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son petit-fils (*), il était sincèrement attaché au maintien de la constitution, et ne se fit républicain qu'à son corps défendant. S'il faut en croire la Biographie universelle, au contraire, la république était l'objet de tous ses vœux, et il ne s'appuyait sur la constitution que pour la mieux détruire. Enfin, des admirateurs de Guadet le louent pour la franchise de ses opinions démocratiques; tandis que d'autres admirateurs, des parents même, exaltent la bonne foi de

ses intelligences mystérieuses avec le cabinet britannique; ses liaisons avec le parti orléaniste d'abord, puis ensuite avec la cour; ses changements nombreux suivis d'autant de défections; l'impudeur avec laquelle il déclara brusquement la guerre aux partisans de la république, qui l'avaient vu jouer, à leur iête, le rôle d'agent provocateur; aucun de ces motifs n'était de nature à le rendre digne d'estime. Aussi quelque chose de la déconsidération de Brissot rejail

cepté pour auxiliaire, et particulièrement sur Guadet, qui avait été son introducteur auprès d'eux. Guadet croyait ne recevoir que les conseils de Brissot; mais, en réalité, il se laissait diriger par ses intrigues, et bien des raisons portent à croire qu'il n'était pas moins trompé par son ami que Gensonné par le sien.

son dévouement à la monarchie repré-lit-il sur les girondins, qui l'avaient acsentative. Que conclure de ces deux jugements opposés, qui, l'un et l'autre, se basent sur des faits et sur des aveux non moins positifs que contradictoires? Il faut en tirer cette conséquence, que Guadet ne tenait guère plus à une forme de gouvernement qu'à une autre. Le triomphe de la révolution, et la prépondérance de son parti, voilà ce qu'il voulait avant tout, ce qu'il poursuivait soit à travers la monarchie, soit à travers la république. En cela encore, il ressemblait à Danton, avec cette différence, toutefois, que le tribun montagnard était partisan de l'unité et ambitieux de la première place; tandis que le tribun girondin était moitié oligarque, moitié fédéraliste, et se serait contenté d'un des premiers postes. Mais leurs idées, à tous les deux, péchaient par la même base : l'un et l'autre manquaient de ces convictions fortes qui peuvent manquer à un citoyen, même à un citoyen honnête, mais qui ne peuvent faire défaut à un homme d'Etat, à un chef de parti aspirant à diriger les affaires d'une grande nation.

Malheureusement, il n'entrait peutêtre pas que de la faiblesse dans le scepticisme politique de Guadet; l'ambition personnelle y était bien aussi pour quelque chose. Sa liaison étroite avec Brissot, homme plus que douteux, semblerait du moins l'indiquer. L'amitié de Brissot a eu presque autant d'influence sur la conduite de Guadet que l'amitié du général Dumouriez a pu en avoir sur la conduite de Gensonné. Or, Brissot ne valait guère mieux que Dumouriez sa conduite en Angleterre;

(*) Dictionnaire de la conversation; Encyclopédie des gens du monde, art. GUADET.

Guadet ne commença à jouer un rôle important sur la scène politique que vers la fin de l'année 1791, au moment où s'ouvrit l'Assemblée législative. Cependant, peu s'en fallut qu'il ne parût plus tôt a la tribune nationale; dès l'année 1789, il avait obtenu un nombre considérables de votes, lors des élections pour les états généraux. S'il ne put réunir la majorité, c'est en grande partie à son jeune âge qu'il faut l'attribuer. Déjà alors il s'etait acquis beaucoup de réputation dans le barreau de Bordeaux. Dès l'âge de 15 ans, il avait quitté la maison paternelle pour venir terminer son éducation dans cette ville, beaucoup plus florissante à cette époque que de nos jours. Fière de sa prospérité commerciale et de l'éloquence de ses avocats, Bordeaux se regardait presque comme la capitale du Midi, et, se laissant enivrer par les fumées de l'ambition, elle voulait traiter d'égale à égale avec la ville de Paris. Mais Bordeaux oubliait que nul empire ne saurait avoir deux capitales, et que si son commerce et son barreau étaient un double foyer d'éloquence et de richesse, Paris était le centre du gouvernement, le centre des traditions nationales, la ville française par excellence. Non-seulement Bordeaux n'était pas un milieu propice pour former des hommes d'État, car il ne suffit pas de savoir bien con

duire les affaires d'un comptoir ou de bien manier la parole pour mériter ce titre; mais encore, dans sa lutte de rivalité avec la capitale, Bordeaux était condamnée à prendre pour point d'appui non pas la France tout entière, comme Paris, mais une partie de la France. Dans cette lutte, Bordeaux était condamnée à n'avoir pas de drapeau ou à lever l'étendard du provincialisme. Cette triste alternative pesa de tout son poids sur les députés de la Gironde, et, par contre-coup, sur Guadet, le plus fougueux, le plus véhément, le plus résolu d'entre eux; nous ne disons pas le plus actif, parce que rarement son énergie put aller jusqu'à l'action, paralysé qu'il était par la base vicieuse du girondisme et par l'hésitation de ses collègues, qui, étant nés moins bouillants, ressentaient encore plus les atteintes de l'incertitude et du scepticisme. Par son caractère, Guadet se trouvait déplacé au milieu des girondins; en effet, tant que dura la Constituante, il se prononça pour le côte gauche de cette assemblée, en d'autres termes, pour le parti démocratique, que représentaient alors Pétion, Buzot, Grégoire et Robespierre.

Ces démonstrations de républicanisme contribuèrent à le faire nommer membre de l'Assemblée législative par la ville de Bordeaux, à l'époque des élections du mois de septembre 1791.

Le 5 octobre, quatre jours après l'ouverture de la session, il fit son début à la tribune. Il y monta pour appuyer Couthon, qui proposait l'adoption d'un nouveau cérémonial à observer avec le roi, et la suppression des titres de sire et de majesté. « Le roi, dit Guadet, qui s'accoutumerait à régler dans nos séances le mouvement de nos « corps, croirait bientôt qu'il peut ré⚫gler aussi le mouvement de nos âmes. » Accueillies par des acclamations, ces paroles eurent beaucoup de retentissement, et elles commencèrent sa réputation comme improvisateur chaleureux et comme patriote impatient des formes monarchiques. On vit dans la suite qu'il y avait malentendu entre lui et les montagnards, et que son républicanisme, aux allures si fougueuses, ne s'opposait pas à certains accommodements avec la royauté.

Tant qu'il resta dans les rangs de l'opposition, c'est-à-dire, tant que le ministère feuillant ne fut pas remplacé par le ministère girondin, Guadet parla à peu près dans le même sens, et ne se montra pas plus indulgent que les montagnards envers les émigrés, les nobles, les prêtres dissidents, et toute la faction des contre-révolutionnaires. Dès son arrivée à Paris, il s'était fait admettre au club des jacobins qui, loin d'être feuillant comme à son origine, marchait alors, avec le club des cordeliers, à la tête du parti démocratique. Mais c'était surtout dans le sein de l'Assemblée législative qu'il donnait carrière à sa fougue d'improvisateur. Le 28 octobre, il appuya une motion ayant pour but d'enjoindre à Monsieur, frère du roi, de rentrer en France dans le délai de deux mois, sous peine d'être privé de ses droits. Cette motion fut décrétée deux jours après.

Vers le commencement de novembre, il demanda que les émigrés fussent déclarés suspects de conjuration, et que si, au 1 janvier 1792, ils n'étaient pas rentrés dans le royaume, on les poursuivit comme conspirateurs, et on leur infligeât la peine de mort. Il voulut aussi que le séquestre fût mis sur leurs biens, et que la nation en percût les revenus. L'Assemblée adopta ces diverses propositions. Peu de temps après, un député ayant demandé qu'on mît en accusation les frères du roi, Guadet répondit ironiquement qu'il fallait réserver cette mesure pour les étrennes du peuple, et la fit ajourner au 1er janvier. Le 25 novembre, il proposa, conjointement avec Albitte : 1° d'exclure les prétres dissidents, ou prétendus dissidents, du culte simultané dans les églises servant au culte salarié par la nation; 2° de permettre la vente ou la location des autres églises aux citoyens attachés à un autre culte quelconque, pour y exercer ce culte, en se conformant aux lois de police et d'ordre public.

Vers la fin de décembre, il réclama l'application de l'amnistie de septembre aux soldats de Châteauvieux. Le 2 janvier 1792, il appuya Gensonné pour faire prononcer le décret d'accusation, jusque-là ajourné sur sa demande, contre les princes frères du

roi et les autres chefs de l'émigration. Douze jours après, il remporta un de ses plus beaux triomphes oratoires, à l'occasion du rapport que Gensonné, organe du comité diplomatique, rédigea sur les intrigues, les menaces et les armements des puissances étrangères. «Quel est donc, s'écria Guadet, ce complot nouveau formé contre la liberté de notre patrie, et jusques à « quand souffrirons-nous que nos ennemis nous fatiguent par leurs manœu« vres et nous outragent par leurs espé⚫rances! Apprenons à tous les princes a de l'Empire (d'Allemagne) que la naation française est décidée à maintenir << sa constitution tout entière. Nous • mourrons tous ici.... » A ces mots, l'orateur est interrompu par les acclamations de tous les membres de l'Assemblée, qui se lèvent et qui jurent de mourir. Les tribunes joignent leurs manifestations d'enthousiasme à celles des représentants, et de toutes parts on entend retentir ces mots : Vivre libre ou mourir ! La constitution ou la mort! « Oui, reprit Guadet, quand le calme << fut un peu rétabli, oui, nous mour«<rons tous ici plutôt que de permettre, je ne dis pas qu'on mette en question « si le peuple français demeurera libre, << mais seulement qu'il soit porté la « moindre atteinte à la constitution.... • Marquons à l'avance une place aux « traîtres, et que cette place soit l'échafaud! Je propose à l'Assemblée << nationale de déclarer, dès l'instant même, infâme, traître à la patrie, coupable du crime de lèse-nation, tout << agent du pouvoir exécutif, tout Francais qui chercherait à détruire la «< constitution... » L'orateur est de nouveau interrompu par des applaudissements unanimes. Dès qu'il put se faire entendre, il présenta son projet de décret, qui fut adopté à l'unanimité, au milieu d'un redoublement d'acclamations. L'Assemblée s'occupa ensuite de transmettre au roi la déclaration qu'elle venait d'arrêter, et ce fut Guadet qui, désigné pour présider la députation, fit lui-même cette communication à Louis XVI.

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La séance du 14 janvier ne fut pas seulement un triomphe pour Guadet, elle fut encore un triomphe pour tous

les girondins. Son discours, éminemment national, pour l'énergie du langage de l'orateur vis-à-vis de l'étranger, avait en outre un côté politique dont le but était de rendre possible un ministère girondin. A cette fin, Guadet affectait d'oublier ses précédents démocratiques, et se rattachait à l'ancre de la constitu tion, ce qui équivalait à une rupture avec le parti populaire. En un mot, il avait prononcé ce que l'on appelle aujourd'hui un discours-ministre; mais ce discours avait une perspective éminemment patriotique. Dès lors, en effet, on pressentit, soit à la cour, soit dans le peuple, non pas que les députés de la Gironde deviendraient membres du conseil (la constitution ne le permettait pas), mais qu'il faudrait passer sous les fourches caudines d'un cabinet dominé par l'ascendant des triumvirs bordelais, de Brissot, leur instigateur, et de tous leurs auxiliaires. Toutefois, il devait s'écouler deux mois encore avant l'accomplissement de leurs vœux.

Le 22 janvier, huit jours après sa brillante improvisation, Guadet fut appelé au fauteuil de la présidence. Incapable de diriger la révolution, le ministère feuillant ne cessait d'être en butte aux attaques de l'opposition girondine. Dans le courant du mois de février, Guadet monta à la tribune pour accuser les ministres de trahison. La majorité n'osa pas le suivre sitôt sur ce terrain glissant; mais le ministère fut encore plus fortement ébranlé. Les germes de division qui existaient entre les membres du conseil se développèrent avec rapidité. Le ministre de la guerre, Narbonne, prévoyant le triomphe des girondins, s'était rapproché d'eux, et avait brisé presque ouvertement avec Bertrand de Molleville et Delessart. Ces derniers parvinrent à expulser Narbonne, qui entretenait, dit-on, des intelligences secrètes avec Guadet, Gensonné, Vergniaud, Brissot, et qui, vers le commencement de février, s'était adjoint le général Dumouriez. Les girondins protestèrent contre la destitution de Narbonne, qui leur donnait pied dans le gouvernement, et ils firent déclarer qu'il emportait les regrets de l'Assemblée. Enfin, le 10 mars, Guadet donna le coup de grâce au ministère,

en faisant décréter la mise en jugement de Delessart, ministre des affaires extérieures, qui s'était coalisé avec Bertrand de Molleville pour renverser Narbonne. Dès lors, le triomphe de la Gironde fut assuré. Dumouriez remplaça Delessart aux affaires extérieures, et de plus, il eut la haute main sur le portefeuille de la guerre, confié à Degraves, qui avait remplacé Narbonne. Cependant le ministère girondin ne fut complété que le 24 mars, époque où Roland fut nommé au département de l'intérieur, Clavière aux finances, Lacoste à la marine, Duranthon à la justice. Dumouriez resta aux affaires étrangères et Degraves à la guerre. La seule modification importante que subit le nouveau ministère jusqu'au 13 juin, fut la nomination de Servan, qui remplaça Degraves à la guerre dans le commencement d'avril.

Du 24 mars au 13 juin, Guadet cessa de faire de l'opposition systématique, sinon contre la cour, du moins contre le ministère. Chose bizarre! lui qui devait tonner avec tant de force contre les meurtriers de septembre, il se prononça le 14 avril pour que l'on couvrit par une amnistie les massacres de la Glacière d'Avignon. Il est vrai que plusieurs députés de son parti se trouvaient gravement compromis dans ces assassinats.

ple et au roi, que ni l'un ni l'autre ne prévaudraient contre la volonté de la Gironde. Pour plus de sûreté, les girondins poussèrent Servan au ministère de la guerre, où il remplaça Degraves, dominé par Dumouriez. Guadet ne partageait pas les illusions de Gensonné sur ce général, et il se garda bien de le ménager.

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Toujours dirigé par le besoin d'affaiblir ou d'effrayer le parti de la cour pour faire prévaloir Roland, Clavière et Servan, Guadet provoqua, le 19 mai, la suppression du million que la liste civile attribuait aux frères du roi. Le 20, il attaqua vivement le juge de paix Larivière, qui avait décerné des mandats d'amener contre Merlin de Thionville, Chabot et Bazire, coupables, suivant la cour, d'avoir affirmé sans preuves l'existence d'un comité autrichien. Le 28, il demanda que M. Delaporte comparût à la barre, pour s'expliquer sur les ballots de papiers brûlés à Sèvres. Le 30, il appuya la proposition de licencier la garde royale, et d'ordonner l'arrestation du chef de cette garde, le duc de Brissac.

Après la destitution de Roland, de Clavière et Servan, Guadet ne garda plus de bornes contre la cour et contre Dumouriez. Le 16 juin, lorsqu'on lut à l'Assemblée nationale la lettre où la Fayette manifestait le dessein de défendre la monarchie constitutionnelle contre les envahissements de la démocratie, Guadet eut une idée pleine d'àpropos: il refusa de croire qu'une pareille lettre, digne d'un nouveau Cromwell, pût être du fils aîné de la liberté; il en nia l'authenticité. Le général Mathieu Dumas s'étant levé pour protester, au nom de la Fayette, contre ce qu'il appelait une atroce calomnie, Guadet reprit vivement: « Je disais « que M. la Fayette n'ignore pas que « lorsque Cromwell tenait un pareil langage, la liberté était perdue en Angleterre. Or, je ne me persuaderai jamais que l'émule de Washington << veuille imiter le protecteur de la Grande-Bretagne.» Malheureusement, il était trop tard, la Fayette ne pouvait nier l'existence d'une lettre qui venait de recevoir un commencement de publicité.

Cependant son ministérialisme de nouvelle date ne put se manifester longtemps sans un mélange d'inquiétude. Dès que le général Dumouriez se vit dans un poste éminent, il donna carrière à son ambition et à son caractère aventurier. Arrivé au ministère par la protection des girondins, il voulut s'y maintenir avec la protection de la cour, et la division éclata entre lui et ceux des ministres qui, comme Roland et Clavière, étaient restés fidèles à la Gironde. Guadet et ses collègues se virent done forcés de rentrer, sous quelques rapports, dans les rangs de l'opposition. Voilà ce qui explique comment, le 3 mai, Guadet dénonça le journal l'Ami du Roi en même temps que le journal l'Ami du Peuple, et fit rendre un double décret d'accusation contre Royou et Marat, rédacteurs de ces deux feuilles. C'était une manière de dire au peuT. IX. 11 Livraison. (DICT. ENCYCL., ETC.)

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Guadet et Brissot, son intime, passent pour avoir été au nombre des principaux instigateurs de la journée du 20 juin, dans laquelle la Gironde voulut sans succès imposer par la terreur ses ministres à Louis XVI. Huit jours après, la Fayette, trouvant inutile d'écrire de nouveau, vint en personne à la barre de l'Assemblée pour demander la répression des excès cominis contre le monarque. Le président venait de répondre au général que sa demande serait examinée, lorsque Guadet s'élança vers la tribune : « Messieurs, s'écria-t-il, << au moment où la présence de M. la Fayette à Paris m'a été annoncée, une «< idée bien consolante s'est présentée « mon esprit. Ainsi, me suis-je dit à « moi-même, nous n'avons probable«ment plus d'ennemis extérieurs. Ainsi « les Autrichiens sont vaincus. Mais, « Messieurs, cette illusion n'a pas duré longtemps: nos ennemis sont toujours les mêmes, notre situation extérieure « n'a pas changé, et cependant le géné «ral d'une de nos armées arrive à Pa« ris...!» Le reste de son discours ne fut ni moins fougueux, ni moins finement ironique. Il finit par demander que le ministre de la guerre lui-même fût interrogé sur-le-champ, pour savoir s'il avait ordonné ou permis à M. la Fayette d'abandonner ainsi le corps placé sous son commandement. Cette motion n'eut pas de succès; mais le discours de Guadet n'en produisit pas moins une grande impression; il agrandit encore la brèche faite à la popularité du fils aîné de la révolution.

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Toutefois, au moins autant pour empêcher le parti de la Montagne d'arriver au pouvoir, que par peur des excès populaires, les girondins résolurent, avant d'avoir recours une seconde fois au peuple, de faire une dernière tentative auprès de la cour, à qui Danton faisait des avances. Le 16 juillet, Guadet présenta, au nom de la commission extraordinaire nommée à cet effet, un projet de message au roi, où l'Assemblée déclarait que la France saurait se sauver toute seule, si le roi compromettait son salut. Quoique ferme et énergique, ce langage n'était plus en rapport avec les vœux de l'opinion publique. L'abdication ou la déchéance du roi, voilà ce

que presque tout le monde regardait comme une nécessité. Les girondins choisirent ce moment pour adresser à Louis XVI un mémoire signé par Gensonné, Guadet et Vergniaud, mémoire présenté par l'entremise du peintre Boze, et où ils s'engageaient à dompter le parti démocratique, si le roi consentait à rappeler Roland. La cour, qui comptait sur l'étranger, et qui d'ailleurs savait bien que la Gironde n'aurait pas la puissance de tenir ses promesses, en supposant qu'elles fussent de bonne foi, la cour n'eut pas de peine à faire rejeter par Louis XVI les propositions des triumvirs bordelais.

Ainsi repoussés, les triumvirs et leurs auxiliaires résolurent d'avoir recours à une nouvelle journée du 20 juin, et ils offrirent leur alliance aux montagnards comme ils venaient de l'offrir à la cour. De ce côté encore, ils devaient être déçus dans leurs espérances. Les suites de la journée du 10 août dépassèrent toutes leurs prévisions; ils ne voulaient que forcer la main à Louis XVI, le peuple avait détrôné le monarque.

Que fit alors Guadet? De concert avec Vergniaud et Gensonné, il essaya de regagner le terrain perdu, sinon en rendant la couronne à Louis XVI, ce qui paraissait impossible, du moins en travaillant à l'établissement d'une régence qui aurait gouverné sous le nom du dauphin, encore mineur. Conçue par le parti feuillant, cette combinaison n'eut rien eu d'extraordinaire; mais ve nant des girondins, qui laissaient croire au peuple qu'ils voulaient la république, une pareille conduite était aussi maladroite qu'ambitieuse, surtout dans un moment où la France avait besoin d'un gouvernement fort pour repousser l'invasion ennemie. Aussi, malgré les efforts de Guadet, de Vergniaud et de Gensonné, qui tous les trois présidèrent successivement l'Assemblée législative dans la journée du 10 août, le roi fut déclaré, non pas seulement suspendu, comme ils le voulaient, mais déchu. comme le demandaient la Montagne, la Commune de Paris, et l'immense majorité de la nation. Roland, Clavière et Servan, les protégés de la Gironde, rentrèrent au conseil des ministres, il est vrai, mais on leur adjoignit pour collè

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