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Je n'aimerais pas les interdictions, je ne voudrais pas mentir à l'un des grands principes de 1789; mais, je le répète j'ordonnerais de faire dans toutes les houillères des galeries larges et élevées où l'on respirerait un air pur et où l'emploi de la femme deviendrait inutile.

Pour le moment, je demande que la discussion générale continue et que l'on ne s'occupe des amendements que lorsque la discussion générale sera close.

M. Vleminckx: On ne discute pas les amendements; mais puisque vous avez décidé qu'ils seraient renvoyés à la Commission, et que celle-ci vous ferait des propositions qui seraient en quelque sorte la conclusion du nouvel examen auquel elle se serait livrée, il convient que ceux qui présentent des amendements, les développent, afin que la Commission connaisse bien le but de ces amendements et les motifs que l'on donne à l'appui.

La discussion générale étant close, la Commission examinera les amendements; elle aura devant elle les motifs donnés à l'appui de chacun d'eux, et ces motifs pourront servir à déterminer sa conviction. Il n'y a pas d'inconvénient à suivre cette marche; la discussion n'en sera pas beaucoup allongée, et nous arriverons à un résultat plus certain.

M. Fossion : C'est comme vous le voulez; mais je crois que cela allongera la discussion.

- M. Barella: Messieurs, notre honorable collègue, M. Gallez, vient de vous faire un tableau effrayant de la moralité de la population charbonnière de Charleroi. Ce que dit notre collègue peut être plus ou moins vrai pour le bassin de Charleroi, quoiqu'il me semble qu'il y ait là beaucoup d'exagération, de déclamation, mais est certainement complétement faux si on voulait l'appliquer au Centre. Je repousse énergi

quement, en mon nom et au nom de tous mes collègues des charbonnages du Centre, l'imputation d'immoralité qui serait adressée à nos travailleurs.

Notre honorable collègue attribue, en partie, à une invasion flamande, aux étrangers, etc., les mœurs corrompues qu'il signale à Charleroi ; il m'est impossible de partager cette opinion qui tend à aviver l'antagonisme aussi stupide que déplorable qui existe parmi les gens ignorants et sans éducation, entre les flamands et les wallons, et qui tend à diviser le pays en deux races hostiles, ennemies. Non, les flamands chassés de chez eux par la misère et la famine en 1847 et 1848, ne sont pas venus ajouter des éléments de corruption nouveaux à ceux qui existaient déjà; ces ouvriers valent les autres, ils ne valent pas plus, ils ne valent pas moins.

Pour le reste, je suis complétement de l'opinion de M. Gallez, et je pense, avec lui, que toute la question se résume dans la réglementation du travail des enfants.

Au point de vue de la moralité, je ne crois pas, Messieurs, qu'on puisse beaucoup attendre d'une loi qui défende le mélange des sexes dans les travaux, qu'il s'agisse de mines, de filatures, de sucreries, et même du travail agricole. C'est l'éducation du peuple qui est tout entière à faire, de ce peuple si facile à égarer et dont l'ignorante crédulité se prête si bien aux menées ténébreuses, aux excitations incendiaires des professeurs d'émeute et des avocats d'insurrection d'une association démagogique tristement célèbre. Dans un pareil moment, alors que les populations ouvrières sont en quête de griefs contre les patrons, contre le pouvoir, ce serait commettre un acte des plus inconsidérés, des plus impolitiques, en même temps que des moins justifiés, que de demander à la loi l'exclusion des femmes des travaux des mines.

Je dis à la loi, et je m'explique: au point de vue de la moralité, si je ne vois pas la nécessité d'exclure les filles des travaux des mines, il n'en est pas de même des mères, filles ou femmes, des filles enceintes. Les mères ne peuvent en même temps descendre dans la fosse, élever convenablement leurs enfants et vaquer aux occupations domestiques. Seulement, je rencontre ici une grave objection à ajouter à celle que je viens d'émettre sur l'inopportunité de cette mesure en ce moment, c'est celle qui est puisée dans la liberté du travail je verrais avec peine une atteinte portée à ce grand principe, qui est une des bases de notre organisation sociale. C'est à la raison que je voudrais parler, c'est en instruisant et en moralisant le peuple, que je voudrais lui montrer que si, d'un côté, l'ouvrier se restreignait un peu dans les dépenses de cabaret, si, de l'autre, la femme faisait elle-même sa besogne de ménagère, au lieu d'être forcée de passer par trente-six mains pour exécuter ce que toute autre femme fait par elle seule, si elle avait un peu plus d'économie, un peu plus d'ordre, un peu plus de soin du linge, des vêtements, il serait aisé à nos houilleurs de se passer du salaire qui provient du travail des femmes et d'être même plus riches qu'avant.

Il est telle maison d'ouvrier que je pourrais citer où il entre tous les mois 3 à 400 francs, et où tout manque, où l'on ne trouverait pas grand comme la main de linge pour panser une plaie, et cela parce que ces gens sont tout à fait étrangers à l'économie domestique, cette science du bon sens, et parce que le besoin de toilette pour les filles, le luxe, la vanité, ces maladies du siècle, produisent à tous les degrés de l'échelle sociale les mêmes misères.

Au point de vue médical, on a accusé les travaux des

mines de retarder l'évolution de la puberté chez la jeune fille, de faire naître la leucorrhée, de prédisposer à l'ostéomalacie, aux vices du bassin, aux avortements.

Pour ce qui est de la menstruation, tout le monde sait qu'elle survient plus tard à la campagne que dans les villes, plus tard chez les filles pauvres, lymphatiques, mal nourries, que chez celles des classes riches chez lesquelles la vie oisive, une nourriture succulente, une plus grande impressionnabilité du système nerveux, déterminent une évolution plus rapide de tout l'organisme, comme si ces jeunes personnes étaient plus pressées de vivre. Si dans les grandes villes on rencontre quelquefois des filles, à fibre très-nerveuse, qui sont réglées à douze, treize ans, par contre, à la campagne, il y a de très-robustes filles qui, par exception, ne sont pas encore réglées à dix-huit ans. Nous sommes cependant porté à croire que chez un certain nombre de filles la puberté est retardée par le travail dans la fosse la preuve, c'est qu'il suffit de les faire travailler au jour, de leur donner un peu d'huile de morue et de fer, pour que, peu de temps après, se montre le flux menstruel. Ce qui parle encore en faveur de cette opinion, c'est que de jeunes ouvriers de 16 à 17 ans nous ont présenté un état chlorotique manifeste, typique, lié à un retard dans l'évolution de la puberté. Cet état se dévoile aux yeux des parents par un état de langueur générale de l'économie et par l'absence de pollutions nocturnes. Lorsqu'un père vient nous consulter pour un cas semblable, il nous tient invariablement ce langage: « Mon fils ne sait pas devenir jeune homme. Un travail excessif et une alimentation insuffisante sont les deux causes principales de cet état.

D

La leucorrhée est très-fréquente chez les femmes à fibre molle, humide, chez les lymphatiques : ce tempérament

étant le plus répandu, rien d'étonnant que cette affection se rencontre souvent. Il est douteux qu'elle soit plus commune chez les charbonnières que chez les filles des autres classes de la société, le tempérament étant supposé le même.

Quant à l'ostéomalacie, on la voit très-rarement elle parait quelquefois tenir à des influences de localité; ainsi, telle commune est citée pour en avoir présenté quelques cas (cette affection ressemble, sous ce rapport, à la scrofulose), telle autre n'en a jamais offert un seul exemple, ces localités possédant les mêmes industries, des ressources égales. Est-il nécessaire de rappeler qu'on en a vu de nombreux cas dans les Flandres lors de la crise alimentaire de 1847?

Pour ma part, je regarde l'imputation qui a été adressée aux travaux des mines de produire l'ostéomalacie comme purement théorique. Je suis convaincu que cette affection est surtout le résultat de la misère, et j'en vois une preuve dans le premier volume qui vient de paraître de l'excellent Traité d'accouchements de M. le professeur Hubert. Notre éminent collègue rapporte entre autres faits celui qu'un praticien des Flandres, mort jeune, M. Hoebeke, a eu l'occasion de pratiquer seize fois, dont onze fois avec succès, l'opération césarienne pour des cas d'ostéomalacie (p. 253). Comme les salaires sont plus élevés, comme il y a plus de bien-être dans les provinces wallonnes que dans les flamandes, que l'alimentation y est plus animalisée, que nous ne pensons pas que l'accoucheur le plus occupé de nos bassins houillers, puisse offrir une statistique qui approche de celle d'Hoebeke, nous disons il ne suffit pas de dire que l'état de houilleuse prédispose à l'ostéomalacie, c'est là une assertion gratuite qui a besoin de s'appuyer sur une statistique inattaquable, si l'on veut que l'on puisse y attacher de la valeur. Comme

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