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de mes intentions, afin que vous ne puissiez point vous éloigner, je suis bien aise de vous répéter; qu'il est vrai que le principal motif, ou, pour mieux dire, le seul et unique, qui m'oblige de vous faire remettre avec tant de diligence une somme aussi considérable qu'est celle de deux millions, pour en secourir le Roi d'Angleterre dans ses plus pressants besoins, c'est le zèle que j'ai pour l'augmentation de notre religion, secondé de mon estime et de mon affection pour le dit Roi; il doit être aussi d'autant plus persuadé de cette vérité, que je ne stipule aucunes conditions de lui, et que l'intention que j'ai de maintenir la paix dans toute l'Europe ne me laisse pas lieu de croire, que j'y puisse trouver assez d'obstacles pour avoir besoin d'aucune assistance étrangère; j'ai assez bonne opinion aussi de la fermeté du Roi d'Angleterre dans la profession qu'il fait de la religion Catholique, pour être bien persuadé qu'il employera toute son autorité à en établir le libre éxercice, sans qu'il soit nécessaire de l'y exciter par une distribution d'argent prématurée, et qui ne doit pas être employé si le Parlement lui accorde le même revenu dont jouissoit le feu Roi d'Angleterre, et consent aussi à l'établissement du libre exercice de notre religion; aussi mon intention est que vous continuiez les payements de tout ce qui reste dû des subsides promis au feu Roi, qui monte, suivant le dernier compte que vous m'avez envoyé, à 470 mille livres, ensorte que de la remise qui vous à été faite par mes ordres le 15 Fevrier dernier de la somme de 500 mille livres il ne vous en restera, après les payements faits, que celle de trente mille livres, lesquels joints à toutes les remises qui vous ont été, ou seront faites encore, feront la somme de quinze cens trente mille livres ; et je veux que vous gardiez ce fonds, pour n'en disposer qu'en cas que le Roi d'Angleterre ne pouvant pas obtenir de son Parlement la continuation des mêmes revenus qu'avoit le feu Roi son frère, ou rencontrant trop d'obstacles à l'établissement de la religion Catholique, se trouve obligé de le séparer, et d'employer son autorité et ses forces pour reduire ses sujets à la raison; je consens, en ce cas, que vous l'assistiez pour lors de toute la somme de quinze cens trente mille livres, soit en un ou plusieurs payements, ainsi que vous le jugerez à propos, et que vous m'en donniez avis dans le même tems, par un courier exprès. Je m'assure que le Roi et ses ministres seront satisfaits des ordres que je vous donne,

au moins n'auront-ils pas raison de se plaindre, que je ne veuille assister qu'en cas de révolte, et ils verront, au contraire, que j'ai d'autant plus d'intérêt que le parlement se porte de lui-même à contenter le dit Roi, qu'il en aura la principale obligation à la bonne intelligence qui est entre moi et lui; et comme il ne seroit pas juste, qu'il tournât à son profit, et mit dans son épargne, les secours que je lui destine par les seuls motifs que je viens de vous écrire, il pourra toujours s'assurer de recevoir les mêmes marques de mon affection en cas que la nécessité de ses affaires l'oblige d'y avoir recours.

Tachez cependant de bien pénétrer quelles seront les négociations qui se feront à la cour où vous êtes, entre les Ministres du Roi, et les Ambassadeurs d'Hollande pour un traité d'alliance avec les Etats Généraux ; et prenez garde, qu'en agissant d'aussi bonne foi que je fais avec la cour où vous êtes, elle ne prenne ailleurs des engagements préjudiciables à mes intérêts.

M. Barillon au Roi.

14 Mai, 1685.

JE Je reçus hier, par un courier exprès, la dépêche de votre Majesté du 9o. Mai. J'aurai le soin que je dois, de ne rien faire au-delà de ce que V. M. me prescrit; je me contenterai de représenter à V. M. le fait comme il est, et de suivre ensuite ses ordres avec la dernière exactitude.

M. d'Avaux m'a envoyé la copie des lettres des Ambassadeurs d'Hollande au Pensionnaire Faigel du 29 Avril: ces lettres portent que Milord Rochester leur a parlé d'une manière qui leur donne des espérances d'une plus étroite liaison entre sa Majesté Britannique et les Etats Généraux. Je crois savoir positivement que la conférence dont il est fait mention dans ces lettres n'a point été tenue; et si on avoit dessein ici de jetter les fondements d'une plus étroite liaison entre sa Majesté Britannique et les Etats Généraux, ce ne seroit pas par une conférence des Ambassadeurs avec plusieurs ministres.

J'ai peine à croire aussi ce qui est porté par ces lettres, que Milord Preston ait été chargé de parler à V. M. sur le sujet de M. le Prince d'Orange. Le Roi d'Angleterre m'en auroit au moins dit quelque chose, s'il avoit envie

que ses offices eussent un bon succès; mais il me parle souvent comme ayant une grande défiance et fort bien fondée de la conduite et des intentions de M. le Prince d'Orange à son égard. Votre Majesté sait bien en quelle manière Milord Preston lui a parlé sur ce sujet du Prince d'Orange. Si cet endroit de la lettre des Ambassadeurs est faux, le reste pourroit bien l'être aussi.

Votre Majesté aura vu par les lettres que je me suis donné l'honneur de lui écrire, que je crois le Roi d'Angleterre dans toutes les dispositions possibles de conserver une étroite liaison avec Votre Majesté, et que c'est sur ce fondement que roulent tous ses desseins. Cependant, il est certain que toute l'application des Protestans zélés, et des partisans de M. le Prince d'Orange, est de le détacher des intérêts de V. M. On ne lui proposera rien d'abord qui y soit directement opposé; mais on voudra insensiblement le faire entrer en des mesures secrètes avec le Prince d'Orange seul, ou avec les Etats Généraux. Je ne pense pas qu'on en vienne à bout ; et je croirois plutôt que les Ambassadeurs d'Hollande se flattent, et prennent des discours généraux pour des paroles essentielles.

Les affaires du Parlement ne seront pas si faciles qu'on se l'étoit imaginé. Les esprits de ceux qui composent la Chambre des Communes paroissent disposés à accorder la jouissance des revenus. Mais il se fait tous les jours dans les cabales, de nouvelles propositions qui donneront de l'embarras à sa Majesté Britannique et à ses Ministres.

Il y a eu une chose agitée qui est de grande conséquence: l'opinion généralement répandue est, que Madame de Portsmouth et Milord Sunderland sont les principales causes de la liaison étroite qui a paru depuis quelques années entre V. M. et le feu Roy d'Angleterre. On les a vus, dans les derniers temps de son règne, avec tout le credit; on a vu même Milord Rochester déchu de faveur, et prêt à partir pour l'Irlande; cela fait que la principale haîne du passé tombe sur Milord Sunderland et sur Madame de Portsmouth, qu'on sait avoir agi en tout de concert. On y enveloppe aussi Milord Godolfin. Les factieux prétendent avoir été abandonnés par eux, et leur imputent tous les malheurs dont ils ont été accablés. Sur ce fondement le dessein est de proposer, dès que le Parlement sera assemblé, de chasser de la Chambre des Communes tous ceux qui ont été, dans les

autres parlements, d'exclure M. le Duc d'York de la succession. C'est une proposition spécieuse, et qui paroît pleine de respect et de zèle pour le Roy d'Angleterre ; mais le dessein en cela est d'aigrir les esprits de toute la nation contre lui, et de faire connoître (s'il y consent) qu'il n'oublie point ce qui a été fait contre ses intérêts, et qu'il a toujours envie de s'en venger. C'est aussi un degré pour attaquer ceux de la Chambre Haute qui ont été d'avis de son exclusion, et principalement Milord Sunderland et Milord Godolfin, qui ont traité de la part du feu, Roy avec les factieux, et qui les ont portés, en ce temps là, à insister sur une chose à laquelle ils les assuroient que le Prince consentiroit à la fin, si on faisoit sa condition bonne.

Il est fort apparent que ce projet est soutenu par des gens qui ne sont pas tout-à-fait hors des affaires. Milord Halifax a toujours une haîne fort vive contre Milord Sunderland, et anime sous main ceux qu'il avoit disposés à lui nuire.

Milord Sunderland a déjà parlé au Roy d'Angleterre pour prévenir le piége qu'on lui voudroit tendre sous prétexte de chasser ceux qu'on appelle les Exclusionnaires; mais si le moyen manque, on en tentera d'autres; et je crois savoir que Milord Sunderland sera fortement attaqué, tant par la haîne qui reste de lui de son ministère passé, que parce qu'on prévoit qu'il aura beaucoup de part à la confiance de son maître à l'avenir, si sa liaison subsiste avec V. M., et s'il persiste dans le dessein d'établir la religion Catholique. Je crois que Milord Rochester sera épargné au commencement par le Parlement. On le croit bon Protestant, et il est regardé comme protecteur 'du parti épiscopal: on le voit à la tête des affaires, et les finances entre les mains; il est, outre cela, beau-frère du Roy: on croiroit en l'attaquant, fournir à sa Majesté Britannique un prétexte de casser le Parlement. Mais on s'imagine pouvoir attaquer les autres ministres impunément, et que peutêtre Milord Rochester ne sera pas fâché de ce qui se passera contre ceux qui avoient prévalu sur lui dans les derniers temps, et qui l'avoient réduit à se retirer en Irlande.

Les Catholiques sont ouvertement pour Milord Sunderland: cela rendra encore les esprits de la Chambre Basse plus aisés à exciter contre lui; cependant il a fort bien servi le Roy d'Angleterre avant qu'il par vint à la couronne,

et il a travaillé si utilement à le faire venir d'Ecosse, et à le rétablir dans le conseil, et dans l'amirauté, que je ne crois pas que ce Prince l'abandonne, ni qu'il souffre que le Parlement commence par faire une chose aussi préju diciable à l'autorité royale, que le seroit celle d'attaquer les ministres.

Madame de Portsmouth croit aussi devoir être attaquée; cela l'oblige à presser son départ avant que le Parlement s'assemble. De la façon dont le Roy d'Angleterre m'a parlé sur son sujet, j'ai lieu de croire qu'elle sera contente de ce qu'il a résolu sur ses affaires.

V. M. peut juger par ce que j'ai l'honneur de lui mander, que les affaires ne seront pas si paisibles dans le Parlement qu'on se l'imagine. Il est vrai que les anciens factieux ne sont pas choisis; mais ceux qui composent le Parlement le deviendront aisément : ils ont presque tous une aversion insurmontable contre la religion Catholique, et la plupart sont ennemis de la France, et jaloux de la grandeur de V. M. Ils connoissent bien que du succès de cette séance dépend l'établissement des affaires de sa Majesté Britannique; c'est pourquoi on n'omettra rien pour lui susciter des embarras.

Il y a des avis que les Anglois réfugiés à Amsterdam veulent envoyer des armes en Ecosse, et ont pris des mesures sur cela; c'est l'endroit où il peut plus aisément arriver des désordres, aussi bien que dans le Nord de I'Irlande, qui joint presqu'à l'Ecosse. Le Roy d'Angleterre ne me paroit point inquiet de l'avenir, et croit venir à bout de tout aisément.

Les Ambassadeurs d'Hollande ont eu leur audience du Prince et de la Princesse de Dannemark. Ils m'ont rendu la première visite après la Maison royale. Selon ce qui m'est rapporté par quelques uns de leurs confidents, ils ne sont pas si contents qu'ils le témoignent par leurs lettres. Je ne laisserai pas de redoubler mes soins pour pénétrer ce qui se passera sur ce sujet.

Il vint hier de fort bonnes nouvelles d'Ecosse. Il a été question dans le Parlement, d'accorder à sa Majesté Britannique pour sa vie, les droits de l'excise et des coutumes qui avoient été concédés aussi au feu Roy pour sa vie. Non seulement cela a été fait, mais le Parlement a annexé ces mêmes droits à la couronne pour toujours. C'est le Duc d'Hamilton qui en a fait la proposition aux Seigneurs, et qui l'a fait réussir par son crédit dans le Parlement.

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