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travaillent dans des galeries extrêmement basses et très-exiguës; or, nous connaissons, tous, les influences que les plafonds bas et les galeries étroites exercent sur les hommes. Je vous l'ai dit, si vous voulez avoir une race de nains, prenez des enfants, tenez-les dans des chambres dont le plafond n'est élevé que de 10 à 12 centimètres au-dessus de leurs lètes, et je suis convaicu que vous formerez ainsi une race de lilliputiens.

Messieurs, nier les conditions fâcheuses de l'air des mines aux chantiers où les mineurs et les hiercheuses sont principalement occupés, c'est nier l'évidence. M. Schoenfeld a reproché aux membres de cette Compagnie leur ignorance, leur incompétence en ce qui concerne les travaux des mines. Je ne sais s'il est descendu souvent dans les houillères et s'il a visité les tailles, mais il n'a pas l'air de savoir qu'il y a deux espèces de voies et de galeries au fond des fosses il y a d'abord de vastes, de magnifiques galeries qui sont parcourues par les chevaux et les waggons pour le transport de la houille et qu'on fait voir aux visiteurs étrangers; mais il y a aussi les endroits où travaillent la plupart des ouvriers; il y a ces tailles dont je viens de vous parler. Lorsque vous y avez séjourné une heure ou deux, vous éprouvez un sentiment d'oppression pénible, vous revenez au jour avec plaisir et vous comprenez alors que l'air qu'on respire dans les mines n'est pas précisément l'air des champs.

J'arrive à l'influence de la profession de mineur sur la santé.

M. Schoenfeld nous dit que les houilleurs ne sont pas plus souvent ni autrement malades que les autres ouvriers; il distingue toujours ce qu'il a distingué dans son mémoire; la période actuelle et la période ancienne. M. Fossion et quelques

autres praticiens, plus ou moins compétents en cette matière, se sont fait l'écho de cette étrange opinion.

A la page 28 de mon Traité des maladies des houilleurs, j'ai déjà fait voir les contradictions dans lesquelles M. Schoenfeld est tombé à cet égard, en niant, d'une part, l'influence des mines sur la santé des ouvriers, et en décrivant, de l'autre, certaines maladies qu'il rencontre tous les jours encore, aussi bien dans la période actuelle des mines qu'autrefois.

Je commencerai par faire remarquer que si M. Schoenfeld avait raison, il faudrait supprimer tous les travaux qui ont été publiés sur l'hygiène et sur la pathologie des houilleurs, ils n'auraient pas de raison d'être; ce ne seraient plus que des œuvres de fantaisie.

Je n'ai jamais dit que les houilleurs fussent atteints de maladies exceptionnelles, qu'il y eût des maladies exclusivement propres aux houilleurs. Dans la note que j'ai eu l'honneur de vous lire en 1863, Sur la valeur des crachats noirs et sur les effets du poussier chez les houilleurs, je concluais comme suit:

En deux mots : les crachats noirs révèlent la présence du poussier dans les voies respiratoires, rien de plus. Le poussier est une cause de diverses maladies, les unes bénignes, les autres graves, qui, sous les noms de bronchites noires, de pneumonies noires, de catarrhes et de consomptions pulmonaires noires, peuvent constituer des variétés, mais non des espèces particulières dans les cadres nosologiques. »

Ni dans mon Traité des maladies des houilleurs ni dans la note que je viens de rappeler à vos souvenirs, je n'ai pas dit qu'il y a des maladies spéciales aux houilleurs, mais j'ai dit que la profession de houilleur exerce sur la marche, le déve

loppement, les symptômes, et même sur le traitement d'une foule d'affections une influence dont il faut tenir compte.

Je ne vous citerai pas de chiffres à l'appui de cette opinion. On a présenté des statistiques pour essayer d'éclairer divers points controversés la taille des houilleurs, les naissances illégitimes, mais les statistiques en pathologie sont difficiles à établir; je me bornerai à vous faire quelques remarques dont la justesse sera reconnue et confirmée, je crois, par tous les hommes de bonne foi.

Ainsi, n'est-il pas vrai que nos houilleurs ont un teint à eux, spécial, un teint blème très-caractéristique ? Suivant certaines personnes, cette décoloration serait sans conséquence, elle ne prouverait pas qu'il y a chez ces sujets un élat anémique. Ainsi, dans une lettre qui nous a été adressée, je vois cette affirmation que la décoloration des houilleurs ne prouve pas qu'il y ait chez eux anémie; et cependant, dans le même paragraphe, on ajoute : « Les mêmes causes (le défaut d'insolation) qui produisent le teint blême, expliquent la rareté de la phthisie pulmonaire chez les houilleurs : c'est l'anémie qui préserve les houilleurs de la phthisie pulmonaire. >>

Ainsi, dans le même paragraphe, on vient nous dire que l'anémie chez les houilleurs est extrêmement rare, qu'elle n'existe plus ou presque plus de nos jours, et, plus loin, on affirme que c'est par le fait de l'existence de l'anémie qu'on doit expliquer la rareté des cas de phthisie pulmonaire chez les mineurs.

Je ne m'arrêterai pas à relever toutes les erreurs et les flagrantes contradictions que contient ce malencontreux paragraphe.

Je poursuis. Et je vous demande s'il n'est pas encore vrai

que les houilleurs ont une démarche, une stature et une taille toutes particulières; qu'ils se distinguent entre tous par leur marche lente, leur défaut de vivacité, d'activité musculaire, leurs épaules carrées, trapues, leurs jambes mal conformées? Dans les conseils de milice et dans toutes les circonstances où on les rencontre, aux fêtes et ailleurs, on reconnait les houilleurs et les hiercheuses dans la foule parmi les ouvriers de toute catégorie. Il est donc évident que la profession de mineur exerce une influence profonde non-seulement sur le développement et la marche des maladies, mais aussi sur la constitution, le tempérament et la conformation même des individus.

Une autre remarque qu'on peut faire, el que tout le monde 'est à mème de confirmer, aujourd'hui aussi vraie qu'il y a vingt ans, c'est que les houilleurs, à 40 ans, sont généralement vieux, et qu'à 50 ans, ce sont des vieillards.

J'arrive à ce qui concerne les maladies.

Il est évident que les affections des voies respiratoires, les bronchites chroniques, les pneumonies, les pleurésies, sont moins fréquentes de nos jours qu'à l'époque où les houilleurs montaient aux échelles, mais il n'en est pas moins vrai que les affections pulmonaires, les affections catarrhales des bronches et les lésions du cœur qui leur sont consécutives, doivent être toujours signalées comme maladies dominantes dans la pathologie des houilleurs. Et cela s'explique par la composition et la nature de l'atmosphère qui règne dans les mines où, quoi qu'on fasse, les émanations des chevaux et des hommes, la poussière et les gaz de la roche, les vapeurs des lampes, l'humidité, les variations thermométriques, l'exiguité des tailles, etc., se rencontrent et se rencontreront toujours. Je demandais un jour pourquoi on n'employait pas les chiens

pour hiercher dans les houillères? On me répondit que c'était parce qu'ils sentaient trop mauvais! Il est donc évident que toutes ces émanations corrompent l'atmosphère des mines; et naturellement cette corruption affecte, en premier lieu, les organes de la poitrine.

d'ordre.

-

M. Fossion: Je demande la parole pour une motion

M. Vleminckx : Je fais observer à M. Boëns que c'est du travail des femmes dont nous devons nous occuper.

- M. Boëns : J'arrive aux femmes, qui sont exposées dans les fosses aux mêmes causes de maladies, aux mêmes inconvénients, aux mêmes accidents que les hommes; et, de plus, à des maladies particulières propres à leur sexe.

A la vérité, les femmes ne travaillent pas aussi longtemps que les hommes dans les fosses; elles n'y vieillissent pas; mais elles participent aux maladies qui accablent les ouvriers, par l'hérédité d'abord, ensuite par leurs propres travaux, et surtout par leur descente dans les puits à un àge trop tendre. De là leur teint mat rosé, leur constitution lymphatique; de là aussi la dyspnée, les pubertés tardives, les dysmenorrhées, les leucorrhées, les accouchements pénibles, les déformations du bassin et des jambes, enfin, les déviations utérines consécutives, auxquelles, quoi qu'on dise, les hiercheuses sont particulièrement sujettes.

Sur ce dernier point, nous sommes encore en présence d'assertions contraires les uns disent qu'ils n'ont rien remarqué, les autres affirment que ces maladies et ces accidents sont très-fréquents.

Ici encore, il serait impossible de s'appuyer sur des chiffres; nous n'avons pas, sur ce point, de statistique à invoquer ni d'une part ni de l'autre. Mais on a cherché des arguments

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