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demande des accusés. La situation était difficile, et tout le monde commençait à hésiter. Robespierre affectait de ne pas prononcer son avis. Saint-Just seul, plus opiniâtre et plus hardi, pensait qu'on ne devait pas reculer, qu'il fallait fermer la bouche aux accusés, et les envoyer à la mort. Dans ce moment il venait de recevoir la déposition du prisonnier Laflotte, adressée à la police par le guichetier du Luxembourg. Saint-Just y voit le germe d'une conspiration tramée par les accusés, et le prétexte d'un décret qui terminera la lutte du tribunal avec eux. Le lendemain matin, en effet, il se présente à la Convention, lui dit qu'un grand danger menace la patrie, mais que c'est le dernier, et qu'en le bravant avec courage, elle l'aura bientôt surmonté. « Les accusés, dit-il, » presens au tribunal révolutionnaire, sont en pleine révolte; ils menacent le tribunal; ils poussent l'insolence jusqu'à jeter au nez des juges des boules de mie de pain; ils excitent le peuple, et peuvent même l'égarer. Ce n'est d'ailleurs pas tout; ils ont préparé une conspiration dans les prisons; la femme de Camille a reçu de l'argent pour provoquer une insurrection; le général Dillon doit sortir du Luxembourg, se mettre à la tête de quelques

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» conspirateurs, égorger les deux comités, et »élargir les coupables. A ce récit hypocrite et faux, les complaisans se récrient que c'est horrible, et la Convention vote à l'unanimité le décret proposé par Saint-Just. En vertu de ce décret, le tribunal doit continuer, sans désemparer, le procès de Danton et de ses complices; et il est autorisé à mettre hors des débats les accusés qui manqueraient de respect à la justice, ou qui voudraient provoquer du trouble. Une copie du décret est expédiée sur-lechamp; Vouland et Vadier viennent l'apporter au tribunal, où la troisième séance était commencée, et où l'audace redoublée des accusés jetait Fouquier dans le plus grand embarras.

Le troisième jour en effet les accusés avaient résolu de renouveler leurs sommations. Tous à la fois se lèvent, et pressent Fouquier de faire comparaître les témoins qu'ils ont demandés. Ils exigent plus ils veulent que la Conven: tion nomme une commission pour recevoir les dénonciations qu'ils ont à faire, contre le projet de dictature qui se manifeste chez les comités. Fouquier, embarrassé, ne sait plus quelle réponse leur faire. Dans le moment, un huissier vient l'appeler. Il passe dans la salle voisine, et trouve Amar et Vouland,

quf, tout essoufflés encore, lui disent : « Nous tenons les scélérats; voilà de quoi vous tirer d'embarras; » et ils lui remettent le décret que Saint-Just venait de faire rendre. Fouquier s'en saisit avec joie, rentre à l'audience, demande la parole, et lit le décret affreux. Danton, indigné, se lève alors : « Je prends, dit-il, l'auditoire à témoin que nous n'avons pas insulté le tribunal. » C'est vrai, disent plusieurs voix dans la salle. Le public entier est étonné, indigné même du déni de justice commis envers les accusés. L'émotion est générale ; le tribunal est intimidé. «—Un jour, ajoute Danton, la vérité sera connue... Je vois de grands malheurs fondre sur la France... Voilà la dictature; elle se montre à découvert et sans voile...-Camille, en entendant parler du Luxembourg, de Dillon, de sa femme, s'écrie avec désespoir: « Les scélérats! non contens de m'égorger, moi, ils veulent égorger ma femme! Danton aperçoit dans le fond de la salle et dans le corridor, Amar et Vouland, qui se cachaient pour juger de l'effet du décret il les montre du poing: « Voyez, s'écrie-t-il, ces lâches assassins; ils nous poursuivent, ils ne nous quitteront pas jusqu'à la mort!»Vadier et Vouland, effrayés, dispa-.

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raissent. Le tribunal, pour toute réponse, lève la séance.

Le lendemain était le quatrième jour, et le jury avait la faculté de clôturer les débats, en se déclarant suffisamment instruit. En effet, sans donner aux accusés le temps de se défendre, le jury demande la clôture des débats. Camille entre en fureur, déclare aux jurés qu'ils sont des assassins, et prend le peuple à témoin de cette iniquité. On l'entraîne alors avec ses compagnons d'infortune hors de la salle; il résiste, et on l'emporte de force. Pendant ce temps, Vadier, Vouland parlent vivement aux jurés, qui, du reste, n'avaient pas besoin d'être excités. Le président Hermann et Fouquier les suivent dans leur salle. Hermann a l'audace de leur dire qu'on a intercepté une lettre écrite à l'étranger, qui prouve la complicité de Danton avec la coalition. Trois ou quatre jurés seulement osent appuyer les accusés, mais la majorité l'emporte; le président du jury, le nommé Trinchard, rentre plein d'une joie féroce, et prononce de l'air d'un furieux la condamnation inique.

On ne voulut pas s'exposer à une nouvelle explosion des condamnés, en les faisant remonter de la prison à la salle du tribunal,

pour entendre leur sentence; un greffier descendit la leur lire. Ils le renvoyèrent sans vouloir le laisser achever, et en s'écriant qu'on pouvait les conduire à la mort. Une fois la condamnation prononcée, Danton, qui avait été soulevé d'indignation, redevint calme et fut rendu à tout son mépris pour ses adversaires. Camille bientôt apaisé, versa quelques larmes sur son épouse; et, grâce à son heureuse imprévoyance, n'imagina pas qu'elle fut menacée de la mort, ce qui aurait rendu ses derniers momens insupportables. Hérault fut gai comme à l'ordinaire; tous les accusés furent fermes, et Westerman se montra digne de sa bravoure si célèbre.

Ils furent exécutés le 16 germinal (5 avril). La troupe infâme, payée pour outrager les victimes, suivait les charrettes. Camille, cette vue éprouvant un mouvement d'indignation, voulut parler à la multitude, et il vomit contre le lâche et hypocrite Robespierre les plus véhémentes imprécations. Les misérables envoyés pour l'outrager lui répondirent par des injures. Dans son action violente, il avait déchiré sa chemise et avait les épaules mues. Danton, promenant sur cette troupe un regard calme et plein de mépris, dit à Ca

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