Supérieur à Washington comme général et législateur, il ne manquait à la gloire de Bonaparte que de l'égaler comme philosophe; mais l'amour du pouvoir contracté dans les camps, allumant en lui une soif inextinguible de puissance, lui fit abuser bientôt de celle qu'il aurait dû consacrer au bonheur de la France et au repos du monde. Le consulat à vie, quoique moins dangereux qu'une autorité passagère, n'offrait point encore l'ordre et la stabilité d'un gouvernement héréditaire. Bonaparte et le petit nombre d'hommes d'État dont il s'était entouré, bien pénétrés de ces vérités, ne se dissimulaient point les vices de la constitution de l'an viii. Le moyen le plus simple d'y porter remède et de mettre un terme aux divisions intestines, semblait être de rappeler la maison de Bourbon, dont l'éloignement laissait toujours un germe de déchirements, qui favorisait les projets des ambitieux et des mécontents de l'intérieur, ainsi que les sourdes menées des puissances intéressées à affaiblir la France. Mais autant le retour de ces princes était désirable, autant les plus sages redoutaient le cortége avec lequel ils devaient rentrer. On craignait que leur rappel n'entraînât le triomphe des royalistes exclusifs, qui avaient tant de haines à venger, d'intérêts à satisfaire et de priviléges à ressaisir. Un million de Français, compromis par la révolution, repoussaient encore à cette époque une restauration dont ils n'entrevoyaient que les suites fâcheuses pour eux-mêmes, sans apprécier le bien qu'elle pourrait opérer dans l'avenir : les plus hardis n'auraient osé la proposer; et le sang du duc d'Enghien, tout récemment versé par l'esprit de parti en délire, semblait encore élever une digue insurmontable au retour de l'ancienne dynas tie que les hommes de la révolution regardaient comme un torrent destructeur. Bonaparte trop ambitieux pour se contenter du rôle de Monck, profita de cet état de choses pour se saisir de la couronne. Il releva le trône de Charlemagne, et ceignit son front du bandeau impérial. Il chargea bientôt sa tête de la couroune des rois Lombards, et ses empiétements, non moins contraires aux stipulations de Lunéville que l'occupation du royaume de Naples et de la Hollande, renouèrent entre la Russie, l'Angleterre, l'Autriche et la Prusse, les coalitions de 1805 et 1806, dont le résultat fut de reculer les bornes de la puissance française jusqu'au Niémen, de provoquer la fatale guerre d'Espagne et les efforts inouïs de l'Autriche en 1809. Durant dix ans, l'heureux conquérant promena ses aigles victorieuses des bords du Tage jusqu'à ceux du Niémen et au fond de la Panonie; les lauriers dont il couvrit ses couronnes, auraient fait oublier leur usurpation, si un profond mépris des hommes et une ambition démesurée ne l'avaient entraîné au delà de toutes les bornes. Le vaste et imposant tableau de cette période, moins pénible à tracer peut-être que celui que nous venons d'esquisser, exige un genre de talent que nous ne nous flattons point de posséder. Tout y est grandiose, les combinaisons comme les résultats, et pour les présenter d'une manière convenable, il faut un pinceau vigoureux et exercé. Si le nôtre n'a pas toujours été à la hauteur de la tâche que nous avons entreprise, nous nous flattons du moins que l'impartialité et la justesse des principaux points de vue militaires et politiques y auront suppléé. Heureux si pour prix de nos travaux nous sommes parvenus à inculquer aux jeunes officiers les principes généraux de l'art de la guerre, développés dans notre Traité des grandes Opé rations! FIN DU TOME QUATRIÈME ET DERNIER. TABLE DES MATIÈRES CONTENUE DANS LE TOME QUATRIÈME. CHAP. LXXXIX. État général des affaires.- Révolution du 30 prairial. — Nouveau plan de campagne du Directoire; il en- voie Joubert prendre le commandement de l'armée d'Italie, et confie à Champion- net celui de l'armée des Alpes. - Situa- tion des armées alliées à l'arrivée de ces généraux. Causes de la stagnation de Su- warow. Préparatifs de Joubert pour se- courir Mantoue. - Siége et prise de cette place et de la citadelle d'Alexandrie, page CHAP. XC. Stagnation en Suisse dans la po- sition de l'Albis. Situation déplorable de ce pays. Mission de Glayre à Paris, et représentations du directoire helvéti- que. Lecourbe reprend les petits can- tons, le Grimsel et le Saint-Gothard. Thurreau s'empare du Simplon. L'ar chiduc, encouragé par l'arrivée du corps russe de Korsakof, projette de passer l'Aar, la Limmat et la Reuss, au-dessous de leurs confluents. Cette manœuvre habile échoue des fautes d'exécution. - Le - Suwarow, renforcé par Kray, marche au- 21 CHAP. XCI. Le général Joubert, ignorant en- - royaume de Naples, depuis le départ de -- - 33 46 cette position. Combats de Bergen et de Kastricum.-Retraite des Anglo-Russes dans le Zyp. Convention de rembarque ment. CHAP. XCIV. Plan des alliés, qui occasionne la marche de l'archiduc sur le bas Rhin, et de celle de Suwarow en Suisse.- Délivrance de Philipsbourg. Combat de Manheim.-Bataille de Zurich; les coali sés sont repoussés au-delà du Rhin. Marche hardie de Suwarow par le SaintGothard et le Muttenthal; Masséna se se porte contre lui.- Retraite de Russes. - Evacuation de la Suisse les alliés. par -Emprunt forcé de Masséna. - Opposi tion du gouvernemeut hélvétique . . . CHAP. XCV. Expédition des Turcs sur l'Egypte.-Défaite d'Aboukir.-Opérations en Albanie. Blocus de Malte. Retour de Bonaparte en France. CHAP. XCVI. Championnet prend le commandement de l'armée d'Italie, et s'obstine à vouloir pénétrer en Piémont, par tous les débouchés des Alpes et de l'Apennin. Combats sans résultats autour de 98 Fin de 114 Constitution de l'an viu. Bonaparte est nommé premier consul. 120 PIECES JUSTIFICATIVES. N° 1. Rapport fait au ministre de la guerre page 150 161 CHAP. C. Masséna, successeur de Championnet à l'armée d'Italie, est attaqué sur l'Apennin, et rejeté dans Gênes, où il est bloqué; son aile gauche, commandée par Suchet, se retire sur le Var. Blocus et bombardement de Gênes par les Autrichiens et les Anglais. Une armée de réserve est rassemblée à Dijon. CHAP. CI. Moreau passe le Rhin à Brisach et à Bâle, puis se dirige sur la Wutach. Lecourbe franchit le fleuve vers Diesenhofen, et tourne la gauche des Autrichiens vers Stockach. Batailles d'Engen et de Moeskirch. - Affaires de Biberach et de Memmingen. Détachement sous Moncey, pour renforcer l'armée de réserve. -Kray, après plusieurs contre-marches, cherche un abri sous le canon d'Ulm. . . 180 CHAP. CII. Formation de l'armée de réserve - - - Su- Passage du Saint-Bernard. Le fort de Bard faillit faire échouer cette entreprise. -Lannes emporte Ivrée.-Mélas,trompé, prend des mesures insuffisantes et tardi- ves. - Passage de la Chiusella. - Bona- parte franchit le Tésin, entre à Milan, et pousse jusqu'à Brescia et Crémone. Moncey, détaché avec 15,000 hommes de l'armée du Rhin, franchit le Saint-Go- thard, et descend le Tésin. - L'armée de réserve passe le Pô vers Belgiojoso, Plai- sance et Crémone. Masséna, pressé par la famine, remet Gênes aux alliés. chet reprend l'offensive, et pousse Elsnitz dans un désordre affreux sur le Tanaro. -Ott, après la prise de Gênes, se dirige sur Plaisance; il est battu à Casteggio. - Mélas rassemble son armée sous Alexan- drie-Bonaparte est surpris dans les plai- nes de Marengo. Bataille mémorable qui en résulte. - Convention d'Alexan- drie, qui remet toute la Lombardie, le Piémont et la Ligurie aux Français. . . 199 CHAP. CIII. Opérations des armées autour d'Ulm, où Kray s'est rallié. Moreau s'étend par sa droite, et les Autrichiens attaquent inutilement l'aile opposée vers Erbach. Le général français revient à gauche, et fait mine d'attaquer le camp retranché des Autrichiens. La bonne contenance de Kray le décide à porter Lecourbe sur Augsbourg, et à manœuvrer contre la route de Donawerth. Kray attaque encore inutilement la gauche; Ri- chepanse et Ney le repoussent à Guten- zell et Kirchberg.-Moreau reprend son |