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⚫ le Seigneur. » Cette lettre, où l'on accuse réception d'une lettre du duc de Nevers, est terminée par la demande faite au prince d'envoyer au Port-auxCailles un vaisseau, des munitions et de l'argent, pour donner au peuple quelque assurance et l'encourager à se rendre près de lui s'il l'ordonnait.

Ces projets de soulèvement prirent un grand développement, et s'étendirent à tout le nord de la Grèce. Dans les pièces qui nous en sont restées, il n'est pas question du duc de Nevers; seulement, dans une lettre écrite au pape par plusieurs évêques et archevêques de la Grèce, on trouve que Chariton, évêque de Durazzo, a présenté de la part du pape, à tous les prélats de la contrée, un envoyé de Sa Majesté Très-Chrétienne, « auquel, dit la lettre, nous avons montré combien l'entreprise seroit possible; auquel, outre la commodité et l'occasion de la circonstance, nous avons fait voir la multitude du peuple désireux d'exposer sa vie pour la liberté, puis les immenses richesses possédées par les Turcs et les juifs. »

Le bruit des projets du duc de Nevers se répandit bientôt en France, et lorsque le prince y arriva, en 1616, pour se joindre aux princes mécontents, les pamphlets de l'époque s'égayèrent sur ses prétentions. « Il vouloit, dit Richelieu dans ses Mémoires, démembrer de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem celui du Saint-Sépulcre, s'en faire grand maître, et espéroit, en se faisant aider de quelques intelligences qu'il avoit en Grèce, et de l'affection que tous les Grecs lui portoient, parce qu'il disoit être descendu d'une fille des Paléologues, mettre un nombre assez suffisant de vaisseaux sur mer pour s'emparer de quelques places fortes dans le Péloponèse, et les défendre assez longtemps pour attendre le secours des chrétiens, et pousser, avec leur faveur, ses progrès plus avant... entreprise mal fondée et sans apparence à ceux qui étoient tant soit peu versés en la connoissance des affaires du Levant (*). »

Le duc de Nevers, malgré le peu de faveur qu'il obtint à la cour, ne renonça

() Mémoires de Richelieu, édit. de Michaud et Poujoulat, liv. vi, p. 116.

pas à ses projets. « Son zèle et son grand cœur, dit l'abbé de Marolles dans ses Mémoires, ne lui permettoient pas de désespérer d'une entreprise si hardie, ajoutant d'ailleurs beaucoup de créance aux révélations du P. Capucin (le P. Joseph), qui l'assuroit qu'il falloit se promettre toutes choses d'un si grand et si pieux dessein, et que Dieu feroit des miracles, s'il en étoit besoin, pour le faire réussir. Cinq vaisseaux furent donc (en 1618) bastis et frétés de tout point aux dépens de M. de Nevers, qui n'y voulut rien épargner, et reçurent en la cérémonie de leur baptême, s'il faut user de ce terme, les noms de SaintMichel, de Saint-Basile, de la Vierge, de Saint-François, et de Saint-Charles..., mais le malheur voulut qu'ils fussent tous brûlés, et que toute cette grande dépense fût abîmée dans les eaux ou dévorée par les flammes. >>

Cette année 1618, le duc de Nevers envoya en Grèce M. de Châteaurenaud, un de ses gentilshommes, qui y distri bua son portrait, et dont l'arrivée en Grèce produisit une sensation extraordinaire. Parmi plusieurs lettres alors envoyées de Grèce au duc, nous nous bornerons à mentionner celle qui fut écrite par le duc de Naxos, lequel voulut se disculper d'avoir mal parlé de la France comme on l'en accusait. Le jour de la Toussaint de l'année suivante, la croisade contre les Turcs fut prêchée, dans la cathédrale de Nevers, par le P. Joseph, qui y figura en qualité de commissaire du pape, et reçut le serment des nouveaux croisés. De là le duc de Nevers se rendit à Olmutz, où une cérémonie semblable eut lieu dans le couvent des Capucins. Deux seigneurs allemands et un seigneur italien s'y croisèrent. D'autres seigneurs étrangers, au nombre desquels furent le comte de Radzivill et le comte de Bouchain, prirent la croix dans la capitale de l'Autriche (*).

L'incendie et la destruction de la petite flotte du duc de Nevers vinrent mettre un terme à ces projets aventureux,

(*) Nous avons extrait ces détails d'un article intéressant de M. Berger de Xivrey, inséré dans le tome II de la Bibliothèque de l'école des chartes.

qui n'avaient pas grande chance de réussite et qui, cependant, nourrirent longtemps chez les Grecs l'espoir de recouvrer leur indépendance.

Pendant la révolution, lorsque les victoires de nos armées en Italie eurent amené la cession des îles de l'archipel ionien à la France, la république tourna ses regards vers la Grèce, et envoya en Épire quelques troupes commandées par l'adjudant général Rose. Le célèbre Ali, pacha de Janina, qui voulait se former avec la Grèce une souveraineté indépendante, craignit l'influence que les idées françaises pourraient avoir sur l'esprit des Grecs, et saisit avec empressement le moment où, par suite de l'expédition d'Egypte, la guerre était imminente entre la Porte et la France. Il s'empara par trahison de Rose, qui fut transféré d'abord à Janina, puis à Constantinople, et fit attaquer, par des troupes nombreuses, les forces francaises disséminées dans Prévesa et le territoire de Nicopolis, forces qui se montaient seulement à 280 grenadiers commandés par le général La Salcette. Presque tous les Français périrent accablés par le nombre, ou furent pris après une héroïque résistance et mis à mort; leurs têtes furent envoyées au divan.

Ali prétendit que ce massacre avait été commis malgré lui, et ne tarda pas à intriguer de nouveau, d'abord auprès du gouvernement consulaire, puis auprès du gouvernement impérial. Il convoitait les îles Ioniennes tombées au pouvoir de la Russie. En 1807, il expédia un agent à Napoléon alors en Pologne; mais, alarmé des suites que pouvait entraîner une coopération ouverte avec le parti français, Ali, qui s'était engagé à mettre la plus grande célérité dans ses armements n'agit ensuite qu'avec la plus grande lenteur; et avant d'avoir fait quelque mouvement significatif, il reçut la nouvelle de la paix de Tilsitt, qui rendit au gouvernement français la possession des îles Ioniennes. Néanmoins il continua, sans interruption, ses négociations avec la France; il lui envoya un nouvel émissaire dont les dépêches ne furent pas même reçues. On a su depuis qu'il offrait de se reconnaître dépendant de la France, sous

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la condition d'ériger en sa faveur la Grèce en une principauté héréditaire, et d'y joindre les îles Ioniennes et Parga. Ainsi repoussé, Ali-Pacha se tourna du côté de l'Angleterre, et ne cessa de commettre contre le pavillon français des attentats tels que Napoléon, n'ayant pu obtenir aucune réparation du divan, fit écrire, le 21 mars 1811, une lettre conçue en termes énergiques au consul général français à Janina pour lui enjoindre de cesser toute relation avec le pacha d'Épire. Mais les graves événements qui survinrent alors en Europe empêchèrent que cette manifestation ne fût suivie d'hostilités. Une tentative faite sur Parga, par les troupes d'Ali, n'aboutit qu'à une défaite complète. Mais, dans la nuit du 21 au 22 mars 1814, cette ville fut livrée par trahison aux Anglais.

Les événements de 1814 et de 1815, en rendant la paix à l'Europe, permirent à un très-grand nombre de Grecs, qui combattaient dans nos rangs, de retourner dans leur patrie, et d'y répandre les lumières et les idées de liberté et d'indépendance qu'ils avaient puisées dans notre pays. Ils vinrent donner une nouvelle force au mouvement intellectuel qui se manifestait alors en Grèce et qui avait été entretenu tant par les généreux efforts de quelques riches hellènes secondés par Coray, que par les écoles organisées dans les îles Ioniennes sous la domination française.

Les Grecs passèrent plusieurs années dans l'incertitude et les préparatifs ; enfin, après quelques troubles dans le nord de la Grèce, l'insurrection éclata, en 1821, dans la Morée. Cette première année ne fut pas heureuse pour les Grecs, qui n'avaient ni chefs ni armée. La France seule garda une stricte neutralité, tandis que la Russie, l'Angleterre et l'Autriche étaient ouvertement hostiles.

En 1823, une ambassade adressée par les Grecs au congrès de Vérone amena les puissances à déclarer que la Grèce, n'étant point un État indépendant, ne pouvait demander ni attendre des secours. Cette réponse décourageante fut pourtant plus utile que nuisible à la cause de la Grèce. Des comités philhellènes se formèrent en France,

en Angleterre, en Allemagne, et des sommes considérables y furent versées par les particuliers.

Cependant, en 1826, l'Angleterre craignant que la révolution grecque ne se fit exclusivement au profit de la Russie, proposa de faire de la Grèce un État tributaire de la Turquie, mais gouverné par des princes indigènes qui seraient confirmés par la Porte. Ces propositions, accueillies par la France et la Russie, furent repoussées par l'Autriche et la Prusse. Ce ne fut qu'au printemps de 1827 que s'ouvrirent les conférences qui amenèrent la signature à Londres, par la France, l'Angleterre, et la Russie, du célèbre traité du 6 juillet. Ce traité proclama la nationalité de la Grèce et ne tarda pas à être suivi de la bataille de Navarin, qui en assura l'exécution et anéantit la flotte turque; victoire, du reste, qui profita surtout aux Russes en les délivrant de la marine encore redoutable de leurs voisins. Il était temps pour la Grèce que le traité fût signé, car, malgré l'héroïsme des Grecs, malgré l'assistance si courageuse et si dévouée de Fabvier, qui avait mis tous ses talents à leur service, malgré la coopération souvent active de la flotte française, et l'intervention des consuls, ce pays était alors dans une complète désorganisation. En 1828, le comte Capo-d'Istrias, ayant été installé comme président, déclara aux puissances médiatrices que, si elles ne garantissaient pas un emprunt de 20 millions de francs, il serait obligé de se retirer. Alors la France et la Russie assurèrent chacune un million de subsides mensuels. La même année, le général Maison débarqua en Grèce, le 29 août, à la tête de 14,000 hommes de troupes françaises. A la fin d'octobre, il s'était emparé de toutes les places de la Morée, avait forcé Ibrahim à l'évacuer, et, en décembre, il se disposait à revenir en France quand il reçut l'ordre de rester avec un corps d'observation de 5,000 hommes, jusqu'à la fin des négociations avec la Turquie (voy. MORÉE [campagne de]). Par le traité du 16 novembre 1828, les puissances alliées placèrent la Morée et les îles sous leur protection.

La couronne de Grèce, offerte d'abord au prince Léopold qui la refusa,

mais après avoir obtenu de notables augmentations de territoire pour le nouveau royaume, fut ensuite acceptée par le prince Otton, fils du roi de Bavière; et les ratifications du traité qui lui donnèrent cette couronne furent échangées à Londres en juin 1833, après avoir soulevé de violents débats à Londres et à Paris. Enfin, le 22 mai de la même année, la chambre des députés de France vota la garantie d'un emprunt formé par la Grèce.

Ce fut aussi en 1833, dans le mois d'août, que les troupes françaises quittèrent définitivement la Morée, après cinq années d'occupation. Le séjour des Français en Morée a été, pour la Grèce, d'un avantage incontestable. Outre l'argent considérable qu'ils y dépensèrent, ils embellirent les villes, ranimèrent l'industrie, bâtirent des casernes et des ponts, percèrent ou réparèrent des routes, rétablirent les forteresses, plantèrent des jardins, et laissèrent des traces de civilisation partout où ils habitèrent. Dans les troubles si fréquents de la Grèce, leur intervention fut toujours bienveillante et conciliatrice; et bien des fois, la simple apparition de nos soldats, s'avançant avec calme l'arme au bras, empêcha des collisions sanglantes. Aussi le comte d'Armansberg, président de la régence, et peu favorable aux Français, ne put-il s'empêcher d'adresser une lettre au général Guéhénec, afin de lui exprimer toute la gratitude du gouvernement grec pour les services qui lui avaient été rendus par nos troupes. La municipalité de Nauplie avait fait plus, elle avait offert un sabre d'honneur au chef de l'expédition.

Ainsi donc, nos relations avec les Grecs modernes se divisent en deux époques bien distinctes. Pendant trois siècles, la France s'est bornée à former des vœux stériles ou des projets intéressés: des vœux stériles comme la croisade de Philippe le Bon sous Charles VII, ou des projets intéressés, comme ceux auxquels donnèrent lieu l'ambition de Charles VIII, et les prétentions du duc de Nevers sous Louis XIII. Telle a été la première époque. Dans la seconde, qui ne commence officiellement qu'en 1827, au moment où l'indépendance de la Grèce fut re

connue, mais qui, en réalité, remonte beaucoup plus haut, la nation française ne cessa de prendre la défense des Grecs, et de ranimer leur courage en leur rappelant l'exemple de leurs ancêtres, ou en leur offrant le secours de ses écrits, de ses richesses et de son bras.

Dès que la philosophie du dix-huitième siècle, d'ailleurs si défectueuse en elle-même, eut rendu le service de détruire les préjugés religieux, notre admiration pour les Grecs anciens nous disposa en faveur de leurs descendants. En prenant l'antiquité pour modèle, nous étions parvenus, pendant le cours du dix-septième siècle, à surpasser les autres peuples de l'Europe autant par l'atticisme de notre langue que par le bon goût de notre littérature et par la noblesse de nos mœurs, à la fois douces et démocratiques comme celles des Athé niens aux yeux d'un peuple aussi reconnaissant que le Français, c'était une dette d'honneur qu'il regrettait de n'avoir pas encore acquittée envers les enfants de la nation qui, dans les temps antiques, avait prêté tant de charmes aux premiers essais de la civilisation. De là ce prestige renaissant qui s'attache au nom de la Grèce moderné, dans les écrits des auteurs français, à partir du milieu du dix-huitième siècle : ce n'est plus seule ment un culte pour des héros morts, comme sous François 1er et sous Louis XIV; c'est une invocation aux dieux pour qu'ils opèrent le miracle d'une ré

surrection.

Après l'ère philosophique, vint la révolution; et alors on ne se borna plus à dire aux Grecs modernes de prendre les armes contre les barbares, et d'apprendre de leurs pères à vaincre ou à mourir; la république fit plus, elle médita de voler elle-même au secours du peuple qui a pour ancêtres des législateurs comme Lycurgue et Solon. En 1798, après le traité de Campo-Formio, on se consola de la destruction de la république de Venise, en songeant que la république des îles Ioniennes était le signal de la réorganisation des républiques de Sparte et d'Athènes, et que la Grèce tout entière allait bientôt offrir le même spectacle que l'Italie.

Pourquoi, en effet, le général Bona

parte n'a-t-il pas, suivant sa première inspiration, dirigé sur la Grèce l'expédition qu'une année plus tard il conduisit avec tant d'imprudence en Égypte ? L'alliance de la Turquie n'eût pas été plus compromise dans un cas que dans l'autre dans la péninsule hellénique, aussi bien que dans la vallée du Nil, il y avait des lauriers immortels à cuei!lir; là, partout des populations amies, et tout un peuple de braves prêt à combattre dans nos rangs; notre flotte eût trouvé plus d'abris sur les rivages profondément creusés de la Grèce que sur les plages de l'Afrique; enfin, un retour honorable était assuré, et les Anglais ne fussent pas parvenus à nous faire capituler aussi facilement dans la citadelle de Nauplie que dans les murs d'Alexandrie. Pourquoi donc une détermination contraire? Pour deux raisons principales: d'un côté, parce que Napoléon tenait encore plus à ruiner l'Angleterre qu'à suivre la route qui semblait tracée à la marche de la civilisation; ensuite, parce qu'un penchant irrésistible l'entraînait vers le spectacle du despotisme de l'Orient; tandis qu'en Grèce, il eût rencontré les images de Léonidas et de Codrus à côté de celle d'Alexandre, conquérant - modèle, qui l'attendait seul au pied des pyramides. Dans l'intérêt de son ambition, c'etait bien peut-être; mais dans l'intérêt de la révolution, dans l'intérêt de l'Europe, il n'en était pas ainsi. A un triomphe certain, car, indépendamment des Grecs, il eût pu avoir Ali-Pacha pour auxiliaire contre la Turquie, à un triomphe certain, il préféra un triomphe dou teux et presque impossible. Comment s'en étonner ? Ce fut chez lui une habitude constante; habitude qui révèle une bien grande foi dans la supériorité de son génie, mais qui recula d'un quart de siecle la délivrance de la Grèce; qui perdit la Pologne, et qui fit passer la France elle-même sous les fourches caudines de 1814 et de 1815.

Avec l'empire, les projets d'affran chissement furent remplacés par des préoccupations exclusivement politiques, où cependant les Grecs n'étaient pas oubliés par Napoléon, autrement chevaleresque que Charles VIII. S'il ne voulait pas leur rendre la liberté démo

cratique, du moins se disposait-il à profiter de la première occasion pour les soustraire au joug musulman; mais il nourrissait l'arrière-pensée de les englober dans son empire, ou, ce qui revenait au même, de leur trouver une place dans son vaste système d'agglomération. Ali-Pacha, qui avait pénétré ses desseins, comprit qu'il n'y avait plus rien à espérer; et lui qui, pour devenir, roi de la Grèce sous le protectorat de Napoléon, se disait à moitié chrétien, et ne demandait pas mieux que de le devenir tout à fait, il se tourna contre le Charlemagne moderne pendant la campagne de Russie, sous prétexte d'obéir aux ordres du divan.

Durant les premières années de la restauration, l'esprit de la France fut toujours avec la Grèce; mais, en leur qualité de princes catholiques et d'alliés de l'Angleterre et de la Russie, les Bourbons ne voulurent rien faire pour un petit peuple qui osait parler de liberté.

Toutefois, en 1821, les Grecs lèvent l'étendard de l'insurrection. La Russie, qui les avait secrètement encouragés, les abandonne pour la troisième fois; les gouvernements d'Autriche, d'Angleterre, leur sont opposés; en 1823, le congrès de Vérone ne leur reconnaît même pas le droit d'implorer du secours. N'importe, ils continueront à combattre tant qu'il y aura du sang dans leurs veines. Réduits à leur faiblesse, ils trouvent cependant un grand secours dans la religion, dans le souvenir de leurs ancêtres, et dans la certitude que les Français ne les abandonne ront pas. En effet, la France leur envoie de l'or et du fer; des philhellenes volent a leur défense; le reste de l'Europe partage notre enthousiasme et notre dévouement. Grâce à ces secours, et surtout à cet appui moral, les Grecs repoussent toutes les armées turques qui se succèdent et se remplacent aussitôt que détruites.

Mais quand la Turquie a reconnu son impuissance, elle a recours au pacha d'Egypte, qui possède une armée déjà a moitié disciplinée par des instructeurs français, bien loin de se douter qu'en civilisant l'Egypte ils travaillaient contre les Grecs. Alors, que fait l'opinion pu

blique en France? Elle force Charles X à intervenir dans cette lutte inégale, et à envoyer une armée contre les troupes égyptiennes que commande Ibrahim, formé à notre école. Dès lors, la Grèce est sauvée, et les Hellènes saluent la France comme sa libératrice après Dieu; ils la confondent dans un même culte avec leurs ancêtres.

Malheureusement, cette reconnaissance excita bientôt la jalousie des gouvernements étrangers, dont les agents parvinrent, après bien des tentatives infructueuses, à ménager une querelle et une lutte entre une division de nos soldats et un assez grand nombre de palikares, dans la plaine d'Argos. Le sang coula: privés de leurs officiers, nos soldats prirent des sergents et des caporaux pour chefs, et, avec cet étatmajor improvisé, ils firent mordre la poussière à plus de 300 agresseurs. Mais, malgré tout ce qu'on a fait pour grossir ce malheureux incident, et pour lui donner les proportions d'un grief entre la France et la Grèce, on n'a pas pu y réussir. Tout en plaignant ceux de leurs compatriotes qui ont été victimes des intrigues étrangères, les Grecs ont reconnu que les nôtres n'avaient usé qu'à regret de leur droit de défense. Depuis l'affaire d'Argos, comme auparavant, tout ce qui a du bon sens et du patriotisme chez eux se rappelle que c'est la France qui a chassé Ibrahim, et n'éprouve pour nous que des sentiments de reconnaissance.

Déja précédemment, on avait essayé de présenter les Grecs comme un peuple ingrat, parce que plus d'une fois les palikares avaient eu des démêlés avec les philhellènes. Là encore, il est juste de faire une grande part aux intrigues des cabinets étrangers, et, en outre, il ne faut pas oublier que tous les torts n'étaient pas du côté des Grecs. Un grand nombre de philhellenes étaient venus en Grèce avec les idées les plus chevaleresques, et quelquefois les préjugés les plus bizarres. Ceux-ci espéraient rencontrer dans chaque Grec un Léonidas, un Themistocle, ou un Aristide; ceux-là voulaient discipliner en un jour, et forcer de se battre suivant les regles de la tactique moderne des hommes résolus à ne pas céder, il est

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