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droite, tirant vers la ville de Sienne, laquelle fut semblablement laissée à main droite. Là fut laissée nostre artillerie pour gaigner temps, aussi que nos chevaux estoient tous morts ou recrans '. Toutes les villes et provinces estoient esbahyes que nous passions sans leur rien dire; car il n'y en avoit pas une qui ne pensast recevoir quelque escorne. Bref estant nostre armée sans artillerie, elle fit tel devoir tant de jour que de nuit, par pluyes et vents, qu'elle arriva à Viterbe, là où les chevaliers de Rhode faisoient leurs residences, et ne leur fut fait, ny semblablement à la ville, chose quelconque. Le lendemain à dix heures du matin ou environ, le prince d'Orange avec les chevaux legers arriva aux portes de Rome, et premier à Ponte Mol, lequel estoit gardé de gens de pied et de cheval, mesmes toute la rivière gardée jusques à Rome. Là furent faites grosses escarmouches, attendant que nostre camp arrivast, lequel sans empeschement, ny temporiser, fut campé ledit jour ès vignes derriere le Bourg du Saint-Esprit, tout tenant les murailles. Les Romains tenoient la ville, les fauxbourgs et la riviere pour eux, qu'ils garderent bien ce jour-là.

Or il faut entendre que le camp de la ligue mar

1 Morts ou harassés de fatigue; scrans, en patois picard.

2 L'armée de Bourbon ne fut pas aussi inoffensive dans sa marche que le prétend l'auteur : elle attaqua Chiusi, donna deux assauts au château della Pieve, à Saint-Étienne, saccagea Lutiano, Castel Nuovo, Capalona et Castellaccio.

3 Le 5 mai 1527; l'armée entière parut sous les murs de Rome, dans l'après-midi du même jour. Jacq. Buonaparte, p. 197.

4 Premier pont, sur le Tibre, aux approches de Rome, bâti par Emilius Scaurus, nommé de là Emiliano, puis Milvio et enfin par corruption Molle.

choit à grande diligence apres nous, esperans que les Romains tiendroient, et garderoient leurs ville et forts jusques à leur venue pour le moins, et qu'ils auroient bon marché de leurs ennemis : Parquoy fut conclud que le lendemain au point du jour tous gens de pied et de cheval se trouveroient à donner l'assaut audit fauxbourg; ce que fut fait, donnant allarmes de tous costez, montant les murailles avec des eschelles que l'on avoit trouvé par les maisons et palais des vignobles': mais la grande multitude des gens de guerre qui estoient dedans resisterent, et bien combatirent, qui fut cause de la mort du bon duc de Bourbon, avec autres plusieurs sieurs et bons soldats; car comme nos gens furent par plusieurs fois repoussez, le bon seigneur n'eust patience, ains malgré tous ses gens alla à la muraille, print une eschelle, pour des premiers entrer dans ledit Bourg, et estant audessus de la muraille, fut tiré d'un mousquet, dont le boulet' le vint frapper en l'aine, et du coup, tomba de ladite eschelle mort, dont ce fut grand dommage.

corps,

Le prince d'Orange survint qui rencontra le que les gentils-hommes de sa maison remportoient sur une eschelle, couvert d'un manteau. Ce que veu par ledit prince, le dissimula, et comme jeune et vaillant capitaine arriva à la muraille, et donna tel courage à toutes nations, que ceux qui gardoient les murailles, Suisses, Italiens et Romains, et autres, furent repoussez, les bourbonistes, gaignant la mu

1 L'assaut fut donné contre les murailles du Borgo, entre le Janicule et le Vatican.

2 La balle.

raille, là où beaucoup de gens de bien furent mis à mort, et ceux qui se penserent sauver en Rome, furent coupez des Italiens et mis en pieces.

Ayant ainsi gaigné ledit fauxbourg ce n'estoit pas le principal, car il falloit gaigner Rome, où s'estoit retiré le pape dans le chasteau de Saint-Ange, avec plusieurs cardinaux, archevesques, evesques et autres, plusieurs marchands, bancquiers et capitaines, dont le sieur Ransse qui estoit lieutenant du pape en estoit.

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Les affaires se trouvant en tel estat, fut conclud ledit jour d'eslire le prince d'Orange, âgé de 23 ans, pour general, lequel incontinent r'assembla le plus de gens qu'il peut, et les conduit avec Jean d'Vrbin * et autres capitaines, hors dudit bourg Saint-Pierre, tirant vers Ponte Sixte3, afin de gaigner ledit pont pour entrer dedans la ville : ledit pont estoit remparé de tonneaux plains de terre; si avoit de l'artillerie, et plusieurs gens de guerre qui resisterent tant qu'ils peurent mais la fureur dudit prince et de ses soldats fut si grande, qu'environ les quatre heures du soir, l'on leur fit abandonner ledit pont, où ils per

1 Renzo de Ceri de la maison Orsini, s'était acquis une certaine réputation militaire au siége de Crême, mais elle diminuait chaque jour et dans cette circonstance ses talents ne répondirent pas à la confiance du pape Clément VII. Martin du Bellay partageait avec Renzo de Ceri le soin de défendre Rome.

2 Juan d'Orbina, ou Orbina suivant Brantôme. T. 1, p. 89. 5 Ponte Sisto.

4 Les Italiens, aux ordres de Louis de Gonzague, surnommé Rodomont, à cause de sa vaillance et de la terreur qu'il inspirait, franchirent le mur qui traverse la vigne du Janicule, ils en chassèrent les soldats du pape et traversèrent hardiment le Ponte Sisto. Jacq. Buonaparte, 204.

dirent leur artillerie, et beaucoup de leurs gens, si qu'à grande fureur l'on entra dedans Rome : mais bien peu y entrerent cette nuit-là, parce que la plus grande part de nos gens n'en sçeurent rien jusques au matin, que nous estions las et recrans.

Le pape estant dans son chasteau fut bien esbahy quand il vit ses ennemis dedans la ville, et luy et son chasteau incontinent assiegé, de sorte qu'il n'en pouvoit sortir1.

Le camp de la ligue' fut aussi bien estonné, quand il fut adverty que la ville estoit prinse et saccagée; neantmoins il ne laissa de faire tous devoirs pour secourir le pape, et vint proche de Rome; mais incontinent par ordonnance de mondit seigneur prince, les Espagnols allerent camper hors de la ville, tenans de sorte, que rien ne pouvoit entrer ny sortir sans estre prins. Ledit prince estoit logé au palais de Saint-Pierre, lequel estoit jour et nuit avec les Espagnols, leur promettant de vivre et mourir avec eux.

L'armée de la ligue estant advertie du bon ordre que l'on tenoit dedans Rome*, ne s'osa approcher, ny donner secours à Sa Sainteté; ains fut contrainte se

1 Le pape était en prières au Vatican; dès que les cris des vainqueurs lui annoncèrent la prise de la ville, il s'enfuit au château Saint-Ange, où il fut bientôt assiégé par Philippe Serbelloni et l'espagnol Mendanez. F. Guicciardini, t. II, 1. xviii, P. Jove, vita del card. Colonna.

2 L'armée de la ligue se composait de troupes commandées par le duc d'Urbin, le marquis de Saluces et le comte Guido Rangoni. 3 Le prince d'Orange, général en chef de l'armée impériale, depuis la mort du connétable de Bourbon.

* L'auteur parle des dispositions prises par les impériaux pour garder leur conquête, quant à la ville, elle était livrée aux horreurs du plus affreux pillage. Jacq. Buonaparte, 206 et suiv.

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retirer à grande perte et deshonneur'. Ce que voyant le pape, lequel desiroit d'estre mis en liberté, vint à parlementer par aucuns de ses gens, duquel parlement ledit prince fut adverty, estant au disner, par son mareschal des logis, et incontinent sortit de table, courant par belle vedere droit aux tranchées, monté sur une petite haquenée baye, de laquelle il descendit pour passer un huys tenant aux tranchées, aussi pour ce que l'on tiroit force arquebusades du chasteau; car c'estoit un faux parlement, et comme ledit prince courroit du long desdites tranchées, un boulet venant dudit chasteau, luy frappa dessous l'œil, passa au travers de la teste, dont il tomba par terre, neantmoins il fut relevé par plusieurs gentilshommes de sa maison et de celle de monsieur de Bourbon, lesquels l'avoient suivy, et fut r'emporté audit palais.

Et comme ce prince estoit de grand courage, il endura tous les martyres du monde des medecins et chirurgiens nommez maistre George et maistre Eustache, lesquels avoient esté à monsieur de Bourbon. Il fut pensé et soigné en sorte qu'il commença à refaire, et estant adverty que le camp de la ligue s'estoit retiré, fit semblablement retirer tous ses gens de guerre dedans Rome2, là où les quartiers furent faits, et ledit prince logé en un palais au bout de la place Navonne.

En ce temps il y eut grande mutination et que

1 L'armée de la ligue ne fit aucune tentative sérieuse contre les impériaux; elle se retira à Mont-Crosi, le 1er juin. Guicciardini.

2 Le lecteur sera icy advisé que l'Empereur Charles, prince tres-pieux, ayant receu nouvelles de la prinse et saccagement de

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