qui semblent établir tout le contraire de ce que dit M. Kuborn, on peut élever des doutes sur ses appréciations. L'honorable M. Kuborn doit prouver ses dires et ses affirmations par des recherches qui infirment la statistique officielle. La mortalité, suivant tous les démographes modernes, est la mesure la plus exacte de la salubrité et mème de la moralité des professions. L'honorable M. Kuborn vous a dit avec raison, que les résultats généraux, que je vous ai fait connaître sur la mortalité des localités minières, pouvaient être trompeurs. Eh bien, j'aurai la bonne foi de reconnaitre que M. Kuborn a raison; aussi ne les ai-je donnés que comme constituant une grande probabilité; je vous ai dit à la fin de mon discours, qu'il serait désirable qu'une statistique par profession fût instituée dans notre pays. Ainsi, M. Kuborn, vous voulez des résultats précis; si je vous faisais connaître une statistique par profession, et plus que cela, par âges, vous déclareriez-vous convaincu ? seriezvous alors disposé à en accepter les résultats? Nous verrons bien. Eh bien! cette statistique existe en Angleterre ; sir William Farr a été désigné par Gouvernement pour la diriger; tout le monde connaît l'éminent démographe auquel cette mission a été confiée. Sir W. Faer dirige ce travail, il établit les cadres, fait les rapports. C'est lui qui est le maître de la situation; le Ministre de l'intérieur anglais ne s'occupe pas de ce travail. Eh bien, voici ce que donne la statistique anglaise. Je comparerai d'abord la mortalié des houilleurs à la mortalité générale de l'Angleterre. La mortalité en Angleterre est : A Londres, elle est de 50; à Saint-Gilles, de 52; à Manchester, de 52; à Liverpool, de 53; et à Alsom, de 68. Je vais maintenant comparer les statistiques des professions. Je prendrai un exemple qui vous frappera : c'est la statistique pour les médecins. Nous, qui nous chargeons de sauver les autres, voyons comment nous nous sauvons nousmêmes. De 15 à 25 ans, la mortalité est, pour les mineurs, de 8,24 pour 1000, et pour les médecins, de 8,20. Un membre: Il parait qu'on fait des médecins bien jeunes en Angleterre. - M. Fossion : Il y a des élèves médecins qui meurent aussi, et en Belgique il en meurt beaucoup. De 25 à 35 ans, la mortalité est, pour les mineurs, de 9.96 pour 1000, et, pour les médecins, de 11,62. De 35 à 45 ans, elle est, pour les mineurs, de 12,80 pour 1000, et, pour les médecins, de 13,05. De 45 à 55 ans, elle est, pour les mineurs, de 20,27, et, pour les médecins, de 20,90. De 55 à 65 ans, elle est, pour les mineurs, de 43, et, pour les médecins, de 28. De 65 à 75 ans, la proportion est, pour les mineurs, de 100, et, pour les médecins, de 62. Nécessairement, si les médecins meurent jeunes, il doit en mourir moins dans un âge avancé. Vous croyez peut-être que c'est la profession la plus mal partagée. Détrompez-vous: je vais établir la comparaison entre les mineurs et les aubergistes. Ceux-ci exercent une bonne profession, qui les laisse tranquilles chez eux. M. Vleminckx: Ils boivent trop ! M. Fossion : Voici les résultats que nous donne la statistique. Les aubergistes boivent trop, c'est possible; si je prenais une profession sédentaire, vous répondriez que ceux qui l'exercent ne se donnent pas assez de mouvement, et vous auriez un argument de cette espèce pour presque toutes les professions. Je ferai ici la même observation que plus haut. J'ai aussi la statistique pour les manufacturiers en mélaux, les bouchers, les tailleurs, etc.; les résultats sont à peu près les mèmes. Il en résulte que, d'après la statistique anglaise dirigée par sir William Faer, et aussi bien faite que possible, les mineurs ne meurent pas plus vite que les autres hommes, et cependant vous saurez que le travail des mines en Angleterre n'est guère aussi bien surveillé qu'il l'est en Belgique; ce n'est que depuis un an ou deux qu'on y a des surveillants des mines. Or, ici il y a toute une administration qui a rendu les mines extrêmement salubres. Tout le monde vous dira qu'il n'est pas de pays où les mines sont aussi bien aménagées qu'elles le sont ici. En France, les mines du Pas-de-Calais sont aussi bien aménagées, parce qu'elles sont récentes et sont exploitées avec de grands capitaux. La statistique anglaise ne porte pas sur un grand nombre d'années; mais telle qu'elle est, elle nous fournit déjà des indications précieuses; c'est à l'aide de la statistique par professions et par âges, que la démographie médicale établira ses lois les plus utiles et les plus efficaces. C'est elle qui est appelée à fournir à la médecine politique les éléments qui doivent lui donner la prééminence qu'elle doit acquérir dans l'intérêt de l'humanité. Que nous a fait connaître l'expérience individuelle en fait d'hygiène? Bien peu de chose, et souvent elle nous induit en erreur. Les femmes qui travaillent dans les mines accouchent, suivant nos honorables contradicteurs, avec difficulté ; c'est là une grave erreur, car la plupart des accoucheurs qui ont à soigner les charbonnières disent le contraire; mais, faut-il vous l'avouer, Messieurs, j'ai peu de confiance à cet égard dans les déclarations individuelles. Voici pourquoi : un accoucheur, qui est pressé, qui a beaucoup de malades à visiter, ne veut pas perdre son temps, et il applique le forceps pour terminer de suite. Un autre, plus prudent, attend patiemment les efforts de la nature. Celui-là verra beaucoup de cas de dystocie; celui-ci, au contraire, en verra peu. J'aime beaucoup mieux la manière d'opérer par des chiffres de M. Van Bastelaer; il vous a donné sur ce sujet un des meilleurs travaux qui aient été produits dans cette discussion. L'honorable M. Kuborn vous a produit sur la mortalité un travail dont les bases se sont rencontrées dans les hôpi taux. Est-ce bien sérieusement que M. Kuborn a cru suivre cette voie? Il n'y a possibilité de fonder une bonne statistique que sur les tables de mortalité. Je ne m'appesantirai pas sur le mode d'opérer de notre honorable collègue, vu qu'il trouve en lui-même sa réfutation. L'honorable M. Vleminckx s'est écrié, dans une phrase à effet, que le travail des femmes dans les mines était abominable. Mais alors plus abominable encore est le travail des femmes dans les manufactures, plus abominable est celui des femmes occupées toute une journée à tresser des chapeaux de paille et qui sont atteintes de scrofules et de carreaux, plus abominable est le travail des dentellières, des couturières, qui, dans nos villes, ne gagnent pas un salaire suffisant et qui sont obligées, en raison de cette insuffisance même, de demander des moyens supplémentaires d'existence à des actions immorales et à des sources illicites. Et vous, Monsieur et honoré collègue, vous vous chargez de porter remède à toutes ces abominations! Commencez donc à réformer l'état social de fond en comble, reconstituez les anciennes corporations, banissez la liberté du travail et reportez-nous à l'état de choses qui existait avant 1789. Que l'Académie de médecine, sous prétexte d'hygiène, devienne une bonne fois le Gouvernement du pays. Avouons-le, ce sont là des idées malsaines auxquelles je ne pourrais me rallier. M. Vieminckx : Cela ne serait peut-être pas si mauvais. Je demande la parole. L'honorable M. Fossion vient de me faire le reproche de l'avoir injustement mis en contradiction avec lui-même dans la question qui s'agite devant vous. Vous allez voir, Messieurs, si ce reproche est fondé. |