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» Voyez, citoyens, les belles destinées qui vous attendent. Quoi vous avez une nation entière pour levier, la raison pour point d'appui, et vous n'avez pas encore bouleversé le monde ! Il faut pour cela du caractère, et on en a manqué. Je mets de côté toutes les passions; elles me sont toutes parfaitement étrangères, excepté celle du bien public. Dans des circonstances plus difficiles, quand l'ennemi était aux portes de Paris, j'ai dit à ceux qui gouvernaient alors: Vos discussions sont misérables; je ne connais que l'ennemi, battons l'ennemi. Vous qui me fatiguez de vos contestations particulières, au lieu de vous occuper du salut de la république, je vous répudie tous comme traîtres à la patrie. Eh! que m'importe ma réputation! que la France soit libre et que mon nom soit flétri ! que m'importe d'être appelé buveur de sang! Eh bien! buvons le sang des ennemis de l'humanité s'il le faut; combattons, conquérons la liberté, et nous irons glorieux à la postérité... >>

On félicite, on embrasse le sublime orateur, et l'on délibère. Robert Lindet demande que le tribunal révolutionnaire soit composé de neuf juges, nommés par la Convention, qui décideront sans appel ni pourvoi. Vergniaud s'écrie: « Lorsqu'on vous propose de décréter l'établissement d'une inquisition mille fois plus redoutable que celle de Venise, nous mourrons tous plutôt que d'y consentir. » Un membre répond qu'il n'y a que les contre-révolutionnaires

qui puissent la craindre. Cambon et Billaud-Varennes demandent des jurés. Duhem répond: «< On égorge dans Liége tous les patriotes sans leur donner de jurés, et nous en donnerions aux voleurs de la patrie Quelque mauvais que soit le tribunal proposé par Lindet, il est encore trop bon pour des scélérats. »

La Convention, malgré ces cris, décrète à une trèsgrande majorité qu'il y aura des jurés nommés par elle, et choisis dans tous les départements. Mais elle en reste là. Gensonné qui préside lève la séance : les députés sortent..... Danton s'élance encore à la tribune :

« Je somme, dit-il, tous les bons citoyens de ne pas quitter leur poste. (Tous les membres se remettent en place un calme profond règne dans l'Assemblée.) Quoi! citoyens! au moment où notre position est telle que, si Miranda était battu, Dumouriez, enveloppé, serait obligé de mettre bas les armes, vous pourriez vous séparer sans prendre les grandes mesures qu'exige le salut de la chose publique? Il est important de prendre des mesures judiciaires qui punissent les contre-révolutionnaires, car c'est pour eux que ce tribunal est nécessaire, et doit suppléer au tribunal suprême de la vengeance du peuple. Les ennemis de la liberté lèvent un front audacieux; partout confondus, ils sont partout provocateurs. En voyant le citoyen honnête occupé dans ses foyers, ils ont la stupidité de se croire en majorité eh bien !

arrachez-les vous-même à la vengeance populaire ; l'humanité vous l'ordonne.

» Rien n'est plus difficile que de définir un crime politique. N'est-il donc pas nécessaire que des lois extraordinaires épouvantent les rebelles? Je ne vois

pas de milieu entre les formes ordinaires et un tribunal révolutionnaire. L'histoire atteste cette vérité; et, puisqu'on a osé dans cette Assemblée rappeler ces journées sanglantes sur lesquelles tout bon citoyen a gémi, je dirai, moi, que si un tribunal eût alors existé, le peuple, auquel on a si cruellement reproché ces journées, ne les aurait pas ensanglantées; je dirai, et j'aurai l'assentiment de tous ceux qui ont été les témoins de ces événements, que nulle puissance humaine n'était dans le cas d'arrêter le débordement de la vengeance nationale. Profitons des fautes de nos prédécesseurs; faisons ce que n'a pas fait l'Assemblée législative soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être. »

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La Convention, entraînée par ces paroles, organisa le soir même le tribunal révolutionnaire et fit partir les quatre-vingt-deux commissaires, presque tous choisis dans la Montagne, de l'accord des deux partis. Les républicains avaient cru devoir envoyer les hommes les plus énergiques et les plus dévoués; les Girondins, de leur côté, voulaient se débarrasser d'eux pour quelque temps, afin de rester maîtres absolus des délibérations.

Le tribunal criminel extraordinaire, ou tribunal révolutionnaire, fut chargé de connaître de tous les attentats contre la liberté, l'égalité, l'unité de la république, et la sûreté intérieure et extérieure de l'État, quelle que fût la qualité des accusés. Le jury fut composé de douze membres pris dans le département de Paris et les quatre voisins, jusqu'au 1er mai, et, depuis cette époque, dans tous les départements. Les jurés devaient émettre leur opinion à haute voix, publiquement, et sans être astreints à aucun genre. de preuve. Cinq juges appliquaient les peines portées par le Code pénal et les lois postérieures. Les biens des condamnés à mort étaient acquis à la république, à charge par elle de pourvoir à la subsistance des femmes et des enfants qui n'avaient pas d'autre fortune.

Le lendemain, Danton demanda que l'on pût, à l'avenir, choisir les ministres dans le sein de la Convention. Cette proposition, appuyée par Robespierre seul, n'eut pas de suite, et les Girondins prétendirent encore que leurs adversaires voulaient usurper le pouvoir souverain. Néanmoins, en attendant la réorganisation du ministère, la Convention remplaça (25 mars) le comité de défense générale par un comité de salut public. Ce comité fut composé de vingtcinq membres, moitié Girondins, moitié Montagnards, chargés de surveiller les ministres, qui devaient lui rendre compte, au moins deux fois par semaine, de tout ce qui se passait. Le comité devait exposer à la

Convention tous les huit jours l'état de la république et ses opérations susceptibles de publicité. Il était chargé de préparer et de proposer toutes les lois nécessaires pour la défense extérieure et intérieure de la république. Les premiers membres élus furent Dubois-Crancé, Pétion, Gensonné, Guyton-Morveau, Robespierre l'aîné, Barbaroux, Rhul, Vergniaud, Fabre d'Églantine, Buzot, Delmas, Guadet, Condorcet, Bréard, Camus, Prieur (de la Marne), Camille Desmoulins, Barrère, Quinette, Danton, Sieyes, Lasource, Isnard, Cambacérès et Jean Debry. Ce comité s'entendait pour toutes les mesures de police avec le comité de sûreté générale, qui remplaça le comité de surveillance, et qui était spécialement chargé de la police intérieure.

VII. L'action révolutionnaire était bonne et salutaire, sans doute, mais la république, plus que tout autre gouvernement, ne peut se fortifier que par la prudence, la justice et le concours de l'opinion générale. Toute mesure violente y est pernicieuse; aussi arrive-t-il, dans le cours des révolutions, que le parti renversé, dès qu'il a perdu l'espoir de revenir par la corruption ou par la force, cherche à pousser le parti vainqueur dans des excès compromettants.

Une première tentative en ce sens eut lieu le 12 février. De prétendus délégués des quarante-huit sections de Paris et de tous les départements vinrent à la barre de la Convention exagérer le tableau de la misère

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