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après l'avoir tournée de tous les quatre côtés, il me la rejeta, disant qu'il ne savoit pas lire.... Le peuple demanda à me voir; je me mis à une fenêtre, et je jetai un sac de sequins, et un de monnoie blanche, etc., etc. » La France lui avait promis ses secours; les Napolitains paraissaient disposés à l'élever sur le trône; mais ses imprudences, ses galanteries, exciterent la jalousie des uns, le compromirent auprès des autres: ses ennemis en profiterent, et la trahison de ce Gennaro Landi dont il parle, livra Naples aux Espagnols au moment où le duc de Guise faisait une sortie pour introduire un convoi dans la ville. Surpris par les ennemis. il se défendit avec le plus grand courage; il était déterminé à périr les armes à la main; mais les Espagnols le firent prisonnier, le conduisirent à Gaëte, et de là à Madrid (1648). En 1652, le prince de Condé, qui avait passé à l'Espagne, obtint sa délivrance, en faisant espérer aux Espagnols un partisan de plus; mais le duc de Guise, aigri par les souffrances de sa captivité à la tour de Ségovie, oublia les promesses qu'il avait faites aux ennemis de la France, et essaya même encore, en 1654, de reconquérir le royaume de Naples. Cette tentative fut sans résultat, et le duc de Guise revint à la cour, où il fut pourvu, en 1655, de la charge de grand chambellan. Nous avons les Mémoires du duc de Guise pendant la révolte de Naples, en 1647, écrits par deux personnes différentes, et dans des intentions bien contraires. L'un de ces Mémoires a pour auteur le comte Raymond de Modène, d'Avignon, qui avait accompagné Henri de Guise dans son expédition, mais qui, s'étant brouillé avec lui, s'est attaché à réveler les défauts de son caractère et ses fautes. Son livre parut en 1667, sous le titre d'Histoire des révolutions de la ville de Naples. L'année suivante, Sainctyon, ancien secrétaire du duc de Guise, opposa au comte de Modène des Mémoires de M. le duc de Guise, contenant son entreprise sur le royaume de Naples jusqu'à sa prison, Paris, 1668, in-4°, et 1681, in-12. Les Mémoires de Trévoux (1703, décembre) prouvent qu'ils sont écrits par le duc lui-même. On a encore du duc de Guise

une Relation de sa seconde expédition à Naples. Revenu en France, l'héritier des puissants et ambitieux ducs de Guise vécut en simple courtisan, au milieu de nouvelles intrigues amoureuses, et n'ayant plus d'autre ambition que de briller dans les fêtes données par le grand roi. Il parut au fameux carrousel de 1663, à la tête du quadrille des sauvages américains, tandis que le grand Condé menait celui des Turcs. En voyant ces deux hommes on disait : « Voilà les héros de l'histoire et de la << fable. » Henri de Guise, cé héros de la fable, fut le dernier de cette race, dont la gloire historique vint s'éteindre en lui dans des exploits de théâtre, au milieu des applaudissements de cour.Il mourut en 1664, sans laisser de postérité.

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Son neveu, Louis-Joseph Ler, fils de Louis Ier, duc de Joyeuse, et de Francoise-Marie de Valois, lui succéda dans les biens de sa maison. Il était duc de Guise, de Joyeuse et d'Angoulême, pair de France, prince de Joinville, comte d'Aletz et de Ponthieu. Il épousa, en 1667, Élisabeth d'Orléans, duchesse d'Alençon, fille de Gaston de France, frère de Louis XIII. Il mourut en 1671, laissant un fils, François-Joseph Ier, qui ne vécut que jusqu'à l'âge de 6 ans. En lui finissent les mâles de la branche aînée des ducs de Guise; la succession de cette maison fut recueillie par Marie, fille aînée de Charles Ier.

Marie, à la mort de son petit-neveu, fut mise en possession de la majeure partie des biens qui appartenaient de temps immémorial à sa maison; mais cette princesse ne s'étant pas mariée, et étant morte le 3 mars 1688, le duché de Guise passa à la maison de Condé. Marie avait fait un testament olographe, le 6 janvier 1686, par lequel elle appelait la maison d'Elbeuf, issue des Guises, à recueillir sa succession; mais la maison de Condé, plus puissante alors à la cour que celle d'Elbeuf, s'en fit adjuger la majeure partie. Néanmoins, les terres de Lambesc et d'Orgon furent, dès lors, cédées à la branche d'Armagnac. Ainsi s'étaient accomplies, en moins de deux siècles, les destinées de la maison de Guise.

GUISE (siége de). En 1424 Pothon de Xaintrailles était en garnison à

T. IX. 18° Livraison. (Dict. EnCYCL., ETC.)

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Guise en Thiérache. Jean de Luxembourg s'empara de sa personne en le faisant tomber dans une embûche, et ne le relâcha qu'à condition qu'il ne rentrerait plus dans la ville, ni lui, ni ses gens. Alors il y mit le siége avec deux mille combattants, Bourguignons et Anglais. Jean de Proisy défendit vaillamment la place jusqu'à la mi-septembre, que les assiégés demandèrent à capituler. En vertu d'un traité du 18 septembre, on promit de se rendre dans quelques mois si les troupes royales ne les secouraient pas. (Monstrelet, V, 82.) La place fut en effet remise le 26 février de l'année suivante.

En 1636, le comte de Guébriand, sommé par les Espagnols de leur rendre la ville de Guise, sous peine d'être, en moins d'une heure, passé au fil de l'épée lui et sa garnison, répond: « Que s'ils « veulent lui donner parole d'honneur a qu'ils se retireront après le premier << assaut, il fera, pour les bien recevoir, << abattre avant la fin du jour quarante toises de la muraille. Cette rodomontade, qui vaut bien celle des Espagnols, empêche les ennemis d'entreprendre le siége d'une place dénuée de tout moyen de défense. 1636.

-En 1650, les Espagnols, commandés par l'archiduc Léopold, vinrent de nouveau assiéger la place. Ils la prirent le 27 juin. Mais le château se défendit si vigoureusement qu'ils furent contraints de se retirer le 2 juillet suivant.

Ce château, construit en 1549 par Claude de Lorraine, domine la ville d'environ 50 mètres. Sa forme est à peu près triangulaire, et ses fortifications très-irregulières.

-Les étrangers entrèrent dans Guise par capitulation, en 1815.

GUITON (Jean), célèbre maire de la Rochelle pendant le dernier siége que cette ville soutint contre Richelieu,

descendait d'une ancienne famille municipale, originaire de Villeneuve en Agenois, où ses ancêtres avaient été consuls et échevins. En 1622, étant amiral des Rochellois, il avait remporté d'importants succès sur les navires du roi, et conservait plusieurs enseignes fleurdelisées, en souvenir de ses triomphes. Lorsqu'en 1628 Richelieu vint mettre le siége devant la Rochelle

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pour détruire ce dernier refuge du protestantisme en France, Guiton fut élu maire de la ville. En prenant possession du fauteuil de la prévôté, il déposa deux pistolets sur le bureau, et s'adressant aux échevins et aux bourgeois qui l'entouraient : « Bonnes gens, dit-il, << vous m'élevez pour votre chef; je « m'ébahis de cet honneur. Il n'y au<< roit que deux évangélistes au monde << que je serois un des deux. Nous allons « tous faire serment sur la sainte Bible << de prendre plutôt la mort en patience « que de survivre à la perte de notre religion et au carnage de nos famil«<les. Ceux d'entre vous qui parleront « de capitulation et de soumission au papisme seront notés de traîtrise et << d'infamie; et ces deux pistolets demeu<< reront sur la table pour envoyer de «< ce monde en l'autre tous les perfides. « Je jure et proteste de ne jamais son«ger à la paix, et si quelqu'un m'en<< tend prononcer ce mot, je consens qu'il me donne une mousquetade, laquelle m'étende roide. » La fermeté de Guiton ne se démentit pas un instant. Le 27 octobre il souffleta en plein conseil Lucien Caron, conseiller munici pal, qui proposait de se rendre; il faisait pendre sans pitié les hommes et les femmes qui parlaient de soumisson. Enfin la ville capitula, et le 30 octobre l'armée royale y fit son entrée. Guiton, à la porte de Coignes, présenta les clefs au maréchal de Schomberg qui lui dit: « Guiton, vous n'êtes plus maire; votre charge est abolie. Retirez-vous. " Quelques jours après, Guiton fut oblige de quitter la France, et se réfugia à Londres, où il demeura jusqu'en 1636. A cette époque, il obtint du service dans la marine royale, et, à la tête de plusieurs galères, contribua puissamment à la reprise des îles Saint-Honorat et Sainte-Marguerite sur les Espagnols. Huit ans plus tard, en 1646, il se trouvait à la bataille navale livrée aux Espagnols devant Orbitello, bataille per due par les Français. Il y combattait à côté de l'amiral de Bréze, qui y fut tué, et on pense qu'il périt dans le combat, car depuis cette époque on ne posséde aucun renseignement sur sa vie. Il ne laissa point d'enfants mâles; une circonstance peu connue, et certifiée par

un acte authentique, c'est qu'une de ses filles épousa Jacob Duquesne, le frère du célèbre marin.

GUITRES. C'est le surnom donné aux paysans de la Guienne qui se révoltèrent en 1548, au sujet de l'exécution d'une ordonnance sur la gabelle, rendue en 1542, par François Ier. Le bourg de Guitres est le lieu où ils se rassemblerent pour la première fois. (Voyez GABELLE.)

GUIZOT (François-Pierre-Guillaume), naquit à Nîmes, en 1787. A l'âge de sept ans, il perdit son père, qui monta sur l'échafaud, victime de la révolution. Ce douloureux événement, dont l'impression ne pouvait guère s'effacer, n'est point la seule particularité de son enfance dont l'historien attentif puisse retrouver quelque trace dans sa vie ultérieure. Né d'une famille calviniste, c'est à Genève, dans la ville mère du calvinisme, qu'il fut élevé. Cette éducation, à laquelle manquèrent les salutaires émanations de la patrie, fut, d'ailleurs, forte et religieuse. En 1805, il acheva son cours de philosophie, et, à peine rentré dans sa ville natale, il la quitta de nouveau pour aller faire son droit à Paris. Les séductions qui environnent cette première époque d'indépendance n'eurent point de prise sur lui. Il mena une vie toute studieuse, partagée entre le droit, les littératures classiques, l'histoire, et la philosophie de Kant. M. Stopfer, ancien ministre de la confédération helrétique, homme religieux-et éclairé, avec lequel M. Guizot entretenait des relations intimes, et qui était son guide en philosophie, le présenta à quelques hommes distingués. De ce nombre fut Suard, chez lequel M. Guizot fit la connaissance de mademoiselle de Meulan, qu'il épousa dans la suite. Cette société le mit en état de mesurer ses forces; bientôt il s'essaya avec succès dans le Publiciste, journal dirigé par Suard, et, dès 1809, parut le Nouceau dictionnaire universel des synonymes de la langue française, ouvrage precédé d'une introduction remarquable. Cette publication fut rapidement suivie de quelques autres, dont voici les titres : 1° De l'état des beaux-arts en France, et du salon de 1810, Paris,

1811; 2° De l'Espagne en 1808, traduit de l'allemand de Rehfues, Paris, 1811; 3 Annales de l'éducation, continuées jusqu'en 1815; 4° Vie des poëtes français du siècle de Louis XIV. Ce dernier ouvrage est inachevé. Au milieu de travaux si nombreux, M. Guizot trouvait encore le loisir d'enrichir de ses articles divers recueils périodiques. En 1812, sa renommée naissante, et les recommandations de ses amis, lui ouvrirent les portes de la faculté des lettres. I suppléa d'abord M. Lacretelle dans la chaire d'histoire; mais bientôt après, on dédoubla la chaire, et il fut nommé professeur d'histoire moderne. C'était l'époque où M. RoyerCollard faisait entrer la philosophie dans une nouvelle route, et formait les maîtres de l'école actuelle. Devenu son collègue, M. Guizot ne tarda pas à devenir son ami et aussi un peu son disciple. Il y a en effet une harmonie profonde entre le mouvement historique que M. Guizot représente, et le mouvement philosophique qui est sorti de l'école de M. Royer-Collard, sinon de lui; des deux parts même procédé, mêmes tendances, même résultat, ou, pour être plus précis, même insuffisance de résultats.

Insensible aux prestiges de la gloire nationale comme aux séductions du plaisir, M. Guizot n'avait point de sympathie pour le gouvernement impérial, et, malgré les insinuations de M. de Fontanes, il s'était abstenu d'en faire l'éloge dans son discours d'ouverture. Tant que dura l'empire, il se renferma dans les travaux de sa chaire. La première restauration lui ouvrit l'accès de la vie politique, qu'appelaient sans doute ses vœux secrets. Il entra par la porte que l'expérience a montrée depuis lors être celle qui convenait à son génie, la porte gouvernementale. Le 24 mai 1814, sur la recommandation de M. Royer-Collard, il fut nommé 'secrétaire général du ministère de l'intérieur, occupé alors par l'abbé de Montesquiou. C'étaient de mauvais jours. L'administration était animée d'un esprit de réaction déplorable, et M. Guizot fut naturellement enveloppé dans la réprobation qu'elle souleva. La rédaction de la loi de censure du 21 octo

bre lui fut personnellement imputée, et cette imputation prit d'autant plus de consistance, que, trois jours après la promulgation de la loi, il fut nommé censeur. Le retour de Napoléon renversa temporairement la fortune de M. Guizot, et contribua par là même à son élévation future. Une note officielle du Moniteur, à la date du 14 mai 1815, prouve qu'il ne se fit point scrupule de voter pour l'acte additionnel; néanmoins, il reçut sa démission de chef de division de l'intérieur, emploi qu'il occupait à cette époque en remplacement de celui de secrétaire général. C'est alors qu'il se rendit à Gand, auprès de Louis XVIII, et il y resta jusqu'à la seconde restauration. Cette démarche, outre les vives attaques dont elle est devenue l'objet par elle-même, a donné lieu à une autre accusation, celle d'avoir participé à la rédaction du Moniteur de Gand,-participation, il faut le dire, que M. Guizot a formellement désavouée. Après le désastre de Waterloo, rentré en France avec les Bourbons, il reprit son titre de secrétaire général au département de l'intérieur, qu'il échangea bientôt (14 juillet 1815) pour celui de secrétaire général du ministère de la justice. M. Barbé-Marbois tenait alors le portefeuille, et autant l'administration de l'abbé de Montesquiou avait compromis déplorablement M. Guizot, autant lui fit d'honneur l'administration modérée de M. Barbé-Marbois. Lorsque celui-ci fut remplacé par M. Dambray, au mois de mai 1816, M. Guizot se retira, et reçut en dédommagement une place de maître des requêtes en service extraordinaire au conseil d'État. Cette situation lui laissant du loisir, il ne tarda pas à publier deux écrits politiques, où se faisait sentir une opposition tempérée. Ils sont datés l'un et l'autre de 1816, et intitulés : 1o Du gouvernement représentatif et de l'état actuel de la France, simple brochure, augmentée et réimprimée en 1820, sous ce titre Du gouvernement de la France depuis la restauration et du ministère actuel ; 2o Essai 1; sur l'histoire et l'état actuel de l'instruction publique en France. Le 5 septembre 1816, une ordonnance du roi prononça la dissolution de la chambre

introuvable. M. Guizot contribua à cette détermination par un mémoire politique qu'il composa, et qui fut présenté au roi par M. Decazes. Nous devons aussi mentionner un autre acte qui suivit de près, et auquel M. Guizot prit également part: nous voulons parler de la loi électorale de 1817. Cette loi, dirigée contre les ultraroyalistes, dont elle assura la défaite, devait avoir pour résultat la prépondérance de la classe moyenne, sa prépondérance complète et définitive; et les hommes de l'ancien régime n'étaient point les seuls qui le lui reprochassent. « A cette époque, dit « M. Guizot,n'étant ni députéni membre important du gouvernement, je défen« dis la loi contre ces attaques, je la dé« fendis officiellement dans le Moniteur « en servant d'interprète au gouverne«< ment lui-même, et je la défendis en a avouant le reproche, en disant qu'il << était vrai que la loi avait pour résul «tat de fonder en France la prépondé«rance politique de la classe moyenne, « et que cela devait être, qu'ainsi le vou« laient la justice et l'intérêt du pays. » Nous avons cru devoir nous arrêter sur cette circonstance; car, dès lors, se dessine nettement la ligne politique que suivra désormais M. Guizot. La constitution anglaise, avec une aristocratie plus bourgeoise et la démocratie de moins, tel est presque tout le programme, nonseulement de M. Guizot, mais aussi, en général, de tous ceux qu'on appelait dès lors, et qu'on appelle encore aujour d'hui doctrinaires, quoique le nom d'école éclectique ou d'école historique les caractérisât peut-être mieux. Le ministère Decazes obtint naturellement leur appui. A peine M. Decazes eut-il pris possession du portefeuille de l'intérieur, à la fin de 1818, qu'il fit créer pour M. Guizot la direction générale de l'administration communale et départementale. Le 13 février 1820, à la suite de l'assassinat du duc de Berry, M. Decazes ayant donné sa démission du ministère, M. Guizot fut enveloppé dans sa disgrâce. Il fut même rayé de la liste des conseillers d'État, titre qu'il avait reçu en 1818. A partir de ce moment, M. Guizot fit de l'opposition, mais sagement, et sans rompre avec le pouvoir royal, comme le dit un de ses bio

graphes. De 1820 à 1822, il signala cette opposition par les ouvrages suivants : 1° Du gouvernement de la France depuis la restauration et du ministère actuel, édition remaniée, et augmentée d'une brochure de 1817, comme nous l'avons dit; 2o Du gouvernement représentatif; des conspirations et de la justice politique, 1821; 3° Des moyens de gouvernement et d'opposition dans l'état actuel de la France, 1821; 4° De la peine de mort en matière politique, 1822. Une courte citation révélera suffisamment l'esprit élevé de cette dernière brochure, qui fit une grande sensation. « Les supplices, dit M. Guizot, détrui sent des hommes; ils ne changent ni les intérêts ni les sentiments des peuples... Le pouvoir peut tuer un, deux, plusieurs individus, châtier sévèrement un, deux, plusieurs complots; mais s'il ne sait que cela, il se retrouvera toujours en présence des mêmes périls, des mêmes ennemis; s'il sait faire autre chose, qu'il se dispense de tuer, il n'en est pas besoin; de moins terribles coups lui suffisent. » C'est donc une bien terrible chose que l'expérience de la vie politique, si l'homme qui a écrit ces nobles maximes a pu si vite se désillusionner! Cependant, M. Guizot était rentré dans sa chaire, et ses leçons entraînaient vers les études historiques une génération qui s'y montrait toute disposée. De cet enseignement si grave et tout scientifique, certaines conclusions pour le présent sortaient d'elles-mêmes. Le succès était immense, les applaudissements enthousiastes. La restauration, qui avait bien d'ailleurs quelque rancune contre l'écrivain, s'en alarma, ou feignit de s'en alarmer: le cours de M. de Guizot fut suspendu en 1822.

Le silence du professeur laissa une plus libre carrière à l'activité de l'écrivain; les publications les plus importantes qui soient sorties de sa plume appartiennent à cette période de sa vie. Ce sont: 1° la Collection des mémoires relatifs à l'histoire de la révolution d'Angleterre, 1823 et années suiv.; 2o la Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, depuis la fondation de la monarchie française jusqu'à la fin du treizième siècle, mêmes années; 3° les Essais sur l'histoire de

France, 1823, livre où, pour la première fois, l'explication de nos origines était présentée avec une netteté et une exactitude qui dissipèrent bien des doutes et bien des erreurs. En 1826, il accepta la direction générale de l'Encyclopédie progressive, et écrivit, pour cette entreprise, l'article Encyclopédie. L'idée sur laquelle repose cet article est trop caractéristique pour que nous ne la rappelions pas. Cette idée, ou plutôt ce theme, contre lequel s'éleva dès lors le saint-simonisme naissant, c'est l'impossibilité pour la raison humaine de rallier les connaissances dans une véritable unité scientifique, en sorte que toute encyclopédie serait purement un recueil, une statistique des sciences. En 1827, parut un ouvrage d'une haute importance et d'un mérite plus incontesté, l'Histoire de la révolution d'Angleterre, dont, malheureusement, nous n'avons encore que la première partie. Il serait regrettable qu'un livre, où l'intérêt de récits dramatiques se joint à de profondes et sages réflexions et à de vastes recherches, restât pour toujours inachevé.

Au milieu de ces grands travaux, à partir de la fermeture de sa chaire, M. Guizot s'était abstenu de toute polémique. Toutefois l'esprit de ses livres, quelques discours au sein des sociétés philanthropiques dont il était membre, discours qui ne sortaient guère des généralités, révélaient dejà une opposition contenue. En 1827, époque où M. Guizot se vit déjà voisin de l'âge d'éligibilité, cette opposition commença à se produire avec plus d'éclat. Il devint membre de la société Aide-toi, le ciel t'aidera. Ainsi fut scellée l'alliance entre lui et le libéralisme dont il était si éloigné au début de sa vie politique; nous disons alliance, car entre ces deux courants il y avait des antipathies radicales qui rendaient toute fusion impossible. En 1828 vint le ministère Martignac, dont la tendance répondit à peu près aux vœux de M. Guizot et de ses amis. Sa chaire se rouvrit ainsi que celle de MM. Cousin et Villemain. On sait de quelles sympathies le professeur se vit entouré, et combien cet enseignement eut d'éclat. Disons-le avec un des biographes de M. Guizot: « Si un regret nous reste, c'est aussi

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