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vie de l'infortuné qu'ils auront fait mourir de douleur, cette vie impartiale et fidèle qu'ils préparent depuis long-temps avec tant de secret et de soin; avant que d'ajouter foi à leur dire et à leurs preuves, vous rechercherez, je m'assure, la source de tant de zéle, le motif de tant de peines, la conduite sur-tout qu'ils eurent envers moi de mon vivant. Ces recherches bien faites, je consens, je le déclare, puisque vous voulez me juger sans m'entendre, que vous jugiez entre eux et moi sur leur propre production.

III.

MÉMOIRE

Écrit au mois de février 1777, et depuis lors remis ou montré à diverses personnes 1.

Ma femme est malade depuis long-temps, et le progrès de son mal, qui la met hors d'état de soigner son petit ménage, lui rend les soins d'autrui nécessaires à elle-même quand elle est forcée à garder son lit. Je l'ai jusqu'ici gardée et soignée dans toutes ses maladies; la vieillesse ne me permet plus le même service : d'ailleurs le ménage, tout petit qu'il est, ne se fait pas tout seul; il faut se pourvoir au-dehors des choses nécessaires à la subsistance, et les préparer; il faut maintenir la propreté dans la maison. Ne pouvant remplir seul tous ces soins, j'ai été forcé, pour y pourvoir, d'essayer de donner une servante à ma femme. Dix mois d'expérience m'ont fait sentir l'insuffisance et les inconvénients inévitables et intoléra

I

Entre autres dans le mois de juin 1778 au chevalier de Flamanville, qui à son retour d'Ermenonville fit voir ce Mémoire à M. Corancez.

'Mon inconcevable situation, dont personne n'a l'idée, pas même ceux qui m'y ont réduit, me force d'entrer dans ces détails.

bles de cette ressource dans une position pareille à la nôtre. Réduits à vivre absolument seuls, et néanmoins hors d'état de nous passer du service d'autrui, il ne nous reste, dans les infirmités et l'abandon, qu'un seul moyen de soutenir nos vieux jours, c'est de prier ceux qui disposent de nos destinées de vouloir bien disposer aussi de nos personnes, et nous ouvrir quelque asile où nous puissions subsister à nos frais, mais exempts d'un travail qui désormais passe nos forces; et de détails et de soins dont nous ne sommes plus capables.

Du reste, de quelque façon qu'on me traite, qu'on me tienne en clôture formelle, ou en apparente liberté, dans un hôpital, ou dans un désert, avec des gens doux ou durs, faux ou francs (si de ceux-ci il en est encore), je consens à tout, pourvu qu'on rende à ma femme les soins que son état exige, et qu'on me donne le couvert, le vêtement le plus simple, et la nourriture la plus sobre jusqu'à la fin de mes jours, sans que je ne sois plus obligé de me mêler de rien. Nous donnerons pour cela ce que nous pouvons avoir d'argent, d'effets et de rentes; et j'ai lieu d'espérer que cela pourra suffire dans des provinces où les denrées sont à bon marché, et dans des maisons destinées à cet usage, où les ressources de l'économie sont connues et pratiquées, sur-tout en me soumettant,

comme je fais de bon cœur, à un régime proportionné à mes moyens.

Je crois ne rien demander en ceci qui, dans une aussi triste situation que la mienne, s'il en peut être, se refuse parmi les humains; et je suis même bien sûr que cet arrangement, loin d'être onéreux à ceux qui disposent de mon sort, leur vaudroit des épargnes considérables et de soucis et d'argent. Cependant l'expérience que j'ai du système qu'on suit à mon égard me fait douter que cette faveur me soit accordée: mais je me dois de la demander; et, si elle m'est refusée, j'en supporterai plus patiemment dans ma vieillesse les angoisses de ma situation en me rendant le témoignage d'avoir fait ce qui dépendoit de moi les adoucir.

pour

IV.

FRAGMENT

Trouvé parmi les papiers de Jean-Jacques Rousseau.

Quiconque, sans urgente nécessité, sans affaires indispensables, recherche, et même jusqu'à l'importunité, un homme dont il pense mal, sans vouloir s'éclaircir avec lui de la justice ou de l'injustice du jugement qu'il en porte, soit qu'il se trompe ou non dans ce jugement, est lui-même un homme dont il faut mal penser.

Cajoler un homme présent et le diffamer absent est certainement la duplicité d'un traître et vraisemblablement la manoeuvre d'un imposteur.

Dire en se cachant d'un homme pour le diffamer, que c'est par ménagement pour lui qu'on ne veut pas le confondre, c'est faire un mensonge non moins inepte que lâche. La diffamation étant le pire des maux civils et celui dont les effets sont les plus terribles, s'il étoit vrai qu'on voulût ménager cet homme, on le confondroit, on le menaceroit peut-être de le diffamer, mais on n'en feroit rien. On lui reprocheroit son crime en particulier en le cachant à tout le monde; mais le dire à tout le monde en le cachant à lui seul, et feindre

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