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étrangers, et que, du reste, les houilleurs habitent fort peu.

Les considérations qui précèdent m'ont engagé à reprendre les déductions que l'on a appuyées sur la statistique pendant la discussion, et je me suis efforcé de faire, à ce point de vue, une étude complète du pays houiller, à laquelle on ne pût rien objecter de sérieux!

Les résultats auxquels je suis arrivé, en me conformant aux règles que j'ai indiquées, sont assez intéressants pour que je croie utile de les faire connaître à l'Académie. J'apporte des chiffres dont les uns corroborent plusieurs faits que l'on a affirmés devant vous, Messieurs, mais d'autres infirment, au contraire, et détruisent certaines déductions que l'on a avancées.

J'ai puisé mes renseignements à la source la plus certaine. Je les ai demandés directement à M. le Ministre de l'Intérieur, qui a bien voulu satisfaire à ma demande, avec un empressement dont je dois le remercier ici.

Tous les chiffres que je donnerai sont donc des chiffres officiels, la plupart inédits. En effet, les documents stalistiques publiés chaque année par le Gouvernement le sont le plus souvent au point de vue des circonscriptions provinciales. Aussi les renseignements qu'on en peut extraire sont-ils, pour la plupart, sans aucune utilité dans l'étude des circonscriptions charbonnières.

J'ai pris pour type chacun des arrondissements administratifs de Charleroi, Mons et Liége; de sorte que les calculs que je vais avoir l'honneur de vous faire connaître sont faits spécialement sur la population des communes rurales et charbonnières, ou habitées par les charbonniers, de ces trois arrondissements administratifs, que l'on peut considérer à bon droit comme la vraie population charbonnière de la Belgique.

Je m'en suis tenu à ces agglomérations, parce que c'est en ce qui regarde ces groupes que l'on peut constater, dans toute sa force, le foyer d'action de l'industrie houillère sur les mœurs et sur la santé. C'est là que les chiffres statistiques sont vraiment l'expression de l'influence de cette industrie et de ses conséquences. Et ce facteur est tellement prépondérant pour toutes recherches faites dans ces arrondissements administratifs, que l'influence des quelques communes qui en font partie, tout en n'étant ni charbonnières ni habitées par les charbonniers, ne peut influer notablement sur les résultats, car ces quelques communes rentrent, sous tous les rapports, dans la moyenne des communes rurales du pays.

Je me suis procuré les documents nécessaires à mon travail pour une période quinquennale, commençant à 1861 et finissant à 1865.

J'ai comparé les résultats obtenus de cette façon avec les moyennes trouvées pour l'ensemble de la population du pays, abstraction faite des villes.

Je n'ai guère accueilli que les renseignements statistiques établis officiellement et qui ont rapport à des faits indubitables, faciles à constater, comme la mort, la mesure de la taille de l'homme, etc. De cette façon, les chiffres que je donne échappent au reproche d'infidélité que l'on adresse généralement aux statistiques dont les éléments dépendent de l'appréciation personnelle ou dont les relevés peu certains ont été fournis par des particuliers et peuvent être entachés d'arbitraire.

En résumé, la question a gravité autour de deux points principaux. Plusieurs orateurs ont soutenu la dégradation morale du houilleur, ils ont en outre soutenu sa déchéance. vitale, sa déchéance organique!

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Les chiffres prouvent que, quant à ce dernier point, on est tombé dans de grandes erreurs.

On a considéré l'industrie houillère comme la plus meurtrière de toutes les industries, on l'a accusée d'être une vaste source de mortalité. Il est vrai, Messieurs, que pendant toute une époque, celte industrie, naissante encore et riche déjà, s'occupa assez peu de la sûreté et du bien-être de l'ouvrier; il est vrai qu'il y a eu d'abord une période insalubre dans l'exploitation de nos richesses minérales! Aussi est-ce à cette époque, il y a un quart de siècle, que furent faits le Rapport de la Commission médicale du Hainaut et celui de la Chambre de commerce de Charleroi, tant de fois invoqués dans la discussion. Mais consultez les rapports annuels des ingénieurs des mines et ils vous prouveront, statistique en main, que nous sommes bien loin de cette époque; demandez à nos vieux industriels et ils vous diront qu'il ne faut pas comparer le passé avec le présent et se garder surtout d'attribuer au travail des houillères, dans les conditions hygiéniques où il est placé actuellement, les restes de rachitisme que l'on signale dans la population et qui disparaissent d'année en année, tandis que, dans d'autres industries, le rachitisme ne fait que croitre. Ils vous diront que l'étiolement s'attachait à la souche des houilleurs il y a trente à trente-cinq ans, mais ils vous affirmeront, et il est facile de le constater, que cette anémie de race existe aujourd'hui à un degré incomparablement plus fort dans les populations des grandes manufactures de nos centres industriels! M. Kuborn lui-même, adoptant les paroles d'un autre, vous a dit dans son rapport : « L'anémie bien caractérisée n'apparait plus aujourd'hui que de loin en loin parmi nos mineurs..... Les causes qui la produisent n'ont plus guère de prise que sur les individus

prédisposés et placés dans des conditions exceptionnelles. » Nous allons voir si cette race est vraiment chétive et dégénérée, et si elle a moins de vie que les autres populations du pays. Nous allons voir si la mort naturelle y est plus fréquente et la vie plus courte !

J'ai en main, pour une période quinquennale, le tableau de mortalité des populations charbonnières de Charleroi, Mons et Liége, comparée à la moyenne du royaume.

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J'y vois que pour 1000 naissances, le chiffre annuel de tous les décès, naturels et autres, varie entre 526 et 584 pour Charleroi, entre 537 et 608 pour Mons, entre 576 et 728 pour Liége et enfin entre 653 et 751 pour le pays entier. Chez les houilleurs, le nombre de décès généraux est donc beaucoup moindre que chez les autres populations de Belgique, dans la proportion de 550 pour Charleroi, 579 pour Mons, 659 pour Liége et 694 pour le pays entier.

Mais ces chiffres ne sont pas exacts encore, il faudrait les ramener au nombre de morts naturelles et en élaguer les morts violentes volontaires ou accidentelles. Bien que la statistique prouve que les houilleurs ne se suicident généralement pas, je ne ferai aucune réduction de ce chef et je me contenterai de supprimer partout le facleur morts par accidents, ce qui a de l'importance, comme on va le voir.

On n'a pu me donner le nombre des accidents pour les villages des trois arrondissements, que pendant l'année 1867. Je les accepterai comme moyenne. Voici ces chiffres calculés. sur 1000 décès en général :

Nombre de décès par accidents involontaires pour 1000 décès en général.

Dans les communes de moins de 5000 habitants
des arrondissements administratifs de:

Charleroi

Pendant l'année 1867.

42

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On voit que les accidents sont beaucoup plus nombreux pour les districts houillers que pour le pays entier, ce qui du reste est connu de tout le monde.

Il faut de ce chef soustraire des chiffres de mortalité que je vous ai donnés tout à l'heure, 42 millièmes pour Charleroi, 27 millièmes pour Mons, 36 millièmes pour Liége et 19 millièmes seulement pour la moyenne du pays entier.

Après cette opération, la mortalité des populations charbonnières est représentée par les chiffres 527 pour Charleroi, 563 pour Mons et 635 pour Liége, tandis que la moyenne pour le pays est de 681. C'est-à-dire que, pour les populations charbonnières la mortalité est beaucoup moins forte et par conséquent, la longévité beaucoup plus grande que pour le pays entier.

La longévité plus grande est, comme je viens de le dire, la conséquence de la mortalité moins forte et la relation qui les unit est exactement le rapport inverse. La moindre réflexion suffira pour établir cette connexion intime.

100 naissances étant données, si ces 100 vies doivent s'éteindre avec une mortalité moyenne de 1 par an, la moyenne

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