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bles, devaient faire les corvées et s'acquitter des missions dont le seigneur les chargeait; et lorsque l'un d'eux était admis à l'état de poursuivant, il fallait que le héraut, sans l'aveu duquel l'installation eût été nulle, le présentât au seigneur, qui lui donnait un nom, lui versait ensuite sur la tête une coupe remplie d'eau et de vin, et le revêtait de sa propre tunique, en ayant soin de faire tomber une manche sur la poi trine, et l'autre sur le dos. Le chevaucheur devenu poursuivant devait garder cette tunique, placée ainsi oblique ment, jusqu'à sa nomination à la charge de heraut, qu'il ne pouvait obtenir qu'apres sept années de service. Furetière remarque qu'on baptisait les poursuivants de quelque nom gaillard, après les réjouissances et les festins des fêtes solennelles; ainsi on les appelait Jolicoeur, Verluisant, Sansmentir, Gaillardet, Beausemblant, Hautlepied, etc. Leur cotte d'armes était différente de celle des herauts, et ils portaient des bâtons sans ornement. Quant aux hérauts, l'usage était de leur conférer l'ordre, soit à la guerre dans un jour d'action, soit au couronnement des rois et des reines, soit à un tournoi. Le prince, après avoir fait publiquement l'éloge de son poursuivant et l'avoir proclamé vaillant, fidele et discret, declarait l'agréer au nombre de ses herauts. Le plus ancien de ceuxci lui dictait alors le serment, qu'il répétait mot pour mot. Ce grade anoblissait le récipiendaire, qui changeait encore de nom et prenait celui de son seigneur ou de quelque province, après un nouveau baptême de vin et d'eau. Enfin, la derBiere dignité était celle de roi d'armes, à laquelle on attachait le plus grand honneur; quand on choisissait le premier roi d'armes, nommé Montjoie, heraut qui avait l'honneur de représenter le roi de France, on le conduisait d'abord en cérémonie au palais du souverain, où les valets le revêtaient des vêtements royaux. Lorsque le monarque était près de se rendre à l'église, ou à la chapelle de son palais, pour entendre la messe, le connétable de France, et quelquefois les maréchaux conduisaient l'élu, précédé des hérauts et rois d'armes des différentes provinces qui se trouvaient

alors à la cour, vis-à-vis du grand autel, sur une chaise couverte d'un tapis de velours, au-dessous de l'oratoire du roi, à l'aspect duquel il se levait, et prononçait à genoux le serment que le connetable ou le premier maréchal lui dictait. Après le serment, le connétable lui ôtait le manteau royal, prenait une épée des mains d'un chevalier, et la présentait au roi, qui conférait l'ordre de chevalerie au néophyte. Le connetable prenait ensuite la cotte d'armes portée par un autre chevalier au bout d'une lance; il la donnait au prince, qui en revêtait lui-même le roi d'armes futur en lui disant : « Messire tel, par « cette cotte et blason couronnés de nos « armes, nous t'établissons perpétuelle« ment en l'office de roi d'armes,» et en ajoutant, lorsqu'il lui posait la couronne sur la tête : « Notre roi d'armes, par « cette couronne, nous te nommons par «nous Montjoye, qui est notre roi d'ar«mes, au nom de Dieu, de Notre-Dame, << sa benoîte mère, et de monseigneur << saint Denis, notre patron. » Les hérauts et poursuivants répétaient alors par trois fois : Montjoye Saint Denis, et le roi d'armes était conduit à un banquet splendide où il était servi par deux écuyers, et avait une coupe dorée que le roi remplissait habituellement de pièces d'or. Après avoir pris les épices et le vin de congé, il presentait au roi le héraut qu'il choisissait pour son maréchal d'arines, et retournait à son hôtel escorté du connétable ou des maréchaux, et des divers officiers qui avaient assisté à la cérémonie. Quand il était arrivé dans son appartement, on lui offrait encore, de la part du souverain, une couronne et un habillement complet de chevalier, ce qui ter minait l'installation.

Les rois d'armes étaient soumis à la juridiction de Montjoye, roi d'armes du roi. Leurs fonctions et leurs insignes étaient presque les mêmes que ceux de leurs officiers subalternes. Les

rois d'armes portaient une cotte d'armes de velours richement brodée, ap. pelée tunique, chargée sur les manches de fleurs de lis d'or, des armoiries et du nom de leur province, et distinguée de la plaque ou cotte des hérauts ordinaires par une couronne qui surmon

tait les fleurs de lis. Leurs officiers avaient à peu près le même costume, mais avec un peu moins d'élégance, et tous portaient une toque de velours noir ornée d'un cordon noir; ils avaient pour chaussure des brodequins pendant la paix, et des bottes en temps de guerre. İls tenaient à la main, dans les cérémonies funèbres, un bâton dit caducée, et portaient au cou la médaille du roi.

Leur principal emploi était de composer ou de dresser des généalogies, de composer des armoiries et de vérifier les preuves de noblesse; d'examiner les titres de chacun; de veiller à ce que rien de ce qui touchait aux familles ne s'altérât. A cet effet, ils dressaient dans chaque province un état des seigneurs et gentilshommes de leur département; ces états contenaient les noms, surnoms, blasons, timbres et noblesse des fiefs. Tous les trois ans, les rois d'armes des provinces s'assemblaient, et remettaient à leur chef Montjoye leurs travaux particuliers, dont il composait un nobiliaire général qui instruisait le souverain du nombre des gentilshommes, de leurs revenus, et lui faisait connaître les forces que chaque province pouvait opposer à l'ennemi; ce qui permettait de les rassembler avec facilité. Les hérauts étaient surintendants des armes et conservateurs des honneurs de la guerre, dont le blason est un symbole. Ils avaient droit d'ôter les armoiries à ceux qui méritaient d'être dégradés de noblesse, de réprimander les gentilshommes qui menaient une vie honteuse, et de les chasser des joutes et tournois. Ils vérifiaient tous les titres que ceux-ci faisaient peindre dans leurs cartulaires, et corrigeaient toutes les erreurs, tous les abus relatifs aux armoiries. Leur charge leur permettait de se faire ouvrir toutes les bibliothèques, toutes les archives, de se faire communiquer tous les titres dont ils pouvaient avoir besoin. Ils avaient leur entrée libre à la cour des princes étrangers, pour y annoncer la guerre ou la paix (voyez DÉFI), et leur personne était sacrée comme celle des ambassadeurs. Ils publiaient les joutes et les tournois, faisaient les lettres d'appel, signifiaient les cartels, marquaient le camp, les lices, ou le lieu

du duel; ils poussaient les acclamations pour appeler l'assaillant et le tenant, partageaient également le soleil dans les combats à outrance. A la guerre, ils faisaient le dénombrement des morts, relevaient les enseignes, redemandaient les prisonniers, sommaient les places de se rendre, et, dans les capitulations, marchaient devant le gouverneur de la ville pour assurer sa personne. Ils se constituaient de droit les principaux juges du partage des dépouilles des vaincus et des récompenses militaires, publiaient les victoires, en portaient la nouvelle aux pays étrangers. Ils faisaient la convocation des états généraux, et y assis taient pour régler la préséance et empêcher la confusion et le tumulte. Ils se trouvaient aux mariages des rois, et faisaient souvent les demandes eux-mêmes pour leurs souverains. A la mort des princes, ils enfermaient dans le tombeau toutes les marques d'honneur, comme sceptre, couronne, main de justice, etc. (Voyez FUNÉRAILLES.)

Les hérauts, comme on le voit, jouaient un rôle important au moyen age, et la puissance de leur charge était telle, qu'on les craignait partout, parce qu'une violation du respect dû à un titre aussi sacré aurait suffi pour amener une guerre immédiate. Ils recevaient des présents de toutes sortes. Ils prélevaient d'ailleurs un droit établi ̄par l'usage sur les chevaliers qui combattaient dans les tournois. Ceux qui y étaient pour la première fois devaient, pour leur bienvenue, leur heaume aux officiers d'armes ; et si l'on avait payé le heaume pour le combat à l'épée, il fallait encore le payer pour celui de la lance, selon cet axiome: La lance affranchit l'épée, l'épée n'affranchit pas la lance.

Les hérauts ont été jusqu'au nombre de trente en France, sous le titre de Bourgogne, Normandie, Dauphiné, Bretagne, Alençon, Orléans, etc. Mais depuis le règne de Henri II leur nombre et leur importance allèrent en déclinant jusqu'au règne de Louis XIV, où finit la hérauderie proprement dite (voyez DÉFI). A dater de cette dernière époque, les hérauts ne figurèrent qu'aux mariages et aux sacres des rois.

Nous les avons revus sous l'Empire,

vêtus de cottes de velours bleu chargées d'abeilles d'or; et de même sous la restauration, où l'on avait seulement remplacé les abeilles par des fleurs de lis vaine et puérile imitation des antiques usages.

HERBAGE (droit d'). On appelait ainsi un droit en usage dans quelques provinces, en vertu duquel le détenteur d'un héritage tenu en censive devait donner au seigneur, le jour de la Saint-JeanBaptiste, la meilleure de ses bêtes après la plus belle, pour droit de pâture. C'était la le vif herbage, qui se prélevait par dix, vingt ou vingt-cinq têtes. Le mort herbage était une redevance en argent due par un fermier qui ne possédait pas assez de bêtes pour payer le droit vif; il était d'un denier par tête. Chaque localité avait du reste ses modifications à l'herbage mort ou vif, qu'on ne pouvait exiger dans les fiefs nobles. Dans ce dernier cas, le lieu était dit franc herbager.

L'herbage était aussi la faculté de couper des herbes, ou de faire paître des animaux dans les prés, dans les forêts, etc.

HERBAULT. C'est à un Français de ce nom qu'il faut attribuer l'invention et le premier essai de la méthode de l'enseignement mutuel. Dès 1747, longtemps avant l'ouverture de l'établissement du chevalier Paulet, Herbault avait formé dans l'hospice de la Pitié, près du Jardin des Plantes, à Paris, une école de 300 enfants soumis à ce mode d'éducation. Cette tentative fut accueillie par de nombreux éloges; mais l'approbation resta stérile, et cet exemple fut perdu.

HERBELOT (Barthélemy d'), savant orientaliste, né à Paris en 1625, voyagea longtemps en Italie, rentra ensuite en France, reçut des marques d'estime de la reine Christine, au-devant de laquelle il fut envoyé; et une pension de 1,500 livres que lui faisait le surintendant Fouquet se changea, par la confiance du roi Louis XIV, en une place de secrétaire interprète des langues orientales, lors de la disgrâce du ministre. Après un second voyage en Italie, où le grand-duc Côme III voulut en vain se l'attacher, cédant aux instances de Colbert, il revint à Paris, où il

fut nommé à la chaire de syriaque. C'est à cette époque qu'il s'occupa avec ardeur de son grand ouvrage, la Bibliothèque orientale; mais il ne put y mettre la dernière main. Ce ne fut qu'après sa mort, arrivée en 1695, que cette précieuse collection, éditée d'abord en 1697, fut améliorée successivement par Visdelon Galland, Reiske et Schultens; elle fut réimprimée à la Haye en 1782, in-4°. Cette dernière édition est certainement meilleure que la première; mais les savants éditeurs ont eu le tort de s'appliquer plutôt à augmenter la masse des documents qu'à les vérifier et à les coordonner. Aussi la Bibliothèque orientale contient-elle de nombreuses erreurs qu'un léger travail ferait disparaître, et cette œuvre savante attend encore un éditeur qui la mette au niveau des connaissances actuelles. D'Herbelot est auteur de deux ou trois autres ouvrages inédits, une Anthologie, un Dictionnaire arabe, persan et turc, devenu probablement inutile depuis le Richardson, et un catalogue incomplet des manuscrits de la bibliothèque palatine, traduit en latin par Renaudot, et inséré dans les Amonit. litter., tome III.)

HERBIERS (les), petite ville située à 4 myr. de Bourbon-Vendée, et dont la fondation paraît remonter aux derniers temps de la république romaine. Sous la domination anglaise, les Herbiers étaient ceints de fortifications dont les restes furent abattus au temps de Louis XIII. Cette ville faisait anciennement partie du Poitou, du diocèse de Lucon, du parlement de Paris, de l'intendance de Poitiers et de l'élection de Châtillon.

Pendant la guerre de la Vendée, une partie de ses habitants embrassa la cause royale. Les Herbiers furent, comme tout le reste du pays, dévastés et en partie incendiés; mais ils ont complétement réparé leurs désastres, et respirent un air d'aisance qu'on ne trouve guère dans les autres villes de la Vendée. Leur population est d'environ 3,000 âmes.

HERBSTHAUSEN (bataille d'). Voyez MARIENTHAL.

HERÉSIES EN FRANCE (histoire des). La première querelle religieuse où la

T. IX. 25 Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

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France joua un rôle, fut l'arianisme. Cette hérésie, qui avait commencé en 319, troubla le règne de Constantin. Mais la lutte s'engagea surtout après l'année 355, lorsque l'empereur Constance vint en Gaule, et que la persécution atteignit plusieurs évêques orthodoxes d'Occident. Au concile de Béziers, tenu cette même année, le grand docteur de la Gaule, saint Hilaire, évêque de Poitiers, résista énergiquement, et parvint à extirper complétement l'arianisme en Gaule. Cette hérésie y fut réintroduite par les Bourguignons et les Wisigoths; mais la haine que les croyances religieuses de ces barbares excitaient fut, comme nous l'avons dit ailleurs, la principale cause de la ruine de leur domination. (Voy. Arianisme, Clergé, CONVERSION.)

Le premier hérésiarque né en Gaule est l'igilantius, originaire du pays de Comminges. Les idées qu'il émit étaient remarquables par leur hardiesse, quoiqu'elles n'aient pas eu alors un grand retentissement. Il s'éleva avec force contre le célibat du prêtre, les jeûnes, les veilles, la profession monastique, et les aumônes envoyées à Jérusalem. Il attaqua, non moins violemment, les pèlerinages et le culte des reliques, qu'il qualifiait d'idolâtrie. Il eut pour adversaire saint Jérôme.

A l'hérésie de Vigilance succéda le pélagianisme, qui eut un immense retentissement en Gaule. Pélage était un moine, né, soit en Armorique, soit dans la Grande-Bretagne, et dont le nom latin Pelagus n'était que la traduction de son nom celtique Morgant. Croyant voir dans toute la doctrine de saint Augustin une tendance au fatalisme, il s'eleva contre elle. L'évêque d'Arles et l'évêque d'Aix allèrent combattre sa doctrine au concile tenu à Jérusalem, en 415, concile que saint Jérôme appelle synodus miserabilis, et où l'hérésiarque, après avoir cédé sur quelques points, fut déclaré orthodoxe. Toutefois, la querelle ne tarda pas à s'envenimer. En 431, le concile général d'Ephèse condamna Pélage et ses adhérents.

Les doctrines exagérées de saint Augustin sur la grâce et la prédestination n'en avaient pas moins révolté les évê

ques et les docteurs de la Gaule, qui, ayant à leur tête le célèbre fondateur de l'abbaye de Saint-Victor à Marseille, Jean Cassien, tentèrent un compromis entre les opinions de Pélage et de saint Augustin. De là naquit le semi-pélagianisme. Les semi-pélagiens professaient que le premier secours de Dieu n'est point nécessaire pour amener le repentir; mais que, sans son assistance soutenue, on ne saurait perséverer ni avancer dans la voie du salut. Les idées de Cassien, adoptées dans presque toute la Gaule, dominèrent principalement dans toutes les provinces méridionales, et à Marseille, ce qui a fait quelquefois surnommer massiliens les semipelagiens. Saint Augustin, qui écrivit contre cette hérésie son Traité de la prédestination et de la persévérance, eut pour adversaires les esprits les plus éclairés de notre patrie, entre autres Faustus de Riez, Vincent de Lérins, Gennadius de Marseille, Hilaire d'Arles, Arnobe le Jeune, et même Sulpice Sévère. La querelle ne fut terminée qu'en 529, par le concile d'Orange. Cette assemblee condamna, il est vrai, Pélage et quelques-unes des opinions de Cassien et de Faustus; mais elle réprouva aussi, sans toutefois nommer le célèbre docteur, certaines doctrines de saint Augustin, doctrines qui étaient précisément celles qui avaient le plus contribué à produire le semi-pélagianisme.

Au cinquième et au sixième siècle, la Gaule prit peu de part aux hérésies qui portèrent pendant longtemps le trouble dans l'Église d'Orient. L'eutychéisme et le nestorianisme n'y trouvèrent guère de partisans. L'Église gauloise n'éleva la voix que pour défendre l'orthodoxie. Ainsi, le nestorianisme fut vigoureusement attaqué par Cassien.

Le règne de Charlemagne, ce grand protecteur du catholicisme, fut occupé par plusieurs querelles religieuses. Il soutint lui-même, contre l'Église de Constantinople, une polémique assez vive au sujet du culte des images. Dans un Traité sur les images qui lui est attribué, l'empereur ne proscrit point les images; il dit positivement, et à plusieurs reprises, qu'on peut les faire en

trer dans la décoration des églises; mais il ajoute que leur seule destination est de rappeler les histoires sacrées qu'elles retracent, et d'instruire par les yeux le vulgaire, trop grossier pour bien comprendre la parole divine. Dans cette question, l'empereur et le pape se trouverent complétement en désaccord; mais il était trop dans l'intérêt de ce dernier de ménager la puissance franque, pour que ce dissentiment produisît un schisme.

Une autre discussion qui eut plus d'importance, fut celle de l'adoptianisme; c'était un nestorianisme timide, fondé sur cette idée que le Christ, engendré en tant que fils de Dieu, en tant que fils de David, et né de Marie, avait été adopté par Dieu. L'adoptianisme eut pour chefs Élipand, évêque de Tolède, et Felix, évêque d'Urgel. Félix l'introduisit dans les provinces méridionales de la Gaule. Alcuin ayant écrit contre lui par ordre de Charlemagne, Felix répondit; de là une controverse, où Elipand déploya une extrême violence. Enfin, un concile tenu à Aix-laChapelle, en 799, termina le débat par la condamnation des deux hérésiarques.

Après la mort de Charlemagne, on vit renaître dans l'empire franc la grande querelle du culte des images. Au concile de Paris, en 825, Louis le Débonnaire se maintint, sur cette question, dans une indépendance complète vis-àvis de l'Eglise de Rome. En 829, un iconoclaste, évêque de Turin, nommé Claude, émit des opinions se rapprochant, sur un grand nombre de points, des doctrines prêchées par la réforme au quinzième siècle. Il fut surtout combattu par un religieux de Saint-Denis, nommé Dungal.

La querelle de la prédestination, assoupie pendant deux siècles, recommença aussi avec une nouvelle force, après la mort de Charlemagne. Elle fut reproduite par Gotteschalk (voyez ce mot). Vers la même époque, parut le célèbre Jean Scot, dit Erigène, qui, apres avoir attaqué Gotteschalk, fut accusé, à son tour, de professer une doctrine peu orthodoxe sur le mystère de l'eucharistie. Il fut réfuté par Prudence, évêque de Troyes, et condamné

en 855, par le concile que l'empereur Lothaire assembla à Valence, le 8 janvier.

Le neuvième siècle fut une période de mort pour l'intelligence; aussi aucune hérésie n'y apparut; mais au siècle suivant, avec la renaissance des études scolastiques, se manifesta dans les masses un mouvement intellectuel, empreint d'une grande hardiesse. On ne vit pas seulement des docteurs et des hommes haut placés dans l'Église, émettre des opinions contraires à l'orthodoxie; mais des hommes du peuple, de simples prêtres, essavèrent des réformes qui ne tendaient à rien moins qu'à renverser toutes les traditions de l'Église. La première tentative de ce genre eut lieu en Champagne. « Sur la fin de l'an 1000, dit Raoul Glaber, il s'éleva, auprès du bourg des Vertus, canton de Châlons, un homme du peuple, nommé Leutard, que l'on pouvait prendre pour un envoyé de Satan. Voici quelle fut l'origine de sa démence et de son endurcissement il était resté seul un jour dans les champs, pour achever quelques travaux rustiques; la fatigue le surprit, il s'endormit. Pendant son sommeil, il crut voir un essaim nombreux d'abeilles pénétrer dans son corps par les endroits secrets de la nature, et sortir par sa bouche avec un grand bourdonnement; elles lui faisaient en même temps une foule de piqûres, et, après l'avoir percé longtemps de leurs aiguillons, elles se mirent à lui parler et à lui commander des choses impossibles à l'homme. Épuisé par ces songes pénibles, il se lève, revient chez lui, et renvoie sa femme, prétendant se fonder sur un précepte de l'Évangile, pour justifier ce désordre. Étant sorti ensuite, comme pour faire ses prières, il entra dans l'église, saisit la croix et l'image du Sauveur, et les foula aux pieds. A cette vue, tous les assistants épouvantés crurent qu'il allait devenir fou. Il l'était en effet. Cependant il leur persuada ( tant l'esprit des paysans est facile à séduire) qu'il faisait tout cela d'après une révélation merveilleuse de Dieu. Il avait donc toujours à la bouche des discours dénués de prudence comme de vérité, et ce docteur nouveau prêchait contre la parole du Maître de toute doctrine,

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