Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

PARIS,

IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D'ERFUrth, 1.

[blocks in formation]

CHARPENTIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR

28, QUAI DE L'ÉCOLE, 28

1857

ROLLA

I

Regrettez-vous le temps où le ciel sur la terre
Marchait et respirait dans un peuple de dieux?
Où Vénus Astarté, fille de l'onde amère,
Secouait, vierge encor, les larmes de sa mère,
Et fécondait le monde en tordant ses cheveux?
Regrettez-vous le temps où les Nymphes lascives
Ondoyaient au soleil parmi les fleurs des eaux,
Et d'un éclat de rire agaçaient sur les rives
Les Faunes indolents couchés dans les roseaux?
Où les sources tremblaient des baisers de Narcisse? *
Où, du nord au midi, sur la création

Hercule promenait l'éternelle justice

Sous son manteau sanglant, taillé dans un lion?
Où les Sylvains moqueurs, dans l'écorce des chènes,
les rameaux verts se balançaient au vent,

[ocr errors]

Et sifflaient dans l'écho la chanson du passant?
Où tout était divin, jusqu'aux douleurs humaines,
Où le monde adorait ce qu'il tue aujourd'hui,
Où quatre mille dieux n'avaient pas un athée,
Où tout était heureux, excepté Prométhée,
Frère aîné de Satan, qui tomba comme lui?

- Et, quand tout fut changé, le ciel, la terre et l'homme, Quand le berceau du monde en devint le cercueil,

Quand l'ouragan du Nord sur les débris de Rome
De sa sombre avalanche étendit le linceul,

[ocr errors]

Regrettez-vous le temps où d'un siècle barbare
Naquit un siècle d'or, plus fertile et plus beau?
Où le vieil univers fendit avec Lazare

De son front rajeuni la pierre du tombeau?
Regrettez-vous le temps où nos vieilles romances
Ouvraient leurs ailes d'or vers leur monde enchanté?
Où tous nos monuments et toutes nos croyances
Portaient le manteau blanc de leur virginité?
Où, sous la main du Christ, tout venait de renaître?
Où le palais du prince, et la maison du prêtre,
Portant la même croix sur leur front radieux,
Sortaient de la montagne en regardant les cieux?
Où Cologne et Strasbourg, Notre-Dame et Saint Pierre,
S'agenouillant au loin dans leurs robes de pierre,
Sur l'orgue universel des peuples prosternés
Entonnaient l'hosanna des siècles nouveau-nés?
Le temps où se faisait tout ce qu'a dit l'histoire;
Où sur les saints autels les crucifix d'ivoire
Ouvraient des bras sans tache et blancs comme le lait ;
Où la Vie était jeune, — où la Mort espérait?

O Christ! je ne suis pas de ceux que la prière
Dans tes temples muets amène à pas tremblants;
Je ne suis pas de ceux qui vont à ton Calvaire,
En se frappant le cœur, baiser tes pieds sanglants;
Et je reste debout sous tes sacrés portiques,
Quand ton peuple fidèle, autour des noirs arceaux,
Se courbe en murmurant sous le vent des cantiques,
Comme au souffle du nord un peuple de roseaux.
Je ne crois pas, ô Christ! à ta parole sainte :

« VorigeDoorgaan »