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facile de comprendre, d'après cela, pourquoi les commencements de sa vie sont tout à fait inconnus. Ce n'est qu'approximativement qu'on a pu fixer à l'année 1510 l'époque de sa naissance. Toutefois, il paraît qu'il reçut une instruction solide et assez étendue, car les épîtres latines qu'on a de lui sont d'un style élégant et pur. En 1540, Goudimel se trouvait à Rome, et y fondait une école. Il n'y fit pas toutefois un long séjour, car on a des magnificat, des motets et des messes, publiés par lui à Paris, en 1554. Soit qu'il eût réellement abjuré la religion catholique, comme on l'en accuse, soit que courtisé par les huguenots, qui cherchaient à l'attirer à eux, il fût engagé sans le savoir dans la nouvelle religion, toujours est-il qu'il fut compris dans le nombre des calvinistes massacrés à Lyon, le 24 août 1572. Il a laissé un grand nombre d'ouvrages sur la musique, mais on lui en attribue quelques-uns qui ne lui appartiennent pas réellement. Nous citerons, parmi ceux qui sont authentiques: Q. Horatii Flacci.... odæ ad rhythmos musicos redactæ, Paris, 1555, in-4o; Chansons spirituelles de Marc- Antoine de Muret, mises en musique, Paris, 1555; les Psaumes de David mis en musique ; les Psaumes mis en rimes françaises par Clément Marot mis en musique; enfin, des messes, des motets et des chansons.

GOUDOULI OU GOUDELIN (P.), célèbre poëte languedocien, naquit à Toulouse en 1579, d'un père chirurgien. Il passa sa jeunesse dans la dissipation, mangeant son fonds après son revenu, et lorsque, à la fin, il se trouva dans le dénûment, le corps de bourgeoisie de sa ville natale fut obligé de décider qu'il serait nourri aux frais du trésor public. Il mourut à Toulouse, le 10 septembre 1649. En 1808, lors de la démolition du cloître des Grands-Carmes, où il reposait, ses restes furent transportés solennellement dans l'église de la Daurade.

Les œuvres de Goudouli comprennent principalement des odes, des chansons, des dialogues mêlés de prose, et d'autres pièces fugitives dont la plus étendue n'a guère plus de quatre ou cinq pages. On y remarque un chant royal en vers français qui obtint le souci aux

jeux floraux. De toutes ces pièces, que distinguent la verve, l'originalité, la perfection du style, la plus célèbre est l'ode sur la mort de Henri IV. Elle fut traduite en latin par le P. Vanière.

Les œuvres de Goudouli ont été imprimées à Toulouse en 1648, in-4°, sous le titre : Las obros de Pierre Goudelin, et réimprimées plusieurs fois depuis. L'édition publiée à Toulouse en 1693, et intitulée Ramelet moundi, ou la Floureto noubélo del ramelet moundi, 3 parties, in-12, est la plus complète de toutes.

GOUFFÉ (Armand), chansonnier et vaudevilliste, un des fondateurs du Caveau moderne, est né en 1773. Ses nombreux couplets remplis d'esprit et de gaieté, les dignités dont il a été honoré dans plusieurs sociétés épicuriennes, l'ont fait surnommer le Panard du dix-neuvième siècle. Parmi ses meilleures chansons, on cite Saint-Denis, le Corbillard, Plus on est de fous plus on rit. Quelquefois Gouffé à, comme Béranger, répandu une teinte agréable de philosophie sur son enjouement; quelquefois ses plaisanteries rappellent l'entrain et la verve de Désaugiers. Comme Béranger, il recevait les visites de la muse dans un modeste bureau, au ministère le moins fait pour recevoir les muses, celui des finances. En 1827, il a obtenu sa retraite, et vit paisiblement à Beaune. Le séjour d'une ville où s'est perpétué le souvenir des premières espiégleries de Piron, et l'influence du vin qu'on y récolte, devraient ranimer sa gaieté; mais personne n'est plus mélancolique et ne mène une vie plus triste que ce vieillard qui nous a tant fait rire. Outre plusieurs recueils de chansons, on a de Gouffé un assez grand nombre de pièces de théâtre : les Deux Jocrisses, le Chaudronnier de Saint-Flour, le Bouffe et le Tailleur, le Duel et le Déjeuner, M. Mouton, M. Beldam, etc.

GOUFFIER (famille de). La maison des Gouffier, seigneurs de Bonnivet, a été l'une des plus considérables du Poitou, et féconde en hommes distingués. Le plus ancien de ses membres est Jean GOUFFIER, qui vivait sous Charles V, qu'il servit contre le prince de Galles. Après lui, nous citerons

Artus GOUFFIER, comte d'Étampes, de Caravas, seigneur de Boisi, d'Oiron et de Maulevrier. Celui-ci suivit Charles VIII et Louis XII dans leurs expéditions d'Italie, et fut le gouverneur de François Ier pendant sa jeunesse. Pendant ses campagnes, il avait acquis un goût pour les arts et la littérature, fort rare chez les gentilshommes de son temps. Ce fut lui qui accoutuma son royal élève à rechercher les hommes érudits et lettrés. Il était frère aîné de l'amiral Bonnivet (voy. ce mot). François Ier devenu roi le chargea de plusieurs négociations importantes. En 1515, il le créa grand maître de France, et il l'envoya l'année suivante en qualité d'ambassadeur vers les princes d'Allemagne; et la même année, il conclut avec Chièvres, envoyé de Charles-Quint, le traité de Noyon. Le seigneur de Boisi mourut en 1519. Son fils, Claude GOUFFIER, grand écuyer, fut alors créé duc de Roanez ou Rouannois. Ce duché, formé des terres de Boisi et Rouanne, fut érigé en pairie, par lettres de 1612 et 1619, en faveur de Louis GOUFFIER..

Un autre Louis GOUFFIER, lieutenant général des galères, président de l'Académie de Marseille, né en 1648, dans le Périgord, se distingua dès l'année 1668, sous les ordres de la Feuillade, son parent, à la défense de Candie; servit ensuite dans la marine avec la plus grande distinction; assista au siége de Nice; défendit avec deux galères les côtes de Guienne, menacées par les Anglais; chassa les corsaires qui infestaient la rivière de Gênes en 1703; contribua à la réduction du château de Nice en 1705, et mourut à Marseille

en 1734.

Cette famille compte diverses branches celle de Caravas, celle des marquis de Bonnivet, etc.

François GOUFFIER, fils de l'amiral, seigneur de Bonnivet, colonel général de l'artillerie française en Piémont, s'acquit une belle renommée dans la guerre contre l'Empereur, tant en France qu'en Italie. Il se trouva à la bataille de Cerisolles, au ravitaillement de Thérouanne, etc., et mourut de ses blessures en 1556.

Son frère, François GOUFFIER, dit le Jeune, seigneur de Crèvecœur, de

Bonnivet, de Thois, lieutenant général au gouvernement de Picardie, fit ses premières armes pendant l'invasion de l'Empereur en Provence. Il suivit le dauphin en Piémont et au siége du pas de Suse; se trouva aux siéges de Hesdin, de Coni, de Perpignan; se signala aux batailles de Cerisolles, de Dreux, de Saint-Denis, aux siéges de Landrecies, Metz, Calais, Thionville et d'Orléans. Il mourut fort âgé, en 1594.

La branche des marquis de Thois, celle des marquis de Brazeux et de Heilli, et celle des marquis d'Espagni, ne présentent guère que des officiers qui servirent dans les armées de Louis XIV. La maison de Gouffier s'est aussi alliée à celle de Choiseul. (Voyez CHOISEUL.)

GOUGES (Marie-Olympe de) est une des existences les plus aventureuses qui aient traversé notre révolution. Née à Montauban en 1755, elle se lança à Paris dans la vie littéraire, après avoir débuté par une petite comédie, la Vie de Cherubin, qui date de 1785. Jusqu'en 1788, elle donna encore plusieurs ouvrages: l'Homme généreux, drame en cinq actes; Molière chez Ninon, joli petit acte épisodique; le Philosophe corrigé, comédie, et enfin les Mémoires de madame de Valmont, roman en lettres;

le Prince philosophe, roman politico-philosophique, qui sent de la manière la plus piquante son dix-huitième siècle, et la révolution au milieu de laquelle il fut écrit. En 1788, Olympe de Gouges fit son entrée dans la carrière politique par une Lettre au peuple, ou Projet d'une caisse patriotique. Ce pamphlet n'avait de remarquable que d'être écrit par une femme. Il fut suivi presque immédiatement d'autres écrits analogues: Mes vœux sont remplis, etc., dédié aux états généraux; Discours de l'aveugle aux Français; Séance royale, etc., ou les Songes patriotiques; enfin, Lettre aux représen tants de la nation. A cette époque de sa vie, Olympe de Gouges était l'admiratrice passionnée de M. Necker et de Mirabeau, comme l'attestent du moins deux de ses ouvrages, le premier qui parut sous ce titre ridicule: Départ de M. Necker et de madame de Gouges, ou les Adieux de madame de Gouges à M. Necker et aux Français; le se

cond, Mirabeau aux Champs Elysées, drame épisodique, qui dut son succès à l'immense popularité dont jouissait à l'époque de sa mort le grand orateur. L'Esclavage des nègres, le Couvent, ou les Vœux forcés, et les Vivandières, ou l'Entrée de Dumouriez à Bruxelles, sont trois autres drames révolutionnaires joués à peu près dans le même temps. Mais l'instant approchait où, femme qu'elle était, Olympe de Gouges, attendrie par des malheurs individuels, allait condamner un des actes les plus fatalement nécessaires de notre révolution, l'accusation et le jugement de Louis XVI. L'écrit intitulé: Olympe de Gouges, défenseur officieux de Louis Capet, au président de la Convention nationale, et les Adresses au roi, à la reine et au prince de Condé, furent l'œuvre d'une sensibilité exaltée, et plus généreuse que sage. Le dernier fut, comme le dit l'auteur, écrit dans un accès de fièvre, et on s'en aperçoit facilement. Une autre brochure, les Trois urnes, ou le Salut de la patrie, amena enfin l'emprisonnement de madame de Gouges, qui, déclarée suspecte par le comité de salut public, fut condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire, en 1793. Il est inutile de dire, ce nous semble, qu'Olympe de Gouges monta avec courage sur l'échafaud. Le courage de la mort était chose vulgaire dans ce temps.

GOUIKET (Rolland), commandant de la garnison de Guingamp, au quinzième siècle. Ce brave capitaine, auquel la ville défendue par son épée avait élevé une statue, se voyant menacé, au mois de janvier 1489, avec une faible garnison, par le vicomte de Rohan, lieutenant général des armées du roi, arma tous les jeunes gens de la ville, les posta dans un fort des faubourgs, et repoussa vigoureusement le premier assaut des Français. Le lendemain, ceux-ci battirent le fort en brèche et enlevèrent les faubourgs. Gouiket fit une sortie et les repoussa encore. Le troisième jour, le vicomte donne l'assaut à la ville même; Gouiket est blessé sur la brèche d'un coup de pique; on l'emporte; sa femme le remplace, fait un grand carnage des Français, et les force à demander une suspension d'armes. Le vicomte profite

de la trêve, prend la ville par trahison, et la livre au pillage. Mais il ne jouit pas longtemps de ce succès. Gouiket à peine guéri de sa blessure, s'étant annoncé avec un renfort considérable, les Français prirent l'alarme et abandonnèrent la place. Tandis que d'un côté le vicomte de Rohan demeurait l'objet de l'exécration publique en Bretagne (*), on composait sur Gouiket un chant populaire, qui est aujourd'hui encore un des plus répandus en basse Bretagne, et que M. de la Villemarqué, le dernier descendant du héros, a inséré dans ses Chants populaires de la Bretagne (tome I, p. 238).

La statue de Gouiket a été détruite à la révolution.

GOUJAT, valet d'armée. Piquichins, pétaux, bidaux, tels furent encore, à diverses époques, les synonymes usités pour désigner ces domestiques qui suivaient de tout temps nos armées, partageant, augmentant même le désordre qu'elles causaient sur leur passage. Jean Duret, dans son commentaire sur l'ordonnance de Blois (1579), disait : « Maintenant, quand vous voyez passer une enseigne de gens de pied, elle est composée d'environ cinquante harquebusiers assez notables, d'une vingtaine ou trentaine d'autres qui n'auront que l'espée, de cent ou six vingt goujats, et vingt ou trente femmes. Regardez aux hommes d'armes tel qui n'aura qu'un cheval sera accompagné d'un cuisinier, palefrenier, et deux ou trois goujats: tous ces gens montés sur juments de relais. >>

Plusieurs dispositions de l'ordonnance de Blois tendirent à réformer ces abus; il fut statué notamment qu'il n'y aurait plus qu'un goujat pour trois soldats, et que les goujats qui s'introduiraient dans les compagnies, au delà du nombre fixé, seraient fouettés (c'était le châtiment ordinaire réservé à leurs méfaits), et, en cas de récidive, pendus sans forme de procès.

Disons pourtant, à l'éloge de cette troupe si méprisée, qu'elle n'était pas uniquement une pépinière de pillards et

(*) Le paysan de Bretagne pour désigner un parjure, dit : « Il mange à l'auge comme Rohan.» Cette auge, en 1489, était la table du roi de France.

de mauvais garçons. Brantôme, écrivant la biographie d'un célèbre homme de guerre qui avait fait parmi eux son apprentissage, du baron de Lagarde, général des galères, ne peut s'empêcher de s'écrier: « Ah! qu'on en a vu sortir de bons soldats, de ces goujats! »

GOUJON (Jean), sculpteur et architecte, naquit à Paris, au commencement du seizième siècle. Après avoir fait ses premières études sous un maître habile, dont le nom n'est pas arrivé jusqu'à nous, mais auquel on attribue la statue et les bas-reliefs du tombeau de François Ier, il alla étudier en Italie les modèles de l'antiquité. Il revint en France tout plein des bonnes leçons qu'il avait su puiser dans cette étude, et nul doute que s'il eût rencontré à la cour un autre roi que Henri II, que s'il eût pu suivre les inspirations de son génie, il n'eût rendu tout d'un coup à la sculpture le caractère qui lui convient, la beauté de la forme unie à la noblesse de l'expression. Mais tombé au milieu d'une cour tout occupée de galanterie, et dont les mœurs n'étaient rien moins que sévères, une lutte dut s'établir entre sa manière de comprendre l'art, et ce qu'on demandait alors à la sculpture. Malheureusement (et il était impossible qu'il en fût autrement), son sentiment d'artiste ne fut pas toujours le plus fort. Ce qu'on exigeait du statuaire, ce n'était plus l'image de cette beauté divine et empreinte d'un caractère un peu sévère qu'avaient sentie et montrée les artistes de l'antiquité, mais la reproduction de la coquetterie voluptueuse, et nécessairement entachée d'affectation, dont le type existait dans la maîtresse de Henri II, cette déesse du moment, à laquelle les courtisans et le monarque lui-même prodiguaient chaque jour de molles adorations. Au lieu de cette beauté noble qui captive l'âme et parle à l'imagination, on recherchait ces formes plus gracieuses que belles qui attirent les regards et exaltent les sens. La preuve de ce fait n'existet-elle pas dans cette œuvre commandée à Jean Goujon, la maîtresse de Henri II, entourée des attributs de la Diane antique? Au point de vue de l'art, c'était là un contre-sens : établir une similitude quelconque entre la déesse an

tique, le type de la chasteté, et Diane de Poitiers, la courtisane royale! Le sculpteur pouvait-il échapper aux conséquences d'une pareille anomalie, et la comparaison qui s'élevait spontanément dans l'imagination du spectateur, entre l'antique et la forme un peu grêle, quoique gracieuse, de la statue de Jean Goujon, ne doit-elle pas nuire à l'œuvre de ce dernier? Mais là où Jean Goujon a pu échapper à ces influences, à ces exigences; là où il a pu s'abandonner à son propre génie, on pressent ce qu'il aurait été s'il s'était trouvé dans des conditions plus favorables. Les cariatides qui supportent la tribune des Suisses au Louvre sont, dans une proportion gigantesque, d'un goût parfait et d'un admirable dessin. On trouve d'ailleurs, dans presque tout ce qu'a fait cet artiste, des formes élégantes et pures. C'est à ces qualités qu'on reconnaît facilement la partie du Louvre qu'il a décorée, la façade comprise entre le pavillon de l'horloge et l'aile en retour. Mais de tous les ouvrages de Jean Goujon, celui qui est le plus populaire, c'est la fontaine des Innocents. Cette fontaine, construite primitivement au coin de la rue SaintDenis, n'avait alors que trois côtés; ce fut lors de son transfert à la place qu'elle occupe aujourd'hui, qu'une quatrième arcade y fut ajoutée. Il est inutile de décrire ce monument, que tout le monde a vu, mais on ne peut s'empêcher d'admirer avec quelle habileté le sculpteur, renfermé dans un étroit espace, a su tirer parti des ressources de son art. C'est là surtout que l'on remarque ce talent particulier qu'avait Jean Goujon, de donner à ses figures tant de relief, que l'œil trompé croit embrasser toute la rondeur. Les nymphes qui décorent les pilastres de la fontaine ont toutes des attitudes variées, cù respirent une grâce et une liberté de mouvement surprenantes, dans un espace si resserré; les draperies sont franchement jetées, et rien n'y sent l'apprêt, quoiqu'il y ait cependant encore un peu de coquetterie. Des groupes d'amours, sculptés sur l'acrotère, couronnent dignement les quatre pilastres, et forment un ensemble sur lequel l'oeil aime à se

reposer.

Jean Goujon s'associa à Jean Cousin pour la décoration du château d'Anet, où il sculpta le plafond de bois et les lambris de la chambre à coucher de Diane de Poitiers, et les bronzes qui décoraient la porte d'entrée. L'hôtel de Carnavalet, rendu célèbre par le séjour de madame de Sévigné, est de lui tout entier. Jean Goujon a beaucoup produit; mais plusieurs de ses œuvres ont été détruites pendant la révolution. Il avait fait les bas-reliefs de la porte Saint-Antoine, et de l'arcade qui servait d'entrée à la pompe Notre-Dame. M. Lenoir a recueilli quelques-unes de ses productions, entre autres un basrelief, représentant allégoriquement la mort et la résurrection; c'est une nymphe endormie près de laquelle un genie renverse le flambeau de la vie, tandis que des satyres et des dryades, symboles de la fécondité, forment un concert autour d'elle. Puis un bas-relief, représentant le Christ au tombeau, et le groupe en marbre blanc, dont nous avons déjà parlé, représentant Diane chasseresse sous les traits de Diane de Poitiers, et accompagnée de ses deux chiens favoris. Ce morceau, réellement remarquable, a été gravé, ainsi que le

Christ au tombeau.

Quand on examine sévèrement les travaux de Jean Goujon, on ne peut s'empêcher de lui reprocher un peu d'affeterie; mais à côté de ce défaut, on rencontre de telles qualités, un travail si fin, si précieux, que, tout en regrettant qu'il ne se soit pas attaché davantage aux leçons de l'antique, on ne peut lui en faire un crime; et si on se reporte ensuite au temps où il vivait, si l'on songe dans quel état il a trouvé la sculpture, et dans quel état il l'a laissee, il faut reconnaître qu'en effet il est le père de cet art en France, et que c'est de lui seulement que datent les premiers pas faits dans la bonne voie.

Pourquoi faut-il que de pareils talents ne puissent passer impunément au milieu des tourmentes qui agitent les peuples, et comment les passions politiques ne respectent-elles pas le sceau divin empreint sur le front des hommes de génie? Jean Goujon était huguenot. Quand commença la sanglante boucherie de la Saint-Barthélemy, il travaillait sur un

échafaud aux bas-reliefs du Louvre. Une balle, égarée selon les uns, perfide selon les autres, vint le frapper an cœur. Sa main mourante laissa tomber son ciseau, qu'il ne devait plus relever. Ainsi périt, au milieu de ses travaux, un des plus grands artistes français, victime de la jalousie ou du fanatisme.

A la suite d'une traduction de Vitruve, par Martin, se trouve un petit opuscule écrit par Jean Goujon: ce sont cinq pages seulement, mais cinq pages toutes pleines de substance, et ou se fait naïvement sentir l'intelligence de l'artiste.

GOUJON (Jean-Marie-Claude-Alexandre), député à la Convention, naquit à Bourg-en-Bresse, en 1766. A l'âge de 12 ans, il assista au combat d'Ouessant. Dans un voyage qu'il fit, en 1784, à l'île de France, le spectacle de l'esclavage révolta son âme, et lui inspira ce vif amour de la liberté et de l'égalité qu'il devait dans la suite sceller de son sang. A son retour en France, Goujon se prépara à la révolution par de sérieuses études. Au mois d'avril 1791, il rassembla les habitants des villages voisins autour de la retraite qu'il habitait, aux environs de Paris, et prononça devant eux l'éloge funèbre de Mirabeau. Cette circonstance le mit en vue, et il ne tarda pas à être appelé à Versailles pour y remplir un poste honorable dans l'administration départe mentale. Au 10 août, il fut revêtu des fonctions de procureur général syndic, et nommé, peu de temps après, député suppléant à la Convention nationale. Au milieu des conjonctures les plus difficiles, des horreurs de la disette, et du choc des passions, il montra une capacité et une intégrité égale à son zèle et à son courage. Le ministère de l'intérieur lui fut offert; il le refusa; mais il consentit ensuite à entrer dans la commission des subsistances et des approvisionnements, où l'appelait un décret de la Convention. Son expérience administrative, ses lumières et son désintéressement, ne contribuèrent pas peu à ramener l'ordre, l'économie et la sécurité dans cette partie essentielle du service public. Il fut désigné, quelque temps après, pour aller occuper l'ain

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