLERC, PHILIPPE, DE COMINES et JEAN DE TROYES ont recueilli dans leurs Mémoires les événements qui se sont accomplis en France dans la dernière moitié du quinzième siècle. Olivier de la Marche était Bourguignon, et ce qui le préoccupe avant tout, c'est la gloire et les intérêts des princes de son parti. L'histoire militaire et la politique n'ont à ses yeux qu'une importance secondaire, et quand la chevalerie va finir, il s'attache avec passion à décrire les tournois, les pas d'armes. Jacques Duclerc se place à un point de vue tout différent : sa curiosité se tourne vers les classes moyennes, et ses Mémoires présentent des détails curieux sur les persécutions auxquelles furent en butte les Vaudois, qui appartenaient tous à la partie la plus souffrante et la plus pauvre du peuple. Jean de Troyes, greffier de l'hôtel de ville de Paris, n'a laissé transpirer que très-peu de chose de la politique de Louis XI. Son livre est moins une histoire qu'un recueil anecdotique dans le genre de

Tallemant des Réaux, moins l'ironie et la verve; et l'on y retrouve, pour le tableau des mœurs, de curieux renseignements. Mais l'historien qui domine dans cette période, c'est sans contredit Philippe de Comines.

Éminemment remarquable comme écrivain, Comines ne soupçonnait guère la philosophie de l'histoire. Dans la première partie de ses écrits tout s'accomplit par Louis XI et pour Louis XI, et ses seuls sentiments sont l'admiration et le respect. Dans la seconde partie, au contraire, qui concerne particulièrement Charles VIII, Comines, qui jusque-là ne s'était occupé que du roi, s'occupe de la Providence, et rencontre à chaque instant le doigt de Dieu. Il en revient même aux miracles. C'était du reste un homme pratique et de bon conseil, et qui se montra dans son livre plus moral que dans sa conduite. Notons encore pour mémoire vers le même temps, JEAN LEFÈVRE DE SAINT-REMI, dit ToISON-d'Or, J. MOLINET et MATHIEU DE COUCY.

Pendant le seizième siècle, les mémoires abondent. Tous les hommes qui prennent part aux affaires dans cette époque, agitée par tant de luttes et tant de passions diverses, sont à la fois pour la plupart des hommes de plume et d'épée. lis font la guerre, se mêlent aux intrigues politiques, écrivent leurs Commentaires, les uns pour justifier leurs actions aux yeux de leurs contemporains, les autres par vanité glorieuse pour en conserver la mémoire auprès de la posterité. Nous citerons au premier rang de ces Commentaires, les Journaux de FRANÇOIS DE LORRAINE, duc d'Aumale et de Guise (1547-1563); les Mémoires du PRINCE DE CONDÉ, qui comprennent les choses mémorables faites et passées pour le faict de la religion en estat de ce royaume, depuis la mort du roi Henri II jusqu'en l'année 1564; les Commentaires de BLAISE DE MONTLUC, dont la véracité ne saurait être contestée, bien que l'auteur laisse échapper çà et là de singulières bouffées de vanité gasconne. Le style de Montluc est quelquefois éloquent, toujours vif. Ses Commentaires sont precieux à consulter pour l'histoire des opérations de guerre et la science stra

tégique au seizième siècle. Henri IV les appelait la Bible des soldats.

FLEURANGE nous a transmis sur Louis XII et François Ier des Mémoires intéressants, empreints d'un patriotisme sincère. GUILLAUME et MARTIN DU BELLAY (1512 à 1547) laissent peu de chose à désirer pour l'histoire des événements militaires; mais quand ils touchent à la politique, on peut leur re.procher de sacrifier toujours, et comme par un parti pris d'avance, CharlesQuint à François I. Citons encore ANTOINE DU PUGET, soldat accoutumé à vivre au milieu des désastres de la guerre civile, et qui a traité des Trou bles de religion dans le midi de la France, de 1561 à 1597; FRANÇOIS DE RABUTIN (1551 à 1558), qui raconte bien, décrit avec exactitude, admire avec enthousiasme quand il rencontre une belle action, se montre sévère pour toutes les injustices, et plein de pitié pour toutes les infortunes; GASPARD DE SAULX TAVANNES, ligueur et partisan des Guises, qui justifie la Saint-Barthélemy, attaque la loi salique et rappelle les droits de la maison de Lorraine au trône de France, en vertu de la descendance de Charlemagne; GUILLAUME DE SAULX TAVANNES, dont les Mémoires, écrits avec sagesse et impartialité, ont pour objet principal le récit des guerres de la ligue dans le duché de Bourgogne; MICHEL DE CASTELNAU (1559 à 1570), qui s'attache à la politique plus qu'à la guerre, et qui, par la part active qu'il avait prise aux affaires les plus importantes de son temps, était en mesure d'en surprendre les causes secrètes et de les expliquer; FRANÇOIS DE LA NOUE, du parti des politiques, que Henri IV appelait un grand homme de guerre et un grand homme de bien, et qui se montra, comme tous les gens de bien et les âmes fortes, impartial et calme en face des événements et des passions.

Il est au seizième siècle un écrivain qui s'isole des rédacteurs de Mémoires par sa verve cynique et la tournure originale de son esprit : c'est BRANTÔME, l'auteur des Vies des hommes illustres et grands capitaines français, plus connu, du reste, comme annaliste du scandale et comme biographe des Femmes galantes. Brantôme se sou

ciait fort peu, à ce qu'il paraît, de l'influence ou de la gloire que peuvent donner la politique et les hauts emplois. Son nom ne se trouve mêlé à aucun événement notable. Il se contenta du rôle de courtisan observateur, et il employa toute l'activité de son esprit à raconter les choses parfois etranges dont il avait été le témoin. Très-faiblement renseigné sur la morale, et aussi indifférent sur l'honneur des femmes qu'elles l'étaient elles-mêmes de son temps, il ne blâme rien chez les grands, mais il dit tout avec franchise, leurs vices, leurs crimes même, parce qu'il ne distingue pas toujours très - sûrement s'ils ont bien ou mal fait. Brantôme, comme Rabelais, aura toujours des lecteurs.

Les Mémoires malheureusement trop courts de CHARLES DE VALOIS, grand prieur de France et DUC D'ANGOULEME, ne contiennent que le récit de deux événements, l'assassinat de Henri III et le combat d'Arques, et ils attestent, par la correction et l'élégance du style, les notables progrès de la langue. NICOLAS DE NEUVILLE, seigneur de VILleroi ; a laissé un recueil de pièces et deux Apologies qui font parfaitement comprendre les événements qui mirent fin aux troubles du seizième siècle. Villeroi, qui avait été secrétaire des commandements de Charles IX, Henri III, Henri IV et Louis XIII, appartenait au tiers parti. Il se montre, dans ses écrits, fidèle au sentiment national et au catholicisme. Le Journal de PIERRE LESTOILE et la Chronologie novenaire de PALMA CAYET, les Négociations du président JEANNIN et les Mémoires de SULLY complètent cette série de documents, écrits sous l'impression même des événements contemporains, par des hommes qui avaient été acteurs ou spectateurs passionnés dans ces événements. La Chronologie novenaire comprend T'histoire des guerres de Henri IV, depuis l'an 1589 jusqu'à la paix de Vervins, en 1598. On y rencontre une mul titude de faits qui avaient échappé aux autres historiens. Pierre de Lestoile, conseiller du roi, bon Français, tresattaché au parlement, sujet devoue et grand ennemi de la ligue, a relevé dans son Journal tous les faits qui se passaient à Paris. C'est un des livres les

plus curieux qui se puissent lire. Le président Jeannin s'était jeté dans la ligue, mais avec l'intention de sauver l'État. Ses Négociations sont regardées comme le meilleur modèle à suivre pour les hommes mêlés à l'activité des affaires politiques. Elles ont servi d'instruction au cardinal de Richelieu, qui les lisait tous les jours dans sa retraite d'Avignon. Quant aux Mémoires de Sully, ils occupent une place tout à fait à part, et sont dignes du grand ministre qui les a écrits.

La révolution qui s'était accomplie dans la société tout entière, s'était également accomplie pendant le cours du seizième siècle dans la manière d'écrire l'histoire. Les chroniqueurs du moyen âge ne sont que des narrateurs. Ils racontent les faits sans les discuter, et le plus souvent avec une froideur singulière. Au seizième siècle, au contraire, les auteurs de Mémoires n'écrivent pas seulement pour instruire la postérité des affaires de leur temps, mais pour défendre leurs causes; ils mettent ainsi l'histoire au service de la politique. Jamais la liberté d'écrire et les hardiesses de la pensée n'ont été poussées plus loin. Le caractère de l'époque, ce caractère à la fois triste et frondeur, sceptique et passionné, se retrouve tout entier dans les livres. Mais les traditions du moyen âge y reparaissent encore çà et là. Ainsi que nous avons eu occasion de le remarquer ailleurs, les vieilles maladies de l'esprit humain, passées à l'état chronique, ne pouvaient se guérir en un jour. Les écrivains du seizième siècle, vieillards désabusés, semblaient n'avoir gardé leur foi que pour les contes de leurs nourrices, et, comme l'a dit Voltaire, « tous les Mémoires de ce temps-là, à commencer par l'histoire du président de Thou, sont remplis de prédictions. Le grave et sévère Sully rapporte sérieusement celles qui furent faites à Henri IV. » Outre les Mémoires que nous venons de citer, il est indispensable d'étudier, pour connaître à fond cette époque, les pamphlets et les sermons.

Au premier rang des sources contemporaines qu'il importe de consulter pour l'histoire de la régence de Marie de Médicis et du règne de Louis XIII,

nous citerons : les Mémoires de FONTENAY-MAREUIL, de BASSOMPIERRE, de PONTCHARTRAIN, dų DUC de RoHAN, du MARECHAL D'ESTRÉES, de PONTIS et de RICHELIEU. FontenayMareuil aime, admire et défend Richelieu. Bassompierre, qui remonte jusqu'à Henri IV, sème son récit d'anecdotes piquantes, et se console des ennuis d'un séjour forcé à la Bastille, par les libertés de l'esprit et les agréments de la chronique scandaleuse, Pontchartrain, qui savait à fond les affaires sous la régence de Marie de Médicis, les raconte avec simplicité, bienveillance et bonne foi. Il n'en est pas de même du duc de Rohan, observateur habile, politique profond, écrivain énergique, qui laisse échapper souvent dans ses récits les traces de la partialité la plus irréfléchie. Pontis, qui avait commencé par être soldat sous Henri IV, et qui mourut solitaire à Port-Royal, a su donner à ses Mémoires le charme du roman et l'intérêt sérieux de l'histoire. Quant aux Mémoires du cardinal de RICHELIEU, on y sent les inspirations de Boisrobert et de Colletet, certaines velléités de rhéteur et de théologien, mais on y rencontre des faits curieux et des portraits tracés d'une main ferme.

Les Mémoires relatifs au siècle de Louis XIV nous paraissent devoir occuper une place plus élevée que celle qui leur a été assignée jusqu'à ce jour. Čes Mémoires sont nombreux, et l'on y retrouve souvent, auprès de la curiosité historique, toute la supériorité littéraire des écrivains de cette époque. Le tableau de la cour de France pendant la minorité du roi a trouvé dans la DUCHESSE DE NEMOURS et MADAME DE MOTTEVILLE deux peintres fidèles, qui joignent toutes les grâces de l'esprit å la finesse de l'observation. La malignité dans les portraits de la duchesse de Nemours n'exclut pas la ressemblance, dé même que chez madame de Moteville, qui avait entrepris d'écrire l'histoire d'Anne d'Autriche par un sentiment de reconnaissance, la naïveté n'exclut point la finesse. Madame de Motteville a donné mieux que personne des détails positifs et vrais sur les ressorts secrets qui ont fait agir la cour pendant

les troubles de la Fronde. Cette période célèbre de notre histoire a été traitée avec un égal intérêt par le CARDINAL DE RETZ. Ses Mémoires, dit Voltaire, sont écrits avec un air de grandeur, une impartialité de génie et une inégalité qui sont l'image de sa conduite. Le style en est vif et serré, et cette hardie confession d'une vie de désordres et d'intrigues fit une impression profonde sur les lecteurs contemporains. GUY JOLY, qui avait été acteur dans la Fronde, fait suite au cardinal de Retz. Ses témoignages sont utiles à étudier. Le COMTE DE BRIENNE, ministre et secrétaire d'État, a raconté avec une grande exactitude les événements marquants de la première moitié du règne de Louis XIV, et c'est ainsi que le passé du dix-septième siècle revit tout entier par les grandes et petites choses; car chaque écrivain prend tour à tour son personnage, son événement. Le COMTE DE LA CHATRE retrace les mêmes intrigues de cour pendant les premières années de la régence d'Anne d'Autriche; MADEMOISELLE DE MONTPENSIER raconte dans leurs moindres replis la vie des princes (1636-1686). PIERRE LENET s'attache au grand Condé et le suit pas à pas depuis sa naissance jusqu'en 1659. MONTGLAT s'occupe de la guerre entre la France et l'Autriche, de 1635 à 1660'; LA ROCHEFOUCAULD, le célèbre auteur des Maximes, des hommes de tous les caractères et de tous les partis avec lesquels la guerre civile l'avait mis en relation. Les Mémoires de la Rochefoucauld ont un grand air de sincérité; Bayle les mettait au-dessus des Commentaires de César; mais ce jugement n'a point été confirmé. GOURVILLE, qui avait été employé par la cour de 1642 à 1698, dit tout ce qu'il sait et ne dissimule rien, ni le bien ni le mal, soit qu'il s'agisse de lui, soit qu'il s'agisse des autres; madame de Grignan trouvait ces Mémoires charmants, écrits avec un naturel admirable. Quelque indulgent qu'on soit, on ne saurait porter le même jugement sur OMER TALON et l'ABBÉ DE CHOISY. Omer Talon a, il est vrai, un certain esprit de vérité et de justice. Il enregistre avec exactitude les faits historiques, mais il abuse outre

mesure de la patience de ses lecteurs, en les égarant sans cesse dans un dédale de matériaux entassés sans art. L'abbé de Choisy, que la Bruyère appelait abbé cauteleux, doucereux et mystérieux, n'offre pas plus d'intérêt, et cela se conçoit; il parle de lui jusqu'au déboire. Le sentiment fastidieux de la personnalité domine également dans les Mémoires du MARECHAL DU PLESSIS, qui écrit avec un soin minutieux l'histoire des divers emplois qu'il a remplis, et ne cesse de parler de lui qu'au mo ment même où il est près de mourir. Malgré cela, ses souvenirs sont intéressants pour l'histoire de l'art militaire et les cabales de cour. Rappelons encore, pour l'anecdote et les détails particuliers, les Mémoires de MADAME DE LA FAYETTE sur la cour de France pendant les années 1688 et 1689, et les Souvenirs de MADAME DE CAYLUS, si curieux et si complets, bien qu'ils ne forment qu'un livre inachevé; pour l'histoire des négociations, qui vont depuis la paix de Ryswick jusqu'à la paix d'Utrecht, les Mémoires du MARQUIS DE TORCY, qui avait plus que personne le droit d'exposer ces négociations auxquelles il avait eu la plus grande part; et pour l'histoire militaire les Mémoires de TURENNE, qui présentent un haut intérêt, et où les plus grandes choses sont racontées avec simplicité (16431649); ceux du MARECHAL DE BERWICK, qui comprennent, avec le récit des guerres, de précieuses indications sur la politique; du MARECHAL DE VILLARS, dont Saint-Simon contestait l'exactitude, dont on ne saurait contester la jactance, et que Voltaire a si bien peint d'un trait :

L'heureux Villars, fanfaron plein de cœur.

Les souvenirs du COMTE DE FORBIN, de DUGUAY-TROUIN et du MARECHAL DE NOAILLES, qui ont été postérieurement rédigés par l'abbé Millot, d'après des documents authentiques, doivent être cités en première ligne des sources les plus importantes de l'histoire militaire de Louis XIV.

Mais parmi les rédacteurs de Mémoires du dix-septième siècle, personne ne fut plus en état que le duc de SAINTSIMON de bien voir et de bien juger.

« VorigeDoorgaan »