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eux régner sur des brutes que sur des hommes?

La dîme de ce village, passa dans le quatorzième siècle, de l'abbaye de Marchiennes au chapitre de Saint-Pierre à Douai. Depuis l'établissement de la féodalité, les habitans de Waziers étaient restés hotes, c'est-à-dire serfs de leurs seigneurs; dans ce même siècle, Nicolas Chevalier, seigneur de Waziers, leur donna une loi et un échevinage.

Au voisinage de Waziers, était un fief nommé la Rosière, appartenant à Michel de Waziers, auquel Marguerite, comtesse de Flandres et de Hainaut, avait accordé par des lettres, de l'an 1: 1268, le sang, le wan et le lairon (1), retenant à elle la haute justice.

Michel habitait un petit castel, élevé sur son fief de la Rosière; pour toute famille, il avait une fille de dix-huit ans, nommée Jolende, fort belle, fort agréable, fort recherchée par la noblesse du pays. C'était à l'époque, où l'empereur Henri V vint, sur la demande du comte Bauduin, assiéger dans Douai Robert de Jérusalem, comte de Flandres, pour le contraindre à remettre cette place à Bauduin, qui, par faiblesse, l'avait livrée à son cousin. Les troupes de l'empereur étaient logées dans les environs de Douai;

[1] Moyenne justice droit de publier

les bancs et de recueillir les amendes ; et justice entière sur le lairon flagrant [voleur].

elles occupaient Waziers. Un chevalier de la Souabe, jeune et vaillant, avait, avec les lances qui l'accompagnaient, reçu l'hospitalité dans le château de Michel de Waziers. Il s'éprit éperduement d'amour pour Jolende, et chercha par ses gestes, ses regards et ses attentions, à lui faire connaître son amour, ne pouvant le lui faire comprendre dans son tudesque langage. Jolende n'avait pas été insensible à la passion du beau chevalier; mais, Michel de Waziers, qui s'en était apperçu, en était fort courroucé. Ne pouvant mettre le jeune allemand hors de chez lui, il avait pris le parti de surveiller avec attention les deux amans, et il cherchait tous les moyens d'empêcher qu'ils ne se trouvassent ensemble: leur passion s'en était accrue. Cependant, Robert de Jérusalem avait su gagner l'amitié des Douaisiens; ils défendirent la place vaillamment, et soutinrent trois assauts successifs, après lesquels l'empereur se vit contraint de lever le siège, et de reprendre avec son armée, la route de ses états. Le jeune allemand dût quitter le castel de Michel de Waziers; mais avant de partir, il avait été assez heureux pour faire comprendre à Jolende, que bientôt il reviendrait : qu'il tenterait de l'enlever, et que s'il réussissait, il l'emmènerait en Souabe, où il l'épouserait.

Au moyen de l'or qu'il avait largement distribué, le chevalier se présenta huit jours plus tard, à minuit, à la poterne de la Ro

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sière elle lui fut ouverte. Il pénétra sans crainte dans le castel; mais, son secret avait été trahi. Comme il cherchait à gagner l'aîle du bâtiment qu'occupait Jolende avec ses femmes, il fut saisi, garroté et entraîné dans la salle, où Michel rendait justice. Là, le bailli du justicier l'accusa d'avoir pénétré, comme lairon et malfaiteur, dans le castel de la Rosière, à mauvais dessein. Michel, avide de vengeance, le condamna de ce fait à la pendaison; et le lendemain, comme Jolende, inquiète de ne plus entendre parler de lui, allait à Douai, pour s'enquérir de la direction qu'avaient prises les troupes de l'empereur, elle apercut son corps pendant au Gibet (2). Cet horrible spectacle la frappa à ce point, qu'elle en perdit la raison, et qu'elle ne la recouvra jamais.

La terre de Waziers appartint à la maison de Wavrin dans la suite, et passa après à celle de la

Tramerie,

D.

PHILIPPE GAULTIER.- Philippus Gaulterus de Insulis, né å Lille en Flandre, dans le 12 siècle, passa une partie de sa jeunesse à Châtillon; ce qui l'a fait nommer aussi Gualterus de Castellione, ou Castellionensis, pour le distinguer d'autres Gaultier ses contemporains, et surtout d'un Gualterus de Insulis, évêque de Maguelone, qui le précéda de près

[2] Le Gibet etait élevé sur la route de Douai à Lille, au cabaret encore nommé aujourd'hui le Gibel.

d'un siècle : cela n'a pas empèché que dans la suite on ne les ait souvent confondus. Quelques auteurs parlent d'un voyage à Rome, par notre Philippe Gaulthier, qui, de retour en Flandre, fut fait chanoine, et ensuite prévôt de la cathédrale de Tournai. On croit qu'il mourut en cette ville en 1201. Ce qui a transmis son nom à la postérité, est un poëme héroïque latin en dix livres, en vers hexamètres, intitulé Alexandreis, sive Gesta Alexandri magni, qui parut vers 1180. Cette Alexandreïde eut tant de vogue que dans le siècle suivant, lorsque Henri de Gand écrivait son traité des hommes illustres, on la substituait aux poèmes des anciens dans les écoles de la Belgique. On voit en effet, dans plusieurs manuscrits de cet ouvrage, des indices qui confirment cette remarque de Henri de Gand.

Il n'en faudrait pas conclure que l'Alexandréide eut quelque droit d'entrer en parallèle avec l'Enéide. Gaultier n'a rien de comparable à Virgile. On pourrait, sous quelques rapports, l'assimiler à Lucain. Il marche comme lui sur les pas de l'histoire, et Quinte-Curce est son fidèle guide. On trouve chez l'un et chez l'autre poète, de grands sentimens, des peintures énergiques et de l'enflure. Gaultier n'est point dépourvu d'imagination ni de verve. Il a quelquefois de beaux détails, des expressions heureuses et même des vers qui sont devenus proverbes, tels que ceux-ci par exemple :

lucidis in scyllam cupiens vitare Charybdin,

ons sur leurs trétaux ambulans.

Instabile est regnum quod non clementia Malgré tous ces défauts on peut

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Telle est encore l'affectation de mettre à la tête du premier mot de chaque livre une des lettres qui forment le nom de Guillermus, à qui l'Alexandreïde est dédiée. Ce Guillaume avait été évêque de Tournai et ensuite archevêque de Sens et de Reims. Parmi ces goûts bizarres du tems, on distingue encore celui d'introduire partout la religion. Aussi le chanoine Gaultier n'a-t-il pas manqué d'amalgamer, et quelquefois assez adroitement, des idées théologiques et des histoires de la Bible avec l'histoire d'Alexandre. On est fort étonné aujourd'hui de rencontrer là nos mystères; mais cela est moins é trange que de les voir, vers le même tems, représentés avec une vogue étonnante par des histri

regarder ce poème et la Philippide de Guillaume le Breton, qui parut environ 60 ans après, comme deux phénomènes assez brillans au milieu des épaisses ténèbres qui couvrirent l'Europe depuis

la décadence de l'Empire Rolettres en Italie. On a de Philippe main jusqu'à la renaissance des Gaultier: I Alexandrei dos lib. X. La première édition, dont le titre est Gesta Alexandri magni, est demi-Gothique, in-4° sans indication de lieu ni d'année. Les autres sont de Strasbourg, 1513, in-4°; Ingolstadt, 1541, in-8°; Rob. Granjon, 1558, in-4°; Ulm, 1559, in-12; St.-Gall, 1659 et 1693, in-12: ces dernières sont les meilleures. II. Libelli tres contra Judæos, in dialogi formam conscripti, Leyde, 1692, in-12; dans le recueil intitulé: Veterum aliquot Galliæ et Belgii scriptorum opuscula sacra. III. De SS. Trinitate tractatus, publié en 1721

par

Bernard Pez, tom. 2, Anecdot., part. 2. Quant au recueil de poésies latines qu'on voit en manuscrit à la bibliothèque du roi à Paris, no 3245, sous le nom de Gualteri de Insula, contenant des pièces satiriques sur les déréglemens du clergé, il parait constant Gaultier de Lille, mais d'un aulque ces poésies ne sont pas de tre Gaultier, surnommé Mapes ou Mapaus, archidiacre d'Oxford, et chapelain de Henri II, roi d'An- ́ gleterre, vers l'an 1210.

DECROIX.

XVIII.

LES HOMMES ET LES CHOSES.

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Les officiers de la marine, à présent, ressemblent à tous les gens bien élevés; ils ont de bon

nes manières et méritent l'accueil

qu'on leur fait partout où on les reçoit et où l'on sait les estimer. Quant à Jean Bart, il n'était point ce qu'on s'est amusé à le faire. Assurément, ce n'était point un homme du monde, un homme de cour, un de ces élégans qui montraient à Versailles au petit lever de Louis XIV, leurs riches broderies, leurs dentelles précieuses, leurs longues plumes et comme a dit Molière :

Le mérite éclatant de leur perruque blonde.

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Il n'avait pas eu à perdre tout le tems qu'il fallait aux gentilshommes pour apprendre les grands riens de l'étiquette, l'important vocabulaire de la courtisannerie; dès son enfance il avait couru la mer, et ce n'était ni dans la barque de pêcheur où son père l'avait amarine de bonne heure, ni à bord des navires du commerce hollandais, qui furent sa première école d'application, qu'il avait pu se familiariser aux belles maniè res et au beau langage. Certes, il devait mal parler Vaugelas; il n'aurait rien entendu à Ninon coquetant; il aurait peu apprécié M. de Benserade; mais tout ce

qui était vraiment grand et noble, il le comprenait à merveille. entre mille autres que je pourEn veut-on une preuve? La voici,

rais choisir.

Jean Bart était capitaine de vaisseau et s'était déjà couvert de gloire dans vingt occasions, dont une seule aurait suffi pour l'illustration d'un officier de marine; il alla à Versailles, où le roi le reçut avec une grande distinction, mais lui parla de son embarquement de 1695, qui n'avait pas eu tous les résultats qu'on en espérait. Ce n'était pas un reproche que Louis XIV prétendait adresser au commandant de la division de 1694 qui avait sauvé le convoi des grains en battant l'amiral Hidde : une telle pensée n'était pas venue au roi! Jean Bart n'entendit pas froidement cette appréciation juste d'un fait sur lequel il n'avait pu avoir aucune influence; il n'en té

moigna rien au souverain, mais it partit pour Dunkerque, et quand il y fut arrivé, il demanda à aller troubler la pêche des Hollandais, quoiqu'il sût bien qu'une forte escadre anglaise bloquait son port, et que les anglais avaient armé aussi contre lui. Il sortit, fit une croisière, et quand il rentra en octobre 1696, il écrivit une simple note au comte de Toulouse, amiral de France. J'ai l'écrit autographe sous les yeux, et je le transcris fidèlement. (Il n'a jamais été imprimé ).

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« Le Roy ayant dit au chevalier Bart, lorsqu'il a eu l'honneur de salüer Sa Majesté, qu'il n'avait heureux cette esté aussy pas campagne que les précédentes, il vous supplie très-humblement, Monseigneur, de vouloir bien informer Sa Majesté :

>> Qu'estant sorty de la rade de Dunkerque le 17 mai, la nuit, il fut obligé de traverser, le boutefeu à la main, vingt-deux vaisseaux de guerre anglois qui estoient mouillez hors des banes pour lui boucher le passage.

»Ensuite, après un mois de croisière, fit rencontre d'une flotte hollandoise, escortée par cinq vaisseaux de guerre, qu'il attaqua, et s'en rendit maistre; brusla trente vaisseaux marchands, dont le moindre était de cinq ou six cents tonneaux, nonobstant une ́escadre hollandoise de treize gros vaisseaux de guerre, et deux bruslots qui estoient à trois lieues au vent de luy, quant il com

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mença le combat, et qui se trouvèrent à deux portées de canon quand il fut finy, ce qui l'obligea à mettre le feu à quatre desdits vaisseaux de guerre, après

avoir mis onze ou doaze cents Hollandois dans une frégate de vingt-six pièces de canon qu'il renvoya. Il a de plus, avec une si petite escadre, empesché, cette campagne, la pesche du hareng, de quatre ou cinq cents bastimens. que les Hollandois ont coutume de faire, n'en ayant envoyé cette année que trente ou quarante.

» Après quoy leur flotte destinée pour Moscovie a 'relasché à Norvège, quoyqu'escortée de huit vaisseaux de guerre, parce qu'ils avoient appris que le chevalier Bart croisoit si fort au nord, qu'ils n'en sont sortis que pour rétourner en Hollande, sans avoir achevé leur voyage, après qu'ils l'ont sceu arrivé à Dunkerque. Et leur grande flotte qui avait cou

tume tous les ans de faire trois ou quatre voyages dans la mer Baltique, en Norvège, n'en a fait qu'un celle-cy, et cela avec une très-grande escorte.

>>>En sorte que la petite escadre de Sa Majesté, qu'il avait l'honneur de commander, a obligé les ennemis pendant cinq mois d'entretenir cinquante-deux vaisseaux, divisés en trois escadres, l'une commandée par le contre-admiral bleu d'Angleterre, nommé Bemboo, l'autre par Mingder, et la troisième par Wanzel.

>> Enfin obligé de relascher à la

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