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u'elle apporte dans les relations commeriales. Mais une nouvelle calamité venait de e faire sentir, c'était le défaut de viande. Les nombreux bestiaux que la Vendée enoyait jadis, n'arrivaient plus depuis l'insurrecion. Les départemens du Rhin avaient cessé l'en envoyer aussi, depuis que la guerre s'y tait fixée; il y avait donc une diminution réelle dans la quantité. En outre les bouchers chetant les bestiaux à haut prix, et obligés de les vendre au maximun, cherchaient à échapper à la loi. La bonne viande était réservée pour le riche ou le citoyen aisé qui la payait bien; il s'établissait une foule de marchés clandestins, surtout aux environs de Paris et dans les campagnes; et il ne restait que les rebuts pour le peuple où l'acheteur qui se présentait dans les boutiques, et traitait au maximum. Les bouchers se dédommageaient ainsi par la mauvaise qualité du bas prix auquel ils étaient obligés de vendre. Le peuple se plaignait avec fureur du poids, de la qualité, des réjouissances, et des marchés clandestins établis autour de Paris. Les bestiaux manquant, on avait été réduit à tuer des vaches pleines; le peuple avait dit aussitôt que les bouchers aristocrates voulaient

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détruire l'espèce, et avait demandé la peine de mort contre ceux qui tuaient des vaches et des brebis pleines. Mais ce n'était pas tout: les légumes, les fruits, les œufs, le beurre, le poisson n'arrivaient plus dans les marchés; un chou coûtait jusqu'à vingt sous. On devançait les charrettes sur les routes, on les entourait, et on achetait à tout prix leur chargement. Peu d'entre elles arrivaient à Paris où le peuple les attendait en vain. Pour chaque chose à faire, il se trouve bientôt des gens qui s'en chargent: il s'agissait de courir les campagnes pour avoir de la viande, de devancer sur la route les fermiers apportant des légumes; une foule d'hommes et de femmes s'étaient chargés de ce soin, et achetaient les denrées pour le compte des gens aisés, en les payant au-dessus du maximum. Y avait-il un marché mieux approvisionné que d'autres, ces espèces d'entremetteurs y couraient, et enlevaient les denrées à un prix supérieur à la taxe. Il y avait dans le peuple un grand déchaînement contre ceux qui faisaient ce métier; on disait qu'il se trouvait dans le nombre beaucoup de malheureuses filles publiques, que les réquisitoires de Chaumette avaient privées de leur déplorable industrie,

et qui, pour vivre, faisaient ce nouveau métier.

Pour parer à tous ces inconvéniens, la commune avait arrêté, sur les pétitions réitérées des sections, que les bouchers ne pourraient plus devancer les bestiaux et aller au-delà des marchés ordinaires ; qu'ils ne pourraient tuer que dans les abattoirs autorisés ; que la viande ne pourrait être achetée que dans les étaux; qu'il ne serait plus permis d'aller sur les routes au-devant des fermiers; que ceux qui arriveraient seraient dirigés par la police et distribués également entre les différens marchés ; qu'on ne pourrait pas aller faire la queue à la porte des bouchers avant six heures, car il arrivait souvent qu'on se levait à trois.

Ces règlemens multipliés ne pouvaient épargner au peuple les maux qu'il endurait; les ultra-révolutionnaires se torturaient l'esprit pour imaginer des moyens. Une dernière idée leur était venue, c'est que les jardins de luxe dont abondaient les faubourgs de Paris, et surtout le faubourg Saint-Germain, pourraient être mis en culture. Aussitôt la commune qui ne leur refusait rien, avait ordonné le recensement de ces jardins, et il avait été décidé que

le recensement fait, on y cultiverait des pommes de terre et des plantes potagères. En outre ils avaient supposé que les légumes, le laitage, la volaille n'arrivant plus à la ville, la cause en devait être imputée aux aristocrates retirés dans leurs maisons autour de Paris. En effet beaucoup de gens effrayés s'étaient cachés dans leurs maisons de campagne. Des sections vinrent proposer à la commune de rendre un arrêté ou de demander une loi pour les faire rentrer. Cependant Chaumette, sentant que ce serait une violation trop odieuse de la liberté individuelle, se contenta de prononcer un discours menaçant contre les aristocrates retirés autour de Paris. Il leur adressa seulement l'invitation de rentrer en ville, et fit donner aux municipalités de village l'avis de les surveiller.

Cependant l'impatience du mal était au comble. Le désordre augmentait dans les marchés; à chaque instant il s'y élevait des tumultes; on faisait la queue à la porte des bouchers, et malgré la défense d'y aller avant une certaine heure, on mettait le même empres sement à se devancer. On avait transporté la un usage qui avait pris naissance à la porte des boulangers, c'était d'attacher une corde

à la porte de la boutique ; chacun ý tenait la main, de manière à pouvoir garder son rang. Mais il arrivait ici comme à la porte des boulangers, que des malveillans ou des gens mal placés coupaient la corde; alors les rangs se confondaient, le désordre s'introduisait dans la foule qui était en attente, et on était prêt à en venir aux mains.

On ne savait plus désormais à qui s'en prendre. On ne pouvait pas, comme avant le 31 mai, se plaindre que la Convention refusât une loi de maximum, objet de toutes les espérances, car elle accordait tout. Dans l'impuissance d'imaginer quelque chose, on ne lui demandait plus rien. Cependant il fallait se plaindre; les épauletiers, les commis de Bouchotte, les cordeliers disaient que la cause de la disette était dans la faction modérée de la Convention; que Camille Desmoulins, Philipeaux, Bourdon de l'Oise et leurs amis étaient les auteurs des maux qu'on essuyait; qu'on ne pouvait plus exister de la sorte, qu'il fallait recourir à des moyens extraordinaires; et ils ajoutaient le vieux propos de toutes les insurrections: Il faut un chef. Alors ils se disaient mystérieusement à l'oreille : Pache sera fait grand juge.

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