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autorité, le magnifique rapport de Dupin, sur la réglementation du travail des enfants dans les manufactures; le Congrès d'hygiène, réuni à Bruxelles, déclarait une réforme nécessaire; la presse, les hommes éminents de tous les partis, réclamaient des mesures protectrices (1). »

La plupart des rapports que l'on vous a cités, Messieurs, ont été faits en vue de cette enquête. C'est vous dire qu'ils ont surtout trait aux enfants, et qu'ils ne s'occupent pas de l'industrie houillère seulement, mais de toute l'industrie en général; et qu'on s'occupait du Brabant et des Flandres. autant que du Hainaut et de Liége.

Tel est le rapport de la Chambre de commerce de Charleroi. Tel est aussi celui de la Commission médicale de la province de Hainaut, que notre honorable Président a cité dans son discours.

Ayant l'honneur de faire partie de cette Commission médicale, j'avais intérêt à consulter ce document, et je me suis adressé au vénérable Président, M. le docteur Cambier, qui fut rapporteur dans cette circonstance.

J'ai en main tout le dossier des pièces qui se rapportent à ce travail de la Commission médicale du Hainaut.

Il est utile, pour ma thèse, que la discusssion m'ait amené à rechercher ce document. Il va nous servir à préciser dans quel but, dans quel esprit et avec quelles idées fut ordonnée par le Gouvernement, et exécutée par les Commission, l'enquête de 1843.

Il me suffira, Messieurs, pour cela, de vous lire la première page du rapport de la Commission médicale du Hainaut :

Rapport concernant les abus auxquels sont exposés les (1) Passage extrait du rapport de M. Kuborn.

ouvriers du Hainaut, en réponse aux questions adressées à la Commission médicale par M. le Ministre de l'Intérieur.

Avec sa lettre du 28 janvier 1843, M. le Gouverneur a adressé à notre Commission une série de demandes relatives aux enfants employés dans les travaux de la province, et dont les réponses doivent faciliter à M. le Ministre de l'Intérieur l'élaboration d'un projet de loi tendant à améliorer leur sort, sous le rapport hygiénique et sanitaire.

«Par notre réponse du 31, même mois, nous avons prié M. le Gouverneur de vouloir déterminer l'espèce d'ouvriers sur qui la loi projetée devait étendre ses dispositions bienfaisantes et de désigner la nature des établissements dans lesquels nous devions faire nos recherches. Ce haut fonetionnaire nous transmit, le 17 février suivant, copie d'une lettre de M. le Ministre, en date du 14 de ce mois, par laquelle il donne satisfaction entière à nos questions.

<< La dépêche ministérielle susdite, du 14 février, portait que : « La loi à intervenir avait pour but de prévenir, autant « que possible, les abus dont la classe ouvrière est victime et a de diminuer, par des dispositions tutélaires, les infirmités « que les enfants surtout contractent dans les travaux aux« quels on les soumet.

Notez ces mots : les enfants surtout.

« Ces abus peuvent exister dans des établissements divers, a quelle que soit leur échelle, et il n'y aurait pas de motif « de se borner aux grandes exploitations, s'il est possible de « s'instruire également de ce qui se passe dans des usines « plus petites; et d'ailleurs, l'essentiel est d'avoir des ren«seignements et un avis en réponse aux questions posées, en << ce qui concerne les ouvriers des principales catégories. »

La Commission médicale, dans le rapport que je cite et

qu'a cité avant moi notre honorable Président, partageait la pensée du Gouvernement, au moins quant à la grande industrie. Je lis, en effet, dans ce rapport: « Pour les grands établissements, la nécessité, comme la liberté d'action du Gouvernement, nous parait sans réplique. »

Elle s'occupait ensuite, dans ce même rapport, de toute la classe ouvrière du Hainaut indistinctement, de quelque industrie qu'elle fût ouvriers briquetiers et cloutiers, ouvriers de la métallurgie et des charbonnages; mais elle se plaisait surtout à signaler les inconvénients des fabriques et des manufactures de tissage, filature, etc., et proposait d'en éloigner l'enfance jusqu'à un certain âge, comme elle le proposait aussi pour toutes les autres grandes industries.

Le passage suivant m'a surtout frappé « Les renseignements qui nous sont parvenus de tous les medecins à même d'en juger, s'accordent à dépeindre les cloutiers du Hainaut comme très-malheureux, principalement au point de vue sanitaire, ce qu'ils attribuent surtout à une constitution détériorée, maladive, et s'aggravant de génération en génération, à cause de privations d'aliments substantiels, de travaux excessifs pour les enfants, exécutés debout dès l'àge le plus tendre, depuis 5 heures du matin jusqu'à 8 à 10 heures du soir, dans une atmosphère trop chaude et entièrement viciée, au passage habituel du chaud au froid, surtout dans les moments de transpiration. »

Enfin, le rapport se termine par ces mots : « Telles sont les considérations que nous avions à émettre pour améliorer l'état hygiénique de la population ouvrière du Hainaut. Puissent ces vœux s'accomplir, et la loi qui, nécessairement interviendra, être à la hauteur du rang que la Belgique doit occuper parmi les nations civilisées. »

Messieurs, la conclusion que je veux tirer des quelques citations que je viens de faire, c'est que, dès avant 1843, le Gouvernement reconnaissait la nécessité de réglementer par une loi le travail des enfants, non-seulement dans les houillères, mais dans beaucoup d'autres industries, et il se déclarait prêt à exercer ce droit et à remplir ce devoir, devoir qu'il comprenait dans un sens beaucoup plus large qu'on ne l'entend aujourd'hui.

A ce qui précède je joindrai encore une citation. Le savant ingénieur Eugène Bideau, dont l'opinion avait une si haute valeur et qui écrivit à l'époque de l'enquète, son travail sur les mines de houille de l'arrondissement de Charleroi, y déclarait, après avoir dépeint la misère du houilleur: « Cependant cet ouvrier est, actuellement, dans une position bien moins triste que ceux des autres professions! »

Enfin, l'Association libérale de Charleroi a adopté, dans sa dernière séance, le 18 juillet écoulé, un programme politique dont j'extrais ce qui suit :

« Art. 8. Vole d'une loi sur le travail des enfants. »

Sur le travail des enfants en général! Voilà, Messieurs, la thèse que je viens soutenir devant vous! Voilà l'idée de l'enquête de 1843! Ce qu'on ne veut pas faire pour toute l'industrie, on ne peut le faire pour l'industrie charbonnière seule.

Je n'abonderai pas en mouvements oratoires ni en belles périodes de rhétorique; mais je vous donnerai des chiffres et des pages de statistique.

On a dit que rien n'est brutal comme un chiffre. A ce point de vue, Messieurs, mes paroles seront ce que l'Académie aura entendu de plus brutal pendant la discussion, car je me contenterai de produire des séries de chiffres, à la

suite desquelles je tirerai quelques conséquences sur chaque objet.

Il me semble en effet, que dans la discussion à laquelle je viens mêler ma faible voix, l'on a trop peu demandé à la statistique ce qu'elle pouvait nous dire avec certitude, je dis avec certitude! et quand on l'a invoquée, on l'a fait d'une manière partielle, et toujours tellement incomplète qu'il serait imprudent de baser aucune conclusion sur les résultals obtenus de cette manière.

Plusieurs orateurs ont fait de la statistique dans la discussion, mais il m'importe de bien établir qu'ils l'ont faite d'une toute autre manière que j'entends la faire. On s'est contenté de prendre arbitrairement certaines communes charbonnières et de les comparer à certaines autres communes, choisies aussi d'une façon arbitraire. Parfois même on s'est basé sur les chiffres extraits des notes d'un ou plusieurs praticiens.

Pour une étude statistique, sérieusement faite au point de vue des districts houillers, le relevé des observations particulières d'un seul, de deux, de six praticiens disséminés, n'ont aucune valeur, si l'on ne possède les observations de tous les praticiens de ces districts.

Les chiffres obtenus pour une, deux, ou plusieurs localités choisies ne méritent aucune confiance, si l'on n'y joint toutes les localités de la circonscription charbonnière.

Agir d'une autre façon, c'est s'exposer à la déconvenue la plus assurée. Un relevé statistique par échantillon est impossible, il n'est réellement utile que s'il est complet et embrasse la totalité des fails.

Il faut, en outre, rejeter des calculs la population des villes qui introduiraient dans les résultats beaucoup d'éléments

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